Les Liens du Destin

Les années passèrent… Neïla ne pardonna jamais les actes de son père ; tant ses périodes d’indifférence que son mépris, ses reproches injustifiés. Quant à lui, il vit sa fille s’éloigner. Lui supprimer ses pouvoirs fut la pire chose qu’il lui infligea. Il en avait tout à fait conscience, alors avec les années qui passèrent, il tenta de se rattraper comme il put en satisfaisant les demandes de Neïla. Il ne dit rien quand il la vit se rapprocher de ce jeune chasseur-sorcier, celui-là même qui lui apporta l’œuf de son dragon-zélok. Il ferma les yeux sur leur amitié. De même quand elle prit des amants.

 

Aëlys suivait Neïla partout, où l’une faisait un pas, l’autre faisait de même. Le jour où la benjamine entra dans la salle du trône pour la cérémonie de naissance de son zélok, tous les convives retinrent leur souffle. Tous avaient encore en mémoire la venue de ce dragonnet noir, la terreur suscitée par cette ombre surgit dont ils ne savaient où. Alors quand la coquille se fendit, le silence devint pesant. Quand une petite tête immaculée pointa hors de la cassure et regarda l’assemblée d’un œil bleu vif et curieux, tous poussèrent un soupir de soulagement. Le petit zélok se révéla blanc parsemé de minuscules taches bleu saphir tout comme le bout de son bec recourbé. La fête qui s’ensuivit parut aux yeux de Neïla comme autant de désir d’oublier la crainte que la naissance du sien avait suscitée. Aëlys héritait donc de pouvoirs magiques liés à l’air.

 

Pas une fois, il ne reprocha à sa cadette quoi que ce soit, ni les escapades de plusieurs jours dans les montagnes avec ce dragon noir qui terrifiait tous ses sujets, ni quand elle avait désiré recevoir un enseignement martial. Il accepta même qu’elle parte visiter leur monde. Tout, il lui passait tout, le moindre de ses caprices, mais rien ne les rapprochait pour autant. Alissandre en qui il avait une totale confiance l’accompagnait partout où elle se rendait, le jeune homme était devenu un dragonnier accompli et souvent, ils volaient en duo.

 

Adhrogan avait espéré longtemps que le fils de son frère adoptif finisse par lui demander la main de sa fille. La veille de son vingtième anniversaire, il espérait encore qu'Alissandre se déclarerait dès son retour. Le roi s’était même dit qu’il prendrait les choses en main et convoquerait son neveu dès son retour afin d’éclairer certains détails. Il était certain que Neïla et Alissandre nourrissaient de tendres sentiments l’un pour l’autre, et il était prêt à bénir une union entre ces jeunes gens. Hélas, ces maudits impériaux détruisirent tous ses espoirs. Depuis quelque temps, le souverain songeait à abdiquer en sa faveur et il se disait, malgré tout les griefs, les déceptions, les regrets qu'il avait pu éprouver envers sa fille, que celle-ci ferait une excellente reine… mais Sylas et son fils étaient apparus avant que tout cela ne soit réglé. Pourquoi donc étaient-ils venus, ce jour précisément ?

 

****

 

Neïla approchait de son vingtième anniversaire. L’adolescente un peu sauvage, parfois un peu maladroite, s’était muée en une ravissante jeune femme. Une jeune femme en quête de liberté qui dorénavant passait moins de temps au palais où elle retrouvait toujours avec plaisir sa petite sœur et ses deux cousins : Alissandre et Saura. Tous deux recueillirent les confidences de Neïla et apprirent avant tous les invités que son père annoncerait qu'il acceptait qu'elle devienne une dragonnière à part entière. Ces deux dernières années, elle avait passé beaucoup de temps auprès de ses dragons dans les monts volcaniques. Si elle ne pouvait plus utiliser de magie, Nidhügg s’était mis en tête de lui apprendre à reconnaître les plantes et toutes leurs capacités, celles qui guérissaient comme celles qui tuaient. Même Savin, le chasseur-sorcier qui lui avait donné son œuf de dragon-zélok, la voyait peu depuis ces derniers mois. Mais, lorsqu’elle lui avait demandé de l'accompagner lors de son prochain voyage, loin de Nylos, il avait pensé que la jeune femme, et lui-même, vivraient une existence loin du palais, peut-être même qu’ils visiteraient d’autres planètes comme le rêvait Neïla depuis des années. Cela avait été la condition fixée par le roi, si Alissandre ne se déclarait pas ou qu'il s'était trompé quant à leurs sentiments, il avait même songé à lui proposer de représenter la couronne dans le système solaire où se trouvaient leur planète et leurs alliés. Le monarque pensait que la jeune princesse aurait besoin d'un soutien et Savin paraissait être de bons conseils. Tout ce qu'il avait prévu venait de prendre un tout autre chemin.

 

****

 

Alors que Sylas et son fils héritier choisissaient des femmes au sein même de la cour royale ; Neïla restait abasourdie quelques instants tant la surprise était grande. Qui était ces étrangers ? Pourquoi devait-elle épouser cet inconnu ? Lui semblait tout connaître d’elle tandis qu’elle n’en savait rien. Pourquoi, avec qui sa petite sœur, une adolescente, allait-elle se marier ? Pourquoi personne ne disait rien ? Et son père pourquoi, lui, le roi gardait-il le silence ? Un mélange d’émotions grandissait en elle qu’elle maîtrisait si mal. Ce pouvoir sombre, violent qu’elle avait ressenti, quel était-il ? Un maelstrom de questions se bouscula dans sa tête. Neïla avait la sensation d’être au bord de l’explosion.

 

****

 

Dès le départ de ces étrangers, la princesse se précipita sur son père, furibonde.

— Père ! Pourquoi n’avez-vous rien dit ?

— Comment aurais-je pu ?

— Aëlys a juste seize ans, c’est encore une enfant ! Comment pouvez-vous la laisser épouser un de ces monstres ? Ce sont vraiment des impériaux ?

— Hélas oui, ma fille ! Je suis désolé, je ne pouvais rien faire, nous nous serions tous fait exterminer avant même de pouvoir bouger un sourcil.

— Mais nos mages… et si j’avais encore eu mes pouvoirs…

— Ma pauvre innocente, personne n’a jamais pu lutter contre leur magie… tu as senti, n’est-ce pas ?

— Oui, père… et elle pleura pour la première fois sur l’épaule de son père.

— Et si je me sauvais dans les montagnes.

— Ils te retrouveraient et tueraient sans doute tout le monde. Ce serait un bain de sang. j’ai les mains liées… je sais que j’ai déjà perdu mes deux enfants… je n'ose pas imaginer quel sort vous réserve la vie dans le palais de l’empereur mage.

— Les légendes sont donc réelles ?

— Oui, malheureusement… la plupart des gens ont oublié la réalité de ces histoires.

— Mais quel âge à l’empereur ?

— Plus que tu ne pourras jamais l’imaginer. Je dois t’avouer quelque chose… ta mère et la sorcière rouge, l’impératrice et la mère de ton futur époux, étaient très amies, je ne serais pas surpris qu’elles ne soient pas étrangères à tout cela, mais elles sont mortes toutes deux.

— Amies ? Ma mère était l’amie d’une impériale ? Mais, je croyais qu’ils ne venaient jamais ici ?

— Ta mère a souvent voyagé, son père était ambassadeur sur la planète d’où était originaire la future impératrice. La famille de ta mère était revenue sur Nylos depuis peu de temps quand l’empereur est venu chercher sa future épouse. Elle est bien l’une des seules femmes que l’on ait revues par la suite. Elle était là lorsque tu es née et que ta mère… est morte.

— Pourquoi ne pas m’en avoir parlé avant ?

Le roi haussa les épaules, il ne pensait pas en avoir vu la nécessité jusqu’à ce jour.

Et surtout, il ignorait tout de l’accord passé entre les deux amis.

— Va rejoindre ton ami ou un de tes amants… profites-en. Si ta sœur n’était pas si jeune, je lui aurais donné le même conseil. Au moins tu auras connu un peu de bonheur… avant de…

— Que dit-on, père, dites-le-moi !

— Les Impériaux ont plusieurs épouses. Le seul intérêt qu’ont les femmes, c'est d’enfanter… et d'assouvir leurs besoins libidineux. Ils volent les femmes sur d’autres planètes parce que les leurs ne peuvent pas procréer… il y a de cela des millénaires, l’un des premiers empereurs aurait passé un pacte avec un démon du nom de Lesthaël, il leur aurait donné une quasi-immortalité, une bonne partie de leurs pouvoirs, mais en échange, la stérilité de leurs femmes en serait la conséquence. C'est pourquoi leurs hommes vont chercher des femmes sur d’autres planètes. Sans vraiment leur demander leur avis.

— Oh misère !

Il la serra fort contre lui avec de nombreux regrets.

Neïla rejoignit sa chambre et se changea pour une robe plus simple. Elle enfila une tenue de laine fine de chèvres du mont des dragons. L’ensemble noir et rouge lui permettait plus de mouvements que celle qu’elle avait enfilée pour son anniversaire. Son ami lui avait chuchoté qu'il l’attendrait à côté d’une porte dérobée. Neïla le retrouva à l'endroit dit. Il la serra contre lui, jurant qu’ils trouveraient une solution. Puis, ils partirent pour le domicile de Savin, une maison modeste et confortable pas très loin de la tour aux dragons que l’on apercevait depuis les jardins royaux. Lorsqu’ils entrèrent, le jeune homme l'invita à s'asseoir sur l'un des sièges de son laboratoire où il concoctait ses potions.

— Peut-être que si tu étais déjà mariée, tu pourrais échapper à cette maudite union.

Neïla sembla réfléchir à ses propos et une idée lui vint, un souvenir de son enfance. Peut-être y aurait-il un moyen, mais pour l'heure, elle n'y croyait guère. Elle posa son manteau sur le fauteuil à côté du sien et s'installa face à la table où une multitude de flacons, d'herbes sèches, de champignons multicolores et de liquides étranges s'alignaient. Ils discutaient de chercher une solution. C'était le moment où jamais. Savin sans réfléchir davantage se pencha vers la princesse, prit son visage entre ses mains et l'embrassa. Neïla le repoussa.

— Mais qu'est-ce qui te prend ?

Le chasseur-sorcier ne sembla pas comprendre qu'elle le repoussait et se montra plus insistant.

— Arrête !

— Je ne t'imagine pas avec un autre, je ne veux pas te laisser partir. 

Les lèvres du jeune homme cherchèrent celles de la jeune femme qui tenta de le repousser, mais en vain, jamais, elle n'aurait pensé un seul instant que Savin nourrissait de tels sentiments et envie à son encontre. Pour elle, il n’était qu’un ami.

— Arrête ! Laisse-moi !

Alors que Neïla se débattait et tentait de repousser Savin de plus en plus entreprenant, Varad apparut au milieu de la vaste pièce sans que ses occupants s'en aperçoivent. D'un coup d'œil, il jaugea la situation : Neïla tentant d'échapper aux avances de Savin. Il la lâcha brutalement et posa ses mains sur sa gorge d’où un flot de sang s’échappait. Il la fixait, les yeux écarquillés de surprise. Une longue aiguille transperçait la gorge du nylosien de part en part.

— Savin ! ! ! hurla la jeune princesse en le dévisageant d’un air épouvanté.

Le jeune homme, sa main gauche sur son cou cherchait en vain de l'air, il n'eut même pas le temps de formuler une incantation qu'un gargouillis sanglant s'échappa de ses lèvres. L’Impérial enfonça une longue lame dans le cœur du sorcier. Le jeune homme s'écroula sur le sol, mort sous le regard horrifié de la princesse. Lorsqu’elle releva la tête, elle découvrit Varad.

Sans réfléchir, mue par l’instinct de survie, Neïla se jeta sur le meurtrier, le poignard offert par Alissandre à la main.

— Monstre !

Elle n’eut pas le temps de porter le coup de cette lame qu’elle portait tout le temps sur elle. Varad l’empoigna, l’air vibra encore une fois et ils se dématérialisèrent pour apparaître au sommet de la tour des dragons. Un doigt ganté de noir se posa sur ses lèvres.

— Chut ! Je viens de te sauver la vie Neïla.

— Mais !

Elle tenta de se dégager, mais la poigne d’acier de l’impérial l’en empêcha.

— Varad ! je m’appelle Varad !

— Tu es un monstre !

— Écoute-moi, petite princesse ! Je viens de te sauver la vie et celle de tous les tiens !

— Mais tu as tué m’…

— Justement ! Mon père s'apprêtait à te retrouver, pour je ne sais quelle lubie, parce que tu seras la prochaine impératrice dès son abdication. S'il t'avait trouvé avec un autre homme que ton père, tu étais morte, s'il apprenait que tu n'es plus vierge. Je ne donne pas cher de ta vie et des tiens !

— Mais Savin n’était qu'un ami ! Pourquoi as-tu fait ça ?

Un rire grinçant lui répondit.

— Ton cher ami s'apprêtait à prendre bien plus que ton amitié. Quand je suis arrivé, je n’avais pas l’impression que cet individu te demandait ton avis, il s’apprêtait à te prendre de force s’il l’avait fallu. je ne pouvais pas le permettre ! Il ne m'a pas semblé que la situation était à ton avantage.

Neïla regardait cet homme qui bientôt serait son mari, un homme qu’elle haïssait déjà. Un Impérial et un mage fort puissant à ne pas en douter, certainement plus que son empereur de père. Sous la capuche, elle ne percevait que deux points rouges semblables à des braises incandescentes. D'une main gantée, il rabattit sa capuche sur ses épaules. Une masse de cheveux ondulés d'un blanc immaculé retomba de part et d'autre d'un masque noir dissimulant son visage. D'un geste, il l'ôta et révéla ses traits légèrement anguleux. Pas dénués de charme, pensa la jeune fille en les découvrant. Il possédait une peau blanche comme tous ceux de son espèce, de grands yeux d’un rouge foncé et quand il parlait, elle entrevoyait une rangée de dents pointues et probablement fort aiguisées.

Quel monstre était-il ? Un démon ?

Varad l’observa avec attention. Il la trouva plus ravissante que ce qu’il en avait rapidement aperçu, mais cela n’avait aucune importance. Ce qui l’intéressait, c'était son pouvoir. Ce pouvoir qui renforcerait le sien, mais un détail clochait. Cette princesse semblait ignorer que leur destin était lié depuis longtemps… personne ne lui avait donc dit qu’un jour, elle serait sa femme ? Lui-même, avait gardé secret le vœu de sa mère comme elle l’avait exigé. Mais, il avait pensé que la famille de sa promise l’en aurait au moins informé, à moins que le roi lui-même ne soit pas au courant. Varad commençait à croire que les deux mères avaient décidé du sort de leurs enfants sans consulter leurs maris.

 

****

 

L’empereur avait été surpris de sa demande, mais c’était dit que son fils avait certainement ses raisons et ne lui en ferait pas part ; et de toute façon, il se fichait complètement des motivations de Varad. Ce serait l’occasion de ramener de nouvelles femelles. Lui-même était allé chercher la mère de ses enfants dans un des systèmes solaires les plus éloignés de sa planète. Il avait voulu le pouvoir d’une Sorcière Rouge alors pourquoi son fils n’épouserait-il pas une princesse dragon… De toute façon, il ferait sans doute ce que lui-même avait fait… épouser une femme dont la lignée de sorcières était puissante et pris une multitude de concubines pour enfanter des guerriers.

 

****

 

Nidhügg sentit tous les sentiments de sa protégée, la surprise, l’incompréhension puis la colère et la tristesse, mais également son désarroi. Le lien qui l’unissait à la nylosienne était bien plus puissant que ce qu’elle croyait. Il savait tout d’elle… plus même que son propre père. Il la sentait perdue, prise par un torrent d’émotions incontrôlables.

 

****

 

Varad ôta un de ses longs gants ornés de plaques métalliques et déposa une longue main fine sur la mâchoire de la jeune femme, elle fronça les sourcils, surprise d’un tel geste, elle tenta de le repousser en vain. Avant de la prendre par la taille, l'impérial rabattit sa capuche, dissimula ses traits sous son masque et les téléporta dans le vaisseau de l’empereur. Surprise tout d’abord, elle lui demanda.

— Mais je croyais l’empereur  parti ! Que faisons-nous ici ?

— Mon père désirait te voir, je crois qu’il voulait s’assurer de certaines choses, j’ai pris les devants et heureusement, comme je t’ai dit je t’ai sauvé la vie, lui murmura-t-il à l’oreille. Parti ? Non, il nous a fallu plus de trente jours de voyage, tu penses bien que Sylas n’allait pas rentrer et certainement pas laisser son héritier avec une poignée de guerriers.

— Des guerriers ?

— Ils ne sont là que pour assurer notre sécurité.

— À ce que j’en ai vu, vous n’en avez pas besoin.

— Ah vous voilà enfin, mais que s’est-il passé ? Il y a quelque chose que je devrais savoir ? retentit la voix autoritaire de l’empereur qui venait d’arriver sur les lieux.

Intimidée et quelque peu apeurée par le monarque, Neïla balbutia un « non » avant de reprendre ses esprits.

Varad saisit la jeune femme par le bras et la poussa sur le côté afin de faire face à son géniteur.

— Rien d’intéressant père !

— Hé ! Espèce de brut ! Elle se retourna vers l’empereur et lui apprit que son fils avait assassiné son ami. Pour vous, ce n’est peut-être rien, mais pour moi, il était l’homme qui m'a tout appris des dragons ! lança-t-elle sans réfléchir. On ne peut pas s’imposer ainsi et décider qu’on peut prendre une femme sous n’importe quel prétexte et en plus tué son ami. Mais, qu’est-ce que ces manies ?

— Tiens donc… l’empereur paru tout à coup fort intéressé par la jeune femme qu’il jugeait irrévérencieuse. Et, pourquoi donc as-tu tué ce jeune homme ? Je serais bien curieux d’en connaître les raisons.

Varad fulminait de l’intervention de celle qu’il s’était choisi et c’est d’un ton sec qu’il répondit à son père.

— Il se montrait incorrect !

L’empereur plissa les yeux et un rictus se dessina sur ses lèvres minces, tout dans son expression et sa manière de se tenir révélait sa colère. Furieux que son héritier soit déjà intervenu à son encontre au palais de ce petit roi nylosien, voici qu’en plus, il lui répondait. Il assena un soufflet magistral au prince.

— Parle-moi sur un autre ton, je suis ton empereur, ne l'oublie jamais ! Et, découvre-toi devant moi ! Sujet ! D’un geste sec, il décapuchonna Varad, son masque chuta et révéla un Varad tête nue, ses longs cheveux immaculés retombèrent en cascade sur ses épaules. Et, cesse donc d’apparaître devant moi, dissimulé comme tu le fais à la cour. Tu n’as rien à me cacher ! Tu n’es pas encore sur le trône ! Je peux te tuer quand il me plaira et choisir un autre héritier !

Neïla choquée par la violence et les paroles brutales de l’empereur, s’apprêtait à aider Varad à se relever, quand elle suspendit son geste. Elle le regarda, étonnée de voir que la couleur de ses iris avait changé, ils n’arboraient plus ce ton d’un rouge profond, mais paraissaient pâles, cerclés d'un bleu foncé comme ceux des autres impériaux. Elle ne dit rien, se ravisa et tendit la main vers cet impérial qui malgré son meurtre l’intriguait. Le prince ignora la main tendue de la jeune princesse et se releva, fier, et ne lui jeta même pas un regard, il recula et baissa la tête en signe d’humilité sans cependant quitter son père des yeux. Ils se jaugèrent quelques secondes.

D’une voix plus douce, il répondit à l’empereur-mage.

— Oui père. L’homme, je l’ai tué, car il se montrait incorrect avec ma future femme, j’ai jugé qu’il devait mourir.

— Incorrect ?

— Il avait des gestes déplacés, ma fiancée l’avait repoussé, mais il ne semblait pas comprendre, alors je l’ai tué, affirma Varad.

— Es-tu certain de ce que tu avances ? Puisque cette demoiselle est enfin ici, nous allons immédiatement vérifier que cette fille est encore pure. Il est hors de question que mon fils, mon héritier prenne une épouse qui ait déjà servi !

Neïla jeta un regard affolé à Varad mais celui-ci parut ne pas réagir et l’ignora.

— Soit, mais je suis certain de ce que j’avance… allons donc à l’infirmerie. Comme cela, nous en profiterons pour la scanner et envoyer ses mensurations pour sa tenue de cérémonie.

Varad fit signe à Neïla de suivre son père, quant à lui, il ferma la marche un peu en retrait afin de pouvoir psalmodier une courte incantation et que personne ne puisse voir le geste qu’il fit. La jeune princesse sentit une légère contraction alors qu’elle marchait vers son destin. Elle avait compris son erreur, hélas un peu trop tard. Pourtant, Varad l’avait prévenu. Il lui fallut toute sa maîtrise d’elle-même pour ne pas s’effondrer, elle chercha le contact mental de son dragon-zélok niché sur son épaule. Elle perçut comme un ronronnement rauque, réconfortant. Le médecin, un discret opposant à l'empereur, saisit la situation quand son regard croisa celui de Varad puis se porta sur la nylosienne. Il lui fit signe de se déshabiller afin de l'examiner. Neïla se déshabilla sans trembler même si elle était morte de honte de devoir se dévêtir ainsi devant des inconnus. Elle était trop fière pour le leur montrer. La jeune princesse s'allongea afin d'être inspectée, les mâchoires crispées, l'envie de se rebeller la démangeant. Elle se laissa ausculter sans faillir.

Le médecin releva le nez de son entre-cuisse puis confirma à l’empereur que la future épouse était toujours vierge. Quand la nylosienne se retourna vers Varad, légèrement en retrait derrière l’empereur, elle vit que ses iris avaient repris leurs couleurs carminées puisqu'elles changeaient de nouveau de teinte. L’homme de science l’installa devant un mur blanc et un rayon la balaya de la tête aux pieds. Une fois fait, elle put se rhabiller.

— Occupe-toi de cette femelle, je ne la veux plus dans mes pattes ! Ramène-la donc auprès de son père !

— Bien père !

Varad les téléporta aux portes du palais, mais avant de laisser Neïla partir, il la retint quelques instants par le bras.

— Ne donne aucun prétexte à mon père pour qu'il s'en prenne à toi et à ta famille. Oublie ton amant si tu en as un, tes amis !

— Mais pourquoi voulait-il me voir.

— Avec Sylas, on peut s’attendre à tout. Il se demandait si tu étais vierge et voulait s’en assurer, il s’apprêtait à aller te chercher, je l’ai devancé. Par chance, nous sommes liés et il m’est relativement aisé de te retrouver, ce qui n’est pas son cas, heureusement pour toi. 

Dès qu’elle se retrouva dans sa chambre, elle put enfin laisser libre cours à ses larmes. Tout était allé si vite. Ces impériaux qui avaient surgi et interrompu les festivités de son anniversaire. Le roi n’avait même pas eu le temps d’annoncer sa nomination ni de lui souhaiter un bon anniversaire. Sa vie avait brusquement basculé avec ce prince qui avait décidé de l’épouser sans même lui demander son avis ou même celle du roi. Sa petite sœur, sa cousine qui épouseraient-elles ? Comment pouvait-on vouloir faire d’une enfant une épouse ? Neïla était terrifiée à l’idée que sa petite sœur puisse se retrouver entre les mains d’un de ces monstres aux yeux pâles, à ces mages si étranges. Aëlys… était si jeune. À peine seize ans… et déjà promise à un impérial dont elle ignorait tout. Ce Varad l’intriguait et la terrifiait. Clairement, il cachait sa puissance à son propre père… Neïla se demandait ce qu’il avait bien pu faire pour que le médecin ne découvre pas qu’elle avait déjà eu des relations physiques. Pour finir la mort de Savin, un pan entier de son existence venait de disparaître sous ses yeux. Elle n’aurait même pas le droit de le pleurer, certes, le chasseur-sorcier s’était montré trop entreprenant à sa grande surprise, mais rien qu’elle ne pouvait gérer elle-même.

Nidhügg !

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Cléooo
Posté le 26/04/2024
Bonjour Nathy Lyall, j'espère que tu vas bien :)

Je viens de terminer à l'instant ce troisième chapitre, et j'ai pas mal de remontées à te faire.

Tout d'abord, j'ai trouvé une vraie rupture avec le rythme que tu avais jusqu'à présent employé, ce à partir du premier dialogue.
Je vais te lister mes remontées au compte-goutte :

Tout d'abord, la phrase d'entrée de ce chapitre, je trouve que le temps ne colle pas, ça donne plus l'impression, "bon, je vais pas m'arrêter là-dessus". Je mettrai directement le plus-que-parfait : "les années avaient passé et Neïla n'avait jamais pardonné à son père ce qu'il lui avait fait. Quant à lui, il se sentait coupable..."

Ensuite, on avance dans l'histoire et sur ce qu'il se passe dans le temps présent, c'est plutôt bien.
Juste un détail :
" il espérait encore qu'Alissandre se déclarerait dès son retour et ces maudits impériaux avaient détruit tous ses espoirs tandis que le roi s'était dit que si son neveu ne se déclarait pas dès qu'il reviendrait de son voyage," -> passage un peu lourd je pense, un peu redondant.

Et à partir de là, tu m'as perdue :
"Dès le départ de ces étrangers, la princesse se précipita sur son père, furibonde.
— Père ! Pourquoi n’avez-vous rien dit ?
— Comment aurais-je pu ?
— Aëlys a juste seize ans, c’est encore une enfant ! Comment pouvez-vous la laisser épouser un de ces monstres ? Ce sont vraiment des impériaux ?"
-> malgré plusieurs relectures de ce passage, je n'ai pas compris. Cela faisait un moment que je n'avais pas lu, mais ça m'a perdu, complètement.
Les questions que je me pose au moment où je lis ce passage : pourquoi dit-elle que sa soeur n'a que 16 ans, et qu'ensuite Neïla veut se sauver dans les montagnes ? Qui sont ces étrangers venus de nul part dont on n'a pas parlé du tout dans le paragraphe précédent ? Pourquoi ensuite parle-t-on du futur époux de Neïla sans même avoir avancé le fait qu'elle allait se marier (hop, je suis retournée voir ton prologue)...
Je crois que toute cette scène pourrait être grandement améliorée par un passage narratif en amont. Parce que là on passe du fait que le père de Neïla espère que Alissandre va la demander en mariage avant qu'elle se retrouve brusquement mariée de force à un autre.

Détail :
" il leur aurait donné une quasi-immortalité, une bonne partie de leurs pouvoirs, mais en échange, la stérilité de leurs femmes en serait la raison." -> une conséquence, plutôt qu'une raison ?

Une arrivée surprenante ici, mais pas dans le bon sens. Je la trouve un peu incohérente :
"Varad apparut au milieu de la vaste pièce sans que ses occupants s'en aperçoivent, d'un coup d'œil, il jugea de la situation, Neïla tentant d'échapper aux avances de Savin. Ils n'eurent pas le temps de réagir qu'une longue aiguille transperçait la gorge du nylosien de part en part." là encore, arrivée d'un personnage qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Je ne note pas de changement dans le ton narratif, comme si la chose était tout à fait normal.

Ce passage :
"L’empereur avait été surpris de sa demande, mais c’était dit, pourquoi pas." -> tu utilises un langage assez soutenu en général, et le "il s'était dit pourquoi pas" détone un peu, et après quand on "rencontre" l'empereur, ça semble sacrément jurer avec son caractère, parce que là je m'imagine quelqu'un de tranquille qui ne s'occupe pas trop des affaires de ses enfants, mais la suite m'a prouvé que pas du tout.

Téléportation :
"Surprise tout d’abord, elle lui demanda.
— Mais je le croyais parti !" -> elle lui demanda quoi ?

Pourquoi, cette téléportation en fait ?
"Varad les téléporta aux portes du palais, mais avant de laisser Neïla partir, il la retint quelques instants par le bras." -> quel était l'intérêt de les téléporter au vaisseau en premier lieu ?
Je comprends l'intérêt scénaristique, tu veux présenter l'empereur, mais par contre je ne trouve pas de vrai sens, au sein de l'histoire, à la réaction de Varad. Il l'aurait directement ramenée aux portes du palais que ça n'aurait pas été différent, surtout qu'il semblait vouloir cacher à son père qu'elle n'était pas vierge... Il l'a un peu jeté dans la gueule du loup juste pour lui faire un coup de charme en la protégeant et en faisant croire à son père qu'elle était effectivement vierge ?

Pour la fin :
"Elle n’aurait même pas le droit de le pleurer, certes, le chasseur-sorcier se montrait trop entreprenant à sa grande surprise, mais rien qu’elle ne pouvait gérer elle-même." -> s'était montré trop entreprenant ? Puisqu'il est mort.

Voilà donc je t'avoue que j'ai moins apprécié ce chapitre au global. Je crois que tu pourrais l'améliorer grandement en présentant mieux ton événement déclencheur, parce que là je le trouve "jeté" sans être expliqué.
C'est dommage parce que tu avais donné un bon rythme, calme et très détaillé dans tes deux premiers chapitres, et j'ai l'impression que celui-ci est bien moins aboutit.

N'hésite pas à me dire s'il y a des choses sur lesquelles tu n'es pas d'accord ou que j'aurais mal compris, et en attendant, bon courage pour la suite :)
À bientôt!
Nathy Lyall
Posté le 28/04/2024
Non, non c'est bon. L'avantage de se faire lire c'est que nous, en tant qu'auteur, on connaît l'histoire tandis que le lecteur non, donc lui, il est à même de montrer où ça pèche.
Nathy Lyall
Posté le 28/04/2024
J'ai mis à jour le chapitre.
Cléooo
Posté le 28/04/2024
Ça marche ! Sans que je relise tout maintenant (parce que là il est un peu tard) c'est quel(s) passage(s) que tu as ciblé ?
Nathy Lyall
Posté le 29/04/2024
Tout ce que tu as relevé.
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