Les portes de la rédemption

Par Bruns

L’homme en noir, Tulsa 

31 mai 1921 

* * *      10      * * * 

Mama, take this badge off of me 

I can't use it anymore 
It's gettin' dark, too dark to see 
I feel I'm knockin' on heaven's door 

Dylan  

* * * 

 

 

 

J’entre dans le Blacksnake Tavern. il est tôt, personne au bar, personne dans la salle. Il n’y a que le barman, appuyé au bout de son comptoir, qui lit le journal du matin. Il est clair que ce Honkytonk n’est pas tout jeune et qu’il a dû voir passer des soirées arrosées. La pièce est sombre et assez intime. Pour une salle de concert elle est petite et ne pourrait contenir qu’une cinquantaine de personnes, à condition que l’on retire la quinzaine de tables rondes entourées de chaises en bois dispersées sans ordre. Tout au fond, une scène faiblement éclairée trône sur toute la longueur de la pièce. Sur le bar les pompes à bières manuelles sont superbement décorées de poignées nacrées. Elles jurent avec la sobriété du lieu. Le comptoir fait barrage entre la salle et le mur remplit de verres et de bouteilles. La décoration est inexistante. Quelques photos de concerts, quelques lampes vertes qui créent un éclairage surnaturel à certains endroits et laissent des zones ombragées dans cette pièce hors du temps. 

L’ambiance est bizarre, presque mystique. J’ai fréquenté quelques bars, partout aux quatre coins des Etats-Unis. J’en comprends les codes et j’y suis comme chez moi. Mais ici c’est différent. La ville avait déjà paru ancienne. Le chef de gare avait un costume des années vingt. Les quelques voitures que j’avais vues en ville étaient également passées de mode. Mais ce lieu est déstabilisant, trop ancien, anachronique, sans référence ! 

Au fond du bar, le serveur lève la tête de son journal et m’observe. 

« Bon, mon gars, me dis-je, tu es arrivé jusqu’ici, maintenant il faut profiter ! » 

Cette taverne est un lieu magnifique pour y perdre son âme ! Enfer ou paradis ? J’aurai bientôt la réponse.  

 

Alors je me dirige vers le bar. A nouveau accompagné par le rythme du claquement de mes bottes en peau de serpent qui frappent le plancher. Chaque pas provoque un fort claquement de talon suivit d’un frottement de semelle, une pause, et l’autre pied prend le relais. Je marche lentement et écoute chacun de mes pas me guider vers ce bar.  J’ai toujours aimé ce bruit de botte qui m’accompagne partout où je vais. Ce rythme raisonne en moi et vibre avec les battements de mon cœur. Ce rythme à quatre temps, croche-croche-soupir, croche-croche-soupir, ronflement d’un train, qui avance lentement, fort, puissant et régulier. Rien ne peut l’arrêter, … sauf … le bar ! 

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