LES QUATRE AMIS 4
Quand Débrouillarde fut fermement amarrée et entravée, Moustikos, le plus jeune Mousse abaissa la passerelle vers la terre ferme.
Dann descendit le premier, vêtu d’une veste et d’un pantalon en cuir de couleur marine. Des bracelets aux éclats d’or brillaient à ses poignets et ses mains puissantes étaient gantées de cuir. De stature moyenne, mais très carré d’épaules, il en imposait ! Sa démarche, toujours franche et rapide forçait le respect. Il sauta à terre, ses bottes aux talons ferrés résonnaient sur les dalles de granite. Accrochée à son ceinturon en écaille de serpent, il avait glissé La Curieuse, sa longue vue en cuivre doré. Et il portait en toute occasion cette fameuse casquette que bien des marins lui enviaient. Transmise de génération en génération par les gens de mer, il l’arborait avec fierté. Il savait que lui aussi, un jour, il la transmettrait…
Escogrif, son Second, aussi haut qu’un échalas, lui emboîtait le pas. Son habit noir et son chapeau à large bord le faisaient paraître encore plus grand. Il portait sur la taille un baudrier en cuir dans lequel il enfilait Mamlook, son très long sabre bien droit. Autour de son cou, fixé sur un lacet rouge, un sifflet en argent s’y balançait. Il avait bricolé en haut de ses manches, de drôles d’épaulettes recouvertes d’un filet rembourré de coton laineux. Il embarquait toujours avec Lili et Djo, perchés de chaque côté et posés sur ses épaules, heureux de s’y agripper. Les deux petites mouettes obéissaient à leur ami au son strident du sifflet. Lili, au plumage blanc immaculé portait, très coquette, un collier de duvet noir tourmaline autour du cou. Quant à Djo, des plumes argentées bordaient ses ailes et une minuscule étoile dorée semblait briller au milieu de son front.
Escogrif était un peu bizarre ! On chuchotait souvent sur son cas, et pour autant, personne ne se moquait de lui. Certains disaient qu’il était né d’un œuf géant ! En effet, à la place des pieds, il possédait deux belles pattes d’aigle et sous son large chapeau dépassaient parfois quelques plumes couleur d’ébène ! Quelle étrange condition ! Lui-même ne savait pas pourquoi. Mais le temps passant, il s’était fait une raison. Et somme toute, à cette différence étonnante, il n’y trouvait désormais que des avantages…
Lili et Djo, les deux mouettes, elle la fille et lui le garçon, s’ancraient toujours sur ses épaulettes. Il y avait bien longtemps, on les avait trouvés tout petits, perdus et transis de froid au creux d’une forte houle en pleine tempête. Escogrif les avaient repêchés dans les vagues écumantes et il les avait précautionneusement séchés et bien réchauffés. Petit à petit, tout en les nourrissant, il les apprivoisait. Et de jour en jour des liens d’amitié s’étaient créés. Désormais, tous trois inséparables, ils formaient une famille unie qui faisait plaisir à voir.
Bien sûr Lili et Djo savaient voler. Ils étaient même des champions de haut vol. Lili, plutôt tranquille, devait souvent calmer et raisonner son ami trop turbulent. Ils pirouettaient tous deux dans le ciel en amusant l’équipage, sous l’œil attendri et comblé du Second.
Mais sur le quai de Cherpoule, dans la nuit froide et triste, seule Lili désormais accompagnait Escogrif.