Les rues sont humides, les bancs sont visqueux ; dans le ciel d’un noir profond la Lune essaie de sortir, d’illuminer la place. Elle se découpe avec difficulté, sa forme ronde et lisse essaie de s’égermer de cette noirceur parsemée de filament gris. Des fumées acres s’échappent des cheminées de briques rouges, l’air froid vient accompagner les rues nébuleuses. L’humidité submerge les pavés gris.
Des balcons perlent des gouttes de nacres aux reflets des réverbères, chacune de ces perles vient s’éclater sur la dalle de pierre, créant un hymne à la Lune. Mon manteau rouge accueille dans ses poches mes mains glacées, créant une tache dans ce tableau parfaitement peint des couleurs nocturnes. Je m’égare dans ces rues, attachant un regard distrait aux vitrines lumineuses, décorés de grelots ou de tableaux. En passant devant un antiquaire, j’ai vu mon reflet dans un grand miroir sculpté dans la pierre. Il était ovale, imposant, reflétant ma mine blanche accompagné de mon manteau rouge. Mon souffle s’y reflétait également, lorsqu’un homme est venu s’ajouter au tableau, j’ai fui rejoindre les rues humides éclairées par la Lune.
Les cafés s’animent, les tables sont pleines, la fumée du tabac s’échappe rejoignant celle des cheminées, parsemant le ciel. Après avoir fait le tour ils viennent effleurer la Lune, celle-ci remue délicatement avant d’éternuer avec fracas. Personne ne l’entend, on confond ce bruit avec la cacophonie des voitures des rues d’en bas, elles laissent des traits rouges sur leurs passages. Les visages des conducteurs sont flous, d’autres maussades. Mettant perdue dans les rues, je remonte, glissant sur le trottoir, patinant devant les cafés et les vitrines. Un flot d’image vient colorer ma rétine, elle se noie au milieu des illuminations, tandis qu’étourdit je continue ma traversée.
Il est vingt heures ma course s’achève, je rentre dans le tunnel illuminé, on me parle je dois vous laisser. N’oubliez pas la Lune, elle se sent seule sans le soleil.