– Une question pour une question ?
– Vas-y.
Mathys et Clémence étaient allongés dans les ruines de l’ancienne gare, côte à côte. Malgré les heures passées ensemble, ils étaient encore des étrangers. L’adolescente se demandait souvent pourquoi ce quasi-inconnu était venu la première fois, pourtant, il était là. À chaque fois. Il parlait peu, préférant contempler le ciel, tantôt bleu électrique, tantôt noir d’encre. Clémence devait se contenter de sa présence.
– Quelle est ta couleur préférée ?
L’adolescent tourna brusquement la tête vers elle, surpris.
– Je sais pas, grommela-t-il.
– Une que tu aimes bien, alors.
– Le noir.
Un silence. Clémence n’osa pas le briser, déçue que sa tentative de communiquer ait échoué.
– C’est mon tour, c’est ça ?
Soulagée, la jeune fille hocha la tête. Il réfléchit longtemps avant de lui demander, timide.
– Tu fais du sport ?
Mathys avait murmuré sa question du bout des lèvres ; on aurait dit qu’il avait peur de réveiller les étoiles qui brillaient tout là-haut.
– Je vais souvent courir le matin. Il paraît que tu joues de la guitare ?
– Ouais. Depuis neuf ans. Toi du piano, c’est juste ?
– Oui.
– Combientième examen ?
Ses yeux étaient fixés sur Clémence, en attente d’une réponse. Elle rit doucement dans la nuit.
– J’ai appris avec ma grand-mère… C’est ma première année au conservatoire. Pas d’examen, du coup.
– C’est stylé.
– Ouais, souffla-t-elle.
C’était la plus longue conversation qu’ils aient jamais eue, et Clémence avait peur qu’il se renferme. Mais la curiosité l’emporta.
– Tu as des animaux de compagnie ?
– Oui, deux chats, et toi ? répondit Mathys.
Il ne l’avait pas remarqué, mais un léger sourire étirait ses lèvres.
– Pareil !
Clémence hésita avant de poursuivre.
– C’est ton tour.
– Ah, oui. Attends, je réfléchis. Tu aimerais partir où ?
– Je sais pas… Au Nord, sans doute. La Norvège, la Suède… Quelque part sous la neige.
Mathys hocha imperceptiblement la tête. Il contemplait le croissant de la lune qui brillait faiblement, les mains croisées sur son ventre.
– C’est quoi ta plus grande peur ? demanda-t-elle.
– Aucune idée. Et toi ?
– Être vide.
Elle avait parlé sans réfléchir.
– Pourquoi ?
Clémence observa les environs, évitant à tout prix de croiser son regard. Il y avait de la poussière partout, des briques traînaient çà et là. Les barreaux jaunes d’une grue de chantier reflétaient la lumière des réverbères de la ville. Au loin, une voiture fit crisser ses freins.
– Il y a eu une période dans ma vie où je n’allais pas bien, et c’est comme si… je ne ressentais plus rien.
– Mais ça va mieux maintenant ?
– Oui. Heureusement.
– Ben, c’est carré alors.
Le cœur de Clémence battait violemment. Elle n’avait parlé à personne d’autre de ce vide, mais Mathys… L’adolescente le connaissait à peine, et pourtant, elle avait confiance en lui. Il mettait son cœur à nu, faisait tomber ses barrières. Avec lui, elle avait peur tout en se sentant en sécurité.
– Tu as peur de la mort ?
Il regardait les constellations, mais Clémence perçut sa curiosité.
– Non. Et toi ?
– Non plus. En fait, j’y pense pas, ajouta-t-il après un silence.
– Tu ferais quoi s’il ne te restait qu’une journée à vivre ?
Mathys ne prit même pas le temps de réfléchir. Ce n’était pourtant pas une question à laquelle on pense à la légère.
– J’irais voir ma famille et mes amis, je pense. Et toi ?
Clémence détourna les yeux. Elle aurait pu mentir, mais ce n’était pas dans ses habitudes. Les étoiles lui adressèrent un sourire encourageant.
– Je te demanderais de venir ici pour répondre encore aux milles questions que j’ai sur toi. Je voudrais connaître ton pire défaut et l’aimer quand même. Je voudrais rire en entendant la pire connerie que tu aies faite, pleurer avec toi en pansant nos blessures. Comme ça, je pourrai mourir tranquille. Parce que tu te verras comme moi, je te vois.
Sinon, même si je suis persuadée de pas avoir tout compris, ça fait quand mêmd mal ET bien aux feels, cette petite collection !
Ça me touche en plein coeur. Pas besoin de tout comprendre, si ça fait ressentir des choses. Et le vide finit par disparaître... Promis. Clémence aussi pourras te le confirmer. Il faut "juste" garder espoir. Bon courage, et merci pour tout 💖