On croirait des fourmis grèges au-delà du mur en pierre, comme au-delà de la conscience fugace. Un lierre immuable, jusqu’à l'oubli de la poussière, quand l’éternité aura dévoré les jambes des minutes, même Dieu ne se souviendra plus des croix d’antan, ni de l'eau sur le visage hâve des saisons.
Mais combien de temps nous reste-t-il ?
Le temps d'une prière au moins.
Aujourd’hui, comme chaque jour qui passe, le ciel de poudre noir renaît dans les cratères de nos mémoires. Il enveloppe le brin d’herbe qui avait reconquis les ruines froides des millénaires et nous, nous restons ainsi, pendant un court instant, prostrés dans le silence de l’éclair, sans oser bouger… même un doigt, craignant l’exil de nos souvenirs ou le bagne pour le cri du ciel.
Qu’adviendra-t-il des troncs d’arbres morts qui jonchent le sol de souhait blanc ?
Vivront-ils à nouveau, bien plus tard, quand nos fronts se seront unis à la falaise et à l’écume ?
Jamais. Jamais.
Verdun
Je viens de finir de lire les poèmes qui composent, pour l'heure, votre recueil. Tout me plaît. Je me demande déjà pourquoi ces poèmes ne sont pas étudiés à l'école, déclamés dans la rue, tagués sur le crépi des tours, appris par cœur par les meilleurs lecteurs. Je me demande pourquoi la poésie est si communément vue comme un artéfact, une relique du passé à laquelle seuls quelques nostalgiques rendent grâce, par fétichisme ou bonté d'âme. Je me demande pourquoi la poésie a ce pouvoir immense sur les êtres. Je me demande pourquoi elle reste malgré ça un art confidentiel. Vos constructions sont souvent propices à des lectures à voix haute : la musique et le rythme, la redondance bien sûr de phrases ou de motifs. C'est la poésie musicale qui est la plus jolie. Et du reste, ces images, si fortes, si limpides et si neuves laissent une trace indélébile aux yeux vierges qui les parcourent. Si j'étais taquin, et je le suis un peu, je vous dirais pour finir : merci d'avoir fait l'amour avec mes sens.
C'est vrai qu'on attribue trop bêtement la poésie a quelque chose de ringard mais j'ai l'impression qu'elle regagne en popularité parce qu'on a besoin de se débarrasser de toutes nos peurs et angoisses et quand on ose pas parler, on écrit (au vu de l'époque que nous traversons)