Les trois âges du silence

Par Beatrix
Notes de l’auteur : Encore une façon, sans doute, d'ostraciser un certain malaise. Il n'est pas sûr que ce soit la meilleure façon, mais au final, ça devient un exercice intéressant pour l'esprit. N'est-ce pas ce qui compte ? 
Quand le silence est jeune, il est fragile, friable, il résonne d’échos sibilants, de particules parasites qui tournoient comme des poussières dans un rayon de soleil. Un son, un seul, peut le faire voler en éclats. Quand le silence est jeune, comme un papillon aux ailes éthérées, il peut venir se poser, inattendu, précieux, au coin d'un sourire, au détour d'un regard. Quand le silence est jeune, il peut se révéler maladroit,  cruel parfois, mais il ne se s'attarde jamais assez longtemps pour qu'on puisse l'en blâmer.Quand le silence est adulte, c'est un être fantasque, un dieu à deux faces. Il porte parfois le visage d'un gentilhomme raffiné, aux gestes élégants, aux actes délibérés, qui se pare des précieux échos d'une parole vibrante, d'une musique ensorcelante ; ou d'un compagnon discret, délicat, qui porte sur ses épaules le fardeau d'émotions trop violentes, trop troublantes pour le cœur fragile des mortels. Mais son autre visage est celui d'un tyran, d'un maître intraitable et malveillant, qui impose une loi inflexible, qui ostracise, bannit, emprisonne sans jugement ni procès. Quand le silence est vieux, il est épais, apathique, routinier ; il se fait chaque jour un peu plus pesant, comme chargé d'une neige invisible.  Quand le silence est vieux, il n'est pas tout à fait l'oubli, car on le remarque encore ; il n'est pas tout à fait la mort, parce qu'on peut encore le chasser. Mais l'idée de rébellion devient chaque jour, chaque heure, chaque seconde plus irréalisable, plus impensable, plus chimérique.  Quand le silence est vieux, il avance à pas pesants, entraînant avec lui la foule pâle de ses vassaux vers le néant. 
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Fannie
Posté le 13/01/2020
Encore une fois, c’est un changement de perspective pour moi. Je percevais toutes sortes de silences, du silence apaisant au silence angoissant de l’isolement, en passant par le silence complice, le silence agressif et bien d’autres variantes. Mais jamais je n’avais eu l’idée de lui donner un âge.
J’aime beaucoup le passage « il se fait chaque jour un peu plus pesant, comme chargé d'une neige invisible ».
Beatrix
Posté le 13/02/2020
Merci à toi ! J'aime toujours autant ce texte... ^^
ayoyaris
Posté le 04/11/2013
silence.
Mais déjà, par ce mot, ce simple commentaire, je le brise.Le silence est fragile, mais peut pourtant être si dur quand il nous tient.
Le silence peut parfois être un des sons les plus durs à entendre.
Beatrix
Posté le 04/11/2013
... Et c'est son plus grand paradoxe !
Merci à toi ! :) 
Seja Administratrice
Posté le 26/01/2012
Encore une fois, je suis admirative devant ce petit fragment. Les images qui naissent sur la rétine en parcourant les mots sont belles. Belles et très justes.
Merci pour ce petit moment de lecture <3
Beatrix
Posté le 26/01/2012
Merci beaucoup pour ton commentaire. Ca a été écrit assez vite, donc je n'étais pas vraiment sûre que ça pouvait viser juste.  :)
Diogene
Posté le 12/12/2013
Le silence est malheur, le silence est bonheur, le silence est cruel, le silence est duel. Paradoxe vivant que l'on appelle de nos voeux dans les pires moment, que l'on repousse dans les vieux moments. Un beau silence se teinte dans ces mots, hommage au plus muet d'entre eux.
Encore bravo.
Beatrix
Posté le 13/02/2020
Je ne t'ai jamais répondu ? Oups ! Voilà qui est fait ! Merci Dio ! :)
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