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Très chère dame,
Je ne sais moi-même que répondre à votre missive, qui aborde autant de points critiques que de raisons de me séparer de vous. A votre instar, j’ai moi-même dû relire nombre de fois votre lettre, avant de pouvoir trouver les mots justes ; qui me fuient à présent que la bille court sur ce papier quadrillé. Vous semblez parfaitement saisir les reproches que je nourris à votre égard, aussi que puis-je ajouter ?
Quoi que vous puissiez en penser, vos ébats impudiques et contre-nature ont toujours répugné l’homme simple que je suis. Je nie toute implication dans vos faits, tant en actes qu’en pensées. N’avez-vous pas toujours cherché à vous soustraire à mon emprise, en agissant contre mon idée ? Jamais encore vous n’avez eu de respect pour la moindre de mes décisions, n’attendez pas aujourd’hui que je vous désigne une route que vous détourneriez à votre gré.
J’ai préféré mettre fin à tout ceci avant que votre amour irraisonné pour la chair ne vienne entacher ma propre vertu. Votre simple existence met déjà en péril ma noble image, faute en est des artifices d’une dépravation que je ne vous ai jamais souhaitée. Vous dérogiez à mes plans, vendant votre âme comme menue monnaie pour une vie de débauche. Est-ce vraiment cela que vous escomptiez, lorsque vous avez dénigré mes ordres ?
Je ne puis comprendre que vous veniez me supplier tandis que votre vie se résume à un triste naufrage. Ne l’avez-vous pas mérité ? N’est-il pas trop tard pour reconnaître la sagesse de mes intentions ? Votre vie n’était guère facile, il est vrai, mais c’est vous-même qui l’avez dévoyée, l’enlisant aveuglément, effrontément, jusqu’à son état actuel. J’ai tâché de vous remettre sur le droit chemin, de toutes les façons possibles, mais toujours vous avez refusé ces mains tendues, sombrant plus encore dans vos travers. Qu’y puis-je, aujourd’hui ? Vous ne m’écoutiez pas hier, m’écouteriez-vous donc demain ?
Je n’ai pas la patience de vous aider une nouvelle fois, pour voir mes conseils ignorés. Je n’ai pas le courage de reprendre votre vie en main, ni même l’envie de le faire. Les tracasseries incessantes sur votre devenir, les réflexions stériles sur votre avenir, tout cela est révolu. Ce lien dont vous parlez, je l’ai brisé le jour où j’ai décidé de vous abandonner à votre sort. Il était bien faible, voyez. Ne croyez pas qu’il en subsiste autre chose que cendres et poussière ; ou tout juste. Il suffit que je jette enfin ces mots dans les flammes. Je suis retourné à ma vie, à mon présent, et les mémoires de votre passé ont fini au fond d’un tiroir, sous une pile de vieux CD.
C’est là tout ce que je veux vous accorder dorénavant. Vous avez été tout près de détruire ma vie, mais je refuse de vous laisser faire. Je ne serai plus ni votre maître ni votre esclave. Vous avez trop longtemps hanté mon esprit, au mépris de toute autre chose.
Il faudrait être fou pour revenir à vous.
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