Tes cadeaux de mariage ont été reçus avec plaisir. Mon châle est de toute beauté ; la soie me tiendra chaud cet hiver, et Knut me charge de te remercier pour ses nouveaux gants. La taille lui va à merveille.
Le mariage a été une totale réussite, de l’avis de tous. D’abord, il a fait parfaitement beau, un fait rare en cette saison. J’avais une robe rouge faite sur mesure et commandée à Upland ; il portait un costume d’un bleu profond. Le banquet de mariage avait été installé dans le champ de la famille du marié. J’aurais tellement aimé que tu puisses voir ça. Nous avons eu un véritable festin. Erika avait abattu deux cochons. Nous avons fourni les rennes que j’avais achetés cet hiver et du poisson. La volaille était commune. Avec ça, du vin, des noix, des légumes, des fruits frais et des gâteaux variés.
La procession a été joyeuse, accompagnée de violons et de flûtes. Ma mère a accueilli Erika et Knut sur le pas de la porte. Il a offert des gâteaux au miel et du vin aux esprits du foyer. Nous avons échangé nos anneaux. Les parents ont été chaleureusement remerciés et sont rentrés chez eux. J’ai cru voir Erika retenir ses larmes. Elle a toujours été proche de son fils.
À toi, je peux le dire. J’étais déjà enceinte à ce moment ; heureusement la robe était suffisamment lâche pour ne point me gêner. J’ai été un peu malade, mais me remet parfaitement. Notre bébé devrait naître en fin d’été, alors que les jours raccourcissent et que nous commençons à rentrer les vaches. Mère prétend que c’est une bonne période. Les champs demandent pourtant encore du travail et je crains de ne pouvoir nourrir mon enfant moi-même. Je sais que mère a pris une nourrice pour moi et que tout s’est bien passé. C’est une crainte ridicule, mais contre laquelle je ne peux rien. Viendras-tu voir ta nièce ou ton neveu ? Si c’est un fils, nous l’appellerons Claude. Nous ne nous entendons pas pour une fille. Knut voudrait la nommer Helvig, du nom de sa grand-mère maternelle ; je campe sur Solveig. Mélanger les deux serait trop long. Pour le moment, nous ne parvenons pas à un accord. Qu’en penses-tu ?
J’ai été déçue de voir que ta série était déjà terminée ; mais il faut dire que tu avais atteint le bout du sujet. Je ne peux pas croire ce que tu m’écris au sujet de Mlle Langlois. Et elle a détruit une amitié vieille de plus de vingt-cinq ans par-dessus le marché ! Je savais bien que cette femme n’avait aucun principe, et d’ailleurs je te l’ai souvent répété, mais tu refusais de me croire. Que cela te serve de leçon pour l’avenir. Tu es trop confiant, Axel.
Malgré cette déception, bonne chance pour ton nouveau travail. Tu vas donc voit du pays ! Envoie-moi de tes nouvelles en province, ça me distraira. Comment est cette Madame de Manze ?
Avec toute mon affection,
Edna Ingasdottir von Sommarland