( L’ex encombrant )

Notes de l’auteur :  
Yann, tout un poème, sarcastique, cynique, chiant, attirant, marrant, curieux, envahissant, têtu, beaucoup d'adjectifs lui collent à la peau. Sont-ils suffisant pour expliquer les raisons pour lesquelles Gabriel lui en veut tellement ?

- Ce n'est pas ce que tu crois, grâce à lui j'y vois beaucoup plus clair pour prendre mes décisions. Il n'est pas comme tu l'imagines.

- Comme j’l'imagine ? Tu penses connaître Yann mieux qu'moi ? Tu crois pouvoir m'apprendre des choses sur lui ? Tu l'as vu combien d'temps ?

- Je me doute de ce que tu vas dire, mais parfois lorsqu'on a le nez dessus on ne voit plus très bien.

- Ecoute-moi bien, j'ai confiance en toi, vraiment, qu'tu tiennes à m'montrer à un moment ou un autre comment tu chantes, bha ch'uis certain que si j'veux pas, tu m'comprendras. Nous n'nous disput'ront pas pour ça.

- Mais tu crois que Yann se dit le contraire et que ça l'arrangerait qu'on s'engueule !

- Non, pas du tout. Yann n'est pas méchant, c't'un poison, mais un poison sans l'vouloir. Pour être honnête et l'connaissant comme j'le connais, tu dois très certainement lui plaire. Il doit croire qu'il peut s'servir d'toi pour réintégrer sa place et il n'y voit sur'ment pas d'mal car il s'imagine, qu'il peut sans doute t'rendre la pareille en t'aidant. Il n'est pas malhonnête, il s'sert des gens et malgré lui. Il détruit tout sur son passage, c'est tout. Il a fait d'ma vie un enfer mais toujours avec d'bonnes intentions.

- J'ai d'abord refusé. En plus j'avoue que ça peut sembler idiot que je rêve de chanter avec toi maintenant.

- Il a réussi à t'faire changer d'avis, comment ?

- J'étais dépassé, trop de réponses à donner, trop de questions, trop de problèmes à résoudre, mon père, ma mère, toi, et à présent lui, à contenter. Je lui ai révélé que je pensais quitter le pays dans moins d'un mois et que, donc, je ne trouvais pas que ce soit une bonne perspective de m'engager et faire des vagues pour rien.

- Il a comprit qu'c'était un d'mi-mensonge et que t'étais pas sûr d'toi et il en a profité.

- Profité ? Non, enfin je voyais pas ça comme ça. Vraiment il m'a aidé.

- Et comment a-t-il réussi c'prodige ?

- Il m'a montré comment formuler les choses autrement et les réponses sont sorties vraiment clairement !

- Ha ouais ? Donc, tu sais c'que t'as l'intention d'répondre à ton père ?

- Si rien n'a changé d'ici un mois, je suppose que oui. Que je chante ou non.

- J'devrais l'remercier alors ?

Gabriel tremblant, sourit malgré sa colère.

- J'le f'rais. Pourtant j'vais t'demander de n'plus jamais l'revoir, de n'plus jamais avoir d'contacts avec lui, et s'il s'avise d'entrer en communication avec toi, préviens-moi tout d'suite, s'te plaît, fait ça pour moi !

- Mais...

- Tu peux v'nir à l'audition, si ta voix est vraiment bien, j'laisserai les autres membres en décider. Quand à Yann, un autre bassiste va l'remplacer et il devra partir, quoi qu'il arrive, ça m'contrarierait vachement de l'voir dans mon groupe ou encore autour d'moi. Je l'ai défendu dernièrement, une fois d'trop.

- J'aimerais comprendre pourquoi tant de défiance à son sujet.

- J'vais t'raconter des petites histoires, viens avec nous au marché et on en parlera, là Hugo est réveillé.

 

Gabriel marche tranquillement, conduisant la poussette dans les allées, le long des étals, zigzaguant au milieu de la foule avec une dextérité laissant Uzu admiratif. Et tout en dirigeant le landau avec maestria, il raconte nombres de ses mésaventures arrivées jusqu'alors par la faute ou à cause de Yann.

- Encore une bonne tiens, j'étais séparé d'lui depuis quoi ? Trois mois d'jà, j'ai rencontré au boulot un mec, un serveur aussi, comme nous. Assez sympa, ça a pas été l'coup d'foudre, juste y m'plaisait bien et j'aspirais vraiment à mettre d'la distance entre Yann et moi. Tu vois, avec Yann on bosse au même endroit, il répète avec moi, sa présence sans arrêt c'est vraiment dev'nue int'nable. Il s'mêle de tout, a un avis sur tout. En plus il a s'côté cynique dans ses réflexions, à toujours tenter d'toucher l'autre, d'lui faire mal. Donc, si j'avoue qu'j'étais pas super prêt pour " refaire ma vie " et que j'compte pas cette rencontre parmi les plus marquantes, une aventure ça m'emballait assez. L'mec m'invite à déjeuner, ça s'passe cool. Quelques temps après on sort, on va dans un club à Paris, j'pensais pas que ça irait si vite, j'étais un poil saoul bref, on a eu une aventure d'une nuit. J'me dis bon, j'fais quoi ? L'mec bosse avec moi, la nuit s'est bien passée, j'craque pas pour lui mais j'me sens bien, tu comprends un peu ?

- Oui, jusque là je te suis.

- Ok ! D'retour au boulot, l'mec s'affiche avec moi, ça m'déplais pas, j'avoue. Il m'sourit pendant l'service, p'tite main au cul en cuisine, quelques blagues, vraiment tranquille, ça m'redonne un peu le sourire, quoi. On s'revoit, à différentes occasions le mois suivant, chez lui, ciné, concert, et on est considéré très vite comme "le nouveau couple" au boulot, par mes collègues.

- Tu as avoué ton homosexualité à ton travail ?

- Heu, oui, ce resto c'est un peu un r'paire, hein ! Après, sûr que j'l'ai jamais caché nulle part. Tu ne l'dis pas toi ?

- Ça ne regarde personne avec qui je couche, puis je ne cherche pas à avoir des remarques ou des problèmes à cause de ça, je ne revendique rien moi, juste d'avoir la paix.

- J'comprends. Bref, donc on sort ensemble, c'type et moi. Et Yann est au courant du coup. J'ai l'droit à pas mal de réflexions puériles de sa part, des r'marques, un comportement un peu similaire à c'qu'il a fait l'jour d'la réunion chez moi, quand j'vous ai présentés.

- Oui, c'est un peu normal tu ne crois pas ?

- Jusque là, oui. Mais, un soir, il vient m'voir alors que ch'uis au vestiaire et que j'me prépare à sortir, et il m'sort que l'mec s'fiche de moi, qu'il est pas sérieux, qu'il m'trompe, que j'mérite mieux. J'm'énerve, j'uis rétorque de s'mêler d'ses affaires, que ma vie perso n'le regarde plus. L'ton monte et on s'engueule encore. A force, j'y prêtais plus trop attention, les engueulades avec lui c'était d'venu une habitude. J'aurais dû m'méfier. Maintenant, j'surveille tout ses faits et gestes, j'en deviens limite parano, mais c'est l'seul moyen qu'j'ai trouvé pour m'préserver au max de ses conn'ries. Ce soir là, un peu plus tard, j'rentre chez moi. J'précise que j'avais jamais fait rentrer l'mec à l'appart', y savait pas où j'habitais, ça s'passait toujours chez lui. J'vivais avec Laurianne, j'me s'rais pas permis, qu'elle soit là ou pas, d'venir avec un autre mec que Yann. Yann c'était un peu un habitué, mais les autres... Yann a les clefs, encore aujourd'hui j'ai jamais réussi à les lui r'prendre. Il biaise, il invente des excuses, au final il a toujours un double. Laurianne était en déplacement pour son job, cette semaine là, Yann le savait, voilà pas que j'les r'trouve au lit, dans MON lit, tous les deux !

- Tu rigoles là ?

- Non.

- Mais, t'as fais quoi ?

- Bah ! Sûr ! J'ai viré l'mec, même si je m'en foutais un peu de lui, j'passais pour un connard de première quoi ! Yann voulait m'prouver que l'gars était pas sérieux, c'était pour mon bien, tu comprends !

Uzu stoppe net la marche et le considère, incrédule.

- Il a vraiment été jusque là ?

Et sans savoir pourquoi, il ébauche un sourire, puis se retient pour ne pas froisser Gabriel.

- C'est pas drôle, tu sais ?

- Nan, désolé. Tu avoueras que c'est un sacré personnage !

Gabriel sent une rage froide et silencieuse l'envahir, Uzu le voit s'assombrir d'un coup et repartir d'un pas rapide sans l'attendre. Il le rattrape.

- Attends ! Je comprends bien ce que tu as pu ressentir, et pourquoi tu pestes après lui mais...

Gabriel se retourne, les larmes aux yeux.

- NON ! Non tu n'comprends pas ! Oui, Yann est marrant, entier, son sale caractère et son ingéniosité, parfois, bordel, ça m'a plu aussi ! Il est fougueux, il va jusqu'au bout des choses. C'est vrai ! Sauf qu'il n'sait pas s'arrêter, y m'pourrit la vie et il manipule tout les gens que j'connais ! Il peut être le pire des chiens, faire les pires saloperies au nom de l'amour qu'il m'porte, on lui trouve toujours des excuses. C'est pas d'sa faute ! Il souffre ! C'que je peux r'ssentir moi, tout l'monde s'en fiche, c'est un clown triste, qui n'a pas d'mauvaises intentions au fond. Et il s'permet donc tout. Il t'a eu, toi aussi. Si j'avais voulu continuer à apprécier ses âneries et ses crises, j'serais resté avec lui. La vérité, c'est que j'en peux plus de lui ! J'en ai marre d'avoir peur, de m'demander c'qu'il prépare encore. C'est pas qu'j'ai pas confiance en toi, mais perso encore aujourd'hui, y'm'a encore, alors t'as qu'as voir !

Ils rentrent en silence, toutefois une question taraude Uzu. De retour à l'appartement, les courses rangées, Hugo bien installé dans les bras de son oncle, le biberon dans la bouche, il s'assoit à table et les regarde.

- Gabriel ?

- Oui ?

- Tu m'as assuré que c'était fini Yann et toi, mais... Tu m'as aussi dit que tu tenais encore à lui malgré tout. Ça veut dire quoi exactement ? Est ce que tu l'aimes toujours ? Si l'indifférence est le contraire de l'amour, ça te touche beaucoup tout ça, je trouve.

- J'comprends pas bien c'que tu attends que j'dise. J'ai plus b'soin d'être avec lui. Parfois, ch'uis triste que ça se soit terminé comme ça, j'trouve ça dommage, ça finira qu'il f'ra plus du tout partie d'ma vie. J'ai pas voulu ça, j'espérais qu'il reste présent au moins pour la musique, parce que oui, j'ai toujours des sentiments pour lui. J'te cache pas qu'on a vécu pas mal de choses. J'crois qu'avoir envie d'quelqu'un dans sa vie, c'est pas pareil qu'd'en avoir besoin à chaque instant. A coup sûr on va m'dire que j'me trompe mais moi quand j'aime, j'éprouve le b'soin d'être avec cette personne. Là j'peu m'passer d'lui crois-moi !

- Ok.

- Alors que j'peux plus m'passer d'toi.

Ses prunelles brillantes, à cet instant, sont les mêmes que celles qui l'ont fait frémir la première fois que leurs regards se sont croisés. Gabriel l'intimide autant qu'il l'attire.

Uzu lui sourit, il le croit, il a confiance.

 

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vefree
Posté le 06/01/2013
"Gabriel marche tranquillement, conduisant la poussette dans les allées, le long des étales, zigzaguant au milieu de la foule avec une dextérité laissant Uzu admiratif." => le long des étals
"- Encore une bonne tien, ..." => tiens
"Assez sympa, ça à pas été l'coup d'foudre, ..." => ça a été
 
 
Ahem ! C'est vrai, là, Yann il est puant ! Un vrai salaud ! Je crois que c'est une chose que Jack Sparrow pourrait faire sans scrupule aussi. Tu as raison. Ils se ressemblent un peu, Yann et Jack. Non mais quel... enfoiré !
Bon, reste à voir comment Uzu va prendre sa décision. Elle a l'air d'être prise, mais comme il n'a encore rien dit à son père... Tout est encore possible. Un coup en traitre et tout s'écroule. Et puis Gabriel n'a pas encore entendu chanter Uzu. Bref, reste encore plein de choses à voir... lire. 
dominosama
Posté le 06/01/2013
Haha Yann l'enfoiréeee!!!
-Maiiiiiis je suis pas un enfoiré c'est pas possible de penser ça, bon j'avoue des fois j'exagère...
lol
C'est clair qu'on comprend mieux maintenant pourquoi Gabriel en veut à Yann, à présent il va falloir apprendre et comprendre pourquoi Yann agit comme ça :)
Uzu et sa fameuse décision... il faudra attendre le chapitre 26 pour être sûr (oui je sais c'est long :p )
 
Merci de continuer à me lire, dsl pour le temps de réponse j'avais pas vu le com' -_-!
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