Vendredi 11 juillet, 17h19. Le Diable surgit surexcité en brandissant un objet non identifiable…
LE DIABLE
Tout le monde veut changer le monde, mais personne ne veut changer le rouleau de papier toilette ! C’est pourquoi je vous ai apporté en ce jour de gloire une grandiose innovation. L’humanité va m’en vénérer.
Le rouleau de papier toilette infini. En voici le prototype avant que vous ne m’accusiez de mettre la charrue avant les bœufs. Il faut dire que j’ai vraiment la solution à tous les problèmes du monde. Les gens s’exclameront : « Oh, qu’il est malin ! Oh, qu’il est grand ! Oh, qu’il est généreux ! Comment avons-nous pu vivre aussi longtemps sans l’infini rouleau de papier toilette ? »
Avouez que vous trouveriez ça bien pratique, vous, de ne plus jamais changer le rouleau de PQ, non ? Laissez-moi donc vous expliquer le principe. Car ce n’est pas tout d’avoir de bonnes idées si ce n’est pas pour les mettre en application. J’ai donc mis au point un concept habile et rusé alliant l’utile à l’écologique. Vous savez combien les thématiques du gaspillage de l’eau et du papier m’attristent. Mais comment faire pour y remédier ?
Par le recycling bien sûr. Le recyclage autrement dit en français. Attention. Le papier souillé est donc envoyé comme il se doit dans la cuvette des toilettes où il est tout de suite récupéré par un processus technique de filtrage en cours de développement. Au fond de la fosse septique se produit la séparation du grain et de l’ivraie.
Les matières fécales et autres sont détachées du papier, désinfectées, blanchies, passées et repassées sous un double rouleau compresseur, et voilà le papier qui sort tout beau tout propre directement du distributeur mural ! Plus besoin non plus de se taper la honte à la caisse du supermarché ou d’empiler des stocks en cas de pénurie pandémique.
Les grands consommateurs qui restent plus d’une heure aux toilettes peuvent même utiliser plus d’une fois le même papier, car ma machine travaille pendant qu’ils lisent leur BD. Car qui a envie de s’essuyer le derrière avec sa BD ou pire encore sans BD ? Force est de le constater : le scrolling téléphonique a détrôné la lecture au petit coin. Quand je pense à tous ces doigts qui oscillent entre l’écran et l’essuyage, je… je, en fait je préfère ne pas y penser.
Et pendant que nous sommes dans les matières repoussantes et repoussées et que mon inspiration n’a pas de limites, je vous ai apporté un deuxième petit prototype en bonus. Voyez cette jolie forme fuselée. C’est un attrapeur de crottes de nez.
Un bien long mot pour un si petit prototype. Aussi l’ai-je baptisé SFR : Small Fucking Rocket. En plus, ça évite l’emploi du mot « crotte » qui pourrait rebuter les acheteurs et surtout les acheteuses. Je n’arrive pas à croire qu’Elon Musk construise des fusées pour aller sur la Lune alors que les problèmes les plus importants de notre temps sont purement et simplement ignorés.
Quoi Mars ? Oui, certes, mais on peut aussi aller sur la Lune avec. Qui peut le plus peut le moins. Ne vous inquiétez pas, Elon est l’un de mes grands amis et ne me tiendra pas rigueur de mes propos ni de mon emprunt linguistique. Il a aussi un nez, vous savez. De surcroît, je suis son principal sponsor.
Je pense même qu’il sera honoré. C’est difficile d’être illuminé tout seul. Même les visionnaires ont besoin d’amis. Le tout, c’est d’avoir son égo sous contrôle. N’essayez surtout pas de comprendre, c’est impossible à ceux qui n’ont pas encore transcendé leur égo. On les reconnaît de loin à leur égo spirituel gros comme une maison. Ou plutôt un gratte-ciel. Non, mais franchement, vous connaissez la dernière de ces aspirants à la sainteté ?
Le chili sin carne y sin riche. « Riz » en espagnol pour votre gouverne. Arrose ? Qu’est-ce que vous racontez ? « Riz » en espagnol se dit « arrose » ? Non, Madame, le riz pousse dans les rizières et n’a pas besoin d’être arrosé. Vous êtes en train de faire ce que vous me reprochez, vous digressez et perdez notre temps !
Bref. Comme si ça ne suffisait pas de remplacer la viande par du tofu, ils veulent remplacer le riz par du quinoa maintenant ! Le véganisme a ses limites quand même ! Du quinoa. On aura tout vu.
Ils ne peuvent pas manger du riz comme tout le monde ? Ah non, ça ils ne peuvent pas ! Pas plus qu’ils ne peuvent essuyer leur petit popo avec du papier non recyclé, renoncer à leur tas de compost dans leur potager auto-cultivé (DINGDONG) ou à leur rendez-vous hebdomadaire chez le psy ! Enfin, la crétinerie des uns fait le bonheur des autres. Je suis sûr qu’ils vont adorer mon nouveau prototype, du coup.
L’industrie de la sainteté est très lucrative, vous savez. À ce propos, je viens d’ouvrir en Enfer un nouveau lieu de culte, pardon de yoga, le plus grand du monde. On ne pourra plus me reprocher d’être le mal incarné puisque je fais tout pour aider mes pécheurs sur ce chemin de perdition.
Je vous laisse, il faut que je passe installer mon prototype dans votre salle de b… comment ça, vous n’y tenez pas ? Vous préférez peut-être passer votre vie à changer les rouleaux après le passage de vos infects patients ? Un jour vous m’en remercierez. Quant au SFR, je vous le laisse en bonus en vous épargnant la peine de faire comme si vous n'étiez pas concernée.
Le Diable s’enferme dans les toilettes d'où il couvre de bruits de perceuse les lamentations du prochain patient.
Un chapitre toujours aussi décalé comme je les aime ! Qui aurait cru qu’un rouleau de papier toilette infini pourrait devenir une invention aussi géniale et carrément délirante ? Ton style, comme d'habitude, est un vrai régal : plein d’humour, de sarcasme, et cette façon de balancer des punchlines sans jamais se prendre trop au sérieux, c’est toujours aussi amusant à lire !
A bientôt pour le prochain chapitre ! ^^