Samuel l’attend sous un arbre, dans le square qui fait face à la fac. Le temps est encore ensoleillé et toujours frais, mais pas assez pour que le jeune homme enfile sa veste, posée sur le dossier d’un banc à côté de lui. Et sur le banc lui-même, un sac à dos, un gros sac à dos.
Aïe.
Cela n’augure vraiment rien de bon, et Alex s’en veut presque d’avoir un tant soit peu reluqué les bras fins et presque bronzés de Samuel. Il rejoint le jeune homme, deux tasses de plastique pleines de chocolat dans les mains et le paquet de cookie cédé par Yasmina qui dépasse de son sac de cours.
— Comment ça va ?
Question idiote vu que ça ne va pas, mais Samuel se contente de hocher la tête et de s’assoir après avoir accepté la boisson. Il grimace.
— Purée j’ai rien bu d’aussi dégueu depuis le distributeur du lycée.
— Ce sont les mêmes. Quand t’arrives à la fac tu t’attends à vivre sur des cafés super bons et des chocolats hyper mousseux, genre un Starbucks par jour, et puis en fait t’es raide tout le temps et t’as juste les 40 cents pour le distributeur. Mais au moins ça tient chaud.
— First World Problem.
— Je suis bien d’accord.
Et ils trinquent.
Les boissons se vident en silence, simplement interrompu par le papier qui entoure les cookies. Quelques pigeons viennent voir à récupérer des miettes. Les ombres s’allongent. Ah si les commerces étaient ouverts, Alex les auraient sans doute emmenés manger au MacDo ou au KFC. Un truc un peu « no homo » mais où on peut se faire du pied sous la table.
— Alors, qu’est-ce qui se passe ?
Il faut bien commencer par quelque chose.
— Tu veux que je commence par quoi ?
— Par le début ?"
Samuel s’installe plus confortablement sur le banc, les jambes étendues devant lui. En face d’eux, au-dessus du square, les appartements un peu cossus du quartier commencent à s’illuminer.
— J’ai pas envie.
— Alors de quoi tu as besoin, maintenant là tout de suite ?
— Je sais pas où dormir cette nuit.
On est en pleine pandémie. Personne ne sait vraiment comment cette saloperie se répand. Les tests ne sont pas encore au point et peu accessibles. Alex n’a pas un lit super confortable et à peine assez de place pour contenir son unique personne dans le studio.
— Écoute, viens chez moi, on verra demain.
Le trajet en métro est bizarre, comme s’il avait de nouveau seize ans. Ils se tiennent côte à côte, comme s'ils avaient peur de trop s’éloigner. Pourtant, il y a de la place. Il y a même des banquettes libres et les stickers enjoignent les passagers à bien tenir la distance entre eux. Mais il est presque huit heures, il n’y a vraiment personne, enfin tellement moins de monde que d’habitude, et qui viendrait les critiquer ?
Ils remontent la rue jusqu’au bâtiment d’Alex. Les mains de celui-ci lui font littéralement mal tellement il est nerveux.
— J’ai plus rien à manger, finit-il par dire en tapant le digicode. Enfin pour deux. Mais je dois avoir assez pour commander un truc. Les livraisons fonctionnent.
— Tant que c’est pas un kebab.
Samuel a un petit rire nerveux. Alex se rend compte qu’il n’en mène pas plus large que lui.
— J’ai aussi du fric. Je… Mon patron a dû me licencier, j’ai pas encore d’allocs ou rien, mais il m’a refilé une partie de mon salaire en liquide.
— Assez pour une pizza hawaïenne ?
Alex se prend un coup de coude dans les côtes, alors qu’ils prennent l’ascenseur jusqu’au septième. Il l’a bien mérité.
Alex fait une commande gargantuesque alors que Samuel est sous la douche. Il prendra quand même une pizza hawaïenne, et une pizza barbecue, et une bouteille de coca, et des fromages frits, et des cookies tout chocolat.
Ensuite changer les draps du lit. Il n’a qu’un matelas de clic-clac, qu’il ne refait jamais, c’est moins qu’un queen size mais a priori ils ne devraient pas se rouler l’un sur l’autre pendant la nuit, enfin sauf s’ils le décident et Alex ne préfère pas y penser.
Il y a du rapprochement, akward certes, mais j’apprécie fortement oh oh.
La prochaine : sexy time.
(oui, ce commentaire n'a aucun intérêt, mais je partage mon enthousiasme de lecture ^^)
Vraiment c'est un plaisir d'écrire sur des tropes pourtant vus et revus ^^
Merci !