L'air frais. Plus de chaleur étouffante, plus de moiteur permanente... Je me sentais bien, j'avais déjoué la mort, je m'étais trouvé des compagnons avec qui je pouvais faire un bout de chemin. Nous sortions juste de la forteresse qui, de dehors, ne semblait être qu'une simple grotte barrée d'une lourde grille en fer. Un petit campement totalement désert, avec des tentes et des armes posées sur les tables. Comme un seul homme, notre groupe se mit à pousser des hourras en choquant les armes. L'ambiance était à la fête. Orikur alla directement se mettre sous un chapiteau découvert, avec ses deux assistants.
« Écoutez ! Nous allons démonter les tentes et les emmener à Volngard ! Nous allons prendre les vivres et les armes et monter un camp chez nous ! Ce n'est pas l’Empereur qui nous a emprisonné, nous retrouverons les salauds qui nous ont séparés de nos familles et nous les tuerons jusqu'au dernier, je vous le jure ! »
De telles paroles ne pouvaient qu'électriser les combattants, qui choisirent des armes. Je pris pour ma part une fine épée, qu'il allait sûrement falloir affûter, et un léger bouclier en bois de chêne, recouvert de peau et cerclé de fer, qui semblait ne jamais avoir servi. Aussitôt après, je partais démonter une des tentes. Je l'examinais : d'une facture sommaire, elle était fait de quatre piquets disposées en deux croix et reliés par un cinquième. Sur le tout était posé une toile simple, huilée, qui ne portait pas la marque de l'Empereur. Un homme vint m'aider : grand, blond, il portait une tunique en lin et un arc dans le dos. Un carquois pendait à sa ceinture.
« Luktir, enchanté.
-Svarn, pareil.
-Il vaut mieux vider la tente avant de la démonter, qu'en pense-tu ?
-Ouais, sûrement. »
Nous entreprîmes donc de vider la tente, prenant chacun un sac de couchage pour nous, je regardais dans le coffre tandis que Luktir enlevait la petite table en bois sur laquelle on voyait une carte : Volngard tout au nord, Krindarr à l'est et, plus au sud, le Pic des Anges. Au pied de celui-ci siégeait la ville Impériale, Trokat, alors que tout à l'ouest se trouvait la seule partie de notre presqu'île qui n'était pas bordée par les eaux : Frijord. Les Terres inconnues. La forêt infranchissable.
Je détachais mon regard du parchemin et m’intéressai de plus près à un rouleau. Le seul posé sur la table. Je l'ouvrais. Quelques phrases, brèves.
« Armand, quand la lune sera pleine, assassinez-les tous. Je viendrais trois jours plus tard.
Votre Ami. »
La pleine lune... c'était hier...
« Orikur ! Orikur ! »
Je courus vers notre chef, lui tendant la missive. Il la lut rapidement.
« Si s'est son employeur, il enverra un de ses sous-fifres. Nous l'attendrons.
-Mais, enfin... Ils seront sûrement plus nombreux que nous...
-Nous seront prêts. Pas eux.
-Vous, là ! Venez. Il s'adressait à moi. Prenez trois hommes avec vous, vous partez demain à l'aube. Vous ferez office d'éclaireur.
-Bien, monsieur. »
Je partis sur-le-champ tout en réfléchissant à mes hommes... Luktir... l'homme brun et... on verrait bien, de toutes façons.
Puis j'allais me coucher. En me posant dans mon lit, je repensais au événements de la journée, riche en couleurs. Lentement, mon esprit dériva et je me mit à penser à ce qui avait été ma famille, à ma femme, Ornia, morte deux ans plus tôt, et à mon fils qui devait avoir quel âge, maintenant? Quatorze, quinze ans. Il avait disparu.Je pensais aux gens que j'avais tué, en ma qualitée de mercenaire. Je voulais arréter le meurtre et voila... Soudain, je me rendis compte que, sans y faire attention, je m'étais mis à pleurer silencieusement.