Lyana, ou la déprime de la réforme

Cela faisait maintenant un long moment que le confinement avait commencé et je commençais clairement à désespérer et à perdre la notion du temps. Moi qui croyais que le confinement allait durer deux ou trois semaines... Je m'étais lourdement trompée et l'absence de mes amies commençait à peser sur mon moral qui s'amenuisait de jour en jour. En parlant de jours... Mon frère était incapable de savoir quel jour nous étions mais, il savait parfaitement quand nous étions en weekend ou non. De mon côté, j'arrivai vaguement à me rappeler du jour de la semaine, ce qui était déjà un exploit. Mais, étions-nous là depuis trois fois sept jours ou quatre ? J'avais surtout la flemme d'aller ouvrir mon agenda, posé dans un coin depuis le début du confinement, pour apporter une réponse à cette question.

Regardant ma montre, je vis que celle-ci affichait 7h39, mon réveil allait sonner d'une minute à l'autre et, en ce lundi d'avril mon manque de motivation pour me lever et aller faire mes devoirs était à son summum.

-Lyana, il est l'heure de se lever ! claironna ma mère en ouvrant la porte de ma chambre, au moment même où le réveil se mettait à sonner.

En guise de réponse, je coupai l'alarme et rabattais la couverture sur ma tête pour continuer à dormir.

-Si tu ne te lèves pas, j'envoie Chamallow ! me menaça ma mère.

Je lâchais un grognement et disparaissais encore plus profondément sous ma couette, bien décidée à faire la grasse matinée. Grand mal m'en prit car, je ne vis pas arriver Chamallow. Et, croyez-moi, un Berger Allemand en surpoids qui saute sur votre lit et vous marche dessus dans le seul but de vous lécher le visage, ce n'est pas du tout agréable.

Je bondis alors de mon lit vociférant à l'encontre de ma mère qui avait déjà quitté la pièce, ne souhaitant pas assister à la démonstration d'amour du chien. Puis, voyant que crier ne serait d'aucune utilité, je me défoulais sur Chamallow qui était en train de me lécher soigneusement les doigts.

-Chamallow ! Couché !

Celui-ci m'obéit et s'allongea de tout son long... sur le dos, les pattes écartées, la gueule grande ouverte et la langue pendant entre les dents. Surprise, je fis un pas en arrière. Il n'avait jamais fait ça auparavant. C'était peut-être le confinement qui lui montait à la tête. Quoique, un chien confiné dans deux hectares de jardin, il y a pire non ?

Je laissais mon chien à son délire et me laissait tomber sur la chaise de mon bureau et allumait mon ordinateur pour voir quel allait être le programme du jour. Sur le site internet du lycée dédié aux devoirs, une bonne dizaine de mails m'attendait, chacun contenant sa liste de choses à accomplir...

Un travail sur l'Age de la Terre en enseignement scientifique... Je ferai ça avec une amie.

Un nouveau chapitre de géographie... Je l'imprimerai plus tard.

Un travail préparatoire en géopolitique... Je le ferai cet après-midi.

Des exercices de mathématiques... Ouf, je les ait déjà faits.

De l'anglais...

De l'espagnol...

Une évaluation en économie...

Etc etc...

J'arrivai à la fin des nouveaux mails étonnée. Rien en français. Surprenant. J'avais dû manquer son mail. Je remontai alors dans les mails que je venais d'ouvrir et tombai sur deux messages que j'avais manqué. L'un était de la prof de français et contenait cinq ou six pièces jointes sur le Mariage de Figaro dont une qui nous donnait le plan d'une analyse linéaire à rédiger sur power point (quelle était cette nouvelle idée ?) et à rendre.

Le deuxième mail était un message urgent de la part de notre prof d'histoire et prof principal. Je le parcourrai attentive me doutant que cela allait être au sujet de la réforme ou quelque chose dans ce goût-là. En réalité, il souhaitait qu'en tant que déléguée, je fasse passer un questionnaire à la classe pour savoir si le confinement se passait bien.

A ce moment-même, mon téléphone vibra et je vis que l'autre délégué, nommé Louis, venait de m'envoyer un message me proposant de se répartir la classe pour obtenir les réponses le plus rapidement possible et ainsi gagner du temps. C'est ce que nous fîmes et, une heure plus tard, nous étions prêt à faire un appel avec le prof. J'allumai mon ordinateur et lançai un appel vidéo WhatsApp avec le prof d'histoire et lui.

Au moment où ils décrochèrent, Iggy décida que mon bureau devait être beaucoup plus confortable que le canapé et vint s'asseoir sur le clavier dans un concert de ronronnements. Et, dès que je le prenais dans mes bras pour le reposer par terre, il remontai sur la table et passai devant l'écran me caressant le visage de sa queue m'offrant un gros plan sur son arrière-train. Chose dont je me serai passé. Lorsque j'eu enfin trouvé un compromis avec mon chat soit, le mettre sur mes genoux. Je pu commencer le compte-rendu.

Globalement, toute la classe allait bien et les seules choses qui remontèrent furent la quantité astronomique de devoirs en français et, l'inquiétude de la majorité de la classe vis-à-vis des E3C d'histoire. Pour faire simple, il s'agissait de 3 épreuves de contrôle continu et, nous avions passé la première en janvier dernier. Et, après plusieurs mois d'attente à voir la date de rendu arriver, notre classe avait fini par obtenir ses résultats. Et en histoire, nous avions été corrigé assez sévèrement de telle sorte que même les meilleurs élèves de la classe avaient à peine eu la moyenne, et encore.

Avant le confinement, une rumeur (sûrement fondée) courrai dans le lycée comme quoi une ou deux classes avaient été corrigée par un professeur connu pour sa sévérité et, avait obtenu 6,8/20 de moyenne. Notre classe avait très rapidement deviné qu'il s'agissait de la notre. Lorsqu'en faisant la moyenne de notre classe, nous avions obtenu environ 10,5/20 nous avions compris que Murphy avait frappé.

Le prof d'histoire nous expliqua alors très calmement que ce professeur avait coupé les ponts avec les autres correcteurs et lui et, avait vaguement remonté ces notes atteignant environ 10,5/20 alors que toutes les autres tournaient dans les 12/20. Et, en nous disant cela, il renforça, voir confirma, ainsi nos suspicions sur l'identité maintenant évidente de notre correcteur.

-Il n'était pas interdit de correction ? demanda Louis.

-Non. Mais il fait tout pour l'être.

-Mais pourquoi ?

-Parce que c'est un fainéant et un [mot pas poli]. Il a voulu se désister aux corrections des E3C mais n'a pas pu. Du coup, il s'est vengé en notant de façon dure les élèves dont il avait les copies.

Je soupirai. En ne pensant qu'à son nombril, il nous plombais nos dossiers et notre BAC. En faisant ça, tout ce qu'il réussirait à faire, sera de se mettre notre nouveau directeur à dos et les élèves aussi dans la foulée. Enfin, si ce n'était pas déjà la cas.

Reportant mon attention sur l'écran et la conversation en cour, j'écoutai le professeur nous expliquer qu'il y avait des recours possibles pour demander une deuxième correction. Mais, lorsqu'il fallu nous donner lesquels, un gros blanc accueillit notre question et finalement, un réponse se fit entendre :

-Je ne sais pas, je vais me renseigner. Je n'ai pas d'informations à ce sujet. Je sais que vous êtes la première année de la réforme et que vous essuyez les plâtres mais, je n'ai pas plus d'informations que vous.

Ah ! Cette phrase ''vous essuyez les plâtres'', je commençai à la connaitre par cœur. Dès que l'on parlait de la réforme, cette phrase finissait invariablement par sortir souvent accompagnée de ''je ne sais pas''. En début d'année, ces phrases étaient la ''running joke'' des classes de Premières et on en rigolait bien. Et, avec l'approche des E3C de janvier, le stress est monté car nous n'avions en fin novembre aucune information sur leur déroulement. Nous avons finalement obtenu des informations à la veille du départ en vacances de Noël. Et encore, nous ne savions pas qui allait nous corriger. Des professeurs du lycée ? De l'académie ? Serait-ce une correction nationale ? Nous perdions alors des heures avec notre professeur principal qui nous expliquait le peu d'informations qu'il possédait. Allez savoir comment nous faisions mais, chaque heure de cours avec lui finissait toujours par finir en FAQ sans que le prof ne puisse nous donner de réponses à nos questions. Et nous en posions... La plus récurrente était : Allons-nous finir le programme ? Et le prof regardait l'heure à ce moment-là et voyait qu'il ne restait qu'une poignée de minute avant la fin du cours et, nous n'avions écrits que le titre du chapitre. Alors il disait :

-Les programmes sont calculés jusqu'au 5 juillet et nous finissons début juin. En plus, je dois m'absenter pour suivre une formation Parcours Sup la semaine prochaine... Donc, ça va être très difficile de finir le programme.

Ah... Dire que tout ça s'était en début d'année. Nous n'aurions jamais pu deviner qu'une pandémie allait nous tomber sur le coin de la figure. Comme quoi, c'est toujours lorsque l'on pense être au plus profond du trou que le pire arrive tel un ogive nucléaire sur notre tête.

Sortant de mes dérives, je notai deux choses. Un, mon chat était de retour sur le clavier de l'ordinateur me cachant l'écran. Et deux, la wifi avait à nouveau lâchée me déconnectant de la vidéo-conférence. En me levant pour aller répéter ce geste que je faisait plus de trois ou quatre fois par jour, soit de rebrancher la box, je me faisais la remarque qu'avec le Coronavirus et le confinement, nous étions censés avoir d'autres E3C en avril-mai, plus une épreuve sur la spécialité que nous souhaitions abandonner et, que nous avions l'écrit et l'oral de français en juin. Et sur cet autre point-là, nous n'avions, sans surprise, pas d'informations.