M. Lockheart

De retour dans sa chambre escortée par Jeanine, Sally restait plongée dans ses pensées.

Le visage de M. Lockheart lui avait éveillé une certaine confiance. Mais c’était tout.

Elle n’avait toujours pas recouvré la mémoire.

Elle décida alors de se fier à son instinct et d’accepter de le rencontrer pour lui parler de son amnésie. “Pouvez-vous faire entrer mon mari dès qu’il arrivera ici ?”

Jeanine ne savait que penser de ce revirement. Depuis l’accident, le comportement de Sally était inexplicable. Elle décida de rester en retrait tout en se posant une multitudes de quesitons.

Et Sally le vivait mieux ainsi. En vérité, elle ne voulait s’expliquer à personne tant son sentiment d’insécurité était grand. Mais le visage de M. Lockheart était le seul qui lui inspirait réellement quelque chose.

Elle attendit sagement dans sa chambre que le moment fatidique arrive.

Jeanine annonça la présence de M. Lockheart à Sally de bonne heure avant de se retirer. Sally avait le cœur qui battait fort.

Qu’allait-il lui dire ? Serait-il fou de joie ? Soulagé ? Ou en colère d’avoir été évincé ? Elle attendait sa sentence avec appréhension.

M.Lockheart la regarda depuis le seuil de la porte mais n’entra pas. Il semblait l’observer tout autant qu’elle, avec une grave tristesse.

Ils se scrutèrent en silence, l’un l’autre, sans baisser le regard.

Puis, comme souffrant de ce jeu de regard, M.Lockheart détourna la tête.

"Ce n’était pas une bonne idée…" dit-il avant de repartir.

Sally était trop estomaquée pour réagir. C’était quoi ce numéro ?

Elle repoussa ses draps de fureur avant de le suivre :

"Attendez ! Ne partez pas comme ça !...”

Mais la silhouette s’éloigna sans se retourner, imperturbable.

Elle tenta de ravaler ses appréhensions avant de lâcher un “ Locky ?" désespéré.

M.Lockheart se retourna, étonné. Il hésita un instant… avant de repartir d’un pas déterminé.

Jeanine qui avait assisté à la scène, recouvra Sally de couvertures et l’entoura avec soin.

Sally émit un grognement qui se voulait être un juron avant de s’exclamer : "Mais enfin ! Qu’est-ce que c’est que cette attitude ? "

Jeanine répondit d’un naturel : "Vous savez bien que M. Lockheart a toujours été peu loquace et prompt à fuir devant les situations problématiques. Je n’ai jamais compris comment vous réussissiez à communiquer d’ailleurs…  Venez, nous allons retourner dans votre chambre. "

Sally devait avoir une expression frustrée car Jeanine tenta de l’apaiser : “Sally, je ne comprends toujours pas ce qui se passe, mais sachez que je serai toujours là pour vous, comme vous l’avez été pour moi."

Le remord se lisait dans les yeux de Sally "Jeanine… je suis désolée… mais je... "

Jeanine se reprit : “Je comprends… je m'immisce trop dans vos affaires, c’est ça ?”

“Non, pas du tout ! Ce n’est pas ça…”

Après un long silence, Sally se décida enfin à parler :

“Je suis vraiment désolée Jeanine. Cela n’a rien à voir avec vous… Si je suis aussi embarrassée depuis mon réveil… c’est parce que je ne me souviens de rien.”

“De l’accident, vous voulez dire ? Je croyais que la mémoire vous était revenue ? Je suis désolée d’avoir insisté…”.

Non, Jeanine… je veux dire de tout. Enfin… de rien. Je ne me souviens ni de vous, ni de M.Lockheart, ni de… Lucy.  Je n’ai plus le souvenir de rien.”

Jeanine ouvrit grand ses yeux de surprise.

“Comment ? Mais vous avez pourtant mentionné le nom de votre fille !” Elle s’arrêta, un temps. “Le journal, c’est ça ?” Sally acquiesça silencieusement.

“Mes aïeuls ! Mais enfin, Sally ! Pourquoi n’avoir rien dit ? Vous suis-je apparue si effrayante que cela ?! Je suis tellement, tellement désolée !”

La remarque fit sourire Sally malgré elle, soulagée d’avoir parlé.

“Si le souci vient de votre perte de mémoire, je comprends pourquoi vous ne souhaitiez pas rencontrer M. votre mari. - Déjà que, le connaissant, il n’est pas très commode, je n’ose imaginer votre rencontre maintenant que vous l’avez oublié…

Oh Sally, veuillez excuser mes paroles. Je ne sais plus ce que je dis, je suis désolée !”

Jeanine se repris : Mais si vous êtes totalement amnésique, pourquoi ne pas l’avoir avoué simplement ? J’imagine que ça doit dérouter. Vous devez vous poser milles questions en ce moment même ! Ne voulez vous pas des réponses ?”

Sally détourna le regard, honteuse.

“il y a autre chose, n’est-ce pas ?”

Décidément, Jeanine était très  observatrice.

" Jeanine... J’ai une très mauvaise impression depuis mon réveil. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé le soir de l’incident, mais je n’arrive pas à me défaire ce sentiment. Je ne me sens pas en sécurité… Et lorsque j’ai vu la photo posée sur la table de chevet de Lucy, M. Lockheart m’avait semblé être quelqu’un de confiance. C’est pourquoi j’ai finalement tenu à le rencontrer.

Vous connaissez la suite."

“Vous pensez que l’accident n’en n’était pas un ?

“Je ne sais pas, Jeanine. Peut-être. À moins que je ne devienne paranoïaque… Je ne sais plus quoi penser”...

“Sally, je pense que M. Lockheart se méprend sur votre attitude. Et vais de ce pas lui faire un rapport sur votre situation. Je vais lui envoyer un mot par coursier.

En attendant, je vais garder un œil sur vous tous : vous, Lucy (et n’oublions pas ce cher M. Padwell) je peux vous le garantir. En attendant, posez-moi toutes les questions que vous souhaitez : cela vous aidera peut-être à recouvrer la mémoire.”

Sally répondit en riant doucement : “Dans ce cas, cela va vous paraître bête, Jeanine, mais... qui suis-je ?”

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez