23. Ma première pyjama party
(by FdB)
Quand je suis rentré de chez Diak, vers 5 heures, le jour commençait presque à poindre derrière le nuage de pollution. Je sais que Driss commence à avoir des doutes sur ma fidélité envers Santorga, pourtant cette nuit il ne m’avait posé aucune question. Il m’a accueilli en jogging avec du café et on a regardé la fin d’un énième documentaire sur la fin du monde à la télé. Et puis on a fini par baiser quand même, qu’est-ce que vous voulez. On avait peut-être pas envie avant de se voir, mais une fois réunis c’était autre chose. Et puis on a pas souvent l’occaz de baiser dans un lit.
L’appart de Diak était étonnamment normal. Je m’attendais à un genre de grotte sombre avec un bureau au milieu d’une pièce et des câbles qui jaillissent de partout comme des plantes invasives, mais rien de tout ça. Il y avait des tableaux d’art contemporain absolument dégueulasses, (Tous aux abris ! Diak est un amateur d’art !), quelques photos de sa famille sur son frigo, des plantes vertes pour combler son manque affectif, un canapé en cuir de bogoss, et un bureau carrément bien rangé, surtout comparé à celui de Santorga qui est en bordel tout le temps. Quand je lui avais fait la remarque il m’a répondu :
- A qui la faute ? Dès que je range mon bureau tu viens y foutre le bordel en t’allongeant dessus
Haha... pas faux. J'avais été tenté de m'allonger sur celui-là aussi pour le faire rager, mais je venais d'arriver et j'avais encore pas le moral. Mais petit à petit, mater Diak dans des fringues casu ça m'a revigoré. Je suis content qu'on ait baisé avant que je parte, pas seulement parce que vive le cul, mais aussi parce que ça me foutait un peu la trouille que Diak et moi on commence à avoir un genre de relation où le sexe n'est pas la priorité numéro un, que ça soit supplanté par des trucs effrayants genre le réconfort, le soutien. Diak n'est pas la personne, pour ça. C'est qu'un plan cul. Ce soir on a eu un moment de complicité un peu incongru, ça se reproduira pas. Comme ça, quand je le trahirai, il s'en foutra. Ça lui fera même pas de peine. Ce sera même pas vraiment une trahison vu qu'on s'aime pas. Je lui ai déjà fait de pires coups de pute que ça. Et maintenant que j'ai vu où il habite, je sais où trouver un autre bureau sur lequel m’allonger au cas où je me fais virer de Santorga pour trahison. Tout ira bien.
Mais pour l’instant, je rentre me coucher, je suis mort. Il s'était passé trop de trucs, en moins de 24 heures j'avais visité l'appart de Diak et la planque de Kartrouville Ex. J'avais découvert le passé sombre de Kiwi. J'avais choisi mon camp. J'ai bien mérité mon dodo.
Mais la nuit n’était pas encore finie. Un clodo était assis juste devant la porte de mon immeuble. Je suis passé en l'ignorant comme on le fait tous, en priant pour qu'il ne me parle pas. Mais un bout de rayon de soleil qui dépassait a attiré mon œil. C'était pas Kiwi quand même ?
- Kiwi bordel, mais qu'est-ce que tu fous là ?
En un éclair, je me suis rappelé pourquoi j'avais appelé Diak. Les articles. L'état dans lequel ça m'avait mis. Reste pas là dehors la nuit, Kiwi, putain, on va te ramasser et t’embarquer, on va te faire du mal. T'es trop craquant, et t'as trop bon cœur pour rester seul dehors. Arrête d’avoir confiance en quoi que ce soit, t’as vu comme ça te réussit ?
- Yo FdB.
Il a baillé à s'en décrocher la mâchoire et s'est frotté les yeux, puis il m'a fait son putain de sourire qui me mets par terre. Ça ne correspondait tellement pas à ce que je venais de lire sur lui. Et moi, il ne fallait pas que je me comporte différemment, sinon il allait savoir que je savais. Je cogitais tout ça quand son sourire s'est fait un peu plus ambigu, un peu plus moqueur :
- Alors comme ça on découche, petit coquin ? Comment va ton amoureux ?
- C'est pas mon amoureux !
Je suis entré dans le hall en pensant qu'il allait me suivre, mais il n'a pas fait mine de se lever. Quoi il était venu jusqu'ici juste pour dormir devant mon immeuble ? Il voulait pas entrer ? Quelque part ça m'arrange bien, parce que mon appart est dans un bordel inavouable et surtout, j'ai surement des preuves qui trainent partout de mon vrai boulot. Des fiches de paye dans les chiottes, mon badge accroché au portemanteau, les stylos Santorga que je pique dès que j'en vois, le brouilleur IEM qui trainait quelque part, mon mug "Santorga, préserve la vie", gracieusement offert par la boite au pot de Noël de l'an dernier, et surement plein d'autres merdes. Si je fais entrer Kiwi là-dedans ce sera l'apocalypse. Mais je pouvais pas le laisser dehors. Et puis peut-être que l'heure était venue de lui dire qui j'étais vraiment. Si je n'y arrivais pas, mon mug pourrait s'en charger.
Je suis revenu sur mes pas.
- Kiwi qu'est-ce qui t'arrive ?
Il avait pas l'air dans son état normal. Au début je pensais que c'était moi, à cause de ce que j'avais appris sur lui, qui le voyais différemment, je le voyais fragile et triste, et je ne devrais pas, je ne devrais surtout pas le voir ou le traiter différemment parce que j'ai appris cette horreur sur lui qui date d'il y a dix ans et que lui-même avait l'air d'avoir surmonté. Mais objectivement, il n'avait vraiment pas l'air dans son état normal. Comme il ne se levait toujours pas, je me suis assis à côté de lui sur les marches.
- Qu'est-ce qui se passe ? Tu m'inquiètes.
- Je te la fais courte. Essaie de pas te moquer. Grenade et moi on... euh... j'irais pas jusqu'à dire qu'on s'est disputés, mais je me suis disputé avec lui tout seul, dans ma tête. Alors... mature comme je suis, j'ai décidé de fuguer chez toi et de te proposer qu'on couche ensemble pour me venger, mais même si tu voulais c'est mort parce que comme un con j'ai pas changé les batteries de mes jambes avant de venir, et maintenant elles sont quasi à plat, donc je peux même pas rentrer chez moi.
Il a rigolé en se cachant le visage avec sa main
- Hahaha... je suis tellement un boulet putain.
Ai-je bien entendu ? Kiwi voulait coucher avec moi ? Il avait fait tout le chemin jusqu’à Cergy pour gouter mon sirop de fraise des bois ? Oui, c’est le seul truc que mon cerveau ait enregistré. Que ce soit pour de mauvaises raisons et qu’entre temps il ait changé d’avis, ça m’est passé complètement au-dessus. Il y a pas une heure j’étais en train de faire des galipettes avec Diak, l’idée de rentrer chez moi pour remettre le couvert avec Kiwi sans même avoir pris une douche entre les deux c’était... excitant de folie putain ! Youhouuuu ! Mais il a dit quoi sur ses jambes ? Osef, non ? Moi j’ai aucun problème avec les handicapés.
Ça c’était l’étape 1. L’étape 2 ça a été : non mais attend s’il veut coucher avec moi c’est surement parce qu’il est déstructuré. C’est une victime de viol, putain, est-ce que je suis capable de gérer ça moi ? Est-ce qu’il ne fait pas une fuite en avant ? Je n’ai aucune idée de ce que c’est qu’une fuite en avant, mais l’an dernier quand Diak a eu doit à une formation, il a choisi psycho rien que pour m’emmerder ce gland, et depuis il me fait chier tout le temps avec des soi-disant analyses Jungo-freudiennes complètement fumées. Alors comme ça je rêve de coucher avec le patron parce que je n’ai pas connu mon père ? Alors comme ça mon appétit sexuel exacerbé reflète une peur primaire de l’abandon ? Merci Diak, c’est brillant, bravo. Pour un mec qui voit le monde qu’à travers des écrans de terminaux, on pouvait pas espérer mieux. Mais là pour le coup j’aurais bien aimé que Docteur Diakité me sorte une théorie freudienne sur le comportement de Kiwi. C’est préoccupant non ? Pourquoi le beau Kiwi vient se jeter dans les bras d’un mauvais parti tel que moi ? Je vais lui faire du mal. Ou plutôt je vais perpétrer le mal qu’on lui a fait.
Pendant que mon cerveau oscillait entre fantasmeland et la psychologie de comptoir, mon instinct lui avait compris l’essentiel : Kiwi était triste, il avait apparemment passé deux ou trois heures paralysé en bas de chez moi à se répéter à quel point il était nul. Alors je l’ai pris dans mes bras. Il s’est laissé faire comme d’hab. Il s’est blotti contre moi. Toi Kiwi, un boulet ? T’es le mec le plus classe que j’ai jamais rencontré, et j’inclus mon patron le boss du game ! Comment tu peux manquer de lucidité au point de penser ça ? Allez fait pas cette tête. T’es formidable ! C’est con que ce je n'arrive pas te le dire à voix haute pour des raisons de pudeur inopinée.
- Pourquoi tu m’as pas appelé ? je lui ai demandé en frottant son bras en métal tout froid (ça sert à rien je sais)
- Tu rigoles ? Je t’ai appelé au moins cinq fois ! Emmène ton tel quand tu sors choper, Dom Juan.
- Mais je l’avais ! Il a pas sonné une seule fois tiens regarde !
J’allais sortir mon téléphone pour prouver que j’avais raison, mais à l’instant où j’ai senti l’objet dans ma poche je me suis dit oups. C’est mon vrai téléphone là-dedans. Le téléphone de FdB était effectivement resté dans mon appart.
- T’as raison, j’ai fait en essayant de ressortir la main de ma poche de manière crédible. Je l’ai oublié.
Il a rigolé gentiment.
- Il te rend étourdi, ton plan cul. Pourquoi t’es pas resté dormir espèce de salaud ?
- T’aurais eu l’air malin, tiens. T'aurais fait quoi si je m’étais pointé à midi ?
- Bah je t’aurais attendu, j’ai pas vraiment le choix. Ou Grenade m'aurait retrouvé avant.
- T’aurais pu l’appeler lui pour qu’il vienne te chercher.
- Pas envie. Imagine, il serait venu me ramasser en bas de chez toi avec mes jambes en panne alors que j’étais venu pour te faire des avances, c’est trop la honte. Faut jamais qu’il l’apprenne.
C’est vrai que c’était bien foireux. Mais c’était marrant. Et moi il faut que j’arrête de psychoter sur cette histoire de viol parce que Kiwi est loin de ces préoccupations. Je lui ai demandé :
- Je te fais entrer ?
- S’teuplait oui !
- On fait comment ? Je te porte ?
- Ben... je peux rallumer mes jambes le temps de monter mais j’ai peur de tomber vraiment à zéro, ça me rassure de me dire que j’ai encore un peu de jus en cas d’urgence. Sinon avec un appui genre des béquilles ou une rampe je peux marcher comme un Playmobil mais je promets rien si y a des escaliers.
- C’est bon Kiwi-Kawaii. Je te porte.
J’ai ramené ses jambes l’une contre l’autre, passé un bras sous ses genoux et je l’ai soulevé en princesse, il l’avait bien mérité. Par contre il pesait une tonne pour son gabarit. Ou est-ce qu’il planque tous ses kilos ?
- Comme t’es lourd, purée !
- Que du muscle ! a-t-il plaisanté. Du muscle et des batteries au lithium. Et encore, j’ai que trois membres. Toi par contre ça va pas du tout. Un mètre quatre-vingt-dix et rien que ça pleurniche. Grenade il me porte facile.
- Je te lâche par terre ou bien ?
Il a eu un genre de fou rire, qu’il étouffait dans mon épaule. En vrai il était pas non plus si lourd que ça, c’est juste que ça surprend. On est entrés dans mon appart et je l’ai déposé sur mon lit. Je perds pas de temps, vous avez vu ! Je déconne, si je l’ai mis là c’est parce que j’ai qu’un canapé-lit et je l’ai pas fermé depuis au moins trois ans, pourquoi je le ferai, j’invite jamais personne chez moi.
Pendant que Kiwi s’installait confortablement et dépliait manuellement ses jambes, j’ai fait un tour rapide dans mon appart pour voir si rien de trop Santorga ne dépassait. Mon mug était caché sous une pile de vaisselle sale, je suis un as du camouflage. Peut-être même un peu trop maintenant que je fais gaffe : mon appart était vraiment crado. Depuis combien de temps j’avais pas changé les draps déjà ? Est-ce que c’est normal cette odeur de coyote faisandé ? Kiwi n’a rien dit mais j’ai vu comme il avait froncé le nez quand on avait passé la porte. Bon. Je vais ouvrir les fenêtres. Oui je sais, c’est pas bien, quand l’indice de pollution est au-dessus de 50 il faut pas... mais c’est pas Kiwi le terroriste qui va me dénoncer. Aaah, le bon air pollué du matin ! C’est déjà un peu mieux. Je suis allé chercher des bières dans le frigo.
Quand je suis revenu mon invité avait enlevé son fute et s’était mis sans se gêner sous la couverture. On dirait que lui non plus il perd pas de temps ! Mais il avait l’air plus endormi qu’excité.
- Pardon, m’a-t-il dit en baillant. Je t’ai piqué ton lit sans te demander, j’avais trop froid.
- Pas de souci. Bière ?
Il faisait pas très froid dehors, mais au bout de deux heures sans bouger assis sur une marche, c’est sûr qu’on a envie de se mettre au chaud. On a cogné nos bouteilles de bière et je me suis assis à côté de lui, mais en restant hors de la couette. J’étais intimidé, c’est incroyable non ? Le nombre de fois que j’avais rêvé d’avoir Kiwi dans mon lit, qu’il vienne me proposer qu’on couche ensemble. Bon, c’était plutôt clair qu’il avait changé d’avis, il avait réfléchi deux secondes et s’était dit que c’était pas une bonne idée. Si ses jambes étaient pas en panne il serait parti depuis longtemps. Mais c’est pas ça qui m’aurait freiné en temps normal. J’avais envie de tenter ma chance quand même, qui sait si un jour ça se reproduira ? J’avais envie de lui faire mon sourire de tombeur et de lui dire : “Alors comme ça tu voulais baiser ?” Mais avec ce que je savais sur lui maintenant... j’ai pris peur. Alors j’ai dit à la place :
- Tu veux mettre tes jambes à charger ?
- Nan c’est bon. Faut que je les enlève pour ça, et j’ai pas envie.
Il m’avait déjà dit, et j’avais aussi eu plusieurs fois l’occasion de remarquer par moi-même qu’il ne traitait pas du tout les prothèses de ses jambes et de ses bras de la même façon. Je me demande à quoi c’était dû.
- Sois pas débile, j’ai fait. Tu les enlèves une heure et hop tu les remets, tu pourras au moins te déplacer un peu. Pendant ce temps tu restes sous la couverture, je verrai rien.
- Nan... écoute, si t’es okay on attend que Grenade parte bosser et tu me ramènes chez moi, je changerai les batteries là-bas. Je t’expliquerai comment conduire, sur une automatique ya rien du plus simple.
- Pas de souci, si tu préfères crever en voiture que de mettre tes jambes à charger.
- Je sais que tu dois trouver que ça a aucun sens, mais c’est comme ça. Mes bras ça me dérange pas de les enlever, mes jambes c’est impossible. Rien que quand elles sont déchargées j’ai envie de mourir, mais quand je les ai pas du tout c’est encore pire. Ça me dégoute.
Il m’a fait un regard un peu étrange :
- C’est pour ça que je te propose plus qu’on couche ensemble. Sans mes bras ça me pose aucun problème, limite je préfère. Sans mes jambes, ou juste qu’elles soient éteintes, je pourrais même pas.
Il y a eu une seconde de flottement ou je me suis imaginé coucher avec Kiwi sans ses bras. Avec ses jambes paralysées. Comme c’est glauque putain.
- C’est à cause de tes jambes alors, si t’as changé d’avis ? C’est pas parce que tu t’es rendu compte que c’était une mauvaise idée de se venger de Grenade comme ça ?
- Un peu. Mais je comptais sur toi pour me convaincre que c’était pas grave.
Je rêve ou il est en train de me tendre une perche ? Merde, Kiwi a cramé que je réagissais pas comme d’habitude. Mais qu’est-ce que je pouvais répondre ? bien sûr que c’est pas grave qu’on couche ensemble alors qu’il en aime un autre. Mais est-ce que c’est vraiment pas grave qu’il se fasse repousser par son mec après s’être fait violer et qu’il se donne par désespoir au premier tocard venu ? Ça demande plus de réflexion. Et plus de bière.
- Bon et puis aussi, a repris Kiwi avec résignation, Je suis presque sûr que je pouvais sentir l’odeur de ton plan cul, quand tu me portais. Ça donne pas très envie.
Parle pour toi ! Putain de merde ça y est je bande. Je suis vraiment un dégénéré. J’ai rigolé bêtement pour détourner son attention, j’ai dit un truc à propos d’aller prendre une douche mais que j’avais la flemme, et quand j’ai reposé mes yeux sur Kiwi j’ai vu que les siens remplis de larmes à ras-bord.
Mais qu’est-ce qui s’est passé, qu’est-ce que j’ai dit ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Est-ce que quoi que ce soit a pu lui faire repenser à ce qui lui était arrivé ? J’ai paniqué comme un demeuré, je me suis jeté sur Kiwi j’ai attrapé sa peau ou je pouvais, puis je me suis dit que je devais sans doute pas le toucher alors je l’ai poussé, puis j’ai eu peur qu’il le prenne mal, qu’il croie que je le rejette parce qu’il me dégoûtait alors je l’ai repris dans mes bras, c’était la PANIQUE. Je comprends pourquoi Grenade le secoue dans tous les sens quand il lui parle, des fois.
- Mais qu’est-ce qui te prend FdB ? a-t-il fait en s’écartant de moi. T’es trop bizarre aujourd’hui, il t’a fait fumer un truc ton plan-cul ?
- C’est moi qui suis bizarre ? C’est toi qui pleure !
- Ah pardon.
Il s’est essuyé le nez en rougissant.
- Pardon. Je suis crevé, et il est cinq heures du mat, puis ça m'angoisse de pas pouvoir utiliser mes jambes. C’est rien. Flippe pas, c’est que de l’eau, chochotte.
Chochotte ? Moi ? Alors que c’est lui qui est en train de chialer ?
- Tu te fous de ma gueule ?
- Un peu, a-t-il plaisanté en reniflant.
Il m’a ensuite avoué, le nez dans sa bière :
- J’ai dit à Grenade qu’on s’était embrassés.
Le soulagement m’a submergé. Il pleurait à cause de Grenade, parce qu’ils s’étaient disputés à cause de notre pelle historique. Il ne pleurait pas à cause de son traumatisme d’il y a 10 ans. Je pouvais suivre.
- Comment il l’a pris ?
- Bien. Beaucoup trop bien, apparemment il attendait que ça, que tu le débarrasse de moi.
- Dis pas ça.
- Je t’assure que c’est vrai.
Grenade adore Kiwi, on peut tous le voir. Mais c’est vrai qu’il y a quelque chose qui cloche dans leur relation. Maintenant que je sais ce qui leur est arrivé je comprends mieux, même si je refuse de croire que Grenade repousse Kiwi parce qu’il le trouve “souillé” ça lui ressemblerait pas. En même temps qu’est-ce que je sais de lui ?
- Grenade m’aime, disait Kiwi. Je le connais depuis toujours et c’est un truc que je sais. Mais il ne veut pas m’aimer. Il fait tout pour arrêter, comme si j’étais une addiction, un truc toxique... J'essaie vraiment de pas être toxique pour lui mais peut-être qu’en fait je le suis. J'ai fait de lui un terroriste, haha, c’est difficile d’être plus toxique que ça.
Il a posé sa bière vide par terre et s’est calé sur le côté, dans le coussin.
- Enfin bon. Je m’en fous. C’est pas en pleurnichant que j’aurais les réponses. Ça te va si on dort ? Je suis claqué.
- Pareil.
- Y a moyen que je me lave les dents ?
- Tout ce que tu veux. Je vais voir si je te trouve une brosse à dents.
Je suis allé dans la salle de bains. Vu comme il galérait à marcher c’était plus simple si je lui amenais directement le matos. Il était allé aux toilettes à un moment, ça avait pris au moins un quart d’heure, il marchait comme s’il était perché sur des échasses de deux tonnes, ce qui était plus ou moins le cas. Ses jambes artificielles, que je voyais pour la première fois, lui arrivaient jusqu’aux trois quarts des cuisses. Trois centimètres de peau entre le port métallique et le bas de son boxer que je m’efforçais de ne pas mater.
J’ai regardé mon reflet dans le miroir de la salle de bains. C’était pas le bon moment pour que j’annonce a Kiwi mon appartenance à Santorga, si ? Il était triste. Je devrais pas empirer les choses. Je me suis passé de l’eau sur le visage, j’ai essayé d’enlever l’odeur de Diak de moi. On allait dormir sagement et demain en le ramenant chez lui je lui dirai. Où j’attends qu’il puisse marcher, histoire que je ne lui annonce pas ça à un moment où il se sent vulnérable.
Je n’avais pas de brosse à dent de rechange, alors j’ai juste ramené le dentifrice avec un verre d’eau. J’aurais pu lui prêter la mienne, après tout on s’était roulé une pelle il y a deux jours, mais elle était crade, quand même. Tant pis.
Kiwi faisait une drôle de tête quand je suis revenu dans le salon. Il a pris le verre et le dentifrice que je lui tendais et les a posés sur l’accoudoir avec un bras métallique tremblant.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Rien.
Il a répondu beaucoup trop vite pour que ce soit vrai. Il évitait de me regarder, j’étais un peu perplexe. Et puis soudain je me suis inquiété. Santorga. Qu’est ce qu’il avait vu ? Le badge le mug les stylos les feuilles de paye. Je veux pas qu’il l’apprenne comme ça. Le brouilleur IEM, putain ! Je l’avais repéré sur une étagère, on le voyait de là ou était Kiwi mais il était hors de portée, impossible qu’il devine ce que c’était juste en le regardant. Avec ses jambes HS, il pouvait pas bouger du lit pour fouiller, c’est pour ça que je me suis permis de le laisser seul dans le salon, en théorie ça risquait rien.
- Qu’est-ce qui se passe Kiwi, j’ai demandé effrayé.
Il a essayé de me regarder sans y parvenir. La culpabilité m’a fait mal, mais peut-être que c’était un mal pour un bien ? Il ne pouvait pas bouger, il ne pouvait rien faire de stupide. Si je lui avouais la vérité maintenant Il serait obligé de m’écouter jusqu’au bout.
Il a pris la parole en premier, et j’ai été surpris qu’il soit aussi calme, sans colère, sans incrédulité, comme s’il savait tout depuis longtemps :
- Comme tu prenais du temps dans la salle de bains, j'ai pris ton terminal pour regarder les actus.
C'est vrai que j’avais laissé mon terminal sur le lit comme un con. Il était tombé sur mes mails pro ?
Et soudain j'ai percuté que tout ça n’avait rien à voir avec Santorga. Kiwi avait allumé mon termi et s’était retrouvé face à face avec une dizaine d’articles putaclics qui exposaient les détails de son horrible passé. Oh mon Dieu c’est encore pire comme ça. Je me suis effondré à côté de lui.
- Putain pardon. Je... suis désolé. J’aurais pas dû faire de recherches sur toi.
- Bah, on fait tous des recherches sur les autres, c’est à ça que internet sert. C’est pas grave. Tu pouvais pas savoir sur quoi t’allais tomber. Au moins maintenant je comprends pourquoi t’étais aussi bizarre.
J’ai pas su quoi répondre. C’est vrai que je ne m’étais pas comporté comme je l’aurais fait d’habitude. Pas de sous-entendus, pas de blague, alors que Kiwi était en boxer dans mon lit. Devant mon silence minable, Kiwi a essayé de rigoler, puis il a replié manuellement ses jambes pour ramener ses genoux vers lui et y caler sa tête.
- Quelle soirée de merde, a-t-il fait en essayant d’avoir l’air de plaisanter.
Je me suis senti en décalage parce que perso, ça avait été une des meilleures nuits de ma vie. Le diner avec Kartrouville Ex qui m’avait fait me sentir comme si je faisais partie d’une famille. Diak qui m’avait fait me sentir comme si j’étais aimé. Kiwi qui m’attendait dehors à l’aube comme si j’étais quelqu‘un de nécessaire.
- Kiwi est-ce que... tu veux... je sais pas... tu veux...
En parler ? J’osais pas aller aussi loin. Kiwi m’a enfin regardé, ses grands yeux verts sombres, un peu rouges, cernés par le manque de sommeil, déterminés.
- Si je veux en parler ? Tu veux m’écouter en parler FdB ? Parce que je crève d’envie d'en parler à quelqu’un depuis des années. S’il te plait ne va pas au bout de ta phrase si tu proposes ça par politesse ou par acquis de conscience.
Ça m’a fait sourire. Le pire était derrière nous, je crois. Je suis allé chercher d’autres bières et je me suis installé à côté de lui, sous la couette cette fois.
- Vas-y mon pote. Raconte-moi tout ce que tu veux.
Mais pourquoi "Diak c'est pas la personne pour ça" ! Sérieux cette peur de l'engagement qu'il a ce Fdb... Et comment il peut penser une seule seconde que Diak s'en fout de lui ?
Bon, sinon c'est intéressant comme dynamique que ceux qui baisent se parlent pas et ceux qui baisent pas se parlent.
j'irais pas jusqu'à dire qu'on s'est disputés, mais je me suis disputé avec lui tout seul, dans ma tête : le détail qui tue, j’adore.
Pas forcément une technique efficace vu qu'y a tellement de moments déchirants, mais je compte sur FDB pour me sauver XD
Tiens d'ailleurs ça marche, je me suis marrée au moment où il pense dire à Kiwi 'alors comme ça, on voulait baiser" avec un sourire tombeur et qu'il se retient XD
Je l'aime vraiment beaucoup ce chapitre, je trouve très fort la façon dont tu montres comme FDB est désemparé depuis qu'il connaît le passé de Kiwi, et toutes les nuances, comme à la fois ça ne change rien du tout à son regard et son admiration pour lui, et en même temps ça perturbe son comportement, il a tellement peur de faire des faux-pas, de faire ou dire ce qu'il ne faudrait pas, qui pourrait le blesser, c'est vraiment beau et tellement juste.
J'aime aussi beaucoup la façon dont Kiwi regarde différemment ses bras et ses jambes, parce que je trouve que c'est symbolique un peu du personnage, bon pardon d'avance si c'est une théorie bidon, mais ça fait plusieurs fois que j'y pensais et que je voulais te le dire:
Kiwi supporte pas l'idée d'être sans ses jambes, et je trouve ça super cohérent parce que Kiwi, il avance toujours, quoi qu'il arrive, il est toujours debout, et il avance, peu importe ce qui lui tombe dessus.
En revanche il s'en fout de ses bras, et les bras ça peut être ce qui permet de tenir les gens contre toi, de les garder pour toi, d'enserrer.. Et Kiwi justement il est à l'inverse de ça, il entraîne jamais personne, il force jamais personne à rien, il laisse juste les personnes venir à lui, sans enfermer ni maintenir, et c'est un truc que je trouve beau chez ton perso.
Bref, je trouve ça cohérent et symbolique avec le caractère de Kiwi, son rapport à ses bras et ses jambes..
Woaaa c'est trop beau ton analyse sur les bras et les jambes de Kiwi ! et je pense qu'elle est vraie, ça dérange pas Kiwi de se faire manipuler de tous les cotés, mais il a besoin de tenir debout. Merci pour ce beau com, je suis vraiment impressionée par comme tu tapes justes !
Mon racontage de vie passé, mon avis sur le chapitre xD :
Ooooh j'aurai aimé avoir plus de Diakarmin ! Tu as tout elipsé roh !
AHAHAHAH ce moment ou Victor fait la liste de tout ce qui le cramerait qu'il bosse pour Santorga, la liste n'en finit plus j'adore xD
"Je te la fais courte. Essaie de pas te moquer."
-> Alors je suis désolée Kiwi, mais je me suis moquée mdrrrr Même en connaissant l'histoire, raconté comme ça xDDD
"Ai-je bien entendu ? Kiwi voulait coucher avec moi ?"
-> J'étais pareil "Kiwi a lâché l'info comme ça :o :o :o :o :o"
"Il avait fait tout le chemin jusqu’à Cergy pour gouter mon sirop de fraise des bois ?"
-> Si ça continue je vais citer toutes tes phrases, olala celle-ci xD je ne m'y attendais pas mdrrrr
-> Au passage, manque un petit accent : goûter*
"C’est con que ce je n'arrive pas te le dire à voix haute pour des raisons de pudeur inopinée."
-> Le début de la phrase est bancalement pas correct ;)
-> C'est tellement touchant par contre sa façon de réagir :3
"Emmène ton tel quand tu sors choper, Dom Juan."
-> Je ne sais pas si la faute est volontaire, mais si ce n'est pas le cas, c'est Don* Juan ^^
C'EST ABSOLUMENT TROP ADORABLE ! Victor qu'est-ce que tu es con parfois, mais là, olala, tu as su gérer comme il fallait, bébé ! Un ami comme on aimerait tous avoir !
Je fais tout pour éviter d'avoir a écrire des scènes de cul, et avec un perso comme Victor c'est pas toujours évident ! mais au fil du temps j'ai développé un don de ninja à chaque moment cochon je disparais dans un nuage de fumée xD
Oui Kiwi a annoncé ça direct xDD il est déprimé alors il a pas de filtres xD
RAAAAH DOM JUAN ! a la base j'avais écrit "Don Juan" et c'est Audrey Lys qui m'a fait la remarque que non, ça s'écrivait "Dom Juan" ! Du coup j'ai corrigé ! Mettez vous d'accord xDDD
Je suis allée faire des recherches, et donc apparemment "Dom Juan" = La pièce, et "Don Juan" = le perso. Donc là dans mon histoire ce serait "Don Juan". Je file recorriger du coup ! merci !
La disparition dans le nuage de fumée mdrrr
Mdrrr je ne savais pas que la pièce c'était Dom Juan xD !
Contente que t'aimes, en plus ces chapitres là c'est pas des chapitres évidents :x
Désolée pour mon manque de commentaires critiques >.<
T'as une finesse dans l'évolution des relations entre les personnages, c'est fou. Je pense que l'alternance des points de vue y est pour quelque chose.
Je continue, je ne peux pas m'arrêter là.
Et c'est très bon !
Même sur ma fameuse théorie du "ton FdB", j'ai rien à dire : là ça m'a paru juste nickel. Tu réussis à faire passer la profondeur nouvelle de ses reflexions dans une syntaxe proche de celle des premiers chapitres.
J'ai même pas de pinaillage à faire !
Je redoute un peu le prochain chapitre, quand même, je sens que ça va remuer...
alors, euuh, dans ce chap, FdB porte Kiwi "en princesse". Dans ma tête c'est pas tu tout un truc sencé être comique ni féminisant, c'est juste pour décrire la manière de porter quelqu'un, de face avec une main sous les genoux et une autre sous le dos ! Mais j'ai eu plusieurs remarque comme quoi c'était rigolo, ou au contraire que c'était une tentative d'humour mal placée !! je n'y comprenais plus rien ! on appelle bien ça "porter en princesse", non ? ça a rien de rigolo !
"Don Juan" ça s'écrit "Dom Juan"
"le premier tocard venu (moi)" je trouve que le (moi) Est en trop, on avait compris
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Très bon ce chapitre ! J'étais sûre qu'ils allaient aider Diakinou et FdB XD. Plan cul un jour, plan cul toujours ! (Enfin ptete pas pour longtemps mais bon).
LES BATTERIES ! Mais c'était SÛR qu'il allait les oublier dès qu'il a dit qu'il fallait les recharger, Kiwi t'es un boulet !
Bon à part ça j'adore la réaction de FdB quand Kiwi lui dit qu'il veut baiser XD, et le développement de leur relation dans ce chapitre. Par contre je suis un gênée parce que j'ai l'impression qu'ils développent une relation plus fraternelle qu'amoureuse....
aider ? tu voulais dire... baiser ? XD
merci pour le com et la lecture !!