Manifestation.

Notes de l’auteur : Pour les lecteurs/lectrices qui seraient déjà passé(e)s par là et ne se souviendraient pas de ce chapitre, c'est que j'avais oublié de le publier avant. Gros mea culpa. 😅

Quand je me réveille, mon corps tout entier est endolori. Je réalise que c'est parce que je suis saucissonné à l'arrière d'une carriole et rudement balloté par le dénivelé hasardeux d'un sentier sur lequel, d'après ce que j'entends, filent au grand galop les chevaux de l'attelage. Alors que je regarde autour de moi en me demandant sérieusement ce que je fous là, je remarque Isaac, et je reste bouche bée devant ce que je vois.

Il n'est pas entravé par le moindre cordage, et comme moi, les sursauts de la cariole sur le sentier irrégulier et rocailleux le font valdinguer un peu partout. Pourtant, il n'y a chez lui pas le moindre mouvement autre que ceux provoqués par le rebond de son corps sur le bois. Et même ces mouvements sont inhabituels, il reste figé comme s'il était devenu lui-même une planche de bois humaine. Mais le pire, c'est cette espèce de maudit serpent jaune qui rampe tout autour de lui : sur ses bras, ses jambes, son ventre ; ce maudit reptile qui semblait l'avoir réduit à l'impuissance la plus totale quand ces sales types nous ont attaqués, se faufile encore partout sur lui ; et visiblement son effet ne s'est pas dissipé.

Reste encore une chose préoccupante, malgré tous les coups qu'il a dû se prendre depuis qu'on est là-dedans, il n'a même pas ouvert les yeux ou même grogner son mécontentement, ce qui, quand on connait le personnage, est tout sauf normal.

            Pour en avoir le cœur net, je m'approche de lui à grand renfort de roulades et tortillements ; bon Dieu, si jamais j'attrape encore un de ces enfoirés encapés !

"Isaac réveille toi !, je lui ordonne à voix basse. Lève-toi gros paresseux !"

Pas de réponse.

Malgré mes appels répétés et les coups de pieds que je lui ai même assénés en désespoir de cause, il n'a pas la moindre réaction. Ok. Là c'est inquiétant. Je me penche donc à grand peine dur son thorax. Il respire, bon au moins il est vivant. Maintenant reste plus qu'à réveiller ce légume.

J'ai bien une idée, mais primo, si elle ne fonctionne pas la seule explication logique sera qu'il est dans le coma, secundo, si ça marche il risque d'hurler tellement fort qu'on sera grillé par nos ravisseurs et tout être vivant doté d’ouïe à 1 kilomètre à la ronde.

Pour me décider, je détaille (pour ce que je peux en voir) mes liens. Mes mains et mes pieds sont solidement attachés dans mon dos par un enchevêtrement complexe de ce qui semble être…des nœuds coulants. Génial. Et même mes cuisses sont maintenues soudées entre elles… Le tout est fait avec un genre de corde fine mais tressée dont je sais au premier regard que je ne pourrai pas la casser en tirant dessus. Vraiment gé-nia-li-sime.

Bon après, les cordages qui enserrent mes cuisses sembles avoirs aussi soufferts du transport que moi et ils se sont légèrement relâchés, bon j'ai encore une chance !

            Je me mets tant bien que mal sur mes genoux, et tâtonne dans mon dos pour essayer de les attraper par là et les remonter un peu… Je grogne alors que, pendant cette opération déjà délicate, j'essaie de limiter au maximum le resserrement de mes entraves sur mes poignets et mes chevilles, et que le sentier dans un état indéniablement catastrophique, manque de me faire manger le plancher de la cariole par deux fois.

Au bout de ce qui me semble une éternité de combat acharné, j'arrive enfin à mes fins et je parviens à bouger mes jambes juste assez pour ce que je m'apprête à faire.

Avec ma petite liberté de mouvement retrouvée, je parviens à me mettre à califourchon sur Isaac. J'approche mon visage du sien et m'arrête. Malgré la gravité de notre situation, je ne peux m'empêcher de le trouver mignon, ses mirettes sont toujours fermées et son visage expriment une sérénité qu'il est si rare de voir quand il est réveillé.

D'aussi loin que je me souvienne, Isaac a toujours été… Tourmenté. Il a sans arrêt des milliers de choses en têtes, sur les gens surtout. Ce qu'ils pensent de lui en particulier, mais aussi ce que lui doit penser d'eux. Il a bien essayé de m'expliquer une fois, et j'ai fini avec un mal de crâne prodigieux. J'ai jamais vu quelqu'un se poser autant de questions. C'est pour ça qu'il se tient toujours à l'écart des gens, "trop de variables inconnues" qu'il dit.

C'est vraiment dommage, c'est pas quelqu'un de difficile à vivre pourtant. Il est poli, attentif, patient et permissif. Autant dire que pour quelqu'un comme moi, il est la combinaison parfaite. Pourtant, notre première rencontre fût pour le moins… Explosive. Je me souviens…

            Je secoue vigoureusement la tête après qu'un nid de poule a manqué de m'étaler sur mon ami. Bon sang Cole, c'est pas le moment de ressasser !

C'est aussi à ce moment que je comprends à quel point ma positon est suggestive : moi à califourchon sur Isaac, mon visage à seulement quelques centimètres du sien, nous deux vêtus de simples tuniques à la taille alors qu'au dehors, une légère brise s'est levée et que le soleil irradie sur nos peaux nues…

Non mais c'est pas vrai ! Je suis frustré à ce point, pour avoir ce gendre de réflexions alors qu'on est à l'arrière d'une cariole conduite par des types plus que bizarre et de toute évidence mal intentionnés, qui nous emmène sans doute dans je ne sais quel repère de tordus !

Sur cette remarque, sur laquelle je ne ferai pas de commentaire, je me décide enfin à mordre profondément le cou d'Isaac, tout en appuyant ferment sur sa bouche avec mon épaule pour étouffer tout hurlement, qui signifierait son indiscutable réveil. Et effectivement, la bouche d'Isaac s'est ouverte dans un hurlement qui aurait pu être tout ce qu'il y a de plus mémorable… Mais qui ne produit pas le moindre son.

"Ah, t'es vivant le légume !, dis-je à voix basse en soupirant de soulagement.

Sous moi, Isaac se tortille (ou du moins essaie) pour se libérer de ses liens, mais il abandonne au bout de quelques minutes, parant son visage d'une expression de profonde exaspération, le reptile fluorescent continuant imperturbablement de ramper sur sa peau.

Je profite de ma position un peu surélevée pour voir ce qu'il y a autour de nous, bien que la cariole soit couverte d'une toile tendue, les endroits où la toile est fixée au bois par des clous forment des ouvertures par lesquelles je peux jeter un œil au dehors. Nous sommes sortis de la forêt dans laquelle on était paumés au départ, au moins un point positif à tout ce merdier.

A ma droite, s'étend jusqu'au loin un tapis d'herbe drue ondulant sous la brise et parsemé de quelques arbres au tronc fin et haut. A ma gauche, le même paysage avec pour seule différence… Je plisse les yeux pour rendre plus net ce qui semble être les contours… De toitures d'habitation ! Oui c'est ça ! Je vois bien défiler au loin les toitures arrondies, épaisses et foncées des chaumières basses à l'orée de la ville ; avec les larges espaces entre elles qui doivent surement être occupés par les étables ou les granges des paysans qui y vivent. Ensuite, s'élèvent un peu les toits carrés des immeubles de rapport, serrés les uns contre les autres. Vers le centre de la ville, les pointes des tours de ce qui doit être l'église percent vers le ciel, se détachant indéniablement des autres bâtiments…

Une ville… Bon Dieu une ville je n'y crois pas !

Mais quand je me tourne vers Isaac avec un immense sourire sur le visage, je vois qu'il a lui aussi l'air de s'étouffer de rire. Ce n'est que quand je remarque ses joues légèrement roses, qui trahissent toujours une certaine gêne chez lui (comme quand je fais semblant de flirter avec lui pour le taquiner et que je vais un peu trop loin) que je prends conscience d'une chose qui n'était absolument pas prévue.

Avec les mouvements de la cariole, les cordes que j'avais au départ juste un peu remonté sur mes cuisses, ont continuées de monter peu à peu… Un peu trop. Et maintenant, toujours à cause de ce maudit sentier irrégulier, une certaine partie de moi s'est endurcie et…

Un énième nid de poule fait se secouer la carriole et je perds j'équilibre, m'aplatissant sur Isaac et mon menton se cogne contre le plancher poussiéreux. Je ne peux m'empêcher de pousser un grognement, mais heureusement mes mâchoires sont tellement serrées que visiblement il passe inaperçu aux oreilles de nos ravisseurs.

C'est là que je le vois, je n'y avait pas fait attention au début, mais dans le coin au fond à gauche, il y a une sorte de sac de voyage renversé et à moitié ouvert, et de là où je suis, je peux voir un rai de lumière faire scintiller un petit morceau de métal à l'intérieur.

Je me laisse donc tomber le plus silencieusement possible de sur Isaac, cette satanée corde frottant toujours sournoisement mon entre-jambe. Et à grands renforts de dandinement ridicules, je parviens à m'approcher de ce sac et à plonger prudemment ma tête dedans. Lentement je recherche au toucher ce bout de métal qui pourrait nous sortir de ce pétrin, en priant le Ciel pour ne pas me taillader bêtement le visage.

Je finis par le sentir contre ma joue et referme mes dents contre un manche en bois, avant de m'extraire la tête du sac. Je jubile littéralement, je viens de me trouver pile ce qu'il me fallait pour me libérer ! Ni une ni deux, je me retourne sur le dos et saisis la hache que je viens d'extraire avant d'entamer des mouvements frénétiques de haut en bas pour libérer mes mains au plus vite. La hache est aiguisée et j'entent le tressage s'effilocher à chaque mouvement, j'y suis presque !

Mais dans mon empressement, j'ai arrêté de prêter attention aux mouvements de la cariole et, alors que je donne mon dernier coup de lame, une secousse particulièrement rude fait glisser l'outil de mes mains. Une exclamation de douleur m'échappe alors que le tranchant de la hache écorche ma main.

Cette fois ça ne rate pas : la cariole s'arrête. J'entends les gens devant s'échanger des paroles rapides et l'un d'eux descendre à terre. Il arrive par la droite. En m'efforçant de passer outre la douleur mordante, je me débarrasse des liens qui m'entravent, saisi la hache et me cale dans le coin droit de la cariole, juste devant Isaac, là où la toile tendue l'empêche de me voir sans qu'il soit à ma portée.

Il tend la main.

Ouvre le loquet.

Et à l'instant même où il passe la tête à l'intérieur, je lui balance le plat de la hache dans la figure avec force, sautant de la cariole en même temps. Je tente au passage de le blesser à la poitrine, mais il esquive in extrémis et avant qu'il ai le temps de crier quoique ce soit, je lui envoie le manche de la hache en plein dans la pomme d'Adam.

Mais alors qu'il s'écroule au sol, je sens un mouvement dans l'air derrière moi, et bien que j'ai amorcer un mouvement pour me baisser, je me prends un violent coup sur la tête et je m'écrase sur le sol et lâche mon arme.

Non non non ! Pas encore !, j'enrage alors que celui qui m'a pris en traitre par derrière s'affale sur moi pour me maitriser. Et comme si le Ciel avait entendu mes pensées, je sens quelque chose d'autre s'étaler sur nous deux et mon assaillant émettre un bruit de gorge comme s'il s'étouffait. Sa poigne sur mes poignets se relâche pendant un très court instant et j'en profite pour lui coller un coup de coude dans le nez. Mais mon coude fend l'air sans atteindre sa cible et je me retourne dans le mouvement.

Ce que je vois me cloue alors sur place : Isaac est sous le type qui m'a pris en traître, la fine cordelette enroulée autour de ses poignets et passée autour du cou son cou. Ce dernier essaie de le frapper et de l'attraper mais Isaac étant plus fin que lui, l'autre ne parvient pas à l'atteindre. C'est dingue ! je savais qu'il s'était mis à l'exercice, mais de là à tenir tête à un mec taillé pour le combat, où même à avoir le cran de l'engager…

La teinte maintenant violacée du gars me sort cependant bien vite de mes pensées, s'il continue comme ça… Mais au même moment, Isaac le retourne sur le dos, s'en dégage et on décampe.

Enfin du moins, c'était le but.

Mais c'est tout juste si on a commencé à courir que je me sens étranglé, comme si un étau s'était refermé sur ma gorge. J'ai à peine le temps de porter à mon cou ma main ensanglantée pour me rendre compte que je n'ai rien ; que je suis violemment tiré vers l'arrière, mes pieds quittant le sol. Une seconde plus tard je m'écrase contre un arbre, de nouveau à côté de la carriole. Mais le cri de douleur que je pousse à l'impact reste coincé dans ma gorge.

A mes pieds (qui n'ont toujours pas retrouvés le sol) le mec que je pensais avoir mis K.O. se relève lentement, en s'appuyant sur un arbre. Sa main tendue vers moi, dans le vide, semble pourtant saisir quelque chose, et quand il raffermi sa poigne dessus, je comprends douloureusement que c'est ma gorge. Mais qu'est-ce que c'est encore que ses conneries putain !

Alors que le type achève de se relever, sa capuche tombe et dévoile une touffe de cheveux beiges nacrés. Quand il lève la tête vers moi, des yeux noirs riants d'une satisfaction malsaine me fixent, sur un visage à la peau ébène et lisse, avec un menton pointu. Il essuie de la paume de sa main droite son nez sanguinolent et, je vois sur son poignet un symbole tatoué à l'encre ivoire :

A une centaine de mètres devant moi, Isaac s'est arrêté mais pas retourné. Mais pourquoi ? Pourquoi cet imbécile s'est arrêté ?!

"Cours Isaac ! Cours imbécaaargh !

Le type vient de resserrer sa prise invisible sur ma gorge, ravivant les douleur qu'une situation récente m'avait laissée. J'ai la tête qui commence sérieusement à tourner maintenant. Mais pourquoi il ne bouge pas !

Il se tourne enfin et… Avance vers nous ?!

-Lâche-le., l'entends-je ordonner".

Alors qu'il poursuit son avancée, je remarque qu'il titube dangereusement, qu'il est blanc comme un linge et qu'il a l'air de lutter âprement contre la nausée.

"Je ne vais… Pas… Pas me répéter.", dit-il d'une voix blanche.

Pour toute réponse les lèvres du type s'étirent dans un rictus mauvais. Et s'avance vers lui Leurs regards se croisent. J'ai la désagréable impression que l'air s'alourdit. Comme… Comme la dernière fois, dans la forêt…

Le ciel se pare soudain de nuages opaques et l'homme s'approche encore, lève son autre paume vers Isaac, qui abat sa main violemment sur sa tête, comme pour l'empêche de tomber de ses épaules. Il transpire abondamment, ses yeux ont l'air fous à fixer aléatoirement des points quelque part entre le type et moi, passant de l'un à l'autre tellement rapidement qu'il m'est impossible de les suivre.

Il respire difficilement aussi, à moins que ce soit moi ? Cette remarque suffit à me ramener brutalement au manque d'air qui brûle ma gorge. D'un coup, suis pris de convulsions et par instinct, je cherche frénétiquement à virer cette main invisible de mon cou.

J'entends seulement Isaac hurler à pleins poumons "Lâche-le" avant qu'une onde de choc colossale ne me traverse et qu'un flash de lumière argent m'aveugle. Et je suis emporté par l'inconscience.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
SybelRFox
Posté le 20/09/2021
Oh wow, effectivement, j'ai bien fait de relire. Je me souvenais du kidnapping et du Super Isaac qui se réveille à la fin mais je ne savais plus que les choses se passaient comme ça. Go relire le reste now .... (je n'ai pas pu commenter sur le chapitre d'avant parce que... bah parce que je l'avais déjà fait).
A.W. Zephyrus
Posté le 22/09/2021
P.T.D.R. T'en fais pas, toi au moins tu commentes. 😭
Vous lisez