Premier contact et dissensions.

Notes de l’auteur : Je crois que je me suis embrouillé sur les temps utilisés donc n'hésitez pas à relever. Le récit est sensé être au présent mais il y a une partie au discours rapporté. D'une manière générale, je suis toujours preneur pour qu'on corrige mon orthographe et qu'on diversifie mon vocabulaire.

"Chéri, tu veux bien arrêter deux minutes de me fixer comme si j'étais une glace et que je j'allais fondre à la seconde où tu cligneras de yeux ? Ce serait cool."

Je jette un regard agacé à mon comparse assis sur le lit en face de moi, et il détourne immédiatement le sien en prenant un air renfrogné.

—Excuse-moi de m'inquiéter Isaac hein, c'est vrai que tu pètes la forme c'est derniers temps. Et puis c'est pas comme si t'étais resté cinq heures inconscient et que tu vomissais tes tripes depuis que t...

—Cole je suis au courant !" je le coupe, un violent haut le cœur me saisissant à la fin de ma phrase.

Je saisi immédiatement la bassine posée sur mes genoux et me redresse comme un ressort, pile avant de vomir une nouvelle dose de bile. Je m'affale ensuite à nouveau dans mon propre lit. Cole s'est déjà levé et, avec un grognement, me passe une serviette humide et froide sur le visage. Délivrance.

Je tourne à nouveau le visage vers la haute fenêtre à ma droite, contemplant les reflets chauds que le soleil couchant laisse sur les petits immeubles et les trottoirs de la ville. D'après Cole, ça fait maintenant cinq heures que nous sommes ici (il s'est réveillé avant moi). Pour ma part, je ne me suis réveillé qu'il y a une demi-heure, et depuis je vomi presque littéralement mes tripes comme il dit. (Une chance que la bassine se vide toute seule à chaque fois, sinon aucun doute que nous pataugerions dans ce liquide jaunâtre nuancé de vert et terriblement nauséabond, tout droit sorti de mon estomac.) Avec un soupir fatigué je me décide finalement à m'excuser de m'être emporter. Si j'étais à sa place j'aurais fait exactement pareil. Pour toute réponse, il hoche la tête et passe doucement ses mains dans mes cheveux.

Je suis alors frappé par une interrogation tellement évidente, que le fait de ne pas l'avoir posée à la seconde où j'ai ouvert les yeux est une preuve indiscutable de l'état de ratatinage sans précédent de mon cerveau.

"Est-ce que tu sais qui ils sont ? Ceux qui nous ont amenés là ? ("là", étant une grande salle rectangulaire dont tout un mur est une immense vitre, et à l'intérieur de laquelle quatre rangés de lits se superposent deux-à-deux d'un bout à l'autre, avec des chaises éparpillées un peu partout. "Là" étant donc à première vue une infirmerie).

—Les ai vus qu'une fois., me réponds Cole en haussant les épaules. Quand ils ont déposé ça (il désigne la bassine en bois du menton). Et je leur ai pas parlé, poursuit-il avant que je pose la question, mais quand ils discutaient entre eux j'ai rien compris alors...

—On peut douter qu'ils parlent notre langue, j'achève à sa place. C'est terriblement pratique. (Je réfléchis encore un court instant avant de poursuivre) Et... Ils ont fait quoi quand ils ont apporté la bassine ?

—Comment ça ?, m'interroge-t-il sans comprendre.

Je me retiens de froncer les sourcils et de soupirer d'agacement, comme à chaque fois que je me retrouve à devoir expliciter quelque chose qui me paraît évident. Cole se montre très indulgent quand je me montre incapable de me concentrer sur une discussion, alors je lui dois bien ça.

—Bah, le moins qu'on puisse dire c'est que je suis malade et que ça se voit alors, je me suis dit que peut-être ils m'auraient examiné où quelque chose comme ça non ?

—Ah, ça. Je crois bien... Enfin ils sont arrivés à trois, l'un d'entre eux a pris ta température et ton pouls vite fait, ensuite un autre a posé deux bassines, une avec de l'eau et celle-là (il désigne à nouveau le récipient sur mes genoux avant de froncer les sourcils et de poursuivre). Mais de bout en bout ils ont beaucoup chuchoté entre eux, une discussion assez animée, et à un moment le mec qui avait pris ton pouls a passé sa main au-dessus de ton corps, et c'était comme si elle brillait. Il avait l'air concentré en tout cas. Ensuite ils sont ressortis précipitamment et voilà.

—Comment-ça "voilà" ?, je relève en fronçant moi-même les sourcils tandis que je le fixe à nouveau. Ils sont repartis sans même voir comment tu allais toi ?

—Bah, dit-il en haussant les épaules et en reportant à son tour son regard sur la fenêtre à ma droite. J'avais pas b'soin tu vois bien.

—Mouais dis-je dubitatif", après avoir soulevé son menton pour mieux voir son cou. Mais quand-même...

J'avais souvenir que cet endroit avait pris cher ces temps derniers. Malgré tout, effectivement, là où la veille encore je pouvais voir une empreinte bien nette de main tintée de toutes les nuances de bleu entre le clair et le marine, il n'y avait plus que quelques points jaunâtres et basanés.

"Et ton dos ?, j'insiste en lui lançant un regard interrogateur.

—Quoi "mon dos" ?

—Ton dos s'est pris un arbre.

—Ah oui.

—Montre-moi.

—Ah non. T'inquiète j'te dis, j'ai pas mal, j'ai rien !, ajoute-t-il sans cacher son irritation le moins du monde en voyant mon regard surpris.

—Va falloir que tu m'expliques comment tu fais", dis-je en battant en retraite avec une moue vexée.

—Qu'est-ce que j'ai encore fais ?, répond-t-il en soupirant.

—Tu guéris à une vitesse hallucinante Wolverine, c'est injuste.

—Oh vraiment ? Parce que tu vois, c'est exactement ce que j'ai envie de dire en ce qui vous concerne ces temps-ci, Professeur X.

Il me regarde avec des yeux écarquillés qui ont l'air de dire "Toi tu manques pas d'air" et une expression coincée entre l'amusement et l'exaspération.

—Attends, le Professeur ? Carrément ?

Wolverine ? Carrément ?

—T'aurai préféré Le Fauve tout bleu peut-être" ?, je rétorque en prenant une posture de gorille et une voix excessivement grave.

—Sachant qu'il a un Q.I. au moins dix fois supérieur au tien, c'est pas plus mal. Et toi tu te verrais plus en Jane Grey avoue. (Il a prononcé le nom avec un ton suraigu, en papillonnant des yeux, ramenant théâtralement en arrière une chevelure imaginaire.)

—Ah la belle affaire ! J'pourrai enfin t'étaler par terre sans que tu remarques quoi que ce soit, pendant que tu roulerais des mécaniques matins et soirs juste pour que la magnifique X-men t'accorde un regard. (renvois-je avec l'expression de débile profond et baveux qu'il tire à chaque fois qu'elle apparait à l'écran.)

—C'est ça, enfin toi c'est pas pour un regard que tu te pâmes littéralement devant Wolverine d'amou...

Je lui envoie mon coussin à la figure avant qu'il ne finisse sa phrase.

—Oh ! Espèce de..."

Mais je n'ai pas le temps de choisir ce qui convient le mieux entre "pervers" et "traitre", que la porte de l'infirmerie s'ouvre, quatre hommes entrant dans la pièce.

A la seconde où nous les voyons, lui comme moi nous figeons. Les nouveaux venus s'avancent directement vers nous. Ils ont entre vingt et cinquante ans : le plus jeune a les cheveux noirs, la peau tannée et des yeux tout aussi noirs. Il est vêtu d'une simple veste en cuir, enfilée à même la peau et ouverte -elle ne cache rien de son corps aux muscles fins et travaillés - et en guise de pantalon, un sarouel bouffant. Les sandales à ses pieds achèvent de lui donner un look de vagabond tout droit sorti d'Orient.

A ses côtés, l'autre homme a l'air d'être du même âge, bien qu'il fasse une tête de plus que lui, partage son visage au menton un peu triangulaire et ses sourcils fins, sauf que lui a les yeux bleu clair et limpides et les cheveux couleur ardoise. Il est tout aussi légèrement vêtu, avec un bermuda et une chemise en flanelle blanche dont les premiers boutons sont ouverts ; laissant entrevoir ses pectoraux. Sur l'un d'eux, une encre de la même couleur que ses yeux dessine les courbes d'un tatouage complexe que je ne vois pas entièrement.

Le troisième homme doit mesurer dans le mètre quatre-vingts, le teint blafard et le nez aquilin. Ses sourcils fins et brins (tout comme ses cheveux qui dévalent ses épaules jusqu'au milieu de son dos) sont froncés. Il me rappelle Cole face à une formule mathématique particulièrement complexe, sauf qu'à sa différence, il a l'air d'avoir dans la trentaine à vue de nez, et Cole n'a pas cette ride verticale profonde qui me fait me demander s'il n'est pas né comme ça. Il est habillé comme ces types qui nous ont piégés dans la forêt, mais son chaperon est du même vert foncé que ses yeux.

Le dernier homme est le plus âgé des quatre cependant, malgré ses cheveux et sa courte barbe grisonnants il ne me viendrait pas à l'idée de le qualifier de "vieux". Il se tient droit, la tête haute. Également vêtu d'une chemise et d'un short, qui laisse voir les muscles volumineux de ses bras et ses jambes aussi épaisses que des troncs d'arbres. Si on ajoute à cela les coutures légèrement tirées de sa chemise qui soulignes sa carrure, oui, je dirais plutôt que c'est un roc en pleine force de l'âge.

Mais il y a autre chose chez lui qui me frappe. Quelque chose de viscéral, qui m'incite immédiatement à rester sur mes gardes, comme avec les mecs de la forêt (bien que cette fois je n'en ressente aucune peur particulière) comme si cet homme ne me laissait voir que la partie émergée de l'iceberg. Je décide donc de creuser. Je me concentre ardemment alors que mon regard le scanne de bas en haut à la recherche de ce que je suis le seul à pouvoir discerner. Alors que je sens à nouveau mes entrailles remuer légèrement je les aperçois enfin : les volutes translucides qui s'élèvent de son corps comme la vapeur s'élèverait d'une casserole d'eau bouillante.

A mesure que mes yeux remontent, son aura se teinte de nuances de blanc et d'or. Elle plus visible aussi, presque tangible. Jusqu'ici, même chez des personnes particulièrement... Spirituelles disons, je n'avais jamais perçu d'aura aussi nette. Alors que j'arrive au niveau de ses épaule les volutes se font brillantes, éclatantes comme des néons, et mon estomac recommence à vraiment s'agiter. Ce n'est que quand je rencontre ses yeux d'or que je remarque qu'ils sont fixés droit dans les miens. En un éclair un flash remue les volutes et mes intestins se révoltent. Aveuglé, je ferme vigoureusement les yeux et plaque ma main gauche dessus, mon autre main cherchant la bassine de bois en urgence. Mais je cède avant de l'avoir trouvée, répandant ma bile... Dans cette dernière que le grand homme encapé tient fermement sur mes genoux.

Dès que mes spasmes se calment, Cole me rallonge sur mon oreiller qu'il a remis à sa place au préalable, son visage portant à nouveau les marques de l'inquiétude et de l'incompréhension mêlées. L'encapé repose la bassine déjà vide, et alors qu'il se retourne vers moi et approche sa main de mon visage, Cole se lève et l'éloigne d'un geste de la sienne. L'effet et immédiat, l'homme a mon chevet lui lance un regard de reproche et les deux plus jeunes se tendent comme des arcs.

"Z'êtes qui déjà ?", demande Cole sur le ton du défi à l'homme qui le regarde comme un professeur face à un enfant grossier.

J'enveloppe sa main dans la mienne avec douceur, pour le rassurer, mes yeux cessant enfin de papillonner.

"Du calme Cole, du calme. S'ils nous avaient voulu un quelconque mal ils s'y prendraient plutôt tard tu ne trouves pas ?"

C'est vrai, l'aura du plus âgé était certes la plus intense que j'ai jamais vue, mais les couleurs qu'elles arborait m'ont donné deux certitudes : d'abord c'est un homme profondément bon, animé d'intentions nobles, ensuite les volutes d'or que j'y ai décelé sont la preuve d'une grande sagesse, qui me fait dire que c'est lui leur chef. Et une preuve supplémentaire, est que maintenant qu'il a rappelé à l'ordre ses deux autres compagnons dans leur langue, malgré leur mine respectivement renfrognée pour l'oriental, et ostensiblement indifférente pour celui au tatouage, ils se sont de suite à peu près détendus.

Cole est à peu près dans le même état d'esprit, il a retiré sèchement sa main de la mienne et croisé les bras sur son torse, le dos appuyé sur le mur de la tête du lit et les yeux maintenant fixés sur les mains de ce que j'estime être un guérisseur.

Celui-ci reprend son geste et pose sa main froide sur mon front puis sur mon cou, avant de saisir mon menton et de regarder quelque chose quelque part dans mes yeux. Il continue ses examens de mon corps fatigué par des tests de poigne et des palpations derrière ma tête, sur mes bras etc.

Je me reconcentre vite sur le chef du groupe. Ce dernier me sourit d'un air satisfait, comme s'il venait de voir quelque chose de très intéressant, quelque chose que moi je ne comprends pas. Et malgré ce que je viens moi-même de dire, je fronce les sourcils à mon tour en passant une main dans mes cheveux à présent incolores. Je déteste ce genre de situation où je suis complètement largué. Aussi, quand il me dit quelque chose dans sa langue, je décide de mettre de suite les choses aux claires.

"Sans vouloir vous vexer, je ne comprends absolument rien à ce que vous me dites."

Il lève alors un indexe à sa bouche et écarquille les yeux avant de se tourner vers le jeune homme renfrogné et de lui donner ce qui semble être des instructions... A propos d'un certain "Ley" (le seul mot que je crois avoir distingué avec certitude). Ce dernier sort d'un pas brusque de la salle et revient deux minutes plus tard avec un quatrième homme (ou plutôt un garçon ?) qui lui arrive aux épaules. Avec sa silhouette efflanquée, son visage rond et ses lunettes grossissantes, ainsi que la tunique longue qui l'habille et la pile de bouquins qu'il amène avec lui, c'est le cliché vivant du rat de bibliothèque.

Je remarque également que les deux paires de gros volumes qu'il tient dans ses mains et sous ses bras, ne sont pas les seuls qu'il a amené : trois autres piles de quatre livres chacune flottent à sa suite. Je sais qu'avec tout ce qu'on a traversé Cole et moi je devrai être habitué, mais la vue de cet énième phénomène irrationnel m'est tout bonnement exaspérante. Sérieux, il pouvait pas mettre son pote à contribution plutôt ?! Je me tiens l'arête du nez et me sermonne intérieurement pour ne pas soupirer bruyamment, il ne serait pas séant de paraître mal élevé devant les gens qui nous ont sans doute sauver les miches.

Cole par contre ne s'embarrasse pas de ce genre de considérations, ce qui me fait à la fois sourire et me sentir moins seul. Heureusement, personne à part moi ne semble lui accorder d'attention, excepté des deux aeuhm... Jumeaux dirons-nous, qui le fusillent du regard.

Une fois le nouveau venu installé, ses... seize gros volumes ouverts éparpillés autours de lui, il lève vers Cole et moi son regard grossi et émerveillé, passant de lui à moi avec les mêmes mouvements de tête excités qu'un chiot qui suit la balle lors d'un match de ping-pong.

"Ley ?", je le questionne de ma voix la plus calme dans l'espoir que sa tête s'arrête enfin de bouger.

Et ça marche, elle se tourne vers moi à la vitesse de l'éclair avant de se secouer de bas en haut tout aussi vite et de s'immobilisé totalement.

"Et... Vous serez notre traducteur, si je comprends bien ?"

Pendant quelques minutes il se plonge dans ses livres, tournant fébrilement les pages de ses mains tremblantes. Il n'a pas l'air méchant, mais son attitude me donne l'impression d'être un cobaye excessivement intéressant, laissé entre les mains d'un scientifique un peu fou sur les bords. Quand il relève la tête, j'ai à nouveau droit à un hochement de tête frénétique.

"Je vois. (Je marque une pause en cherchant la façon à la fois la plus simple et la plus diplomate de poursuivre.) Tout d'abord nous tenions, mon ami Cole et moi, Isaac, à vous remercier du secours que vous nous avez apporté."

Après quelques nouvelles minutes de recherches dans ses ouvrages - dont je peux remarquer l'ancienneté du fait de leurs bords cornés et de leurs pages jaunie - il se tourne vers le chef pour traduire et faire les présentations. Ce-dernier m'adresse quelques mots avec un signe de tête et un ton jovial, que je prends pour un "de rien" ou quelque chose qui s'en rapproche. Et Ley me donne raison sans le savoir, en traduisant avec une prononciation hésitante aux "r" roulés :

"C'est bien norrrmal Aeuhm... Nous... Nous vous avons trrrouvé étendus dans la prrrairrrie, nous n'allions pas vous... vous abandonner là quand-même !"

Il fait une pause et me fixe à nouveau, tortillant ses doigts et les joues roses. Il attend que je valide sa traduction ? Dans le doute, je répète ce que je viens de comprendre, sur le ton de la question, et son visage s'éclaire d'un sourire qui pourrai en faire trois fois le tour s'il n'était pas limité par l'élasticité de ses lèvres.

"Alorrrs... Comme vous l'avez trrrès justement deviné, je m'appelle Ley. Voici Jayden et Leith, ce sont eux qui vous ont trrrrouvé – il montre tour à tour l'homme en veste et celui en chemise – et puis Aldan, le euh... guérrrisseur de la guilde – il désigne l'homme qui m'a examiné – et enfin maîtrrre Galdorrr."

Je jette un rapide coup d'œil à Cole pour voir s'il a lui aussi saisi ce que je crois comprendre, et en effet, nous sommes sur la même longueur d'onde lui et moi.

"Je vois, merci encore à vous., dis-je en m'adressant aux deux comparses. J'ai encore une dernière chose à vous demander, à vous Ley, ne le prenez pas mal mais si vous pouviez... - je poursuis après une hésitation - Vous détendre un peu ce serait sympathique."

Du coin de l'œil je vois Cole réprimer un sourire à grand peine et lui envoie un coup dans les côtes pour le calmer, mais c'est tout juste si ce n'est pas l'effet inverse. A mes pieds, Ley se teinte de nuances de rouges de plus en plus vives sur toute la surface de son visage, à mesure qu'il traduit dans ses bouquins ce que je viens de dire. En face de moi, Leith et Jayden reprennent leurs airs tendus, sauf que cette fois leurs regards passent de Cole à moi comme s'ils se demandaient lequel ils allaient frapper en premier. A ma droite, seul Galdor n'avait pas changé d'expression.

Ley finit par marmonner quelque chose qui devait être un "laissez tomber", car ils se contentèrent de nous jeter des regards dédaigneux avant que Jayden ne finisse par ressortir à nouveau de la salle en claquant la porte.

Par la suite, Ley s'est montré bien moins souriant jusqu'à la fin de notre échange avec Galdor. Ce dernier nous a assuré qu'il nous avait bien trouvé seuls Cole et moi, inconscients (du coin de l'œil j'ai vu mon ami serrer la mâchoire, il semblerait bien que lui comme moi soyons devenu allergiques à ce mot). Il n'y avait donc pas trace de nos ravisseurs, mais d'après lui il n'était pas encore venu le moment de nous en inquiéter : nous étions en sécurité entre ces murs. Etrangement, à aucun moment n'a été abordé le sujet de notre provenance. En revanche, Cole et moi-même avons bien vu qu'il ne s'attendait pas à ce que je le questionne sur le mal dont je souffre et qu'ils semblent très bien connaître.

Bon en réalité, c'est surtout Ley et sa bouche béante qui m'ont mis sur la voie, et Cole semble lui, avoir remarqué un signe de surprise chez Leith. Finalement, Galdor s'est contenté de nous donner l'excuse d'une maladie virale fréquente dans le coin, Aldan a posé un verre en bois rempli d'une substance vert fluo en m'intimant par l'intermédiaire de Ley (dont j'étais soulagé de voir que sa bouche avait toujours la capacité de se refermer) de la boire. Quand Cole a voulu rattraper Galdor je l'en ai empêché, et à peine avaient-ils fermé la porte qu'il s'est emporté :

"Mais à quoi tu joues Isaac ! T'as cramé comme moi que ces mecs nous cachent un truc non ? – Je le fais taire d'un geste et l'incite à tendre l'oreille. Il comprend le message et, après un cours moment de silence absolu nous entendons des pas s'éloigner dans un couloir. J'en étais sûr, ils nous épiaient et cela confirme ce que je pense. Nous attendons tous les deux encore cinq bonnes minutes avant qu'il ne recommence à parler. Mais son ton est bien plus bas et il a abandonné toute idée de me gronder. - Ils ne nous auraient rien dit, pas vrai ?

— Ils sont aussi confiant à notre égard que nous au leur.

— Mais si c'est le cas pourquoi nous recueillir et nous soigner ? Pourquoi ne pas nous demander d'où on sort ?

— Pour la première question, dans le pire des cas, si on est un peu parano, on peut imaginer qu'ils nous utilisent ou nous vendent aux enchères, auquel cas je doute qu'ils se soucient d'où on vient."

Une tape sur la tête vient accueillir ma remarque tintée de sarcasme, et en reprenant mon sérieux, j'explique brièvement ce que j'ai perçu de l'aura de Galdor-Le-Maître-De-Guilde.

"C'est pour ça que je penche plutôt pour une question de principes. - Voyant le scepticisme manifeste avec lequel mon pote accueil mon diagnostic de la situation, je décide tout de même de nuancer mon point de vue. – Maaaiiis étant donné les bénéfices minces, pour ne pas dire totalement nuls, que nous avons retiré de nos précédentes rencontres avec les gens d'ici, la vigilance reste de mise, pas vrai ? - Il acquiesce avec fermeté. – Mais, tu dois admettre que dans l'état actuel des choses, enfin, dans mon état actuel on n'irait pas loin hein.

—Mouais, c'pas faux.", conclut-il avec un soupir, s'asseyant à nouveau sur mon lit.

Il a l'air vraiment fatigué. D'habitude il est capable d'enchainer une semaine sans dormir et ne pas avoir le moindre cerne sous les yeux. Mais maintenant... c'est comme si... tout ce qu'on a vécu, tout... ce monde, la magie et le manque causé par l'absence de nos vies d'avant le vidaient de son énergie. Sans y réfléchir, je l'allonge donc lentement sur mes genoux et commence à trifouiller ses cheveux. Ainsi allongé, je vois peu à peu toute expression quitté son visage et il s'endors presque immédiatement.

*********

En deux jours, grâce aux bons soins d'Aldan, j'étais remis sur pieds. Durant ce laps de temps, les visites de nos hôtes (si on omet celles d'Aldan pour me faire passer ses examens) se sont comptées sur les doigts de la main, ce qui n'a pas été pour déplaire à Cole. Moi en revanche, cet isolement un peu forcé, dont le prétexte était mon repos, n'a cessé de me tarauder. Il montrait la défiance qu'ils avaient à notre égard et aussi, m'empêchait de savoir ce qu'il se passait au dehors. En définitive, j'avais eu pendant quarante-huit heures la même sensation que j'avais éprouvé un jour dans une de ces satanées salles d'interrogatoire : avec leur décor horriblement neutre et leur grande vitre en face de vous, qui vous donne l'illusion de contempler votre reflet pendant des heures alors qu'en fait, de l'autre côté, vous savez bien que tous chez vous est analysé à la loupe et passé au crible.

Alors vous pouvez sans doute imaginer que, quand m'a enfin été donnée l'autorisation de me dessouder du lui, j'ai sauté sur l'occasion.

Et bien non. Car, comme je m'y attendais depuis le départ, la fin de mon alitement a sonné le début des choses sérieuses... Enfin, j'admets cependant ne pas avoir anticipé qu'elles prendraient une telle tournure, cependant.

Quoi qu'il en soit, quand le cortège des personnes qui avaient défilées à mon réveil, s'est à nouveau présenté devant nous aujourd'hui, je savais pourquoi.

"Bonjourrr jeunes gens !, s'est exclamé Galdor d'un ton jovial, ensuite traduit par Ley (qui semblait enfin avoir digéré ma remarque et affichait un sourire léger, tout spasme d'excitation ayant cessé de posséder son corps). Je vois que vous vous êtes tous deux bien rrrétablis.

-Bonjour Galdor. Oui, effectivement, et je crois pouvoir affirmer que ce n'aurai jamais été possible sans les soins rigoureux d'Aldan. Alors merci à vous deux. (Quand j'ai tourné les yeux vers lui, il m'a bien semblé voir son torse se bomber.) Après un court silence de réflexion, j'ai cependant décidé d'ajouter - en tentant d'afficher le sourire le plus jovial possible – et c'est également tout à son honneur, de savoir estimer les soins à dispenser, ou pas, à ses patients en un clin d'œil."

Le silence de plomb qui s'est alors abattu sur tout ce beau monde autour de moi, m'a bien fait comprendre que ma remarque est passée beaucoup moins bien en vrai que dans ma tête. Et en tournant subrepticement les yeux vers Cole, en avisant ses épaules tendues, ses joues quelque peu colorées et les éclairs que me lançaient ses yeux, j'ai acquis la certitude qu'elle aurait due y rester. Mais à quoi il joue ? J'ai visiblement manqué de tact, certes, qu'eux puissent m'en vouloir, pourquoi pas, mais lui ?

La voix de Galdor, devenue plus froide, brise le silence avant que j'aie pu mettre des mots sur cet étrange comportement.

-Vos petits prrroblèmes de communication devrrront attendrrre. Je suis rrravi de voirrr que vous apprrréciez notrrre hospitalité mais... - commença à traduire Ley, les yeux rivés dans ses volumes – mais vous comprrrendrez que nous ayons des questions n'est-ce pas.

-Absolument, réponds-je en dessoudant enfin mes yeux de ceux de Cole qui se fixèrent immédiatement sur la vitre. Je ton affirmatif sur lequel avait été amené la demande me faisant comprendre très clairement la tournure que prendrait cette discussion, j'ai jugé préférable de jouer cartes sur tables. Vous voulez des réponses, et ce serai bien mal vous remercier que de ne pas vous en donner. Je vous avertis cependant, qu'il est fort possible que nous en sachions mois que ce que vous penser.

-Bien, alorrrs commencez parrr nous dirrre d'où vous venez."

Je consulte Cole un instant. Toute trace de malaise a disparue de son visage quand nos regards se croisent. Ensuite il retourne à sa contemplation du dehors, bien que cette fois il ne fait aucun doute qu'il suit en réalité très attentivement la conversation.

J'ai donc raconté au petit public devant nous notre réveil et notre séjour sur l'île, en omettant cependant le simple apparat dans lequel nous nous trouvions, les incidents avec le loup extensible et en survolant l'épisode du déluge de pluie et de foudre (bien qu'à cette dernière mention j'ai clairement remarqué le regard froid d'Aldan glisser sur la cicatrice de Cole, qui feignit de l'ignorer). En revanche, quand j'en suis arrivé à la première rencontre de Cole avec nos ravisseurs, et celle qui a suivie et qui nous a mené sur ce cette route cahoteuse, j'ai clairement pu voir leurs visages se tendre et se parer d'un mélange de dégoût et de colère manifestes. La question que m'a alors posé Galdor me surpris :

"Quel était leurrr emblème ?

-Deux faux croisées. Avec des ailes. Et un cercle autour de l'ensemble.

Passées ma surprise et celle de nos hôtes - qui à en juger par leur tête, avaient finis par le croire muet - cette description succincte qu'en fit mon ami eu littéralement l'effet d'une bombe : sur leurs visages se dessinait en effet un mélange de dégoût et de colère sans équivoque, encore plus marqué chez ce Jayden que chez les autres.

Malheureusement, ils s'étaient repris avant qu'aucun de nous n'ayant pu inverser les rôles et les questionner.

-Et c'était bien la premièrrre fois que vous aviez à fairrre à eux, c'est bien ça ?

-Nous oui, vous en revanche..., ai-je relevé en le regardant droit dans les yeux.

On est resté ainsi à se regarder en chien de faïence pendant quelques secondes avant que qu'il n'esquisse un sourire.

-Si je vous le dis, vous me dirrrez d'où vous venez vrrraiment ?

Il n'avait rien ajouté verbalement mais, son regard me donnait la désagréable impression de me sonder jusqu'à l'âme.

-Ça dépend., avais-je répondu en croisant les bras. Si je vous le dis, vous m'expliquerez en détails quel est mon problème ?

Et pour la deuxième fois en deux jours, un ange passa dans la petite assistance. Apparemment aucun d'eux (Cole inclus) n'aurait pensé que je ferai preuve d'un tel aplomb face au maître de guilde. Et je dois avouer que je n'en étais pas convaincu non plus... Mais sa réponse fut pour le moins déconcertante. Car il se mit à rire. Un rire bas, étouffé, comme s'il luttait âprement pour en limiter le volume. Rire qui semblait gagner peu à peu chacun de nos hôtes (avec plus ou moins de retenu selon l'individu).

-Votrrre prrroblème ? Aïe Aïe Aïe...

-Vous êtes sûr de m'avoir bien regardé ?, l'ai-je alors coupé sur un ton cassant ; quand vous aurez trouvé un seul point positif à mon état actuel faites moi signe hein."

Les rires se turent (mais sans toutefois que tous les sourires ne se fanent) et je pu reprendre mon récit, en mentionnant rapidement la fête pour me concentrer sur notre réveil à tous les deux dans cette forêt.

"La suite vous la connaissez."

Un court silence s'est fait après mes derniers mots, mais ensuite un autre muet se trouva miraculeusement doté de parole : Aldan s'adressa à nous, dans leur langue dont le commençais à peine à saisir toutes les intonations, son regard allant successivement de Cole à moi, de moi à Cole ; et rapidement, Ley traduisit :

-Et vos orrreilles pointues ? Et votrrre cicatrrrice ? -Il désigna Cole du menton. – Vous les avez toujourrrs eues ?

Je n'ai alors pas répondu. J'avais la certitude que, de toutes les questions qu'ils pouvaient poser, celles-ci étaient celles dont les réponses seraient les plus invraisemblables. Je jetais à la place un rapide coup d'œil à chacun des cinq hommes en face de nous pour confirmer ce que j'avais déjà remarqué : ce genre de... Caractéristiques, n'était absolument pas commun, même ici, donc impossible de se défiler... Et mmmince !

J'ai jeté un dernier regard à Cole, dans l'espoir d'obtenir une aide quelconque... Et contre toute attente, ce fut le cas.

-Non., s'est-il contenté de répondre.

Un silence lourd d'attentes accueillit son intervention. Attentes qui ne furent en aucun cas comblées.

-Eh bien quoi ? Elles sont tombées du ciel ?, traduit un peu timidement Ley de la part d'Aldan, dont les sourcils creusaient à nouveau la ride verticale du front.

-Etonnant n'est-ce pas !, répliqua mon ami avec une surprise que seule sa voix feignait.

Les deux hommes avaient braqué leurs regards l'un sur l'autre et s'affrontaient dans un combat muet, mais visiblement sans merci ; Ley, coincé entre la carrure imposante de l'un et la silhouette fantomatique assez sinistre de l'autre, semblait soudain très à l'étroit malgré le mètre de distance de sécurité que lui garantissaient ses livres ouverts en cercle autour de lui.

-Oui, oui, oui finit-il par traduire en bégayant, au son de la voix toujours paisible de Galdor. C-c'est trrrès étonnant en-en effet mais, il me semble que n-nous avons également des inforrrmations pourrr nos convalescents huh ?"

De mon côté, je tirais lentement Cole par la main pour tenter également de faire baisser la tension : nous allions enfin obtenir les réponses à nos questions et je savais que, bien plus à lui qu'à moi, ces réponses pouvaient s'avérer bénéfiques.

"Bien., avait-il poursuivi après que les deux se soient calmés et aient repris leurs places respectives. Posez vos questions maintenant.

-Où sommes-nous ici ? – Et avant qu'il ne réponde, j'avais précisé par précaution. – En détails, je vous prie.

Nouveau sourire satisfait comme la dernière fois. Argh.

-"Ici", est le bâtiment de notrrre guilde. Notre quarrrtier générrral si vous prrréférrrez. "Ici", est situé à l'extrrrémité Sud-Est de la ville de , et Myfehil est une des villes les plus imporrrtantes du royaume de Sarrrdag... Et Sarrrdag, avait-il achevé après un silence savamment orchestré, en se dirigeant vers la large fenêtre. Le Rrroyaume de Sarrrdag, est une des quatrrre grrrandes puissances de notrrre monde : ."

Du coin de l'œil, j'ai pu voir que Cole avait définitivement abandonné sa contemplation feinte pour accorder toute son attention à la conversation. Ou plutôt au discours de Galdor, car à son tour il m'anticipa et poursuivit avant que j'aie pu dire un seul mot.

"Oui c'est exactement ça, oui. Maintenant, en ce qui concerrrne votrrre deuxième question, je ne vous dirrrai rrrien.

-Excusez-moi ?, Cole et moi avions dû faire une tête tout à fait cocasse, parce qu'il était au bord du fou rire quand il nous a annoncé :

-Je ne vous dirrrai rrrien parrrce que je suis convaincu que vous ne me croirrrez pas – son regard m'a alors semblé s'attarder plus sur Cole que moi – C'est pourrr cela que je préfèrrre vous montrrrer. D'autant plus que si ce que je pense est avérrré, cela serrrait tout à fait inédit."

Il est alors sorti de la salle d'un pas énergique. Je crois pouvoir dire que j'ai littéralement sauté du lit et volé jusqu'à lui, je ne sais absolument pas de quoi parle ce vieux singe mais il ne va pas s'en tirer sans me l'expliquer en long en large et en...

Mais ma colère s'efface instantanément en le voyant ouvrir la porte d'entrée, et Cole derrière moi m'aurai étalé par terre s'il ne m'avait pas rattrapé par réflexe, en passant son bras autour de ma taille.

Juste avant de passer la porte, Galdor se retourne, nous regarde tous les deux avec des yeux étincelants et toujours le même sourire (qui commence à sérieusement m'agacer, je dois dire). Ley n'a pas traduit les mots qu'il prononça, mais moi (et Colle aussi, j'en suis persuadé) avions parfaitement compris ce qu'il attendait : il était apparemment venu le moment pour nous de faire un petit tour.

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SybelRFox
Posté le 18/09/2021
Je me mets à jour lentement mais sûrement. Mais je pense que je relirai le chapitre "Renaissance et guet-apens" parce que je t'avoue qu'il y a des choses que j'ai zappées (sowwwwy) en tout cas quand ce sera fait, je verrai si je commenterai ici ou sur Wattpad. Kissou ♥
A.W. Zephyrus
Posté le 18/09/2021
Hbddjnnsjndns no pobem take ure time. :)
SybelRFox
Posté le 20/09/2021
Merci Jeune Maître.
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