Marie, la misère des rues de Paris n'intéresse personne

Notes de l’auteur : "La misère d'un enfant intéresse une mère, la misère d'un jeune homme intéresse une jeune fille, la misère d'un vieillard n'intéresse personne." Victor Hugo, Les Misérables 1862

Les gens se boudent depuis que les parties politiques déchirent la population. Une ville qui en seulement cinquante ans a vécue la chute de la monarchie, les conquêtes Napoléoniennes et des révolutions civiles comme jamais il n’y avait eu auparavant. Oui la période était curieuse. Les femmes se mettaient à rêver à autre chose que de pondre des bébés, la plèbe masculine réfléchissait politique, les artistes se répandaient comme la peste et la vie devenait plus facile, avec l’industrie qui commençait, et les avancées technologiques comme le train à vapeur. La seule chose qui ne changeait pas, c’étaient les bourgeois, ceux-ci s’engraissaient comme d’habitude. Et Marie leur crachait dessus. Littéralement. Depuis sa chambre de bonne, bien située dans le cœur de l’ancienne Lutèce, elle lâchait des glaires sur les passants portant du cachemire, des vestes luxueuses ou de la soie. Parfois il lui arrivait de toucher une montre à gousset et dans ces moments-là elle exultait.

Marie travaillait comme bonne à l’Opéra de Paris. Et elle avait l’honneur d’être une très bonne amie, confidente, et principale rapporteuse de ragots, à la très futée et estimée Mélinda. Sa place dans le cœur de la fameuse ballerine, connue comme « la Vénus de Paris », lui avait valu cette chambre de bonne sous les toits entre le palais Garnier et l’île de la Citée. Quartier qu’elle haïssait car grouillant de pécores se mouchant dans la soie, mais secrètement elle était bien contente de côtoyer les riches architectures et rêvait, dans le fond de son être modeste, au luxe. Et celui qu’affichait Mélinda la faisait grandement fantasmer. Toujours accompagnée de beaux hommes, dans les plus belles robes, les bijoux les plus chers… Elle aimait escorter la ballerine qui faisait baver les princesses, duchesses et bourgeoises. Car quoi de mieux qu’une pauvre danseuse mal considérée qui devient un diamant aux yeux de la société pour faire pâlir de jalousie toutes les précieuses ?

Marie descendait quatre à quatre les vieilles marches pourrissantes et raides, coincées entre des murs étroits plongés dans une obscurité sale. Voilà la vérité de ces lieux luxueux, il se cache, derrière les riches appartements, d’immondes cagibis et escaliers dignes de la demeure d’un vampire centenaire. Elle pensa à tous ceux qui crèvent la dalle pendant que les « nouveaux rois », maintenant que la monarchie était évincée, gloutonnaient des banquets plus fastueux les uns que les autres. La bonne, d’une trentaine d’années, le visage fier et brun de Provence, n’était pas spécialement royaliste, elle détestait les riches et les complots. Elle haïssait bien plus les mensonges bourgeois pour rameuter la population, et les faire « choisir leur nouveau dictateur », que les pauvres Louis machins qui héritaient du poids de la couronne et de la misère des Français par le même biais. Marie avait elle-même connu cette misère, cette famine qui vous troue le ventre et lacère vos viscères. C’est pour cela qu’elle était montée sur Paris, après avoir erré dans Marseille, sans vouloir finir prostituée ou poissonnière. Les cagoles la rebutaient plus qu’autre chose. Et dans le froid de Paname avait été bien pire.

En déboulant sur le trottoir, exhalant sa bonne vieille odeur de pisse et d’eaux usées, la brune repensa à sa mendicité dans les rues gelées d’un Paris bien moins tempéré que la méditerranée. Et puis, à bout de force, travaillant dans une petite usine de confection de vêtements pour les soldats, parvenant à peine à se nourrir encore moins à se loger, elle avait rencontré Mélinda. Alors que la pauvre jeune femme à l’époque avait des cernes noirs, les joues creuses et les vêtements à peine assez épais pour la protéger du froid, mendiant sur le bord d’une boulangerie, la ballerine s’était plantée face à elle et lui avait lancé :

« Toi, t’es pas de Paris. T’as l’air plus fine que les autres pouilleuses que je vois dans les rues de la sale ville de Lumières. Tu viens du sud, pas vrai ? Il fait froid ici hein ? Allez, viens ma belle, tu ne mérites pas de mourir gelée sur les pavés de cette bonne vielle Lutèce. Au pire aie une fin dramatique, au pied de Notre Dame ou bien du Sacré Cœur, mais devant une vieille boulangerie c’est un peu triste… Non tu me sembles bien plus utile que ces pauvres filles. Allez vient à l’intérieur ! Je t’offre une bonne brioche et du vin chaud en guise de notre amitié ! »

Marie s’était dit, à l’époque, qu’elle ne passerait pas l’hiver et maintenant elle travaille dans le fameux Opéra de Paris. La Marseillaise planta ses talons face à l’immense bâtiment abritant les spectacles les plus éblouissants. Elle était fière de ce monument mettant à l’honneur l’art. Elle admire ses lumières, ses peintures, ses voûtes et ses dômes. Elle crache sur l’église qui traite d’hérétiques les acteurs et de prostituées les danseuses. Elle éclate d’un grand rire sarcastique dans la rue, les passants la toisent et s’écartent. Pauvres prêtres émasculés…

Ragaillardie, la bonne entra d’un bon pas, par la porte dérobée, dans le Palais Garnier.


 

Le marbre blanc étalait sa splendeur, de longues colonnes montant à la romaine. Tout rutilait, l’air était pur et l’endroit calme. Voilà le hall superbe conduisant à un large escalier recouvert de tapis rouges. À l’opposé de la chic entrée du Palais Garnier, ses loges étaient bruyantes, sans dessus-dessous et odorante par la transpiration et les chaussons sales des danseuses.

Marie préférait ce joyeux bazar et les odeurs de fromages, plutôt que le luxe froid. Les pépiements et cris jaillissant de nulle part pour disparaître aussitôt, les baisers échangés dans les coins et la poudre de fond de teint qui fait tousser. Tout cela n’ébranlait nullement la brune du sud. Bien campée sur ses jambes massives, elle s’affairait à ses tâches quotidiennes, assister les costumières, ranger, nettoyer. Elle se saisit d’une cruche remplie d’eau fraîche et immerge un linge propre. La ballerine, en sueur devant elle, sursaute lorsque le tissu humide touche sa peau huileuse, puis soupire de soulagement lorsque la fraîcheur remplace le harassement de la transpiration.

« Amanda ! Ce pauvre type ne te méritait pas ! N’y pense plus ! Lance une voix haut perchée, son hypocrisie compatissante se trahissant dans son ton.

– Mon chou, tu es jolie comme un cœur ! Tu en trouvas d’autres ! Renchérie l’accent bourru d’une ex-paysanne, marmonnant, dans épingles coincées dans les dents.

– Bouhouhou !!! C’est trop dur ! On allait se marier ! Gémie, la ballerine au chignon étriqué, complètement affalée sur sa chaise tandis que la costumière avec un embonpoint réajustait son jupon. »

Marie tandis à peine l’oreille à ces inepties, connaissant déjà les tenants et aboutissants de l’affaire.

« Mélinda dans toute cette affaire n’est pas innocente… Commença Virginie, misérable danseuse de second plan au visage anguleux. »

Marie se tourna immédiatement vers la conversation, qu’est-ce que ces harpies allaient encore bien inventer ?

« Ho grand dieu merci à elle ! Renchérie la grosse, se débarrassant des dernières épingles dans le tissu, libre de ses lèvres charnues. Je serais morte de honte si j’avais épousé un infidèle ! Elle t’a préservé de grands malheurs !

– Quelle grande âme, continua la sanglotante loque qui ressemblait plus à une poupée diaphane qu’à une noble danseuse de l’Opéra de Paris en cet instant. Elle m’a fait part de ses soupçons avec une délicatesse et une sollicitude qui m’a aidé à faire face à cet… cet…

– Enflure, goujat, fripon. Énuméra Virginie de sa voix cassante et fielleuse.

– Gros abruti de porc bouffeur de b… Compléta la maraude en faisant trembler son double (triple) menton.

– Cela suffit, Césarine ! Siffla la maigre au visage taillé au couteau. Sachez d’ailleurs que notre Vénus de Paris m’a renseigné sur les intentions d’un marquis à mon égard…

– Elle va au Gala de cet ethnologue ! Confia la costumière avec un sourire fendant ses joues grasses.

– Je ne m’attendais pas à autant susciter l’attention lors de ma dernière représentation… Se rengorgea le sac d’os.

– Gustave Ducompoix est celui qui l’escortera ! Nomma enfin Césarine, contente de joindre la partie.

– Enfin ! Grogna sa comparse, dépitée que le nom du piètre cavalier fût révélé. »

Même si Amanda, pauvre fade Ophélia, connaissait le vieux barbon, elle n’en releva rien, prostrée, ses yeux fixant résolument le sol. Sachant qu’elles n’en tireraient pas, plus les deux potineuses échangèrent entre elles. Marie sourit en coin, Mélinda avait le don pour manipuler les opinions et rumeurs, ces deux-là allaient être des ferventes admiratrices de l’étoile de l’Opéra pour encore un temps.


 

Le café était quasi désert, c’est pourtant là que le plus de rumeurs circulent. Les poivrots débitent souvent des âneries et les groupes se prélassant dans les bars après le travail se contentent souvent de banalités. Non c’était bien en ce milieu d’après-midi que les conversations étaient les plus intéressantes. Et Marie aurait bien pu faire la satisfaction des curieux elle-même. Elle était assise, dans une robe blanche en coton plus coquette que cette presque robe de bure de bonniche, ses longs cheveux bruns attachés en un chignon ample. La jeune femme pinça ses joues pour se donner un peu de bonne mine comme elle avait vu les coquettes si souvent le faire. Son galant ne tarda pas à arriver, couvert de suie comme à son habitude, sa chemise autrefois grise maculée de poussière. Le jeune homme aux cheveux blonds cendrés et à la barbe de trois jours empestait le charbon. Le cœur de la Marseillaise rata un battement. Elle résista à l’envie de se jeter dans les bras du cheminot aux yeux flegmatiques et à l’haleine rendue rance par la clope. Lucien s’avança droit vers elle et passa ses mains rêches et chaudes autour du cou de sa bien-aimée. Le rude travailleur de chemin de fer déposa un baiser d’une tendresse infinie sur ses lèvres pêche. Elle laissa échapper un soupir ravi.

« Salut toi. Déclara-t-il, un paresseux sourire flottant sur ses lèvres fines.

– Idiot, tu m’as fait perdre dix précieuses minutes de ma vie ! Répliqua-t-elle en baissant les yeux pour dissimuler son excitation et sa joie à le voir. »

Elle lui donna une tape sur l’épaule pour la forme et se rassit dans sa chaise, refrénant son sourire niais irrépressible qu’abordent les jeunes amants. Pourtant ils avaient tous les deux plus de vingt-cinq ans et connu de nombreux coups d’un soir. Lucien et Marie se côtoyaient depuis maintenant trois ans, s’étant rencontrés peu après l’arrivée de celle-ci à Paris, quand elle n’était encore qu’ouvrière affamée. Le blond prit place face à elle et se plongea tellement en arrière que la chaise, basculant sur elle-même, faillit le mettre à terre. Marie se demanda encore une fois comment le jeune homme faisait pour contrer la loi de la gravité.

« Un café noir. Demanda le cheminot au serveur qui hocha de la tête en assentiment, la boisson allait avec le personnage.

– Pareil. Demanda la sudiste, récoltant un regard sceptique de celui qui s’attendait à quelques thés.

– Très m’am. »

C’est avec son amant que la brune avait appris à aimer le café et avait adopté son habitude italienne sans sucre et sans lait. Ils étaient loin d’être fiancés, refusant catégoriquement le mariage, et pourtant connaissaient les manies de l’autre sur le bout des doigts. Ils n’avaient pas souvent besoin de parler pour se comprendre et ils ne se disputaient jamais. Leur secret ? L’indépendance, chacun chez soi et les poules seront bien gardées, disait la grand-mère de Marie (Mariette comme l’appelait sa grand-ma).

« Toi, tu t’es encore fourré dans je-ne-sais quelle révolution ou soulèvement populaire. Devina la brune en posant ses coudes sur la table.

– On ne peut rien te cacher.

– Il y a cinq ans, tu dressais des barricades et maintenant te voilà républicain en monarchie de Juillet. Bon, avoue que les gars avec qui tu traînes dans ces caves parisiennes à des heures douteuses ne sont pas de joueurs ou des ivrognes.

– J’ai une âme rebelle. Répliqua celui-ci avec une étincelle dans l’œil, un sourire mi-amusé mi-sarcastique aux lèvres, se blançant de plus belle sur sa pauvre chaise menaçant de le fracasser contre le parquet.

– Tu vas finir en taule si tu t’arrêtes pas. Il y aura toujours des révolutions à mener ! Elle fit exprès de prendre son air de matrone qu’il déteste, posant ses mains sur ses anches.

– Tu vas me pousser longtemps la chansonnette, maman ? S’exaspéra-t-il.

– Tant que tu ne m’inviteras pas à tes cercles secrets, oui. Je veux changer la France pourrie, moi aussi. Elle pencha sa tête brune sur le côté, révélant un sourire exultant aux lèvres pêches.

– Oh, non, une autre pessimiste dans la bande ! Râla-t-il en se roulant une clope, il récolta une gifle tendre qu’il esquiva. »

Il attrapa sa main et y déposa un baiser.

« Évidemment qu’on a besoin de toi et de ton œil aiguisé dans notre groupuscule. Susurra-t-il en se penchant à son oreille, la faisant frissonner, son haleine mêlée de tabac et de suie était curieusement l’odeur préférée de la jeune femme.

– Et de mon oreille qui traîne dans les moindres recoins ? Demanda-t-elle en plantant ses grands yeux noisettes dans ceux apathiques de son ami. »

Elle eut, pour toute réponse, un baiser langoureux comme seuls les amants non mariés savent le faire.

« Café. Signala le serveur de sa voix rauque et grave, faisant claquer la cafetière et s’entrechoquer les tasses. »

Il avait eu le bon goût d’apporter plus que des doses uniques, le duo raffolant de la boisson amère.

« Ils sont en train d’augmenter les taxes pour les industries. Argua un homme d’une quarantaine d’années en s’adressant à son interlocuteur qui descendait un verre de scotch.

– Ses connards oublient encore une fois le suffrage censitaire… Les ouvriers sont de plus en plus pressurisés alors qu’on connaît une période de croissance démographique et d’appauvrissement de la famine sans précédent ! Répliqua l’homme replet après avoir vidé son verre d’alcool fort, il lissa sa grosse moustache et reporta son attention sur son comparse nerveux aux cheveux poivre sel.

– Tu sais que mon beau-frère bosse en tant que notable au service de la chambre des députés, il m’a confié que les nouvelles lois, loin d’apaiser les dissensions sociales des classes, ne vont faire que creuser le fossé entre les bourgeois qui s’expansent dans toute l’Europe, avec les nouveaux chemins de fer et commercialisent leurs nouvelles industries, et les ouvriers qui crèvent la dalle pour nourrir leur famille. Même les enfants travaillent dans leurs putains d’usines. Et je te parle pas des mines où ils crèvent comme des rats piégés entre les explosions de gaz et les effondrements. Le nerveux tremblait, ses yeux agités par des soubresauts faisant tressauter ses veines rouges, il serrait son poing si fort que celui-ci devenait blême. »

Marie et Lucien engloutissaient en silence leur café noir, ne perdant pas une miette de l’échange.

« Les Républicains insurgés vont-ils pas faire encore une tentative de soulèvement ? Ou bien pénétrer la salle des députés lorsque ces bouffeurs de foie gras vont faire passer la taxe ? L’homme large était d’un calme qui contrastait bizarrement avec l’agitation de l’homme quarantenaire.

– Oh, ils ne sont pas cons, tu sais quand ils prévoient de se réunir ? Au beau milieu de la nuit un dimanche ! Voilà t-y pas des magouilleurs comme les Français les aiment… »

Lucien adressa un clin d’œil entendu avec Marie.

« Et si ça fuite ? Demanda avec un haussement de sourcil broussailleux le gros homme.

– Ça fuitera pas. Répondit avec suffisance le nerveux.

– Ho que si. Marmonna Lucien en allumant sa clope, satisfait de ce qu’il venait d’entendre. »


 

Ils firent une fois encore l’amour dans la chambre de bonne située au-dessus de la rue branchée où circulaient voitures et hommes d’affaires. Les draps plissés par leurs ébats contenaient l’odeur des corps, de la cigarette et de la suie dont le cheminot ne pouvait pas se débarrasser. Mais Marie aimait bien plus cette odeur sale des hommes de mauvaise vie que celle du savon propre sur sa literie. Elle caressait avec largeur le dos musclé de son compagnon fourbu par son labeur.

Une des sonnettes accrochées dans la chambre retentit, celle que sonnent les invités, les autres, normalement utilisées par les clients pour interpeller les femmes de chambres, n’étaient jamais utilisées chez la Marseillaise.

« Tire-toi, Lucien, c’est Mélinda. Le pressa Marie, ayant un petit pincement au cœur de voir son homme partir.

– Ok ok ma belle. Il reboucla sa blague de tabac, s’apprêtant à se rouler sa clope d’après acte.

– Ne couche pas avec trop de bonnes femmes d’accord ? J’aimerais pas que tu m’refiles une bonne vieille maladie vénérienne… Blagua-t-elle comme à son habitude.

– Et toi, n’épuise pas trop d’hommes en les vidant de leur sac à foutre, tu risquerais de ne plus avoir assez de temps à me consacrer. La railla-t-il.

– Toujours pour toi ! Elle lui colla un baiser sonore sur les lèvres.

– Pas quand y a Mélinda. Répliqua justement le jeune homme en esquivant rapidement le coup affectueux qui partait déjà dans sa direction.

– Tu sais bien que je lui dois tout ! S’exclama Marie avec une pointe d’énervement dans la voix, quand on parlait de la blonde elle était toujours susceptible.

– Je sais, je sais… Mais l’idée de dépendre de quelqu’un ne doit pas te détourner de ton libre arbitre. Ni Dieu ni maître. Il lui claqua la fesse et s’enfuit au quart de tour par la porte, tombant nez à nez avec la ballerine qui écarquilla ses grands yeux verts d’eau. »

Ils avaient pour habitude de plaisanter sur les conquêtes (inexistantes) de l’autre, cela les apaisait sur le fait de laisser leur relation libre, bien qu’aucun des deux n’ait jamais été « infidèle » car comblé par l’autre.

« Hé bien hé bien… roucoula la grande femme au corps sculpté comme une statue grecque, basculant sa hanche sur le côté. Encore à traîner dans le coin ce Lucien… toujours pas fiancés depuis le temps ?

– Non, et c’est pour ça que je le supporte encore ! Asséna Marie avec un grand sourire pour son amie. »

Les deux femmes s’enlacèrent avec bonheur.

« J’ai entendu beaucoup de bien à ton propos dans les couloirs, spécialement de la part des vipères jalouses, leurs as-tu jeté quelques maléfices ? Aborda Marie avec un sourire entendu.

– Oh tu sais, semer quelques bonnes nouvelles et flatter met toujours les gens en bonne condition. Jusqu’à ce qu’ils reprennent leurs fâcheuses habitudes… Mélinda éclata d’un rire franc, ce qui fit glisser son châle en soie, découvrant sa gorge d’un blanc gourmand.

– Des révoltes se fomentent, qui plus est une nouvelle taxe va être votée pour rendre les riches plus riches et les ouvriers plus affamés… La Provençale, à qui le mauvais temps de Paris n’avait pas ôté son teint hâlé, ramassa le merveilleux tissu souple, elle qui d’habitude se plaisait à cracher sur celui des passantes depuis sa fenêtre ne prit le plus grand soin.

– Lucien a-t-il reconnu faire partie de ces nouveaux groupuscules semi-républicains ? Cela est majoritairement composé de cheminots et mineurs, donc j’imagine qu’il en fait partie…

– Tu avais vu juste, Opina son amie en croisant ses bras sur sa jolie poitrine ronde. Il m’a même accepté dans sa bande de braves penseurs en couche-culotte. Je le raille, mais j’apprécie sa détermination et son increvable sens patriotique qui protège la veuve et l’opprimé.

– Les hommes courageux sont sexy. Déclara simplement la blonde, pas plus intéressée que ça par les histoires d’amour de la brune, elle baissa ses longs cils dans une moue féline. Trésor, n’as-tu rien d’important à me raconter ? Les révoltes et les nouvelles lois ne m’intéressent guère. Je me fiche bien de ce que vit la population. »

Marie sourit, son amie et elle étaient très différentes en ce point. La première souhaitait du fond du cœur (tout comme son amant) changer les choses en un monde plus vivable, voire meilleur, et la deuxième possédait cet égocentrisme qui la faisait penser être le centre du monde.

« Évidemment j’ai une nouvelle croustillante, la duchesse Catharina venue de Russie vient s’établir à Paris, elle ira à la représentation de ballet que tu vas danser samedi. »

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Alcinoos
Posté le 17/04/2025
Toujours aussi sympathique à lire. J'aime l'ambiance, les personnages et ta façon de les faire vivre. On plonge dans un Paris inégalitaire où se cotoi la misère et la bourgeoisie. Hâte de lire la suite !
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