Lundi 1er août 1992
Martin Garnier venait à peine de fêter ses 20 ans, et il allait mourir. Mais, me direz vous, quelle tragédie pourrait prendre la vie à un être si jeune ? La réponse, mes amis est très simple, elle tient même en un mot. Martin, allait mourir du SIDA. Du VIH si vous préférez, puisque celui ci cause le SIDA. De toute façon, peu importe si vous parlez du virus ou de ses symptomes, vous désignerez toujours cette saloperie qui rongeait le jeune homme et lui volait chaque goutte de vie qu’il possédait.
Martin Garnier venait à peine de fêter ses 20 ans, et il allait mourir, sans pouvoir rien n’y faire. Pourtant, le jeune homme avait senti venir le VIH. Il le savait, en ce moment, et surtout dans le milieu étudiant dont il faisait partie, le virus se transmettait de corps en corps à la vitesse d’une gazelle qui galopait. Il craignait le moment où il finirait par l’attraper. Et pourtant, il avait pensé pouvoir passer à travers les mailles du filet.
Quand le jeune homme avait appris la nouvelle, quand il avait su que le virus était déjà présent dans son sang, que, quoi qu’il y fasse il y passerait, il avait marché toute la matinée sur les bords de Seine, essayant d’intégrer son horrible vérité. Enfin, il avait réussi à formuler la phrase dans son esprit. Je suis séropositif. Je vais mourir se répétait-il en boucle.
Quand il avait annoncé la nouvelle à ses parents, horrifiés, sa mère avait hurlé « Mais Martin, qui t’a contaminé ? Tu ne peux vraiment pas en guérir ? ».
« Je ne sais pas qui m’a contaminé. Et je ne peux pas guérir, tu le sais. avait répondu Martin
- Alors, tu vas rester avec nous, mon chéri, avait décrété sa mère. On prendra soin de toi.»
Lentement, le jeune homme avait secoué la tête,
« Non, maman, je ne resterai pas avec vous. Désolé. »
La femme n’avait pas comprit. Pourquoi son cher fils refusait-il qu’elle reste à ses côtés pour surmonter sa maladie ?
Mais Martin avait ses raisons. Il avait vu l’air désespéré de sa génitrice lorsqu’il lui avait annoncé être séropositif, et il savait qu’il ne quitterait pas le visage de la femme qui l’avait élevé, et qu’elle le traiterait déjà comme le fantôme qu’il n’était pas encore. Il aurait préféré mourir tout de suite, là, sur place plutôt que de subir pendant les mois, les années qu’il passerait malade les regards de chiots tristes de de ses parents. Et Martin le savait, ses parents le savaient, ils avaient beau l’aimer de tout leur cœur, ils ne comprenaient pas vraiment ce fils qui étudiait l’art et laissait des constructions non-achevés partout dans sa chambre, qui portait les cheveux longs et qui aimait les garçons.
Alors, Martin avait embrassé sa mère, avait fourré quelques affaires dans son sac de sport et était parti, laissant ses parents faire le deuil de leur fils qui était toujours en vie. Mais pour combien de temps ?
Sans destination particulière, Martin avait marché dans la rue. Il avait menti à sa mère quand il avait dit qu’il ne savait pas qui l’avait contaminé. Il le savait très bien. Il savait très bien que Jules, le beau Jules, l’avait contaminé.
Si Jules avait été assis trois rangées devant lui en cours d’histoire de l’art durant les deux premiers mois de cours, Martin ne l’avait remarqué qu’a une fête étudiante, un peu avant novembre.
Et si, bien sûr, en l’apercevant pour la première fois, à cette fameuse fête, son cœur avait fait un bond dans sa poitrine, ce n’était toujours pas à ce moment là que Martin avait flanché.
Non. C’était quelques semaines après la fête, à une exposition des élèves de l’école des beaux arts que le le déclic s’était fait.. Martin avait longuement contemplé la peinture de Jules, si vivante. Ou plutôt, si morte. Une mélancolie palpable émanait du grand manoir représenté, et cette même mystérieuse mélancolie émanant de Jules était finalement ce qui avait tant attiré Martin.
Il s’était fait présenter Jules par un de leurs amis commun. Et si Martin avait pensé que le peinture de Jules et sa perception de l’art était très différente, les deux garçons s’étaient vite rendu compte qu’elles étaient étrangement semblables. Alors les deux jeunes gens avaient commencé à peindre ensemble de plus en plus régulièrement, presque compulsivement. Chacun avait enfin trouvé son âme sœur et ne comptait plus la lâcher. Et cette relation intellectuelle. entre deux artistes s’était très vite transformée en une relation amoureuse passionnelle.
Mais comme le craignait Martin, toutes les bonnes choses ont une fin. Et quelle fin.
Puisque Jules avait transmis le VIH à Martin. Lui même avait été contaminé par Marie, elle même contaminée par un certain Damien.
À partir de ce maillon, Martin avait perdu le fil de la chaîne de transmission.
Jules lui avait annoncé un mois plus tôt que le compagnon de son amie Marie avec qui il avait partagé une seringue était séropositif. Les deux garçons étaient allés faire le test de détection quelques heures après, et quand les résultats étaient arrivés, un mois plus tard, que le test s’était avéré positif, si Martin avait gardé les yeux secs, Jules s’était effondré en sanglots, suppliant le garçon qu’il aimait de le pardonner.
Martin avait murmuré qu’il avait besoin de temps pour réfléchir et s’était enfui en courant.
Ce qui l’avait le plus surprit n’était même pas que Jules soit séropositif. C’était qu’il le soit devenu en partageant une seringue d’héroïne. Il avait toujours été persuadé que Jules ne prendrait jamais la moindre drogue. Il lui avait toujours assuré qu’il n’avait jamais rien essayé de tel.
Ce qui torturait Martin, c’était cette interrogation qui tournait en boucle : pourquoi donc Jules avait-il ressentit le besoin de se défoncer, même une fois ?
Était-ce pour étouffer cette mélancolie dont Martin, malgré tous ses effort, n’avait pas réussi à découvrir la cause ?
Au delà de cela, Martin peinait à intégrer sa séropositivité. Il aurait du en vouloir à Jules, il le savait, mais il n’y parvenait pas. Imaginer le beau blond aux yeux bleus rongé par la maladie le détruisait. Il se rendait compte maintenant qu’il n’avait jamais aimé quelqu’un autant qu’il aimait Jules. Jamais quelqu’un ne l’avait aussi bien comprit.
Il n’arrivait pas à lui en vouloir. Et puis, Jules, qu’y pouvait-il ? Il n’avait pas voulu le contaminer, et en ce moment, le VIH se transmettait comme une épidémie de gastro dans une classe de maternelle, et Martin le savait.
Je vais mourir. Je vais mourir. Je vais... Martin parvenait à saisir le sens de cette phrase, maintenant. Et il ne pleurait pas. Il allait mourir, et avant cela, il voulait passer tout son temps avec Jules, que ce soit un an, un mois ou un jour seulement. Martin allait mourir. Il ne voulait pas perdre du temps en détestant, en en voulant au garçon qu’il aimait. L’image de Jules, en pleurs s’était imposé à son esprit, et il s’était mis à courir vers l’appartement du blond.
Un premier chapitre réussi et émouvant.
Je trouve que tu as très bien exprimé les émotions de Martin : elles sonnent très justes.
Le tragique de la situation est palpable.
Tu as également réussi, selon moi, à donner envie de lire la suite de l'intrigue : que va-t-il se produire ensuite ? Combien de temps ont-ils encore à vivre ? Pourquoi Jules a-t-il eu le besoin de prendre de la drogue ? Etc.
Courage pour la suite, et à bientôt, j'espère.
Merci pour ton commentaire, je suis contente si ce chapitre donne envie de savoir la suite !
À bientôt !
Hâte de lire la suite !
Merci encore pour ton retour !
J'ai pas la réponse à ta question, par contre, Tout sur ma mère, de Pedro Almodovar, parle justement de VIH et une jeune femme est atteinte. Si tu ne l'as pas déjà vu, ça pourrait ajouter de l'eau à ton moulin !
A bientôt <3
Merci pour ton retour! Il se trouve que j'ai déjà vu " Tout sur ma mère" ( très bon film par ailleurs :) ), mais merci de ton conseil !
À bientôt :)