Midi sur les trottoirs (6) - Rivière d'été

Par Pouiny

Ainsi, Alexandre termina sa première année au collège non sans peine. Il profita de ses vacances pour suivre Bastien, Charlie et William partout où ils jouaient. Il passa des soirées d’été entière avec Aïden, à juste les écouter et à danser. Parfois, il arrivait même à convaincre le photographe de le joindre dans la danse, non sans mal. Aïden dansait très mal et ne l’avait jamais nié, mais sa maladresse faisait beaucoup rire Alexandre, alors il prenait sur lui. Profitant d’un temps chaud et tranquille, Charlie adorait voir son fils aussi heureux. Il lui sembla même qu’il reprit du poids, mangeant peu mais correctement à chaque repas de la journée. Les soirées où les adultes ne jouaient pas, ils emmenaient l’enfant à la rivière avec des bières et quelques pizza. Parfois se joignait une femme qu’Alexandre n’avait jamais rencontré avant

« Je te présente Célia ! C’est ma meilleure amie, lui avait présenté Bastien pour la première fois à la rivière.

– Salut, gamin ! Comment tu t’appelles ?

– Alexandre.

– Super, Alexandre ! Une seule question : Tu sais nager ?

– Bien sûr !

– Alors, le dernier à l’eau est une poule mouillée ! »

Amusé, Alex la suivi en poussant des cris de protestations. Même s’il ne l’avait pas connue avant, il l’apprécia très rapidement. Célia jouait souvent avec lui dans l’eau, et elle avait un gros chien qui adorait également jouer et sauter sur l’enfant. Profitant des longues soirées d’été ainsi, toujours occupé, toujours heureux, Alexandre ne réalisait qu’à peine que tout ceci prendrait fin trop vite. Souvent, Aïden et Bastien venait les rejoindre. Le couple aimait surtout se battre dans l’eau : ce n’est qu’en maillot de bain qu’Alexandre réalisa la différence nette de musculature entre les deux hommes. Il avait longtemps cru que Bastien et Aïden était au même niveau en sport, mais vérité il était évident, pour peu qu’on l’observe, qu’Aïden était largement au-dessus. Bastien n’avait aucune chance, même dans l’eau, et même quand il appelait Alexandre à l’aide pour le maîtriser.

« C’est nul ! S’écria Alexandre alors qu’il venait d’être jeté à l’eau comme un caillou trop gros pour ricocher. Tu triches !

– Je ne triche pas, je m’entretiens, rectifia Aïden avec un sourire fier.

– Non, je suis d’accord avec le petit, ajouta Célia qui faisait l’arbitre. Tu triches, il faudrait que tu utilises au moins un bras en moins.

– Un bras en moins ? Et puis quoi encore ! Un attaquant en plus ?

– Exactement ! S’exclama Célia. William, viens aider ton fils !

– Pourquoi moi ? S’exclama l’homme qui était bien tranquille avec sa bouteille de bière au bord de l’eau.

– Allez, sergent Will, s’amusa Charlie à ses côté. C’est une nouvelle mission pour toi !

– Ordre du colonel ? Soupira l’homme en se levant.

– Seulement un vif conseil, répliqua son compagnon avec un petit sourire. J’ai très envie de voir ce qu’il va se passer.

– Toi, je te retiens, murmura William en retirant son t-shirt.

– Allez, papa ! »

Ainsi, l’homme plongea à l’homme et s’attaqua au colosse qui commença enfin à couler alors que même le chien se joignait à la mêlée générale. Amusé, Charlie vu l’appareil photo qu’Aïden avait abandonné en plongeant à l’eau et prit sur lui de prendre quelques photos de l’épique scène de combat.

« Pouce ! Vous allez vraiment finir par me tuer, s’exclama Aïden en toussant de l’eau.

– Mais non, tu es invincible, tout le monde le sait ! S’exclama Célia avec un sourire sauvage.

– Pourquoi personne ne s’en prend à Célia, lui répondit-il avec un peu de désespoir. Vous voyez bien que c’est cette sorcière qui vous monte tous contre moi !

– Enfin, Aïden, répondit la femme avec un ton faussement blessé, personne n’oserait s’attaquer à une faible femme !

– Tu parles... »

Aïden n’eut pas le temps d’en dire plus, car Alexandre avait déjà profité de faille pour se jeter contre lui avec un dangereux cri de guerre. Après quelques minutes supplémentaires de lutte, Bastien fini par s’éclipser de la guerre pour s’approcher de Charlie, boitillant légèrement.

« Tu abandonnes ? Lui demanda Charlie en lui lançant une bouteille de bière.

– Je me fais crampe sur crampe, répondit Bastien avec une grimace. J’en peux plus. Tu me fais une petite place ?

– Mais très volontiers, mon cher confrère ! »

Si William était difficile à tirer dans l’eau malgré les passages à la rivière qui se multipliaient, Charlie était tout simplement intraitable, malgré les insistances de son fils qui ne comprenait pas pourquoi il restait toujours sur les cailloux, seul, à garder les affaires de tout le monde. Si pour l’enfant, c’était incompréhensible, les adultes voyait assez facilement le problème et le laissait donc tranquille. Bastien s’asseyant près de lui en reprenant son souffle, fini quand même par lui demander :

« Tu es sûr que tu n’as pas envie de te rafraîchir ?

– Certain. Ne t’inquiète pas pour moi, je suis très heureux sur mes petits cailloux.

– Tu sais, déclara Bastien d’une voix calme, personne ne te jugera si jamais tu décidais de prendre l’eau en t-shirt. Si c’est Célia qui te fait peur, elle est…

– Non, ce n’est pas une question de Célia, coupa Charlie. Je me rends bien compte qu’elle est parfaitement digne de confiance. C’est… Plus compliqué que ça.

– Tu veux m’en parler ? »

Charlie profita d’un souffle de vent pour relever la tête. Bastien à coté de lui, séchait ses longs cheveux blonds du mieux qu’il le pouvait. Il lui avait parlé du voix douce, et il le connaissait depuis assez longtemps pour dire :

« Il y a une différence nette entre savoir et comprendre. Avec toutes ces années, tous ces jours à être constamment différent, à exiger au reste du monde un effort intellectuel pour me comprendre, je m’en suis rendu compte. Beaucoup de personne savaient pertinemment qui j’étais, mais quand elles voyaient mon corps… Instinctivement, elles n’arrivaient plus à répondre à ce que je demandais. Le pire, c’est quand j’ai été enceinte. Même William a eu du mal à ne pas me voir comme une femme à ce moment-là. Et pourtant, c’est mon mari. Mine de rien… Il a fallu un moment, avant qu’il m’appelle pama. »

Instinctivement, Charlie replia ses genoux contre sa poitrine et Bastien ne put s’empêcher de se sentir profondément désolé. Il se rapprocha de son amie avec douceur.

« Tu n’aimes pas ton corps ? Demanda finalement Bastien.

– Bien sûr que si ! C’est avec lui que j’ai pu avoir Alexandre et ce sera toujours la plus grande fierté de ma vie. J’ai adoré porter mon enfant. Et pourtant, au quotidien, il ne me trahi pas tant que ça. J’arrive à paraître masculin, même après avoir accouché. Il est incroyable, ce corps. Je n’en voudrais un autre pour rien au monde. Et tu n’imagines pas la taille de ma poitrine ! »

Bastien se surpris à rire. Il savait que Charlie portait des vêtements compressifs, la plupart du temps, et il fallait avouer qu’ils faisaient bien leur travail. Même quand il portait des vêtements plus féminins, qu’il changeait apparence, il faisait toujours en sorte de bander sa poitrine au plus possible. Mais en voyant son torse plat, caché sous une chemise légèrement ouverte, il ne put s’empêcher de ressentir un léger pincement au cœur. Malgré toute la liberté des gestes et des paroles de Charlie, il était prisonnier de ses vêtements.

« Non, j’adore mon corps, vraiment. C’est bien la seule chose que l’on ne pourra pas m’enlever. Le problème, ce n’est pas lui… Le problème, c’est ce qu’il renvoie. Ce qu’il reflète dans le regard des autres. C’est l’image qu’il peut me donner. C’est ça, qui me fait peur. Quand quelqu’un peut le voir… J’ai l’impression qu’il peut me déposséder de ma propre identité. Qu’il peut nier ce que je suis, comment je me sens. Et… malgré tout ce que je peux dire, ça m’atteint. Ça m’atteindra toujours, je pense. Que veux-tu, on est des animaux sociaux, on est ainsi fait ! »

Charlie avait accompagné ses paroles d’un mouvement de bras, comme pour jeter les mots qu’ils venaient de dire. Il avait parlé d’un ton léger, pourtant Bastien se sentait véritablement concerné par ce qu’il venait d’avouer.

« Pourtant, tu n’as pas peur de porter des robes ou toute autre tenue féminine…

– Parce que ça reste une partie de mon identité. Et une robe comme un pantalon, c’est la même chose, au final : ce n’est qu’un choix de déguisement parmi tant d’autre. Ça ne me dérange pas d’en mettre. Je dirai même que ça me plaît pas mal. Mais… Là, c’est différent. Même si j’allais dans l’eau avec des vêtements, l’eau les collerait contre moi. Et forcément, vous verriez ce que je cache derrière tous mes artifices. Vous verriez mes formes. Vous verriez mon corps. Et mon corps, ce n’est pas une comme une jupe ou du maquillage. C’est plus… révélateur, disons. Ça fixe les choses davantage que n’importe quoi d’autre, dans l’esprit des gens. »

Bastien resta silencieux, pensif. Après un temps de réflexion, il finit par répondre en observant la lutte mené par les autres, plus loin :

« Je me rend compte à quel point tu es seul, avec ces pensées-là. A quel point tu peux avoir une réflexion qui me dépasse. Tu as peut-être raison, d’une certaine manière. J’aimerai te dire que pour moi, peu importe à quoi tu ressembles, tu resteras Charlie à mes yeux, mais si je veux être honnête… Peut-être que ça me perturberait, de te voir en bikini comme Célia. Je n’en sais rien. Je n’ai jamais eu ces réflexions que tu as eu, sur ton corps, ton identité… Je peux difficilement comprendre tout ce qu’elles impliquent. Je ne suis pas concerné personnellement, tout simplement. Néanmoins… Je veux que tu saches que malgré tout, je ferai toujours ce que je peux pour te soutenir. Et que je suis très admiratif de ton parcours. Déconstruire tout ça, pour te forger toi-même, ça a du être un travail très long et très difficile. Tu m’impressionneras toujours, pour ça. Alors, même si je ne peux pas te promettre de ne jamais me tromper, ni moi, ni Aïden, ni William, ni Célia… Je peux t’assurer qu’on fera de notre mieux pour te soutenir. Et que si un jour tu as besoin de crier ’’merde’’ très fort et de foutre à poil pour plonger dans l’eau de la rivière, crois-moi que personne ne te jugera ! Je pourrai même t’applaudir, si tu veux. Non, même pas si tu veux, c’est sûr que je t’applaudirai. »

Charlie laissa échapper un petit rire. Mais quand Bastien regarda ses yeux, ils avaient un éclat de tristesse. Il rajouta alors :

« Je suis désolé, c’est peut-être pas parfait, mais… C’est le mieux qu’on puisse t’offrir.

– Non, tu n’imagines pas à quel point c’est incroyable, ce que tu dis, à mes yeux. Ça me fait très plaisir. Parfois je me demande ce que j’ai fait pour mériter des amis aussi géniaux.

– Tu as été toi-même, tout simplement. »

Bastien lui sourit gentiment. Charlie essaya d’y répondre, mais l’éclat de tristesse de ses yeux sombres continuait de luire. Se rapprochant encore, Bastien posa alors son bras sur ses épaules :

« Dis-moi, Charlie…

– Quoi donc ?

– Tu ne te sens pas seul, parfois ? De ne connaître personne un tant soit peu… Comme toi.

– Un peu, avoua Charlie à mi-voix. Souvent, même. Mais je suis vraiment heureux de vous connaître, même si vous ne pouvez pas tout comprendre. Et il y a une pensée qui me sauve.

– Laquelle ?

– Celle que peu importe à quoi je ressemble, peu importe mon corps, Alexandre ne me verra jamais autrement que comme son pama. C’est une pensée qui m’apporte beaucoup de réconfort, dans mes cauchemars. »

Et sans plus de mots, Charlie se redressa en s’étirant pour se diriger vers les baigneurs. Pour la première fois, il souleva légèrement son pantalon jusqu’aux genoux pour tremper ses chevilles dans l’eau fraîche. Alexandre, voyant ce geste comme une ouverture, insista alors tout ce qu’il pouvait pour que son pama le rejoigne dans l’eau, mais comme toujours, Charlie refusa très fermement.

 

Alors le soir tombait et que tout le monde commençait à lâcher l’affaire avec Aïden qui commençait à s’épuiser, Alexandre, qui ne savait pas quand s’arrêter, fini par s’écrier :

« Hé, Aïden ! C’est quoi, que tu as sur les bras ! »

Charlie, intrigué, releva la tête. Aïden avait brusquement pâli et essayait fébrilement de se débarrasser du petit pot de colle qui lui tournait autour. Elle jeta un regard à Bastien, par curiosité. Celui-ci s’était brusquement redressé et semblait prêt à rebondir dans l’eau à n’importe quel moment. C’est en voyant une lueur inquiète dans ses yeux verts, que Charlie comprit que quelque chose n’allait pas avec ce qu’Alexandre venait de découvrir.

« Rien, répondit Aïden d’une voix blanche.

– Mais si ! C’est bizarre, je l’ai senti au toucher ! C’est des tatouages ?

– Non. Lâche-moi, s’il te plaît, Alexandre. »

Ce deuxième signal d’alerte fut assez évident pour que William décroche la tête de sa pizza. Aïden s’était exprimé avec un ton tendu et n’arrivait manifestement pas à se sortir d’une situation qui le mettait profondément mal à l’aise.

« Alex ! S’écria son père avec une voix qu’il voulait autoritaire. Dépêche-toi de sortir de l’eau, tu vas prendre froid.

– Mais papa, Aïden a vraiment quelque chose sur les bras ! Je l’ai vu, je crois que c’est blanc ! Allez, Aïden, montre, c’est quoi ? »

L’homme essayait de se débarrasser du petit monstre de plus en plus agressivement, essayant de se montrer dissuasif, mais Alexandre riait, ne comprenant pas que le jeu avait pris fin.

« Ce sont des griffures de chat ! Fini par s’écrier Aïden, qui s’impatientait de plus en plus.

– Alex, réessaya son père plus fort, ne me fais pas répéter, s’il te plaît !

– N’importe quoi ! S’écria Alexandre à Aïden. »

L’enfant n’avait absolument pas entendu son père et était désormais accroché au bras gauche d’Aïden, qu’il pouvait voir de près.

« Ça ressemble pas à ça, des griffures de chats ! Il y a pleins de traits, dans tous les sens ! Pourquoi ils font un relief, sur ton bras, Aïden ?

– Je t’ai dit de me LAISSER TRANQUILLE ! »

Il rejeta l’enfant si violemment que tous les adultes autour eurent un mouvement de panique intérieure. William se jeta dans l’eau pour récupérer son fils dont la tête mettait du temps à sortir. Bastien, de son côté, se précipita pour sortir Aïden de la rivière et l’éloigner rapidement du groupe. Il avait les yeux vitreux, dans le vague. Ses mains tremblaient. Bastien semblait lui chuchoter à l’oreille pour le guider. Quand les hommes passèrent devant Charlie pour prendre le temps de s’éloigner et discuter calmement, il vit subrepticement ce dont parlait son fils et comprit très rapidement l’émoi. L’avant-bras gauche d’Aïden était couvert d’entailles, de toute sortes, de différente tailles, qui se chevauchaient parfois les unes aux autres tant il y en avait, parsemant d'un blanc mortuaire sa peau claire. Bastien fit asseoir son compagnon dans les cailloux et le fit boire, le réconfortant comme un enfant, du mieux qu’il pouvait. En tournant la tête vers son fils, il vit qu’Alexandre n’en menait pas large de son côté. Assis à l’opposé d’Aïden et Bastien, il était séché par Célia et William, qui essayaient de le consoler comme ils pouvaient. Il semblait sur le point d’éclater en larmes, choqué, perdu. Charlie alors se dirigea vers lui avec un sourire ennuyé.

« Mais j’ai rien fait de mal ! S’écria Alexandre à son père.

– On t’avait demandé plusieurs fois d’arrêter, il me semble, non ? Répondit Charlie en s’approchant.

– Mais… Pama…

– C’est pas contre toi, petit, ajouta Célia avec un air désolé. Mais tu as vu quelque chose qu’ Aïden n’a surtout pas envie de montrer.

– Mais pourquoi il met pas quelque chose pour le cacher, alors, s’il veut pas qu’on le voit ! S’exclama Alexandre, vexé.

– Tu l’imagines se pointer à la rivière avec un short et des chaussettes pour les bras ? Répliqua Célia. Tu aurais encore plus envie de voir ce qu’il y a en dessous.

– Mais… Je savais pas, moi…

– La prochaine fois, lui dit Charlie en lui caressant la joue, quand Aïden te dira de le laisser, il faudra que tu l’écoutes. D’accord ?

– Tu penses qu’il m’en veut ? Demanda Alexandre avec une voix brisée.

– Tu lui demanderas ça tout à l’heure, répondit William. Toi, tu vas surtout te rhabiller et manger un morceau, en attendant ! »

Voyant que son mari gérait la situation, Charlie s’éloigna un peu pour aller jeter un œil au couple qui s’était éloigné, de l’autre côté de la berge. Le soir tombait, le soleil commençait à ne plus se voir alors que la température baissait progressivement. Mais quand il marchait sur les cailloux, il ressentait la chaleur du soleil qu’ils avaient accumulé. Alors qu’il s’approchait un peu, Bastien alla à sa rencontre pour l’empêcher d’aller plus loin.

« Je pense qu’il vaut mieux le laisser seul un moment, lui annonça Bastien avec un air triste.

– Tu es sûr ? Il n’a vraiment pas l’air d’aller bien. »

Aïden était seul, recroquevillé sur lui même, la tête cachée dans ses genoux. Charlie était trop loin pour l’entendre, mais il était certain qu’il pleurait.

« C’est lui qui me l’a demandé, justifia Bastien. Il s’est pris un gros choc et il a besoin de démêler ça tout seul. Aussi, il a du mal à lâcher prise quand il y a des gens sur son dos.

– Même quand c’est toi ? Demanda Charlie, surpris. »

S’il y avait bien une personne au monde devant laquelle elle acceptait de tomber, c’était bien son mari. Mais Aïden était différent : plus pudique, plus secret. Il avait besoin de retrouver le contrôle de ses moyens par lui-même. Pour toute réponse, Bastien ne put que lui afficher un sourire tendu.

« Il m’a dit qu’il nous rejoindrait tout à l’heure. On va prévenir les autres de lui laisser de la pizza ? »

Charlie hocha la tête, décidant de lui faire confiance. Quand ils rejoignirent les autres, William avait allumé un léger feu de camp pour redonner le sourire à son fils. Ça avait marché dans la mesure du possible : Mais même avec de la bonne pizza et des chamallows grillés, le garçon restait particulièrement secoué. Le comportement nerveux de Bastien, qui se retournait jeter un coup d’œil derrière toutes les cinq minutes n’aidait pas à rendre l’atmosphère plus légère.

« Vous pensez que je lui demande de venir avec un chamallow, il va vouloir ?

– Toi, tu ne bouges pas de là, lui avait intimé William avec autorité. S’il veut venir, il est assez grand pour venir tout seul !

– Mais je m’en veux, murmura le garçon.

– Sois patient, lui répondit Charlie avec gentillesse. Tu vas pouvoir t’excuser tout à l’heure, ne t’inquiète pas. »

Après une éternité, ils virent enfin Aïden se lever et se diriger vers le petit feu d’un pas malhabile. Il avait les yeux rougis et semblait particulièrement mal à l’aise, mais en le voyant s’asseoir à côté de lui, Bastien ne put retenir un soupir de soulagement.

« Je m’excuse pour… ce qu’il s’est passé. Déclara Aïden à l’assemblée d’une voix cassée. »

Il regarda surtout Alexandre, au point que celui-ci eut un mouvement de recul.

« T’inquiète, le singe ! S’exclama Célia en levant sa bouteille de bière. On comprend, en tout cas, moi, je comprends ! »

Il jeta un regard interrogateur à Charlie et William, craignant qu’ils soient vexés, mais ils n’en étaient rien. Soulagé, il demanda demanda avec un petit sourire gêné :

« Ça vous dérange, si… ? »

Il ne fini pas sa phrase, mais il regardait nerveusement Bastien, avec un peu de gêne. Sa main, discrètement, semblait le chercher tout autant que le fuir. Comprenant le problème, Charlie posa sa tête sur l’épaule de son mari.

« Des mariés qui roucoulent au clair de lune sur le bord d’une rivière, répondit Charlie avec un peu d’amusement. Si ce n’est pas romantique ! »

Soulagé, Aïden se laissa tomber sur Bastien, qui manqua de perdre l’équilibre sous le poids surprise. Mais il le laissa faire. Aïden semblait tout bonnement épuisé.

« Ne me mettez pas dans le même panier que vous, les tourtereaux, déclara Célia en prenant un énième chamallow. Moi, je suis libre comme l’air !

– Trop libre, Célia, répliqua Bastien avec amusement. Quand est-ce que tu te trouves quelqu’un ?

– Urgh, demande-moi quand est-ce que je vais en prison, tant que t’y es !

– Aïden ? »

Alors que les adultes étaient retournés dans leur plaisanteries, le cœur plus léger, Alexandre s’était approché du retardataire. Il avait dans la main un bouquet de chamallow cuit piqués sur plusieurs bouts de bois.

« Je suis vraiment désolé, d’avoir vu tes griffures de chat. »

Le temps qu’Aïden comprenne que les chamallows avaient été cuit pour lui, pour accompagner son excuse, il laissa Alexandre dans une confusion totale. Il réalisa qu’il fallait réagir quand Bastien lui donna un petit coup de coude.

« Tu me les donnes ? C’est gentil, Alexandre, fini-t-il par dire en prenant les bâtons.

– Tu m’en veux encore ? Demanda le garçon avec un air infiniment triste.

– Non. Je ne t’en veux pas, ajouta Aïden en comprenant qu’il avait été un peu trop brut dans sa réponse. C’est à moi que j’en veux.

– C’est pas grave, tu sais. C’était… Ça devait être des gros chats. »

Aïden laissa échapper un petit rire, qui soulagea Alexandre d’un grand poids. Voyant enfin l’incident se résoudre, Célia s’écria :

« Bon, maintenant que tout est réglé, qui sort le jeu de cartes ? William, je suis sûre que tu as plein de jeux anglo-saxon avec lesquels nous plumer. »

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