Miracle aux machines à sous

Par Dédé

 

«Malédiction de vautour radin ne tue pas le cheval héroïque.»

Message trouvé dans un biscuit un peu étrange.

 

 

Miracle ! Maman ne m'a pas puni de toute la semaine. Maintenant, reste à voir si cela va durer un peu plus longtemps... Me reste plus qu'à prier que maman continue comme ça.

Mais c'est que maman me punit pour rien en ce moment : au moindre accident, au moindre mot plus haut que l'autre, au moindre cri, à la moindre désobéissance, punition !

Malgré tout, cet après-midi, elle m'a emmené jouer aux machines à sous. Machines à sous, elle sait que j'adore les machines à sous ! Malheureusement, avant d'y aller, elle m'a prévenu : si ça se passe mal, nouvelle punition. Machine à laver, puni à surveiller la machine à laver. Mine de rien, l'avertissement fait son petit effet vu que j'ai une large préférence pour les machines à sous plutôt que les machines à laver.

Machine à sous, que je les affectionne les machines à sous ! Maintenant que je suis devant elles, je ne peux qu'être heureux. Mais oui !

Me méfier, on m'a dit de me méfier du pouvoir néfaste de ces machines : paraît-il qu'elles sont addictives. Mais qu'est-ce que j'y connais à l'addiction ? Malédiction ou miracle, on oublie que je n'ai pas encore huit ans...

Machine, devant la machine à sous, je m'amuse comme un petit fou ! Mettre une pièce dans la machine, la regarder tomber, la regarder faire glisser les autres pièces devant elle, et regarder ce qui tombe ou pas. Méfiez-vous ! Mon récit donne l'impression que c'est facile mais tout est une question de timing : insérer la pièce au bon moment augmente considérablement les chances de gagner des points, des cadeaux ou d'autres pièces.

Malheur qui s'abat sur Terre quand je n'ai plus de pièces !

Mais ne parlons pas de malheurs ! Même qu'il me reste plein de pièces ! Mille points dans ma réserve à points, je me sens chanceux même si je sais qu'à l'heure actuelle, avec autant de points, j'ai à peine la moitié d'un porte-clés de bonne qualité ! Monsieur le journaliste à la télévision a parlé de crise économique l'autre jour. Maman a eu du mal à m'expliquer mais j'imagine que le fait d'avoir plus de mille points pour avoir un porte-clés décent est un parfait exemple de crise économique.

— Méfie-toi, cette pièce sur la droite est coincée. Mets-la à gauche plutôt.

Maman et ses conseils me sont très utiles.

— Mégarde à cette pièce qui ne va pas tarder à tomber en entraînant plein de points avec elle !

— Merci maman !

Machines à sous, c'est magouilles et compagnie désormais.

Monsieur est gentil au début. Monsieur donne les pièces pour jouer. Monsieur vous entend crier victoire, observe vos stratégies de jeu et quand vous revenez demander d'autres pièces, il fait la tête. Mais il n'a aucune raison de faire ça : j'ai juste assez de points pour gagner un porte-clé, je suis loin d'être assez riche pour racheter son manège ! Mille milliards de mille sabords, je crois que ce monsieur est à rajouter à la liste des gens que je ne comprendrai jamais !

Maigrichon, le monsieur en question n'arrête pas d'observer par-dessus mon épaule : qu'il se calme ou je m'énerve ! Même si maman s'énervera avant moi – car je sens que la moutarde lui monte au nez à elle aussi - je suis bien capable d'en rajouter une couche. Malheur à celui sur qui je hurle quand je suis dans cet état !

Mais quel radin ! Mon maigre monsieur colle le nez sur ma machine, comme pour vérifier si je ne lui donne pas des coups pour faire tomber mes gains plus rapidement. Mais pour qui il se prend ? Maîtrisant toutes les règles des machines à sous, la guerre est déclarée : courage à lui pour nous virer à cause d'un manquement au règlement !

Mettant la pression à maman et moi, j'ai l'impression qu'il fait bouger la machine pour nous faire perdre : tout ça pour quelques milliers de points gagnés à la sueur de notre front ? Mince, pour une fois que maman et moi, on s'amuse, il faut que ce monsieur vienne tout gâcher !

Malgré ma retenue, je perds le contrôle et j'écrase le pied du monsieur de toutes mes forces.

— Méchant monsieur ! Méchant !

Monsieur hurle de douleur : bien fait ! Maman n'a pas l'air de le prendre en pitié : au contraire, elle le regarde avec un regard disant «Mes excuses, mais vous l'avez bien cherché !».

Montant au créneau, le monsieur se met à m'insulter de tous les noms. Maman ne perd pas de temps pour prendre ma défense face à cet odieux personnage rempli de mauvaise foi :

— Microbe, vous avez vu comment vous nous traitez depuis le début ?

— Madame, que venez vous de dire ?

— Mais la vérité, monsieur ! Mon fils m'a devancé mais j'étais à deux doigts de vous en coller une moi-même !

— Madame, je vous prie, calmez-vous...

Monsieur a l'air gêné tellement qu'il rougit.

— Maudire mon fils et l'insulter alors que vous le traitez comme un tricheur depuis tout à l'heure, qu'est-ce qui ne va pas chez vous ?

— Madame, allons régler ça dehors...

— Mais il n'y a rien à régler : je trouve la situation aussi scandaleuse que tous vos cadeaux hors de prix. Mais quel arnaqueur vous faites, franchement !

— Madame...

Maman ne prend même pas la peine de continuer la conversation et s'en va, en me prenant par la main. Méritant des applaudissements, les gens se trouvant près de là l'applaudissent chaleureusement. Moi le premier.

Maman est une héroïne et m'a rassuré : je ne serai pas puni pour avoir frappé le monsieur. Maman fait une exception pour cette fois.

Miracle !

 

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