«Ne dégaine pas une épée pour tuer un vulgaire moustique.»
Nouveau proverbe.
Nénuphar, mon nounours, je l'ai depuis l'âge de mes trois ans. Néanmoins, aujourd'hui, j'ai huit ans et Nénuphar est décédé.
Ne pas regretter car l'heure de Nénuphar avait sonné. Ne pas se sentir coupable non plus.
Ni plus ni moins, il est temps pour Nénuphar de nous quitter !
Ne pas se plonger au pays des souvenirs... Ne pas se rappeler des bêtises que Nénuphar m'a soufflé à l'oreille. Ni même de ces moments où il n'a cessé de me réclamer pour le promener, faire sa toilette, jouer, me raconter ses petits secrets pendant que maman me criait de me dépêcher avant d'être en retard à l'école.
Nénuphar, quel sacré phénomène !
Ne pas constater que Nénuphar a été mon plus vieil ami jusque là, au risque de le regretter. Ne plus revivre toutes les fois où Nénuphar m'a supplié de m'accompagner partout où j'allais : je l'ai amené souvent à l'école, dans mon cartable, ou même quand je me rends aux machines à sous avec maman, à l'église alors qu'il se moque de Hélium avec moi, quand j'accompagne papa au jardin pour tenir le tuyau d'arrosage.
N'est-il pas vrai que Nénuphar n'a pas voulu me laisser en paix ? N'est-il pas ironique de dire que maintenant, c'est lui qui l'a trouvée, la paix ? N'y a-t-il pas un paradis pour les nounours ? N'y a-t-il pas un enfer pour eux aussi ? N'empêche que je me demande où est Nénuphar maintenant...
Ne pas se dire que dernièrement, Nénuphar n'a mérité rien d'autre que de se faire dévorer par les nains de jardin du voisin.
Non parce qu'entre Nénuphar et les nains de jardin, ça a été la guerre pendant longtemps... Nudistes, les nains de jardin du voisin, dans leur plus simple appareil, aiment atterrir dans notre jardin, histoire que Nénuphar tombe sur eux, s'énerve et que je sois accusé d'avoir volé ces nains de malheur pour le taquiner ! N'est-il pas évident que je ne suis pas un voleur de nains de jardin ni un taquineur de nounours ?
Nénuphar n'a pas voulu me croire et m'a mis dans le même panier que ces nains. N'est-ce pas sympathique ? N'est-elle pas belle l'amitié ? Non mais heureusement que Luciole n'est pas comme ça, elle...
Nageant pas plus tard qu'hier dans la piscine, sous la surveillance de mes parents qui sont fiers de voir que les cours de natation que l'on m'a donné n'ont pas servi à rien, j'ai senti que Nénuphar, allongé sur une chaise longue, m'a lancé un regard noir. Ne faut-il pas le laisser bouder dans ces cas-là ? Non, je demande car c'est ce que font maman et papa quand je suis comme ça : ils me laissent bouder dans mon coin, me punissent près de la fenêtre et pire, me donnent un dictionnaire pour que le temps de la punition soit encore plus horrible... N'empêche que ce n'est pas si horrible que ça : le dictionnaire m'aide à rendre la punition rigolote !
Nénuphar, il est un peu comme moi et j'agis comme une sorte de papa avec lui. Ne vous méprenez pas : en disant ça, je prends un sacré coup de vieux alors que je n'ai que huit ans !
Naturellement, j'ai fini par aller le voir pour lui parler. N'est-ce pas ce qu'il faut faire dans ces cas-là : faire le premier pas ?
Ni une ni deux, Nénuphar donne le ton : il ne veut rien entendre ! Non mais pour qui il se prend ? Ne vient-il pas de me parler de trahison ? Non mais je n'ai trahi personne, il faut arrêter un peu. Non mais des fois je me demande vraiment ce qui m'a pris d'adopter Nénuphar. Non seulement je l'ai sauvé d'une longue vie à rester pendu comme les autres lots d'un stand de pêche aux canards mais jamais je n'ai eu la moindre reconnaissance. Naviguant de mauvaises familles en mauvaises familles, il a eu de la chance de tomber sur nous, sur moi. Non, jamais un merci !
Non mais je m'entends des fois ? Ni plus ni moins, je ressemble de plus en plus à papa et maman...
Nonchalant, j'ai évité Nénuphar puisqu'il refuse de m'adresser la parole. Nonchalance jusqu'à ce que Nénuphar tombe malade. Niaiseries, on se rend compte que tout n'est que niaiseries quand son nounours perd un œil. Nouvellement borgne, j'ai dû accompagner Nénuphar dans ses moindres faits et gestes, encore plus que d'habitude. Nasillard, Nénuphar a commencé à me taper sur les nerfs... N'est-ce pas normal quand on joue le papa et l'infirmière auprès d'un vulgaire nounours ? Navré, mais ça ne pouvait pas continuer comme ça...
Non sans remords, j'élabore un plan pour me débarrasser de mon nounours. Navrant, que c'est navrant d'en arriver là mais ai-je le choix ?
Non, finalement, aucun de mes plans ne peut fonctionner ! Ne pas mettre Nénuphar sous les roues de la voiture de papa car ce n'est pas assez discret. Ne pas le cacher dans la machine à laver pour lui donner la nausée parce que maman vérifie tout le temps. Ne pas le faire mourir de peur la nuit car il ne réagira même pas. Ne pas chercher à l'intoxiquer ou l'empoisonner car il ne mange ni ne boit quoi que ce soit.
Négatif, je refuse de penser de façon négative : je vais trouver la solution !
Ne pas réfléchir trop longtemps. Ni plus ni moins, je jette Nénuphar à la poubelle. Non mais c'est mieux pour lui, la poubelle...
Néanmoins, maman m'en empêche et me propose plutôt de le vendre dimanche, au marché aux puces, juste avant d'aller rendre visite à Hélium.
Ne cessant de me réclamer pour un rien, il me fait perdre patience et j'arrache les deux bras de Nénuphar, puis les deux jambes avant de m'en prendre à son dernier œil.
Nénuphar, désormais en piteux état, ne m'embêtera plus. N'en déplaise à certains, ce que j'ai fait à Nénuphar, je l'ai fait en cas de légitime défense, c'était lui ou moi, c'est tout !
J'adore le petit "proverbe" qui entame le chapitre, je vais me le noter quelques part !
Allez, j' retourne !
J'ai pris beaucoup de plaisir à aller chercher ou créer les proverbes correspondant à chaque lettre de chapitre. C'était fun ! :P