Allongée dans son lit, Julie cogite. Hugo a posé la règle. Cette règle stupide qui n'a aucune justification. Aucune légitimité. Il sait tout, elle ne sait rien. C'est clairement injuste. Mais la question qui la torture le plus, c'est pourquoi. Pourquoi est-ce qu'il lui impose ça sans aucune raison ? Julie cherche des explications, des excuses. Peut-être que c'est pour garder le mystère sur lui... Il paraît qu'un garçon mystérieux, ça fait tomber les filles amoureuses... Julie n'y croit pas vraiment, mais c'est la seule version plausible. Et puis si il l'aime réellement, il finira bien par lui raconter, non ? On fait souvent des choses stupides par amour. Et si elle accepte qu'il ne lui raconte rien de sa vie, alors ce sera pour lui prouver ses sentiments. Peu importe ce qu'il cache, elle se sent bien avec lui. Elle est aimée, chérie de lui. Que demander de plus ? Elle aussi l'aime, ce jaune rayonnant qui égaye ses journées. Elle ne veut pas du jaune terni qu'elle a pu entrapercevoir à deux reprises. C'est décidé, elle ne fera plus de faux pas. Tout ce qu'elle veut, c'est préserver leur relation telle qu'elle est, quel qu'en soit le prix à payer.
Julie part rejoindre Hugo. Elle grimpe la colline. C'en devient presque une habitude, leur lieu de rencontre. Leur petite bulle éloignée du reste du Monde.
- Hugo ? Tu es là ?
- Ah Julie, je t'attendais ! Il l'accueille avec un grand sourire.
- J'accepte ta règle, tu sais celle d'hier...
- Tant mieux ! J'aime beaucoup ta jupe, au fait.
- Ah euh merci ! Je l'ai mise pour toi... j'ai pensé que j'aurais moins l'air d'une dépressive comme ça.
- Tu es superbe ! Assieds-toi, j'ai une nouvelle à t'annoncer.
- Une bonne ou une mauvaise ?
- Une bonne : j'ai parlé de toi à Misa et Clélia.
Cette nouvelle n'était pas celle à laquelle s'attendait Julie. Parler d'elle à ses meilleurs amies, c'était contraire à la règle non ? Peu importe, c'était l'initiative de Hugo. Et puis elle avait tout de même envie de savoir comment elles avaient réagi.
- Oh et... elles ont dit quoi ?
- À vrai dire, Clélia a été un peu agressive, comme toujours. Elle est comme ça, c'est pas la plus commode des deux, même si Misa est plus autoritaire... mais Misa accepte d'échanger un peu avec toi par courrier.
- Par courrier ? On ne peut pas se rencontrer en vrai ?
- Non, pas en vrai. J'ai peur qu'elle réagisse mal, et puis les mots, c'est déjà bien pour faire connaissance non ?
- Bon, d'accord. Et Clélia ?
- Elle refuse. En fait elle est jalouse. Elle n'aime pas la rivalité, c'est un peu comme une tigresse, je préfère que vous ne soyez pas en contact. Elle pourrait te faire beaucoup de mal.
- Je comprends... et donc je vais pouvoir écrire une lettre à Misa... Tu peux me dire un peu qui c'est, pour toi, comment elle est, avant que je lui écrive ?
- Eh biennn... Elle a un an de plus que moi, on se connaît depuis le berceau, nos parents sont amis. Pour moi c'est comme un modèle. C'est elle qui m'aide quand j'en ai besoin, qui sait ce qui est juste ou non... c'est un peu comme mon idole. Elle est grande, blonde, forte, calme et elle sait beaucoup de choses.
- Je vais faire de mon mieux pour qu'elle m'apprécie.
- Je le sais, j'ai confiance en toi, murmure Hugo.
Des tas de couleurs se rassemblent en émotions dans le ventre de Julie. Rouge-Amour surtout. Elle ne doit pas le décevoir. Elle sait qu'elle peut le faire. Julie se munit d'un crayon et d'une feuille, puis trace les lettres de sa fine écriture penchée :
"Bonjour Misa,
Hugo t'a sans doute déjà parlé de moi. En premier, je voulais te remercier de bien vouloir échanger avec moi. Je suis ravie de pouvoir faire ta connaissance. Hugo me dit beaucoup de bien de toi, c'est aussi ce qui me pousse à t'aborder. Je sais combien il est cher à vos yeux, avec Clélia, et je voulais simplement te dire que je ne lui ferai aucun mal. Nous nous aimons, et j'espère que je pourrai te rencontrer un jour.
Merci encore, c'est avec plaisir que je lirai ta réponse. À très vite, Julie."