L’été a passé. Tous ont pris des vacances après la réussite du diplôme. Malgré les obstacles rencontrés, les difficultés ont été surmontées, ils ont obtenu la certification. Seule l’équipe Gamma a du passer une session de rattrapage suite à leur prestation manquée à l’oral, les Alpha et les Delta ont triomphé du premier coup.
Violette est partie quelques jours dans sa famille en province pour se reposer. Avant de décider son départ, pleine de bonne volonté et déterminée, elle avait envoyé quelques CV pour lancer sa recherche d’emploi, mais en plein été elle n’a reçu aucune réponse favorable à ses courriers. Un peu dépitée, elle a finalement décidé d’aller rejoindre John chez ses parents et de profiter de son fils et du beau temps pour se changer les idées.
- Je reprendrai mes démarches à la rentrée, quand la période sera plus propice. Après tout le travail fourni cette année, j’ai bien besoin d’un peu de repos et de me ressourcer. Une petite semaine loin de Paris et la banlieue, c’est ce qu’il me faut pour me faire du bien. Et puis je me réjouis de revoir toute la famille !
Une fois arrivée dans le cocon familial, les choses n’ont pas été aussi idylliques que Violette l’espérait. Sa mère est autoritaire et décide pour tout le monde, ce qui n’est pas toujours du goût de la jeune femme. Néanmoins, elle a lâché prise rapidement, et finalement y a trouvé plus d’avantages qu’elle ne le pensait. Sa mère s’est occupée de tout : courses, repas, linge et elle a même eu le temps de jouer avec John et de lui faire réviser ses devoirs scolaires. Alors ça a été tout bénéfice pour Violette qui a pu prendre du temps pour elle, lire, aller à la piscine et bronzer dans le jardin. Elle a passé finalement de vraies vacances, les contraintes du quotidien oubliées, pour juste se laisser faire et dorloter.
Les parents d’Alphonse n’ont pu se résoudre à ce que leur fils ne profite pas de la période estivale et ce dernier a pris l’avion pour les rejoindre en Grèce où la famille possède une villa. Ils ont naturellement proposé de financer le coût du voyage et du séjour, déchargeant Alphonse de toute velléité de subvenir à ses besoins pendant l’été. Celui-ci est parti avec quelques amis, et pour se donner bonne conscience, toute la bande a logé dans une petite annexe sans eau ni électricité. Pas d’internet non plus. Alphonse était coupé du monde, et constamment sur la plage ou dans la mer, de jour comme de nuit.
Ce furent des vacances mémorables, sans aucune arrière pensée. Alphonse avait l’esprit totalement libre, le fait d’avoir son diplôme en poche ayant reporté à Septembre la préoccupation de son avenir. Comme à son habitude, il a oscillé constamment entre son envie d’indépendance et sa nature désinvolte, qui le pousse à profiter malgré lui des privilèges que lui offrent ses parents. Le sentiment de culpabilité qu’il éprouve depuis toujours ne l’a même pas effleuré, il n’a pensé qu’à s’amuser et l’été s’est écoulé dans une douce béatitude.
Cezary pour sa part n’avait pas les moyens de s’offrir des vacances ni même de retourner dans sa famille à Varsovie. Mais il a pu passer quelques weekends chez des amis bien décidés à ne pas le laisser tout seul dans son foyer. Aussi, bien qu’il soit resté la plupart du temps enfermé et penché sur son ordinateur, il a bonne mine car il a un peu pris le soleil. Même pendant les congés, il a cherché ardemment un poste de développeur, il attend les réponses à ses nombreuses candidatures spontanées. Toutefois il est assez déçu de n’avoir pas été embauché par une société dès l’obtention du diplôme, il trouve le temps long. Et ses économies s’amenuisent de jour en jour, même si son train de vie est plus que modeste. Son impatience de trouver un job grandit de jour en jour, et sa mauvaise humeur aussi.
Zoé est partie quelques semaines dans sa famille. Après le stress de la soutenance, elle avait besoin de retrouver les siens et de se faire choyer par ses parents, oncles et tantes, et surtout par Mamina. Toutes les deux ont passé beaucoup de temps ensemble, à discuter, se raconter leurs aventures, échanger des recettes et des idées, et cuisiner. Mamina ne peut plus se déplacer aussi facilement qu’autrefois, son cœur lui joue des tours, aussi c’est Zoé qui est venue le plus souvent la voir. Zoé adore la maison de Mamina, elle y allait souvent étant petite, et ce sont tous ses souvenirs d’enfance qui lui reviennent quand elles s’y retrouvent toutes les deux. Sa mère a organisé quelques fêtes de famille pour réunir tout le monde, dont une belle soirée pour célébrer le diplôme de Zoé avec ses frères et sœurs, et tous ses cousins et cousines, L’alternance de moments paisibles et festifs, entourée des siens, a été profitable à Zoé qui a retrouvé son équilibre et sa joie de vivre.
Septembre est arrivé, tous sont revenus à Paris. Une nouvelle année commence et la routine s’installe, chacun reprend ses activités après l’été. La capitale retrouve son rythme de ruche bourdonnante, les gens se pressent dans les rues et les magasins, les transports en commun sont à nouveau bondés et toujours aussi bruyants et nauséabonds.
Dans le petit appartement de la rue N., Zoé a passé quelques heures à surfer sur internet pour chercher des offres d’emploi, rédiger des lettres de motivation et envoyer ses candidatures. C’est un jour de semaine comme un autre. L’automne ne va pas tarder à se manifester, il y a déjà un parfum de fin d’été, les matins sont plus frais et les journées plus courtes.
Zoé prépare quelques friandises pour Louis et descend dans la cour pour bavarder avec lui. Toujours légère et rapide, elle dévale les cinq étages et se retrouve en bas en quelques minutes, elle s’approche du banc où il est assis, comme s’il l’attendait.
- Bonjour Louis, je vous ai apporté des petites tartes aux prunes que j’ai faites ce matin. J’espère qu’elles ne sont pas acides, sinon il faudra rajouter un peu de sucre. Regardez, elles sont encore tièdes, c’est meilleur je trouve.
- Bonjour Zoé, merci pour les tartelettes, mais tu parles, tu parles, et je sens bien que quelque chose ne va pas. Tu n’as pas l’énergie habituelle. Que t’arrive-t-il ?
- Rien de particulier Louis, c’est juste que je ne trouve toujours pas de travail. J’ai eu beau faire cette formation pendant une année l’an dernier, je n’ai toujours pas de réponses, pas d’entretiens, rien. Je ne comprends pas ce qui ne va pas chez moi. Pourquoi est-ce que ça ne marche pas ?
- Déjà, tu sais que c’est très difficile de décrocher un premier emploi, quand tu n’as pas d’expérience. Et puis ce doit être la conjoncture qui n’est pas très favorable, il n’y a aucune raison que tu ne trouves pas, intelligente comme tu es.
- Est-ce que c’est une question d’intelligence ? est-ce que je m’y prends bien ? c’est vraiment décourageant de se donner tout ce mal pour rien. La formation était-elle valorisante ? je me suis peut être trompée sur toute la ligne.
- Et tes autres collègues, ont-ils trouvé ?
- Non plus, c’est aussi pour ça que je me pose la question.
- Tu vois que tu n’es pas la seule, c’est donc que c’est le contexte.
- J’aimerais vous croire. Et vous Louis, comment ça va ?
- Toujours très moyennement, et avec les jours qui raccourcissent, l’automne et le froid qui vont arriver, rien ne me donne envie pour la suite.
Un peu honteux d’être toujours négatif, pour détourner la conversation, Louis mange les petites tartelettes.
- Zoé, elles sont délicieuses, comme tu es douée !
- Ce n’est pas très compliqué ! vous savez que je fais tout moi-même, y compris la pâte. J’utilise de la farine d’épeautre et de la farine blanche, du bon beurre et puis du sucre roux. Mais le secret, ce sont les bons fruits, bien mûrs.
- J’ai l’impression que tu as progressé pendant les vacances !
- J’ai beaucoup cuisiné cet été avec Mamina, c’est elle qui m’apprend tous les secrets de son art. Je n’ai jamais compris pourquoi elle n’a pas fait carrière dans un restaurant ou un salon de thé.
- Les femmes ne travaillaient pas peut être à l’époque ?
- Oui c’est vrai, Mamina n’a jamais travaillé, c’était une femme au foyer. Alors elle a peaufiné ses techniques pour cuisiner comme un vrai chef pendant tout le temps qu’elle passait chez elle. Vous savez, ma grand mère est une femme formidable, elle a élevé plein d’enfants, elle est créative, elle ne perd jamais espoir, elle transmet de l’énergie, on ne dirait jamais qu’elle est si âgée. Elle est toujours partante pour de nouvelles idées, de nouveaux projets. Mais aujourd’hui, à cause de son cœur, c’est sûr, elle ne peut plus faire autant de choses qu’avant, elle se fatigue vite, je le vois bien. Quand je suis ici, elle me manque énormément, mais on se téléphone très souvent. Elle m’encourage beaucoup, elle me redonne le moral.
- Tu te rends compte combien tu as de la chance d’avoir quelqu’un comme ta Mamina dans ta vie ?
- Oui, absolument, c’est une chance inouïe ! Et vous, Louis, ça vous dirait d’apprendre la cuisine ? Vous seriez magnifique avec une grande toque et un tablier blanc !
- Je ne pense pas que je serais très doué, je suis maladroit de nature et je n’ai jamais cuisiné quoi que ce soit, à peine quelques œufs au plat ou des pâtes au beurre.
- Comme toujours, vous vous sous estimez. Tant qu’on n’a pas essayé, on ne sait pas de quoi on est capable ! Une fois, vous pourriez monter chez nous et je vous expliquerai quelques recettes simples qui pourraient changer votre quotidien ! Tiens voilà Zebediah qui rentre du travail. Salut Zebediah !
Repoussant la lourde grille noire pour la fermer, Zebediah s’approche à son tour du banc et s’assied à côté de Zoé.
- Bonsoir Zoé, bonsoir Louis.
- Tu rentres tôt, il est à peine cinq heures ! dit Zoé, surprise de le voir avant dix neuf heures.
- J’étais en mission chez un client et la réunion s’est terminée plus tôt que prévu. Cà ne s’est pas très bien passé, nous ne sommes pas dans les délais et le client a menacé de nous faire payer des indemnités de retard si nous ne livrons pas à la date convenue. Mon responsable n’est pas content, il va falloir mettre les bouchées doubles pour finir le projet à temps. Mais pour ce soir j’en avais assez, j’avais envie de faire le break, alors je suis revenu directement à la maison. Je reprendrai le rythme de dingue demain.
- Zoé est venue m’apporter des petites tartes aux prunes, je me suis régalé, intervient Louis pour faire diversion.
Zoé est désolée, elle voit que Zebediah est tendu et qu’il a besoin de se changer les idées. C’est même la première fois qu’elle remarque qu’il n’est pas aussi lisse qu’il en a l’air, et que lui aussi peut vivre des situations d’échec. Il a un peu desserré le nœud de sa cravate, déboutonné le haut de son col de chemise et retiré sa veste de costume. Il s’est même passé une main sur les cheveux qui partent désormais dans tous les sens, même s’ils sont coupés courts.
- Zebediah, si tu veux il reste quelques petites tartes là-haut, je peux te faire un thé avec. Une petite pâtisserie, ça remonte toujours le moral.
En réalité, Zebediah n’a pas une folle envie de se consoler avec une tartelette, aussi bonne soit-elle, mais la perspective de passer un moment avec Zoé autour d’une tasse de thé lui fait plaisir et il accepte immédiatement. Zoé, quant à elle, outre son empathie, se dit que c’est aussi une façon de remercier Zebediah pour son dévouement.
C’est lui qui s’est occupé de Manon quand ni Zoé ni Lucia n’étaient à la maison en août, Lucia étant retournée en Italie dans sa famille pendant quelques jours. Manon n’a pas toujours été sage, elle s’est vengée sur lui de rester seule la plupart du temps : miaulements désagréables, coups de griffes et mépris pour les caresses qu’il a essayé de lui prodiguer et les jeux qu’il tentait en vain pour la distraire. Même son chouchou fétiche ne l’intéressait plus. Zebediah mérite bien une petite collation pour compenser les caprices du chat, bien qu’il n’ait pas trahi Manon auprès de Zoé.
Zoé et Zebediah saluent Louis et se dirigent vers leur bâtiment. Ils grimpent les cinq étages quatre à quatre et pénètrent presque essoufflés dans le minuscule appartement de Zoé et Lucia. Les dernières petites tartes sont encore sur la plaque du four, et Zoé met tout de suite l’eau à chauffer dans la bouilloire. Zebediah s’affale sur le sofa rouge au milieu des coussins avec un grand soupir que Zoé ignore.
- Tu préfères quel parfum pour le thé ? je ferai bien un thé fumé, est-ce que ça te va ?
- Tout me va, puisqu’on s’occupe de moi. Désolé, après la journée difficile, je me sens un peu vide, sans énergie, alors je te laisse tout faire.
- Ca nous arrive à tous, ne t’inquiète pas, je connais ce sentiment.
- Ca se passe comment ta recherche d’emploi ? demande Zebediah, sachant qu’il s’aventure sur un terrain délicat.
- Toujours rien, ça n’avance pas.
- Laisse-moi lire ton CV ou tes lettres, on ne sait jamais, je peux avoir une idée.
- Si tu veux, mais je commence à perdre espoir, j’avoue.
- C’est long forcément, il y a aussi une période de mise en route qu’il ne faut pas négliger. Attends un peu, ne te décourage pas trop vite. Et puis tu as si bien réussi ton stage, ça va marcher tu verras.
- Vous êtes tous positifs, mais je vois le résultat. Ou plutôt je ne vois pas de résultat.
Zoé apporte les tasses, la théière, et les tartelettes. Elle sert le thé et donne une assiette bien garnie à Zebediah avec une petite cuillère.
- Si tu trouves que ce n’est pas suffisamment sucré, dis le moi, j’irai chercher la cassonade.
- Non merci, c’est parfait comme ça, j’adore le petit goût de fruit un peu acidulé.
- Ce soir l’équipe de la formation se retrouve dans Paris, on va partager nos expériences de recherches d’emploi. Personne n’a encore trouvé ni progressé, alors j’imagine que le moral ne va pas être très élevé en général.
Zebediah réalise qu’Alphonse sera présent, et il ressent une petite pointe de jalousie. Mais Zoé le surprend soudain par une proposition inattendue.
- Si cela te fait plaisir, pour te changer les idées, tu peux venir avec moi. Cà ne sera peut être pas très gai, mais c’est toujours mieux que d’être tout seul à se morfondre.
- D’accord, j’ai besoin de sortir et de voir autre chose, c’est une bonne idée, merci !
Zebediah se demande s’il a bien entendu, s’il n’a pas répondu trop vite, et s’il n’a pas laissé transparaître son émotion, tant il a envie de passer du temps avec Zoé, et même tout son temps si c’était possible !
- Nous avons rendez-vous à vingt heures, on part d’ici vers dix-neuf heures trente, tu passes me chercher en descendant ?
- OK. Tiens, voilà mon adresse mail, envoie moi ton CV si tu veux, dit Zebediah en écrivant son e-mail sur un post-it.
- Je te l’envoie de suite.
En quittant l’appartement de Zoé pour remonter chez lui, Zebediah a le cœur qui bat à cent à l’heure. Une joie indicible l’envahit et balaie toute l’amertume ressentie après l’altercation chez son client. Vivre un tel moment justifie de tout le reste, c’est le bonheur le plus simple et le plus incroyable, Zebediah se sent pousser des ailes, il sait qu’il est amoureux de Zoé, il sait que ce n’est pas réciproque, et pourtant …
Zoé, malgré elle, a envie d’être jolie ce soir. Dans sa chambre, elle ouvre la porte de sa minuscule armoire de récupération, un placard avec une porte bricolée peinte par Lucia. A l’intérieur, une foultitude de petites robes fluides de toutes les couleurs, à fleurs, vichy, à rayures, chinées au gré des brocantes ou dans les boutiques vintage, pendent sur des cintres dépareillés. Au pied des robes s’entassent ses paires de chaussures. Il y a si peu de place qu’elle doit faire l’échange des vêtements en été et en hiver, et stocker ce qui n’est pas de saison dans une malle sous son lit. Elle choisit une petite robe anthracite avec des manches courtes bouffantes et de minuscules motifs dorés. Une paire de sandales noires aériennes et un léger gilet gris complètent l’ensemble.
Elle tourne devant la glace fixée à l’intérieur de la porte de l’armoire, et se regarde pour apprécier sa silhouette. Manon, étendue sur le lit la regarde puis baille d’ennui et s’étire longuement avant de se rouler en boule et de poser sa tête sur ses pattes avant.
Zoé a à peine fini de mettre un peu de rose à lèvres, un trait de crayon sur ses yeux et de brosser ses cheveux que la sonnette retentit.
- C’est déjà Zebediah, il est pressé, ma foi ! pense-t-elle amusée, je ne vais pas le faire attendre.
Elle attrape son sac à main et se dirige vers l’entrée. Zebediah l’attend sur le seuil de la porte.
- Ouf ! pense-t-elle, il n’a pas mis son éternel costume, et il est plutôt mignon en jean et chemise ! On y va, ajoute-t-elle en glissant la clé dans la serrure puis se retournant vers lui.
- Tu es ravissante Zoé ce soir !
- Merci pour le ‘ce soir’ se dit-elle un peu vexée. Enfin elle ne va pas se gâcher la soirée par une remarque sans importance.
- J’ai jeté un œil sur ton CV, rien à dire, tu as mis les mots clés, il est bien équilibré, ce n’est pas à cause de lui que tu ne trouves pas de boulot !
- Super ! merci pour ton analyse, au moins c’est rassurant ! Allons-y !
- Je te suis.
Zoé et Zebediah traversent la cour désormais abandonnée et s’en vont prendre le métro. Ils rejoignent la joyeuse bande de la formation dans un petit restaurant du cœur de Paris. La table comporte outre les quatre Delta, quelques membres des Alpha et Gamma et des amis. La nombreuse assemblée prend plaisir à cette soirée et commence par un apéritif où tous trinquent à leurs retrouvailles. Les plats sont commandés et chacun échange avec ses voisins pour prendre des nouvelles. Les Delta réalisent qu’ils ne sont pas les seuls à ne pas encore avoir décroché un emploi. Certains ex stagiaires ont de bonnes pistes, d’autres sont presque recrutés, mais personne n’a encore signé de contrat de travail. Malgré le contexte morose, tous essaient de faire contre mauvaise fortune bon cœur, et l’ambiance est tout de même sympa.
Zoé est assise entre Zebediah et Alphonse. Zebediah converse avec entrain avec Violette, son autre voisine. Il culpabilise un peu devant toutes ces personnes qui n’ont pas de job, alors que lui travaille. Comme elle a passé des vacances reposantes, Violette est d’assez bonne humeur. Elle aimerait que sa recherche d’emploi s'accélère, surtout elle voudrait gagner suffisamment d’argent vite pour pouvoir quitter son petit studio et habiter dans un deux pièces. Elle raconte ses objectifs et déboires à Zebediah, qui lui manifeste toute l’empathie dont il est capable. Avant tout, à ses yeux, elle est une amie de Zoé.
Mais rapidement Zebediah comprend que Violette n’est intéressée que par elle-même, ses problèmes ou ses réussites, et son fils. Ce soir, elle a pu laisser John chez une voisine, mais c’est exceptionnel, habituellement ils sont toujours ensemble. Un peu lassé du discours de Violette qui tourne en rond autour de Violette et John, Zebediah se tourne vers Zoé qui parle avec Alphonse. Tous les deux sont assez déconfits car ils n’ont pas de pistes sérieuses ni aucune perspective de trouver un job à court terme.
- La conjoncture devrait repartir maintenant que c’est la rentrée, dit Zoé pour se convaincre que les choses peuvent changer.
- Oui toujours aussi peu d’offres, ça devient lassant, voire même inquiétant, répond Alphonse avec lassitude.
- J’espère décrocher quelque chose rapidement car je dois payer mon loyer.
- Oui c’est la même chose pour Cezary, mais lui il devrait trouver assez vite car il est développeur. Il y a un marché florissant pour les développeurs web.
- Et toi Alphonse, tu as une idée de ce que tu aimerais réellement faire ?
- Non pas vraiment, après ces excellentes vacances, j’avoue que j’ai du mal à m’y remettre. J’ai quelques économies, alors ce n’est pas le spectre de la bourse vide qui m’ennuie. Je voudrais vraiment être motivé, mais en fait je ne ressens jamais d’envie. Je me dis que travailler n’est pas une fin en soi, il y a des choses beaucoup plus amusantes ou intéressantes dans la vie que le boulot. Tu vois ?
- Je vois, répond Zoé, malheureusement c’est totalement irréaliste. Jamais je ne me dis ça, j’ai envie de gagner ma vie et de ne rien devoir à personne. Je m’amuserai quand j’aurai les moyens de le faire, pour l’instant je suis en survie, totalement sous perfusion. Je consomme mes économies, il ne faut pas que çà dure.
Zebediah goûte cette conversation, il est heureux de penser que Zoé n’est pas une profiteuse et qu’elle possède la volonté de réussir. En revanche, il méprise un peu Alphonse, qu’il trouve inconséquent.
- Malgré tout, poursuit Alphonse qui sent qu’il s’est aventuré sur un terrain dangereux et qu’il doit davantage contrôler son discours s’il espère aller plus loin avec Zoé, j’ai rédigé mon CV et répondu à quelques offres sur le net. Rien de mirobolant, mais j’espère que ça va fonctionner. Je vais me remettre dans le bain car tu as raison, je manque à toutes mes convictions. Heureusement que tu es là pour me remettre dans le droit chemin !
- Arrête d’ironiser ! je dis ça pour te faire réagir, au fond ça ne me regarde pas ! répond Zoé vivement.
- Regardez-les tous les deux, toujours en train de se disputer ! se moque Violette qui est assise en face de Zoé. Moi non plus je n’ai rien trouvé encore, et pourtant je cherche, je cherche, je vous assure que j’y mets toute mon énergie. Ma motivation c’est de trouver un nouvel appartement plus grand, alors vous imaginez si je me bouge !
- Et personne ne te répond ? j’espère que ce n’est pas à cause de John ? demande Zoé
- Oh non, si tu indiques que la garde est assurée ça ne pose pas de problème d’avoir un enfant. Si vous pouviez voir John, c’est incroyable comme il a grandi cet été ! j’ai dû tout racheter, nouveaux vêtements et nouvelles chaussures, plus rien de l’année dernière ne lui allait.
- Tu te souviens quand il a passé la journée avec nous chez WorkInsert ? Il a été incroyable ! se remémore Zoé
- Tu penses si je m’en souviens, c’est le jour où Mme LaBelle a été odieuse, je ne suis pas prête de l’oublier ! répond Violette
Un groupe de personnes quitte une table derrière eux et quelqu’un heurte Zoé qui se retourne brusquement.
- Mais ça alors, c’est toi, Zoé Muid ! s’écrie la fille qui passait maladroitement entre les convives, qu’est-ce que tu fais ici à Paris ?
- Salut Olympe ! Je vis ici à Paris, et toi, tu es en visite ?
- Mais non, j’habite aussi Paris, je travaille dans une boutique de vêtements et on est sortis ce soir avec des amis pour dîner ! C’est génial de se revoir, ça fait des années, depuis le lycée ! je ne savais même pas ce que tu étais devenue. Alors toi aussi tu as quitté la province, tu avais envie de découvrir la capitale ?
- Oui, en fait j’ai trouvé une formation en alternance et avec le salaire du job, même peu payée, j’ai pu venir vivre ici !
- Dis moi tu connais plein de monde, vous êtes nombreux ! On échange nos numéros de téléphone et on s’appelle rapidement ? Olympe parcourt du regard tous les amis de Zoé autour de la table. Ses yeux s’attardent sur Zebediah qu’elle semble jauger de haut en bas et trouver à son goût.
- D’accord voici le mien. Zoé arrache un coin de la nappe en papier sur lequel elle griffonne son numéro de téléphone qu’elle tend à Olympe. Celle-ci s’en empare et rejoint ses amis qui s’éloignent, après un signe de tête à Zoé.
Zoé n’est pas très heureuse de cette rencontre. Elle regarde partir Olympe du coin de l’œil, svelte et souple, habillée chic puisqu’elle a toujours aimé la mode. Elle sait que derrière la façade lisse et joyeuse, les lèvres bien peintes et le sourire mécanique, les beaux cheveux brillants et les manières courtoises se cache une fille aigrie et méchante, qui n’hésite jamais à faire du mal pour atteindre son but. Olympe a déjà fait souffrir Zoé dans le passé, elle aime se moquer et jouer des tours à ses victimes pour assouvir son amertume et ses complexes. Elle n’est pas une bonne personne et Zoé, du fait de sa bonté naturelle, est une proie facile pour un tel prédateur sans scrupules.
Zebediah voit la grimace de Zoé et comprend qu’elle n’est pas ravie par ce qui vient de se passer. Ne connaissant pas l’histoire, il est surpris car il a trouvé Olympe sympathique au premier abord. Oui, mais Zoé a probablement une bonne raison pour réagir ainsi. Alphonse lui aussi a apprécié la jolie Olympe, il l’a bien regardée et jugée mais il n’est absolument pas attiré par ce type de fille trop sophistiquée. Il la considère seulement comme une belle silhouette étudiée, digne d’être observée, mais sans plus. Il tourne la tête vers Zoé qui le regarde précisément à cet instant et leurs yeux se croisent et se comprennent. Une sorte de courant passe entre eux, Zoé sent qu’ils sont sur la même longueur d’onde et éprouve une sympathie accrue pour Alphonse. C’est agréable de savoir que quelqu’un a les mêmes impressions qu’elle ! Alphonse esquisse un sourire de charme et elle est prête à fondre.
Soudain Zoé se ressaisit, ce n’est pas le moment de se laisser séduire par la bagatelle, c’est le moment de chercher un job !
Le repas se termine sur des cafés ou tisanes, et chacun sent une douce torpeur l’envahir, après la fatigue de la journée. Les conversations se ramollissent, ils ont épuisé leurs anecdotes et commencent à éprouver le besoin de bouger.
- Si on allait se balader sur les quais de Seine avant de rentrer ? c’est si beau le soir !
- Ah oui quelle bonne idée, c’est magnifique ! répondent-ils en chœur, tous d’accord.
Ils règlent l’addition et s’en vont en bande déambuler le long des trottoirs jusqu’au fleuve. Il y a plein de monde, c’est une douce soirée et les gens se promènent dans les rues animées en appréciant la beauté de Paris. Ils traversent la Seine et s’engagent sur le parvis de Notre Dame, admirant l’édifice majestueux qui domine depuis tant de siècles la cité. La nuit étant tombée tout à fait, après avoir poursuivi leur grand tour en devisant agréablement jusqu’à l’extrémité de l’île Saint Louis et retour le long des quais, ils décident de se séparer et de se revoir rapidement.
Alphonse glisse discrètement à l’oreille de Zoé qu’il aimerait bien passer chez elle un soir pour bavarder autour d’un thé, et elle acquiesce. Puis Zoé et Zebediah prennent le chemin du métro pour rentrer rue N.
- Quelle soirée sympa, merci de m’avoir invité, j’ai passé un très bon moment, dit Zebediah une fois assis sur la banquette du métro.
- Oui, ils sont vraiment cool les gens de la formation, évidemment j’aime particulièrement les Delta, mes coéquipiers, car on se connait bien, on a souffert sur le même projet.
- Qui était le quatrième de la bande ? je ne l’ai pas vu.
- Si, il était là, c’est Cezary, le polonais avec des cheveux noirs bouclés et des lunettes. Il n’est pas très bavard, il communique plus avec les machines qu’avec les hommes mais c’est un garçon adorable.
- Il était à côté de Violette, en face d’Alphonse ?
- Exactement !
- Qui était donc cette fille qui t’a bousculée ? une copine de lycée ? j’ai eu l’impression que tu ne l’appréciais pas vraiment.
- C’est Olympe Oriel. Non je ne l’aime pas du tout, c’est une plaie de l’avoir rencontrée. Maintenant elle ne va plus me lâcher et je ne sais pas quel sale tour elle va me jouer, mais je n’ai aucune envie de la fréquenter.
- Elle avait l’air très sûre d’elle et péremptoire !
- Tu l’as bien jugée. Habituellement je n’aime pas juger les gens, mais de ce type de fille il faut se méfier complètement. Elle est tellement tordue, elle invente des choses insensées, elle te met dans des situations intenables et elle s’en sort toujours, alors que toi tu es coincé. C’est une mauvaise étoile qui m’a mise sur son chemin ce soir.
- Allons, elle ne sait pas où tu habites, elle a juste ton numéro de téléphone.
- Je te parie que demain elle saura où j’habite, elle va faire des pieds et des mains pour le savoir. Et puis il m’a semblé qu’elle te regardait avec insistance ! Et qu’elle approuvait ! poursuit Zoé d’un air malicieux.
- Ne te moque pas, je n’ai rien fait pour ça ! Et elle n’est pas du tout mon genre !
- Ah bon ? dit Zoé avec malice
Malgré lui, Zebediah est flatté d’avoir été remarqué par une jolie fille élégante. Mais aussitôt il regrette cette pensée parasite, il est à côté de Zoé et il a bien l’intention de profiter de la présence de cette fille magique.
Le métro arrive enfin à leur destination et freine dans un grand bruit métallique. Il y a une forte odeur de renfermé et de sueur dans la rame. Les portes s’ouvrent et Zoé et Zebediah sortent sur le quai et marchent vers l’escalier de la sortie, heureux de se retrouver à l’air libre après la puanteur et la chaleur. Ils parcourent le chemin jusqu’à la rue N. La cour est noire et déserte, ils se dirigent grâce à la lumière de leurs écrans de téléphone vers l’entrée de leur immeuble et montent les marches sans se presser.
Arrivés sur le palier du cinquième étage, ils s’arrêtent pour se dire au revoir.
- Merci encore Zoé, c’était une très bonne soirée.
- A refaire si tu veux la prochaine fois. Tu veux finir par un thé à la maison, ou bien tu veux aller te coucher déjà ?
- Non merci, il est tard et demain je dois retourner au travail et bosser comme un dingue, tu sais nous sommes en retard dans nos livraisons. Il faut que je dorme, je tombe de fatigue.
- A ta guise, pas de problème, je comprends.
- Bonne nuit Zoé
Zoé approche son visage de celui de Zebediah et l’embrasse doucement sur la joue.
- Tu verras, ça se passera bien demain, tu auras retrouvé la forme et tu vas faire des merveilles, murmure Zoé à l’oreille de Zebediah.
Tout ému par l’invitation et par ce baiser, et en même temps déçu et frustré de ne pouvoir y répondre comme il le voudrait, Zebediah regarde Zoé ouvrir la porte de son appartement et se glisser dans le couloir en lui faisant un petit signe d’adieu de la main. Il a à peine le temps de réaliser que la soirée est terminée que la porte s’est déjà refermée sur Zoé. D’un pas plus lourd il gravit les dernières marches vers le sixième étage et rentre chez lui. Il aimerait aller se coucher et sombrer vite dans un sommeil consolateur, mais il sait qu’il lui reste du travail à faire avant demain et qu’il doit s’y mettre, même à cette heure tardive.
*
Lucia est à la maison, et même s’il est déjà tard elle n’est pas couchée.
- Salut Zoé, come vai ?[1]
- Salut Lucia, ça va et toi ? tu es rentrée tard ce soir ?
- Oh là là oui, on croule sous le travail. La prochaine pièce démarre dans un mois, alors il faut se dépêcher pour terminer tous les costumes ! Et le metteur en scène change d’avis constamment, une fois comme ci, une fois comme ça, je n’en peux plus de toujours recommencer. A un moment, je lui ai dit que je ne m’appelais pas Pénélope mais Lucia, il n’a pas du tout apprécié ! Ma che cretino ! [2]
- Il doit être flippé par le début de la pièce lui aussi, alors il vous fait subir son stress pour se défouler.
- Si, mais c’est insupportable des gens comme çà, a mi no mi piace [3].
- Allez, on se fait un thé avant d’aller dormir ? ça nous fera du bien.
- Si bene, una camomilla per favore [4]
- Oui, bonne idée,
Zoé prépare les deux tasses et la tisane, et elles s’assoient toutes les deux sur leur sofa rouge pour boire le breuvage bien chaud.
- Tu y es allée avec Alphonse à ta soirée ?
- Non avec Zebediah, je l’ai rencontré dans la cour en bas, quand j’étais avec Louis, et le pauvre il n’allait pas bien du tout. Il venait de se prendre un savon par son responsable et il était consterné. Du coup je lui ai proposé de venir avec moi dîner avec l’équipe de la formation pour se changer les idées.
- Molto simpatico [5] ! Il ne détonnait pas trop au milieu de tes amis, avec son costume strict ?
- Mais non il avait mis un jean, comme tout le monde !
Zoé éclate de rire, et devant son hilarité, Lucia en fait autant. Les deux amies se moquent gentiment de Zebediah. A leurs yeux il manque de fantaisie, et Lucia, qui est plutôt excentrique, le trouve beaucoup trop rigide.
- Et Alphonse alors ?
- Il m’a proposé de venir ici pour boire un thé un soir.
- Invite le quand je suis là, ça m’amuse beaucoup quand il essaie de te faire du charme et que tu ne vois rien ! Ha ha ! Mi piace tanto [6] !
- Mais si je vois, il est si peu discret ! je fais semblant de rien, je ne sais pas trop si j’ai envie ou pas d’aller plus loin avec Alphonse. Parfois oui car c’est un garçon sympa, et parfois non car il est très superficiel. Je pense que je serai déçue si je sortais avec lui.
- Anche io [7], oui je le pense aussi.
- Mais le moins drôle de la soirée, c’est que j’ai croisé une personne qui me déteste et que je déteste, une fille qui était au lycée avec moi, une véritable plaie. J’ai peur qu’elle ne trouve notre adresse et vienne ici faire ses manigances.
- Chi è questa ragazza ? lei è realmente una schifezza ?[8]
- Oui ce n’est pas un cadeau. Elle s’appelle Olympe.
- Mais qu’est-ce qui s’est passé entre vous ? elle veut te faire du mal ? perché[9] ?
- Il y a plusieurs raisons, un petit mélange de réussite au lycée pour moi, de garçon avec qui elle voulait sortir et qui ne voulait pas car il me préférait moi. Et puis dans sa famille il y a toujours eu plein d’histoires pas claires et même très glauques, des jalousies, des rosseries, des vengeances, alors que dans la mienne on était tous unis. Et elle voulait absolument sortir avec l’un de mes frères, mais ça n’a jamais pu se faire, ils la détestent tous ! Bref, c’est compliqué avec elle.
- E classico tutto questo, quasi uno scenario teatrale ! [10]
- Alors forcément elle me haïssait et elle me faisait toutes les entourloupes possibles pour me pourrir la vie. J’avoue que j’ai été soulagée quand on a quitté le lycée, car cela signifiait ne plus la voir ni avoir affaire à elle. Et aujourd’hui voilà que je la vois ressurgir avec le spectre de sa jalousie, et en plus elle a regardé Zebediah et je sens que ça va faire des histoires.
- Ouh la la ce ne sont pas des bonnes nouvelles que tu me racontes là ! Attends un peu qu’elle débarque ici, je vais la recevoir comme il faut ! et presto !
.
Les filles restent silencieuses et se demandent comment tout cela va tourner. Zoé envisage déjà des problèmes majeurs avec Olympe, Lucia se dit qu’elle va gérer cette situation au plus vite, pour qu’elle ne dégénère pas.
Manon, qui était invisible jusque là se matérialise soudain, et s’approche sans bruit. Après une légère hésitation, elle saute sur le sofa, se fait une place entre Zoé et Lucia et miaule pour réclamer à manger. Comme personne ne bouge ni ne répond à sa demande, Manon sort ses griffes et s’attaque au sofa rouge. Zoé se lève aussitôt, le chat la suit la queue en l’air bien dressée et la mine triomphante. Zoé lui donne des croquettes en lui faisant plein de câlins et revient s’asseoir près de Lucia.
- Oui cette affaire ne me plaît pas, dit Lucia qui a tendance à vite se mettre en colère. J’espère que cette ragazza[11], Olympe, va tout de suite comprendre qu’ici c’est Paris et qu’elle doit se comporter correctement et surtout ne pas venir chez nous si elle cherche la bagarre. Il y a de la place pour tout le monde ici, qu’elle décampe et aille dove non siamo.[12]
- Elle a peut être changé, mais je n’y crois pas trop, sa nature profonde était pourrie, je pense qu’elle est toujours aussi mal intentionnée, je l’ai vu dans ses yeux.
- Eh bien on se prépare à des jours pénibles, mi stanca [13].
- Oui, je suis contente que tu sois là, je me sentirai moins seule face à l’adversité !
- Eh bien, tu la redoutes énormément, c’est qu’elle peut faire beaucoup de mal alors !
- Oui je le pense sincèrement. J’ai fini la tisane, allons nous coucher, demain est un autre jour, et je suis épuisée après toutes les émotions d’aujourd’hui.
- Si, c’est l’heure, tu as raison. Andiamo a letto. Ciao bella, dormi bene.
- Anche tu Lucia,
- Un bacio.[14] Lucia envoie un baiser avec sa main.
Chacune regagne sa chambre, Manon sur les talons de Zoé. Zoé se laisse tomber sur son lit et se remémore les événements de la soirée. Tout ce qui s’est passé a effacé de ses préoccupations la recherche d’un emploi. C’est plutôt une bonne chose pense-t-elle avec un soupir, au moins je me suis vidé la tête sur ce sujet.
Manon saute sur le lit et vient réclamer des caresses, elle avance son petit museau rose sous la main de Zoé et essaie de la soulever, puis elle commence à piétiner pour faire la danse du lait.
- Quel adorable petit chat tu es, murmure Zoé en la caressant. Tu sais toujours quand il faut venir me consoler !
Manon se blottit contre Zoé et ronronne tandis que Zoé promène sa main sur la belle fourrure douce. Toutes les deux entrent dans une sorte d’osmose, où l’on ne sait plus bien qui est le chat et qui est la fille. Malgré elle, Zoé sombre dans un demi-sommeil, avant de se réveiller brusquement et de réaliser qu’elle ne s’est ni brossé les dents ni déshabillée !
- Waouh, quel manque d’hygiène !
Elle saute de son lit, bousculant Manon qui dormait et se précipite vers la salle de bain. Lucia est déjà couchée et probablement endormie. Zoé se lave méthodiquement les dents, enfile son pyjama et retourne vite au lit, cette fois pour de bon, et elle éteint la lumière.
Zoé et Manon s’endorment roulées l’une contre l’autre, la fenêtre est fermée, il n’y a aucun bruit au dehors.
Dans l’appartement au dessus, Zebediah n’est toujours pas couché, il a allumé son ordinateur pour s’avancer un peu. Il est très tard, il sait qu’il sera fatigué pour aller travailler car la nuit sera courte, mais il aurait mauvaise conscience d’arriver demain matin au bureau sans avoir rien entrepris depuis l’entrevue dramatique.
De temps en temps, ses pensées vagabondent et il se remémore la soirée passée avec Zoé et ses amis, et surtout les moments privilégiés où ils n’étaient que tous les deux. Finalement c’est si agréable qu’il referme son pc et va s’étendre sur son lit pour continuer à profiter de son rêve. Tant pis pour la synthèse en cours, il aura bien le temps de la terminer demain matin. Et petit à petit les images plaisantes l’envahissent et il se laisse emporter dans sa divagation, glissant sans s’en apercevoir dans le sommeil réparateur qu’il attendait.
[1] Comment vas-tu ?
[2] Quel imbécile !
[3] Oui, bien, une camomille s’il te plait.
[4] Ca ne me plait pas
[5] Très sympa
[6] Ca me plait tellement !
[7] Moi aussi
[8] Qui est cette fille ? C’est réellement une plaie ?
[9] Pourquoi ?
[10] C’est classique tout ça, quasiment un scénario de pièce de théâtre.
[11] fille
[12] là où nous ne sommes pas.
[13] ça me fatigue
[14] Allons au lit ! Salut, la belle, dors bien ! Toi aussi Lucia ! Bisou