Mon bien cher père

Par Bruns

Sam Wallace, Tulsa 

Peu de temps avant le 31 mai 1921 

* * *      41      * * * 

Je me tiens au carrefour 

Il y a beaucoup de routes à prendre 

Mais je me tiens là si silencieux 

Par crainte d'une erreur 

Un chemin mène au paradis 

Un chemin mène à la peine 

Un chemin mène à la liberté 

Mais ils se ressemblent tous 

Crossroad 
Kelvin Russell 

* * * 

 

 

« Mon bien cher père, 

 

Je vous écris pour vous informer que le dernier convoi de réfugiés est bien arrivé. Tous étaient heureux d’arriver à Oklahoma City et vous envoient les remerciements que vous méritez. 

 

Tout a été organisé dans la plus grande discrétion. Il y a peu de chance que tout ceci vienne aux oreilles du KKK de Tulsa.  

 

Certains ont déjà repris le train vers San-Francisco. Cette ville est très prometteuse. Elle accueille déjà beaucoup de population d’origines différentes et tout le monde y vit en paix. C’est une ville moderne. Bob et moi, pensons d’ailleurs nous y installer dans quelques années pour y ouvrir une librairie plus importante que celle que nous avons ici.  

 

Nous avons déjà trouvé du travail à ceux qui souhaitaient rester à Oklahoma City. Grâce à la librairie, notre réseau dans cette ville est étendu et nous connaissons beaucoup de gens de confiance. N’ayez crainte, nous sommes vigilants avec nos contacts. Cette ville est importante, ouverte et une grande partie de sa population adhère aux idées libérales surtout en ce qui concerne la ségrégation des états du sud. 

 

Nous avons lu dans l’Oklahoma City Time, que les tensions sont de plus en plus importantes à Tulsa. Visiblement, il ne manque qu’une étincelle pour que la ville explose. Il est dit également que les liens entre la classe dirigeante et le Klan sont de plus en plus forts. Tout ça ne présage rien de bon et il est important de continuer notre « activité clandestine » pour aider tous ces pauvres malheureux à quitter Tulsa. 

 

Quelle honte pour notre ville ! Cette ville qui fut construite et enrichie par toutes les populations de notre pays, les natifs, les noirs, les asiatiques les européens. C’est une bien triste période. Espérons qu’elle ne soit que temporaire. 

 

Pour finir, cher père, nous vous recommandons de prendre soin de vous et d’agir avec la plus grande prudence. Nous vous rappelons que si les choses se durcissent à Tulsa, mon frère et moi sommes prêts à vous accueillir à Oklahoma City. » 

 

Bob et Jake Wallace 

Oklahoma City 

25 mai 1921 

 

Le vieux Sam referme cette lettre avec un sourire aux lèvres. Il la jette au feu. Il ne faut pas garder de trace. Il est heureux de recevoir des nouvelles de ses fils et surtout, d’apprendre que les personnes qu’il a mises dans le train sont en sécurité. 

Quant aux avertissements de prudence, il se dit que son vieux fusil de chasse à double canon de calibre 16 saura bien accueillir ces enfoirés en cagoule blanche. 

 

– Qu’ils viennent ces salopards ! Qu’ils viennent !  

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