Mon étoile polaire - partie 1

Notes de l’auteur : Bonjour ! La deuxième partie de ce récit se trouve dans Coeur Romantique, n'hésitez pas à aller voir la fin de cette histoire !
"Je n'ai jamais vu très clair en moi pour finir. Mais j'ai toujours suivi, d'instinct, une étoile invisible."

25 avril 1456

Chère Anaïs…

Cela fait bien longtemps que je ne t’ai pas écrit. Bien longtemps que je n’ai pas deviné ta voix dans l’encre pourpre de ta plume. Tu me manques.

Aujourd’hui, je pars. Je pars loin, dans un pays qui n’est pas le mien. Je pars à la conquête d’un monde, un monde fou, un monde inespéré. Un monde où, raconte-on, la peau des hommes est aussi noire que le charbon. Un monde où j’espère pouvoir t’oublier. Oublier ta voix, les courbes de ton corps, la couleur de tes yeux. Oublier la jeune fille dont je suis tombé amoureux.

Pourtant, je n’ai pas le choix. Toi, petite marchande des docks, tu m’as banni à jamais de l’univers dans lequel je vivais. Tu étais fiancée à un riche marin, dont tu semblais follement amoureuse. Je t’ai admirée de loin, souvent. Alors que tu négociais du poisson apprêté par tes soins, que tu riais à une plaisanterie de mauvais goût d’un quelconque capitaine. Je te tenais toujours compagnie, plus jeune, te souviens-tu ? Et dès que ces riches hommes de mer avaient tourné le dos, tu te plaignais de leur inexistante subtilité, de leurs grotesques manières. Je t’écoutais d’une oreille distraite, plus préoccupé par ta voix mélodieuse que par tes propos quelque peu… médisants.

Je te connaissais par cœur. Combien de temps avons-nous passé ensemble, à s’éclabousser dans les vagues, à observer les mouettes voleuses ou les passants pressés ? Tu avais un petit penchant pour la philosophie. Et avec ta sœur, tu adorais parlementer pendant des heures sur la vie, la mort, l’amour. « Pas avec toi », me disais-tu. « Tu es bien trop idiot pour saisir ne serait-ce qu’un dixième de ces concepts farfelus. » Peut-être avais-tu raison, mais cela m’aurait bien étonné. Je saisissais certainement mieux que toi des idées comme l’espoir, la douleur. Mais tu ne m’as jamais questionné, après tout, alors pourquoi t’aurais-je imposé ma vision de la vie ?

Je t’écris cette dernière lettre pour te dire adieu. J’ai vécu de merveilleuses choses avec toi, les jeux, les fous rires, les soirées. Mon premier baiser. Mais tu es tombée amoureuse de ce marin. Ce marin qui m’a volé tes clins d’œil, ton sourire, tes caresses. Ton amour. Ce marin à qui tu as tout donné.

Je ne te reproche rien. On ne contrôle pas l’amour, je le sais mieux que personne. J’aurais évité de t’aimer, si cela avait été possible. Si je l’avais pu, ne serait-ce qu’une seconde.

Avant de partir, de t’abandonner à ce riche marin, je dois te dire plusieurs choses. D’où cette lettre qui te parviendra, je l’espère, une fois seulement que je serai parti. Deux choses. Deux vérités, comme on se l’était promis il y a longtemps. Je ne t’ai jamais menti. Toi, tu as brisé ta promesse de nombreuses fois. Dois-je te le rappeler ?

Tout d’abord, je voulais te l’avouer. Aussi honnêtement que possible et pour la première fois : je t’aimais. Ces mots furent vrais il y a longtemps, pourtant ils n’ont cessé de me hanter. Je t’ai aimée non pas comme on aime une amie, mais comme on aime sa muse, sa dame, sa raison de vivre. Sa future épouse.

Malheureusement, oui, ma dame, j’écris ces mots au passé. Tu m’as détruit, anéanti. Blessé comme on se soulage. Aussi facilement que cela, oui. Je ne peux plus rien t’écrire sans que transparaissent dans ma voix la tristesse et la douleur. La tristesse froide, doucereuse. La douleur lancinante, brûlante. Et l’amertume. L’amertume qui ne s’effacera jamais complètement.

Je croyais avoir vécu de lourdes dépressions atmosphériques, avoir survécu à d’effroyables tempêtes dans mon insignifiant métier de marin. En réalité, elles n’étaient rien. Rien qui ne me prépare à ce que j’allais endurer.

La tempête que tu as déclenchée en moi dépasse l’entendement. Elle a commencé par de petites dépressions atmosphériques, comme j’avais pu en vivre lors de mes excursions. Des dépressions où je me sentais vide… Cependant, elles passaient bien vite. Et puis ce jour où tu m’as annoncé tes fiançailles avec ce riche marin dont j’ignore le nom. C’est là qu’elle a vraiment commencé. La tempête.

Le tonnerre grondait au loin, pourtant je ne m’en inquiétais pas. J’étais sur mon navire. Pour la première fois, j’étais capitaine. Je ne le resterais pas pour bien longtemps, hélas. Le vent forcissait, m’emportant toujours plus loin des côtes, là où je me sentais auparavant en sécurité. Comprends-tu ? Puis l’orage s’est déclaré. La pluie, d’abord. La pluie de mes larmes ruisselait sur la coque de mon navire, sur mes joues. J’étais ballotté par les flots de la tristesse, toujours plus rapidement, toujours plus violemment. Puis les éclairs de terreur me foudroyaient parfois, aussi soudainement que brutalement. J’avais froid, froid de l’intérieur ; cette pluie fine et froide pénétrait en moi, me glaçait les os. Le froid m’accompagnait partout : au port, chez toi, dans la relative sécurité de ma vie. J’essayais désespérément de rester debout, mais les déferlantes de douleur semblaient toujours plus brutales, plus cruelles.

J’étais affaibli par toute cette colère qui bouillonnait en moi, par cette douleur brûlante. Une vague m’acheva. Étais-je atteint d’une quelconque fièvre pour avoir autant déliré ? Mais ce n’est pas tout. Loin de là.

Une déferlante plus haute que les autres m’emporta dans la crique avec mon bateau. Tu sais, cette crique parsemée de rochers acérés, tous assez pointus pour me trancher net ? J’étais ballotté dans ses rochers, dans les flots de la tristesse. J’étais en train de me noyer. J’étais fatigué. Fatigué de me battre, pour tout, pour rien, sans changement. Je voulais mourir, car la mort me semblait la meilleure des solutions. Plus jamais de tristesse, plus jamais de douleur.

Alors que j’allais réellement sauter dans ses eaux sombres et lugubres, ton sourire s’est imposé à moi. Ta bouche, que j’avais embrassée une fois, illégalement, hors mariage. J’avais voulu goûter tes lèvres, ce jour-là, n’avais pas pu y résister. Et j’ai fait demi-tour, m’éloignant de cette macabre falaise.

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Phil Wayne
Posté le 31/07/2024
Salut !

Je commence par te félicitier car globalement ce texte est magnifique. J'ai aimé les métaphores, la structure des phrases, la sonorité... dans son ensemble, on sent que ton texte est bien travaillé. Tu as été méticuleux et, à mon avis, il t'a fallu de multiples relectures pour le polir et en arrivé à ce résultat.

Pour te faire un retour plus technique :

Il y a quelques lourdeurs, notamment au niveau du positionnement des virgules. Certaines de tes phrases mériteraient d'être encore plus écourtées. Certaines de tes phrases nominales pourraient être plus brèves qu'elles ne le sont déjà. Au départ, tu choisis un style percutant avec des phrases très courtes, donc fais attention à rester cohérent et conserver un style similaire tout du long.

Exemple :
Ta phrase : « Le tonnerre grondait au loin, pourtant je ne m’en inquiétais pas. »
Correction : « Le tonnerre grondait au loin. Pourtant, je ne m’en inquiétais pas. »

Si tu veux encore plus accentuer l'idée dans une phrase courte, tu peux même pousser encore plus loin et revenir à la ligne. Comme dans une poésie, l'effet recherché est similaire à un enjambement.

Je reformulerais aussi :
« Une vague, alors que j’étais affaibli par toute cette colère qui bouillonnait en moi, mais surtout par cette douleur lancinante, brûlante, m’acheva. »
Comme ceci :
=> « Alors que j'étais affaibli par cette colère bouillonnant en moi, et particulièrement par cette douleur lancinante, brulante... une (puissante ?) vague m'acheva ! »

Voilà, voilà. Ça te donne matière à réfléchir. Il y a certainement plein d'autres choses qui peuvent être améliorer mais j'ai déjà fait un commentaire assez long (trop probablement)...

Bon après-midi & encore bravo :)
coeurfracassé
Posté le 01/08/2024
Bonjour !
Déjà : merci <3 ça fait toujours extrêmement plaisir de recevoir des commentaires comme celui-ci (et promis, ils ne sont jamais trop longs à mes goûts).
Effectivement, ce texte a été écrit pour un concours, à la base. C'était à l'école, et je n'avais que trois heures... Mais j'y ai vraiment mis tout ce que j'avais, et c'était vraiment incroyable XD
Je prends note de tes remarques, très justes. Je reprendrai mon texte un de ces quatre !
Bien à toi
A.
Coutumier du Fait
Posté le 29/06/2023
Bonjour,

"diffamatoires" est trop fort. "médisants", ou quelque chose d'approchant, serait suffisant.

La répétition de "riche marin" finit par donner l'impression que le narrateur reproche une certaine vénalité à Anaïs, qu'elle lui a préféré ce marin parce qu'il est riche.

"Je t'ai aimé non pas..." -> "aimée". Le narrateur parle à une femme. Inattention.

"transparesse" -> "transparaisse" (à moins que ce soit un jeu de mots).

Tu écris "fine mais glaciale" comme si ça s'opposait, comme si une pluie fine devait, la plupart du temps, être tiède ou chaude. Là, j'aurais plutôt écrit "fine et froide" ("froide" pour éviter la répétition de "glaciale" avec "me glaçait les os").

"sans changements". J'aurais plutôt écrit "sans changement" mais c'est négociable. S'il y a toujours plusieurs changements, on peut écrire "sans changements" en gardant le pluriel.

"j'aurais voulu goûté" -> "goûter". Là, vu le peu de faute d'orthographe que tu fais, je suis sûr que c'est encore de l'inattention.

Voilà.
coeurfracassé
Posté le 30/06/2023
Bonjour Coutumier du Fait !
Je suis très contente de ce retour qui me paraît enfin réaliste. Je corrigerai toutes ces inattentions et prend en compte les autres propositions. En revanche, je vais probablement laisser le riche marin, parce que finalement, c'est peut-être aussi une réalité.
Vraiment merci pour tout ça, ça fait du bien d'avoir quelques retours plus techniques !
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