Nationale 7

Par Dan
Notes de l’auteur : La toute fin du chapitre précédent a été légèrement modifiée (d'où la chute très similaire de ce chapitre-ci). Je prends aussi le pari de ne pas donner les traductions des passages en espagnol, mais si c'est vraiment pénible ou perturbant, je les ajouterai !

— Vous m’emmenez où, exactement ?

Pas de réponse. Merci tira sur les menottes qui la tenaient attachée à la portière arrière et tendit le cou pour observer la conductrice : son regard rivé à la route et ses sourcils froncés, ses mâchoires et ses lèvres serrées, la crinière de cheveux noirs qui cachait presque tout ça. Elle n'avait pas prononcé un mot depuis un mystérieux appel passé à leur départ de la gare : "Tenemos un problema". Merci n'avait plus la force de donner des coups de pieds dans son siège comme une enfant insupportable, mais elle pouvait l'avoir à l'usure par d'autres moyens :

— Vous savez que je suis policière, et ce que vous faites là, c’est du kidnapping.

Rien.

— Quand mes supérieurs apprendront que vous m'avez enlevée, vous ne ferez pas long feu.

Toujours rien.

— Vingt ans de réclusion criminelle, voilà ce qui vous attend. Avec un peu de rab pour violences sur les forces de l'ordre et…

— Monsieur Patxi Fernández de Mendierra, 18 impasse des Figuiers.

Une voix profonde comme un canyon, qui continua :

— Horaires d'ouverture de la bibliothèque municipale : du lundi au vendredi de 10h08 à midi et de 14h à 15h59. Sauf le mercredi, fermée le matin.

— Vous… Vous ne…

— Docteur Salut Calvet, 7 passage de l'Eglise. Cabinet médical, 64 Grand Rue. Consultations sur rendez-vous tous les jours y compris le samedi, de 8h à 20h. Se déplace à domicile en cas d'urgence.

Merci ravala sa réplique et sa salive. Sa ravisseuse lui avait fait les poches avant de quitter la gare : plus de portable, ni d'arme blanche. Plus inquiétant encore, Rafi et sa Chevrolet avaient pris la direction du centre-ville au carrefour de la départementale. Peut-être qu'ils bluffaient, tous les deux, pour faire pression sur Merci et la tenir tranquille, mais si la sécurité de Patxi et de Salut penchaient dans la balance, elle préférait ne pas le découvrir.

Ne restait plus qu'à changer de tactique, trouver une parade, une astuce, n'importe quoi qui puisse tourner la situation à son avantage. Car l'enquête continuait. Mieux : elle progressait. Merci avait la preuve de la culpabilité de Rafi et de l'implication d'autres criminels, et elle était maintenant aux premières loges pour percer les mystères de leur organisation. Peu importait dans l'immédiat que cette aubaine risque de la précipiter au fond d'un fossé.

Elle plongea le regard par la fenêtre. Elles roulaient plein ouest, du mauvais côté des rails, sur des pistes creusées d'ornières et bordées de cactus, et comme la chauffeuse ne dépassait jamais la limite de vitesse autorisée, ce trajet avait commencé à ressembler à un petit road-trip plus qu'à un enlèvement. Cinq ou six minutes plus tôt, elles avaient dépassé l'immense cour du potier brocanteur où Salut se procurait toutes ses horreurs - une forêt de pots, de jarres, de vases et d'amphores, qui côtoyait des montagnes de casuelas, de plats à tajine et de gnomes de jardin. Merci ne voyait qu'une seule destination possible au bout de cette route, mais le tic-tic du clignotant se fit entendre et la Fiat Punto bifurqua juste avant de s'engager sur les voies de service de l'aérodrome. Elles roulèrent encore un long moment, vers le sud cette fois, jusqu'à longer un grillage branlant que Merci connaissait bien pour avoir mainte fois aidé Feliu à le rafistoler.

Il y avait un nouveau trou, ce soir-là ; probablement pas découpé à la pince à ongle par des collégiens en quête de sensations fortes, cela dit. L'estomac de Merci lui tomba dans le ventre. Une autre voiture était déjà stationnée devant : une Chevrolet Monte Carlo, antique et flamboyante.

La Fiat se gara juste derrière, pleins phares sur la plaque que Merci lut et relut et rerelut et oublia dès que la lumière s'éteignit. Quelques secondes plus tard, la conductrice l'arrachait à la banquette en ouvrant brusquement la portière. Elle résista à l'envie de la cogner dans les tibias pour se carapater : elle ne pensait pas pouvoir la distancer, même en filant à travers la garrigue, et en réalité, elle avait moins besoin de lui échapper que d'apprendre qui les attendait là. Alors elle rechigna pour la forme quand elle la poussa dans la brèche entre les mailles et ouvrit grand les yeux sur le paysage accidenté de la casse auto.

Feliu gardait toujours les projecteurs allumés pour dissuader les fouineurs, et la boîte à chaussure ornée d'un bouchon qu'il avait perchée sur un mât à l'entrée faisait un épouvantail efficace, mais Merci savait d'expérience qu'aucune escouade de vigiles ne débarquerait pour les surprendre et la sauver. Sa kidnappeuse l'entraînait par les menottes dans le labyrinthe du cimetière, sans se presser ni même regarder par-dessus son épaule. À chacun de ses longs pas, la lueur jaune des spots accrochait les plis de son blouson de cuir et le manche poli des couteaux Bowie qu'elle portait à la ceinture.

Les voitures déglinguées leur faisaient une haie d'honneur : des remparts de cinq ou six mètres de haut, parfois nettement agencés, souvent plutôt des tas, aux couleurs que la rouille et la poussière avaient barbouillé en un rouge-gris uniforme. Les rares vitres entières renvoyaient des reflets aux rares jantes intactes, alors que des venelles pas plus larges que des crevasses s'ouvraient parfois entre deux carcasses comme des bouches édentées. Elles longèrent une pyramide de pneus, dépassèrent un monticule de plaques d'immatriculation, contournèrent une épave de chalutier, puis Merci pila.

Au bout de l'allée, perchée au sommet d'une tour de Mercedes chiffonnées, une silhouette se découpait contre les étoiles.

Elle portait quelque chose qui ressemblait de loin à un serre-tête, et il semblait à Merci qu'elle parlait toute seule - même si avec la stridulation des insectes, le chuintement du vent et son cœur qui s'affolait comme un cheval dans une grange en flammes, c'était difficile à affirmer. Quelques secondes plus tard, un grondement distant couvrit tout, grandit, puis éclata comme un orage alors qu'un ULM les survolait à basse altitude. Sur le capot culminant, la silhouette se contorsionna pour le suivre des yeux.

Sa ravisseuse tira sur ses menottes et Merci fut forcée de la suivre. On avait tendu une bâche au pied de l'échafaudage, et Merci eut juste le temps d'imaginer son cadavre enroulé dedans avant de remarquer le tas de pièces détachées prêtes à être empaquetées : bougie d'allumage, alternateur, collier de vanne, ordonnés dans un semblant de vue éclatée sur le plastique froissé.

Merci évaluait encore ce qui du piston ou du démarreur ferait la meilleure arme quand un grincement métallique la fit sursauter et lever les yeux. Une tête coiffée d'un casque audio était apparue au-dessus d'elles, toute noire dans le contre-jour des spots et du ciel. Les cheveux courts et les épaules larges qui l'accompagnaient semblaient indiquer qu'elle appartenait à un homme, et la voix masculine le confirma :

— ¿Quién es?

— Nuestro problema, répondit la grande femme qui escortait Merci.

C'était donc lui qu'elle avait appelé après leurs échauffourées à la gare ; lui qu'elle avait averti du "problème" que constituait Merci. Avoir affaire à une trafiquante armée de couteaux ne la rassurait pas beaucoup, mais rencontrer l'homme à qui elle rendait des comptes lui donna la nette et désagréable impression qu'elle se rapprochait du fossé.

Là-haut, la tête disparut ; après une nouvelle série de grincements, les pieds et les fesses la remplacèrent. Prenant appui sur un rétroviseur, dans une vitre éclatée, sur la poignée d'une portière, il descendit de son perchoir aussi vite et aussi facilement que s'il dévalait un escalier, combla les deux derniers mètres dans un bond qui aurait fendu les rotules de Merci et se redressa en frottant ses paumes sur son jean, même pas essoufflé.

— ¡Hola!

Merci observa la main qu'il lui présentait, puis le reste. Des cheveux ramenés en arrière, noirs, mais peut-être plus pour longtemps, marqués au milieu d'un grand front par une mèche blanche qu'on aurait dit dessinée au pinceau. Moustache et mouche bien taillées. Plis et fossettes partout où ses yeux sombres et sa bouche avaient souri, et continuaient à sourire maintenant. Les écouteurs à mousse qu'il portait maintenant autour du cou devaient valoir une fortune chez un antiquaire, mais c'était un baladeur mp3 qui dépassait de la poche de poitrine de sa chemise guayabera, glissé entre un stylo Bic et un bloc de post-it.

— ¿Qué le has hecho? demanda-t-il à son acolyte comme Merci ne réagissait pas.

— Creo que este es su estado natural.

Il haussa les sourcils, puis les épaules, avant de se tourner vers l'épave la plus proche et d'en ouvrir la portière défoncée dans un geste d'invitation, auquel Merci n'obéit qu'en sentant la pointe d'une lame s'enfoncer entre ses omoplates. Plus original qu'un fossé, mais pour le même effet : personne ne viendrait la chercher ici. Le temps que l'odeur de putréfaction couvre celle de l'huile et du caoutchouc cramé, Feliu courrait après les coyotes pour recoller ses morceaux.

Mais les choses prirent un tour un peu différent quand son bourreau lui fit signe de dégager vers le siège passager pour s'installer au volant, pendant que la dame aux couteaux se glissait à l'arrière. Le plafond creusé s'enfonça davantage quand il claqua la portière et la montagne de voitures poussa un gémissement si long et si strident que Merci crut y laisser ses molaires. À sa gauche, le grand chef posa son baladeur sur l'autoradio, qui se mit à diffuser un podcast de développement personnel dont le gourou prêchait : "Je suis nul, je n'y arriverai jamais, je n'en vaux pas la peine, ce sont des choses que l'on s'est tous dites au moins une fois dans notre vie, et c'est normal. La confiance en soi, elle ne s'improvise pas. Il s'agit de se rendre maître de son destin, ou en somme : croyez en vos rêves et ils se réaliseront peut-être, croyez en vous-même et ils se réaliseront sûrement".

— Cree en ti mismo y tus sueños se harán realidad, répéta l'homme à moustache.

Il resta un moment immobile et silencieux, l'air concentré, comme s'il laissait les mots infuser. Puis il acquiesça d'un air convaincu et claqua dans ses mains avec un tel entrain que Merci sursauta de trois bons centimètres.

— Ahora, cuéntame.

Il avait dégainé son stylo et son carnet de post-it, qu'il feuilleta jusqu'à atteindre le dernier griffonné, mais Merci ignorait si c'était à elle qu'il s'adressait. Elle ne savait pas non plus comment il avait ressuscité le poste d'une voiture esquintée depuis plus de vingt ans, ni comment il parvenait à déchiffrer ses pattes de mouche dans l'obscurité quasi-totale de l'habitacle ; mais quand la voix grave de sa complice s'éleva dans leur dos, elle fut presque soulagée d'avoir une distraction.

— Nos sorprendió con Rafael.

— ¿Cómo os encontró? lança-t-il en prenant des notes qui ne semblaient pas avoir de rapport avec la conversation : des chiffres, surtout, d'après le peu que Merci en voyait. Creía que no teníamos que preocuparnos por "un fracaso de la guardia rural".

Merci fit de son mieux pour rester impassible. "Une plouc de garde-champêtre", ça ressemblait bien à la description que Rafi aurait pu faire d'elle à ses supérieurs. Pas de quoi s'inquiéter, en somme.

— Ella tuvo ayuda. Y suerte.

Ça, c'était plus de mauvaise foi qu'elle ne pouvait en supporter. Merci chercha le reflet de la dame aux couteaux dans le rétroviseur central, mais elle ne vit qu'un morceau de la banquette éventrée avant de sursauter de nouveau : l'autre avait tourné les yeux vers elle en disant :

— La suerte consiste en estar preparado para aprovechar las oportunidades, ¿no?. ¿Entonces, qué ha visto?

Il lui donnait plus de crédit que sa collègue, mais les politesses étaient finies. Maintenant, il voulait savoir jusqu'où Merci avait fureté, ce qu'elle avait appris, ce qu'elle pourrait prouver, à quel point son intrusion menaçait son commerce et quelles mesures il devrait prendre pour l'empêcher d'aller plus loin. Si elle espérait encore échapper au fossé, mieux valait éviter de paraître trop dangereuse. Et sans mentir : Rafi l'avait littéralement prise la main dans le sac. Elle était venue préparée, armée et outillée pour les piéger, avec des renforts au bout du fil, une diversion de l'autre côté de la halle et un couteau dans la poche. Nier en bloc face à autant d'éléments incriminants pourrait énerver les mauvaises personnes.

La mauvaise personne en question ne semblait pas encore irritée quand elle insista :

— ¿Entiende lo que digo?

Merci tenta de soutenir son regard curieux, qui ne cillait pas. Sa frayeur lui laissa le temps d'hésiter avant d'opter pour la prudence :

— J’ai fait espagnol LV2.

Il la scruta encore en souriant sous sa moustache. Merci n'avait pas manqué un mot, mais elle avait appris à ses dépends qu’il valait toujours mieux paraître plus bête qu’on ne l’était vraiment, et elle fut soulagée de l’entendre déclamer fièrement en français :

— Un hommes qui connaît deux idiomes vaut deux hommes. Ou deux femmes.

— Deux langues, corrigea la dame à l'arrière.

— Un homme qui connaît deux femmes vaut deux langues ?

— No, "idioma" se dice como "lengua". Misma palabra.

— Oooh ! Gracias. J'ai pourtant dû le savoir, jadis.

Il n'avait pas d'accent, mais quand il ne s'exprimait pas par citations inspirantes, il parlait comme un Bescherelle. Merci le regarda prendre une petite note de vocabulaire sur un coin de post-it et serra les dents quand il se tourna de nouveau vers elle.

— Alors, qu'avez-vous vu à la gare, tout à l'heure ?

Elle n'avait plus d'excuse pour faire traîner sa réponse, et comme elle n'en avait toujours pas trouvé de bonne, sa bouche recommença à faire un peu n'importe quoi :

— Assassiner un représentant des forces de l'ordre, ça va vous attirer beaucoup d'attention, et sûrement pas la publicité que vous cherchez. Et si je ne réapparais pas à Belmont ce soir, vous aurez une battue de 4768 habitants sur les bras avant d'avoir pu planquer toutes vos petites marchandises compromettantes.

Il arrêta un moment de noircir ses post-it et Merci de respirer. Puis il haussa une épaule et fit une moue qui pouvait vouloir dire "argument valable" ou "je m'en cogne". Elle préféra ne pas insister. En fait, elle n'était même pas sûre que quelqu'un s'apercevrait de sa disparition avant trois ou quatre jours, et elle ne voulait pas qu'il sache qu'elle ne manquerait à personne.

— Cela ne répond pas du tout à ma question, constata-t-il après un moment.

— Mon père est un ancien flic.

— Le mien était fermier, paraît-il.

— Et Madame Landry ne vous laissera pas vous en sortir comme ça.

— Señora Landry, n'est-ce pas ?

Il abîma le regard à travers le pare-brise absent, même si l'horizon était bouché deux mètres plus loin par le coffre en accordéon d'une autre carcasse. Après un moment, il rangea papiers et stylo et pivota pour s'adosser à la portière, coude sur le joint flagada et menton dans la main. Les yeux qu'il fixait sur Merci lui faisaient l'effet d'un rayon de soleil à travers une loupe. Technique d'intimidation classique, un vrai cliché de série policière, qu'elle connaissait trop bien pour y succomber. Il suffisait d'être tenace. Ou de penser à autre chose. Au crissement du couteau que leur passagère sortait de son étui, par exemple. Ou au nouveau sourire qui étirait la moustache de son tortionnaire.

— Oui, Madame Landry, lâcha Merci, qui avait désormais l'impression de ne plus contrôler son corps en-dessous des sourcils. Si vous croyez que vous pouvez envahir sa ville et mettre ses concitoyens en danger et menacer ses agents municipaux en toute impunité, alors vous ne savez vraiment pas à qui vous vous frottez.

Mais il le savait sans doute, en partie du moins. Merci avait toujours eu la conviction que Rafi connaissait leur maire - assez bien pour savoir que c'était une femme, déjà, et qu'elle était à l'origine des célèbres foires au boudin de Belmont -, alors cet énergumène devait la connaître aussi. Il sembla réfléchir un long moment, et Merci ne savait pas si elle devait s'en réjouir : considérer Marianne Landry comme une adversaire de taille, c'était une preuve d'intelligence. Les gens intelligents avaient ça de pénible qu'ils étaient plus malins que les autres.

Elle avait commencé à hyperventiler avant qu'il ne frappe dans ses mains en concluant :

— En ese caso. Soledad, cuida de ella, por favor.

Une ombre bougea sur la banquette et Merci bondit, tête la première par-dessus le tableau de bord, pour se retrouver presque immédiatement coincée comme un sac de bât sur le dos d'un âne. Une main se referma sur sa cheville, mais son heureux coup de botte la libéra et lui offrit juste assez d'élan pour dégager sa masse. Merci glissa sur le capot en tentant d'ignorer les jurons furieux de la dame aux couteaux. Le métal oxydé la râpait comme du papier de verre et deux bouts de ferraille lui avaient déjà entamé la couenne, pourtant elle réussit à atteindre le parechoc de la voiture de devant et s'y cramponna pour se tracter. La tôle pliée gémit sous son poids. Une lame lui taillada le mollet. Puis, enfin, elle bascula hors de portée, roula par la lunette brisée et entrevit la délivrance.

Les portières arrière étaient coincées et les vitres levées, mais celle du conducteur semblait voilée - fragile. Merci se contorsionna entre les sièges. Elle ne faisait plus attention à l'agitation qui la talonnait, ni aux bruits sinistres de la montagne d'engins dérangés dans leur lente décrépitude. Seul comptait le petit carré de lumière de l'autre côté. Alors, agenouillée derrière le volant, elle dressa son épaule en bélier et se jeta de toutes ses forces contre la porte au moment où quelqu'un l'ouvrait de l'extérieur.

Merci fusa. Son poignet gauche vrilla quand elle tenta d'amortir sa chute. Sa tempe heurta le sol, la poussière lui remplit les bronches et, pendant un terrible instant, plus rien n'exista. Puis il y eut la douleur. Toutes les douleurs en même temps. Celle de son bras et de sa tête et de ses plaies et de l'absolue nécessité de continuer à respirer. Elle voyait double quand elle rouvrit les yeux. Deux moustachus, la main encore sur la poignée, comme s'ils avaient simplement voulu être galants. Et deux dames armées de quatre couteaux qui fondaient sur elle.

Merci recula comme elle put, mais son regard dédoublé la harponnait. Les yeux d'un puma qui a verrouillé sa proie. Les phares d'un camion qui surgit sur la route. Les braises d'un feu qui tourne à l'incendie. Il y avait de la violence dans ces yeux-là. Autre chose, aussi. De l'appétit. Il fallait fuir. Ne pas exposer ses points faibles. Mais fuir. Merci lui tourna le dos. Rampa sur son bras meurtri. Serra les dents. Une ombre la couvrit. Un autre avion les survola. Personne ne viendrait la sauver. Ni Feliu, ni Papa, ni Patxi, ni Salut. Même pas Madame Landry. Derrière elle, quelqu'un dit "Croyez en vous-même !".

Et tout fut terminé quand on lui enfonça la tête dans le sable et deux aiguilles dans le cou.

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itchane
Posté le 05/03/2023
Hello !

Chaque fois c'est un petit cadeau imprévu que de découvrir qu'un nouveau chapitre de Mordicus est sorti, ça fait mes journées ^^

Celui-ci est tout autant réussi que les précédents, on retrouve le mélange de thriller et de burlesque, avec cet humour dans la plume toujours en décalage avec la situation ^^
Le nouveau personnage fait froid dans le dos, un mélange de super charisme et de froid pragmatisme hautement criminel, brrrr, on sent tout de suite que c'est encore un autre niveau de méchant (et pourtant les deux premiers faisaient déjà bien peur). Cela renforce encore plus le sentiment que Merci s'est embarquée dans quelque chose de beaucoup trop gros pour elle. Il n'y a pas ce sentiment de "sûreté" auquel on est habitué dans les récits classiques, la protection officieuse du héros dont on sait qu'il s'en sortira toujours et ne mourra pas... là euh... bon déjà on sait depuis la première ligne du premier chapitre qu'elle peut carrément mourir (x'D), mais en plus on n'est pas du tout en confiance vis à vis de ses compétences, contrairement aux romans policiers classiques dans lesquels l'enquêteur est quand même souvent bien badass. C'est vraiment particulier, à la fois on l'aime bien Merci et en même temps, on n'a pas du tout confiance en elle pour s'en sortir et donc on se demande vraiment où le récit va nous mener...

Bref, c'est toujours aussi riche et réussi, hâte de découvrir la suite ! : )
Dan Administratrice
Posté le 08/04/2023
Coucou Tchanou !
Merci d'être toujours au rendez-vous, ça me fait très plaisir <3 D'autant plus si tu continues à apprécier la lecture !

Ça me rassure vraiment pour ce chapitre, puisqu'il y a eu de gros chambardement dans mon plan (pour la bonne cause), et j'étais quand même en pleine phase de doutes, pas complètement terminée d'ailleurs...

Et ton retour sur le nouveau personnage me ravit !! J'ai tordu l'histoire dans des tas de sens différents pour savoir quand et comment l'introduire, je suis pas encore convaincue à 200% ici, mais je craignais beaucoup que son entrée en scène soit toute raplapla, alors merci !

C'est vrai que Merci peut pas trop compter sur une incroyable débrouillardise pour s'en sortir... x'D Mais elle va faire des efforts :p

Merci tout plein <3
EryBlack
Posté le 26/02/2023
Coucouuuu
Très chouette chapitre ! J'ai une première question absolument capitale : est-ce que tu t'es ne serait-ce que vaguement inspirée de la casse de voitures de Willy ? x'D Bon, celle de Feliu est d'une autre envergure visiblement. Ça fait un décor très cool, j'aime beaucoup. J'ai dû revenir un peu en arrière une ou deux fois pour vérifier la taille des piles de voitures (je me disais que vu qu'ils s'installent dans l'une, j'avais peut-être mal compris) et aussi l'absence de pare-brise (quand Merci se jette au-dessus du tableau de bord) ; tout ça était clairement dit dans ta description, donc c'est sans doute ma lecture qui aurait pu être plus attentive !
Sur les passages en espagnol, j'ai bien aimé le choix de ne pas les traduire et pour quelqu'un qui ne le parle pas du tout, je dirais que l'essentiel reste quand même compréhensible. Par curiosité, quand même, je suis allée traduire le petit morceau que je n'avais vraiment pas compris, à savoir "Ella tuvo ayuda. Y suerte.", ce qui m'a confirmé que ce n'était pas absolument nécessaire pour suivre, donc vraiment, j'approuve pleinement ce choix de ne pas traduire (Cormac McCarthy fait pareil dans la Trilogie des Confins, en plus ♥).
La perception de Merci (et surtout la façon dont tu la narres) continue de me faire rire, même quand la situation ne s'y prête pas spécialement ("combla les deux derniers mètres dans un bond qui aurait fendu les rotules de Merci" ; "Oui, Madame Landry, lâcha Merci, qui avait désormais l'impression de ne plus contrôler son corps en-dessous des sourcils."...). J'ai carrément pouffé à "— Mon père est un ancien flic. — Le mien était berger." Et du coup, j'ai beaucoup aimé la façon dont ces petits passages qui m'amusent s'entrecroisent avec ce moment d'action et cette tension croissante, jusqu'à ce final avec la douleur et l'anticipation de la violence, super bien "peint". Les "deux aiguilles dans le cou", je n'avais pas tiqué au début, mais là je me dis hé glups en fait !!
Trop touchant la loyauté et l'admiration de Merci pour la maire. Ça me fait redouter qu'elle ne tombe de haut, mais on verra, en tout cas j'adore que ce soit un truc très central dans son caractère.
Deux petits points :
- "Moustache et mouche bien taillées." : mouche ou bouche ? pardon le monsieur a le droit d'avoir un grain de beauté mais j'étais incertaine xD
- Un détail : il n'est pas du tout question de Calisson Corrompu, je me suis demandé si c'était fait exprès (genre Merci déjà bien angoissée par tout ce qui se passe, n'y pense plus) ou si j'aurais dû deviner son sort, ou quoi...
À bientôt sur la suite, du coup ♥ J'ai hâte !
Dan Administratrice
Posté le 08/04/2023
Coucouuu
Désolée j’ai mis un peu de temps à répondre (ne parlons pas du reste de mon retard…)

On avait eu l’occasion d’évoquer la casse de Willy, ça a peut-être joué inconsciemment ! En tout cas ça a dû me motiver pour la description. Descriptions qui ont eu l’air de manquer un peu de clarté d’ailleurs, quand j’aurai moins le texte en tête je repasserai pour voir comment arranger tout ça.

Merci pour ton retour sur les passages en espagnol. J’ai hésité puisque ça met le lecteur dans une position plus désavantageuse que celle de Merci (qui comprend tout), donc je voulais pas que ça crée de la frustration ou des incompréhensions. Cela dit y a rien de vraiment crucial qui se dit en espagnol dans cette scène. À voir par la suite.

J’espère que ma fâcheuse tendance à désamorcer toutes les situations par des blagues ne finira pas par me porter préjudice… x’D En attendant contente que ça marche ! Et que ça empêche pas le reste de paraître sérieux ou violent.

Ah pour la mouche xD J’hésite à l’enlever, mais en fait c’est une petite touffe de poils sous la lèvre inférieure, ça porte effectivement à confusion. Et pour Calisson, dans mon organisation d’origine, Merci avait l’occasion de se poser la question ; là je me dis que vu l’urgence, je sais pas si ça fait partie de ses préoccupations ? Je le cite dans le chapitre suivant, tu me diras si ça peut passer comme ça !

Merci tout tout pleingggg ♥
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