Nérion

J’ai toujours voulu raconter l’histoire qui fut la mienne. Quand je me trouvais face à une personne de confiance, ma bouche s’ouvrait parfois. Je brûlais de livrer mon passé, mes joies et peines, mes erreurs comme mes réussites. Pourtant, dès que je commençais à parler, les mots m’échappaient, traîtres, mes souvenirs s’effaçaient, et je restais muet, rendu au silence par une main invisible qui se posait sur ma bouche. Je renonçais alors, et acceptais de devenir un mystère, un homme sans passé. 

Mais les années ont alourdi mon fardeau. Mon dos s’est courbé sous le poids des secrets tus. Je résolus donc de le déposer, enfin. C’est ici, sur ces quelques pages, que je m’ouvre, que je me mets à nu. Je ne tairai aucun acte honteux, aucune des ombres qui m’ont accompagné. 

Que ces lignes soient mon souffle et mon soulagement, l’exutoire que j’attendais. 

Je naquis en 54, bien avant que ce monde ne s’embrase sous la guerre et la haine. Mon peuple, à la différence des autres, n’avait pas de maisons : nous marchions sans fin, campant chaque soir sous nos tentes. On nous appelait les voyageurs du vent. Nous ne vénérions pas les dieux de l’Archipel, sinon la grande Zuasyn ; notre divinité était Ilaman, à douze têtes et aux masques grotesques, protecteur des conteurs, des danseurs, des comédiens. Nous n’avions ni familles ni mariages : tous les enfants étaient frères et sœurs. L’homme et la femme qui m’avaient conçu n’étaient pas appelés mes parents. Je n’avais avec eux aucun lien privilégié. Je compris plus tard que ce qui nous paraissait naturel était scandaleux pour les autres. 

Nos journées étaient majoritairement consacrées à la marche. Je profitais de ces longues heures pour jouer avec les autres enfants. Notre imagination n’avait pas de limites. Nous jouions aux héros des contes qu’on nous narrait. Nous nous inventions des dons surnaturels, des combats épiques, des fins tragiques.  

Dès que j’atteignis l’âge de quinze ans, les jeux d’enfants me furent arrachés. Je dus chaque jour tirer le chariot où s’asseyaient ceux qui ne pouvaient plus marcher. J’étais grand, déjà robuste à force d’efforts, et l’on jugea naturel que je prenne ce rôle. Ainsi, d’un pas mesuré, je marchais, tandis qu’au loin je voyais les autres courir, jouer et rire. Souvent, c’était Etsebel, une jeune fille à peine plus âgée que moi, paralysée des jambes, qui s’asseyait devant. Les premières fois, je tentais de converser avec elle et n'obtenais que des réponses brèves. Puis un jour, elle m’avoua préférer le silence : c’est en lui qu’elle trouvait refuge, en lui qu’elle laissait naître des histoires, des rêves d’une vie où son corps ne l’enchaînerait plus. 

Je tentais alors de faire de même. Ce fut d’abord Etsebel qui me donna matière à penser. Elle semait des fragments d’histoires que je tentais d’achever. Souvent, je finissais par abandonner : mon esprit se détournait de l’exercice, mon regard se perdait dans la contemplation de mille détails autour de moi. Mais peu à peu, inventer des histoires devint facile, un divertissement qui pouvait m’occuper des heures durant. Mon nouveau terrain de jeu fut mon esprit.

Nos soirées, elles, étaient occupées par nos spectacles, que nous présentions dans les villages où nous nous arrêtions. Presque tous y participaient. Les conteurs, par leur seule voix, savaient captiver les foules. Les masqués, avec leurs visages de bois grotesques, prêtaient leur corps aux histoires et déclenchaient les éclats de rire. Les danseurs, enfin, réchauffaient l'ambiance par leurs mouvements effrénés, leurs pieds battant le sol, leurs mains claquant en cadence. J’étais l’un d’eux.

Mon corps semblait forgé pour ces danses aussi dynamiques que harassantes. Pourtant, même lors de ces moments où tous les autres danseurs semblaient concentrés sur leurs mouvements, en parfaite symbiose, je me laissais happer par un ailleurs. Mon esprit s’évadait vers le monde que j’avais inventé, un monde rêvé, plus vrai pour moi que celui dans lequel je vivais. 

Je vécus cette vie de nomade pendant de longues années. Je découvris chaque recoin de l’Archipel sans m’y intéresser vraiment. Rien de ce qui se jouait hors de mon esprit ne comptait à mes yeux. Je n’éprouvais que peu d’attachement pour ceux qui m’accompagnaient. Seule Etsebel me retenait parmi eux. Les autres, je les regardais avec mépris : ils semblaient se satisfaire de leur errance et de leurs spectacles répétés à l’infini. Moi, je me croyais destiné à plus.

Etsebel percevait sans doute le ressentiment que je portais en moi. Je crois qu’elle en était peinée, mais incapable de m’en blâmer. Elle non plus n’avait pas trouvé sa place. Incapable de marcher ou de danser, trop fragile pour conter, elle restait toujours en marge : le jour, sur mon dos ; le soir, au pied de la scène. Un jour, elle me confia son rêve : “Nérion, nous devrions partir d’ici. Nous pourrions vivre au bord de la mer.” Cette idée demeura une chimère. Moi-même, j’avais souvent songé à fuir. Mais pour aller où ? J’avais tout vu de l’Archipel. Rien ne m’appelait.

J’aurais pu rester toujours avec Etsebel, marchant le jour avec elle, dansant le soir avec les autres. Mais la jeunesse porte ses folies, et je l’appris à mes dépens.

Je ne m’entendais pas avec les adolescents de mon âge. Je ne les côtoyais que lors de nos danses, et je savais qu’ils ne m’appréciaient pas. Ils me provoquaient sur scène, me bousculant, m’écrasant le pied, me jetant des regards moqueurs. Je ne répondais aux provocations que plus tard, lorsque le public se retirait. J’allais saisir le coupable pour me venger d’un affront en réalité bien futile. J’étais toujours le premier à frapper. Je me battais comme un animal enragé. Une seule chose importait : frapper, frapper encore, leur montrer ma force, imposer le respect. Je ne gagnai jamais leur respect, seulement leur crainte. Les provocations cessèrent après que j’aie cassé le bras d’une d’entre eux. Pour tous, je devins une brute épaisse, qu’il valait mieux éviter. Mon corps semblait taillé pour la violence. Et mes yeux, quand je n’étais pas perdu dans mes rêves, ne traduisaient que haine et mépris. Je n’ai jamais su d’où venait cette colère qui me dévorait.

Seule Etsebel savait m’apaiser. A ses côtés, je redevenais doux comme un agneau. Elle tentait de me détourner de la violence, m’en expliquait la futilité. Je l’écoutais mais je recommençais à chaque fois. Mettre un autre à terre me procurait une ivresse terrible. Je me sentais puissant, invincible, aussi maître de mon corps que dans le monde que j’avais créé.

Un soir, je rejoignis Etsebel dans la tente où nous dormions ensemble chaque soir. Elle était assise sur sa couche, pensive. Quand elle m’aperçut, son regard s’éclaira :

-Nérion, viens me rejoindre, me dit-elle.

Je m’assis face à elle. Elle rejeta ses longs cheveux bruns en arrière.

-Viens, répéta-t-elle.

Je m’approchais d’elle, elle saisit ma main, la posa sur sa joue et ferma les yeux. Je fus étonné par ce contact. Elle fit descendre ma main sur son épaule. Je la laissais faire, muet. Elle la fit ensuite glisser jusqu’à sa taille et rouvrit les yeux. Jamais je ne les avais vu si vivants. Elle posa sa main sur mes lèvres.

-Est-ce que tu veux ?

Après un instant, j’acquiesçai. Etsebel approcha son visage du mien, m’embrassa maladroitement, puis se recula. J’étais troublé. Je n’avais jamais embrassé personne. Elle sourit, puis posa ses mains sur le bas de ma chemise. Je hochais la tête, et elle m’aida à la retirer. Son regard s’égara un peu sur les bleus dont mon torse était couvert, puis elle m’embrassa encore. A mon tour, je posai mes mains sur son haut, lui retirai doucement. Elle m’étreignit avec une force surprenante, posa sa joue sur mon épaule. Peau contre peau, nos cœurs semblaient battre à l’unisson. Ne sachant pas quoi faire, je l’embrassais sur la joue, le front. Etsebel souriait, je me fis pour la première fois la remarque qu’elle était jolie. Elle baissa les yeux vers son pantalon, me demanda de l’aider. Je dénouai le lacet qui le retenait, les mains tremblantes. Elle entreprit de lentement le faire glisser le long de ses jambes maigres. Elle se coucha alors sur sa paillasse, tendit les bras vers moi. 

Alors que je m'apprêtais à me dévêtir, je l’entendis. Un rire mesquin. A l’entrée de la tente se tenait Amar, un danseur de mon groupe, qui nous épiait. Ce n’était pas la première fois qu’il me visait. C’était toujours lui qui entraînait les autres à m'injurier mais ses paroles étaient les plus cruelles, les plus acérées. Il dit des choses que je n’oserai réécrire ici. Ses obscénités me brûlèrent plus qu’un fer rouge. J’oubliai Etsebel nue derrière moi. Je n’avais plus devant les yeux qu’Amar, que je haïssais chaque seconde un peu plus. Je me relevai, toujours torse nu, et le poussai hors de la tente. Je le traînai hors du camp. 

Il continuait de parler mais je ne l’entendais plus. Je le plaquai contre un arbre, le poing serré, le visage tendu. Il frappa le premier. Je répondis avec plus de férocité que jamais, le frappant partout, dans le ventre, au visage, aux jambes. Je frappai jusqu’à ce qu’il cesse de riposter, jusqu’à ce qu’enfin, il s’écroule. Je ne m’arrêtai que lorsqu’il fut totalement immobile. 

Je baissai les yeux. Son visage, méconnaissable, semblait figé dans un des horribles masques d’Ilaman. Alors, seulement, je compris : j’avais tué un homme. J’avais tué Amar. Je le secouais sans espoir, sa tête balançant d’avant en arrière. Il était mort. 

Je regagnai la tente. Etsebel, horrifiée par le sang, m’appela en vain. Je restai sourd à ses paroles. Je remis ma chemise, rassemblai rapidement quelques affaires et ressortis. Je regardai Amar une dernière fois, étendu dans l’ombre, puis je fuis, sans un regard en arrière. Je fuyais mon peuple, Almar, Etsebel. Les cris d’Etsebel me poursuivirent dans la nuit, jusqu’à se perdre dans le vent. 

Je ne la revis jamais. 

Je ne m’attarderai pas sur mon voyage. Il fut pénible, ponctué d’angoisses et de cauchemars. Pour la première fois, je ne me voyais plus comme un être supérieur, au regard élevé sur le monde. Je me voyais comme un monstre. À chaque rencontre sur la route, mon imagination projetait sur le visage d’un homme le masque agonisant d’Amar. Pour une femme, c’était la face horrifiée d’Etsebel qui surgissait. Je n’avais jamais été aussi loin d’eux pourtant, ils hantaient mes journées et mes nuits, ne me laissant aucun répit. 

La fuite avait été si soudaine que je ne savais où aller. Les seules personnes que j’avais côtoyées étaient les voyageurs du vent, et j’étais désormais pour eux un meurtrier, un fratricide. J’avais dix-neuf ans. Pendant deux années, je n’eus d’autre vie que celle de l’errance : je vivais comme une bête, dormais à la belle étoile, volais pour subsister, et fuyais les hommes. Je maigris, mes cheveux blonds descendirent jusqu’au bas de mon dos, mes vêtements se réduisirent en haillons. 

Je ne rêvais plus, je voyais ma vie telle qu’elle avait été jusque-là : un concentré de violence, de haine, de mépris. Je n’avais aimé personne, et personne ne m’avait jamais aimé. Même Etsebel devait maintenant me haïr. 

Le désir de changement ne vint pas tout de suite. D’abord, il y eut le désespoir. Souvent, j’eus envie de mettre fin à cette vie misérable. Mais à chaque tentative, le courage me manquait. Peut-être qu’Ilaman intervenait en silence, me préservant pour que je devienne plus tard sa voix. Je ne le saurai jamais.

Il me fallut longtemps pour faire le deuil de ma vie passée. Pour être honnête, je ne l’ai sans doute jamais totalement fait. Je dus renoncer à tout ce qui avait conduit à ma chute : mes rêves fous, mes ambitions démesurées, ma violence destructrice. J’avais quitté le campement de Myrtène pour partir à Episène, où je restais trois ans. Je travaillai la dernière année jusqu’au mois de Cilo, participant aux moissons, gagnant un peu ma vie. Enfin, je quittai cette petite cité pour rejoindre celle qui s’apprêtait à devenir la plus puissante de l’Archipel : Clytène. Elle n’était pas encore riche, mais grouillait de vie. Je savais que j’y trouverais un emploi et, peut-être, une existence plus digne que celle que j’avais connue jusqu’alors.

J’embarquai sur un bateau de fortune, dépensant le peu d’argent qu’il me restait après avoir vendu les affaires que j’avais emportées. J’avais déjà vu Clytène enfant, mais je la redécouvris comme pour la première fois. La cité était en pleine effervescence : on y construisait déjà les splendides quartiers que l’on admire aujourd’hui. Partout dans les rues, on pouvait voir les artisans travailler le bois, la pierre, la soie, les peaux de bêtes. 

Je fus rapidement engagé comme tailleur de pierre. C’était un labeur exigeant, rude et physique. En moins d’un mois, j’avais déjà acquis la réputation d’ouvrier sérieux et appliqué. Je m’abrutissais volontairement sous la charge, ne lâchant le marteau que pour manger, commençant avant les autres et terminant bien après eux. Lorsque je travaillais, mes angoisses et mes pensées s’effaçaient ; tout mon esprit se fixait sur le geste, sur mes muscles tendus. Ma patronne ne manquait pas de vanter ma rigueur auprès des autres employés. Nous logions tous ensemble, dans une petite pièce à l’étage de l’atelier.  Je parlais peu, mangeais seul, dormais à l’écart. Depuis ma fuite, je me sentais incapable d’entretenir la moindre relation avec autrui. Chaque personne que je touchais, même un instant, semblait s’embraser sous mes doigts. La poussière blanche des pierres, le bruit des marteaux, la sueur et les bavardages de mes compagnons devinrent mon quotidien. 

A la fin de la semaine, ma patronne insistait pour que je prenne un jour de repos. J’aurais préféré travailler, mais je me retrouvais ainsi à errer dans les rues, perdu. Ces moments seuls avec mes pensées me terrorisaient, privé de mon marteau et de mes pierres pour m’en détourner. 

Les premières fois, je me contentais de faire des allers-retours devant l’atelier ou de m’asseoir contre son mur. Puis, peu à peu, je m’aventurai plus loin. Un jour, je marchai jusqu’à l’une des grandes places de Clytène. J’en fis le tour avant de m’arrêter sous un immense portique où se tenaient débats politiques, cours publics et discussions d’érudits.

Un groupe de jeunes hommes était assis en cercle, parlant avec enthousiasme. Je restai en retrait, presque caché derrière une colonne, pour les écouter. Ils usaient de mots savants dont je ne comprenais pas toujours le sens, évoquaient des événements qui m’étaient inconnus, et pourtant je restai captivé. Soudain, l’un d’eux se leva. Plus éloquent encore que les autres, il soutint sa cause avec force. Il parla d’alliances entre les cités, d’union des forces et d’exploration des terres inconnues. Je l’observai avec attention. Il avait la peau noire, des cheveux coupés à ras, une posture droite. Son charisme m'impressionna. Lorsque le débat se termina et que le groupe se dispersa, je regagnai l’atelier, le visage de l’inconnu gravé dans ma mémoire. La semaine suivante, je retournai sur la place.

J’arrivais tôt le matin sur la place, guettais fébrile son arrivée. Comme si nous nous étions donné rendez-vous, il revenait à chaque fois. Il s’asseyait avec les autres et la discussion commençait. Le plus souvent, c’était lui qui emportait l’adhésion du groupe. Il était audacieux, confiant, passionné. Et moi, je l’observais de loin. Jamais je n’aurais osé m’approcher. J’étais une brute, ignorante et sauvage : je ne savais ni lire, ni écrire, je n’avais aucun savoir académique. Pourtant, j’écoutais et j’apprenais avec intérêt. Cela me permit de développer ma culture, mon vocabulaire, mon esprit critique. Ainsi passèrent plusieurs mois. Je l’étudiais, le suivais du regard, sans jamais échanger un mot avec lui… jusqu’à un jour, le mois de Svena.

Il faisait froid, la place était déserte. Je grelottais sous mes vêtements minces, incapable de me résoudre à rentrer. J’attendis de longues heures, seul, sous le portique. 

Au moment où je me décidais enfin à partir, il apparut. Seul, enveloppé d’un manteau vert, il traversa la place et se plaça sous le portique. Il me fallut quelques instants pour comprendre qu’il se dirigeait vers moi. Il s’arrêta face à moi.

-Je savais que tu serais là.

Je ne sus quoi répondre. Il m’adressait la parole, il connaissait mon existence ? Alors que je restais muet, il ajouta :

-Tu viens ici toutes les semaines nous écouter.

Je balbutiai des excuses confuses, qu’il balaya d’un revers de main.

-J’ai espéré que tu nous rejoignes à chaque fois. Nos discussions sont ouvertes à tous.

Je protestais, affirmant que je ne savais pas parler comme lui, que je ne connaissais rien de ce qu’il maîtrisait parfaitement. Mais il me rassura : je n’avais qu’à donner mon avis, même avec des mots simples. Il me tendit la main.

-Je suis Pysctas, dit-il.

- Nérion, répondis-je en lui serrant la main.

C’est ainsi que je fis la rencontre de Pysctas Orphane.

Je ne pris pas tout de suite part aux échanges. Progressivement, je me rapprochai du cercle, jusqu’à m’y asseoir. Je restai silencieux, écoutant Pysctas et les autres, content d’être intégré à leur groupe. Peu à peu, ma langue se délia. D’abord quelques mots lancés à la hâte, puis des phrases, puis des pensées plus élaborées. La semaine, quand je taillais la pierre, je pensais à ce que je pourrais dire à la prochaine réunion. Je mis moins d’ardeur dans mon travail, et plus dans mes pensées. 

Je me rangeai toujours à l’avis de Pysctas, le soutenai sans exception. Parfois, quand les autres rentraient, Pysctas restait avec moi, me raccompagnait jusqu’à l’atelier. Nous discutions alors de ce qui avait été dit, de ce que nous dirions au prochain débat. J’ignorai tout de lui, je ne connaissais pas son nom ni le prestige de sa famille. Je pensais qu’il était un simple étudiant instruit, comme il y en avait tant à Clytène. Je ne lui dis pas non plus mes origines. La civilisation d’où je venais était si différente de la sienne qu’il n’aurait pu comprendre. Comment lui expliquer que je n’avais jamais connu de maison, jamais connu de parents ? Je lui racontai venir de Clytène, être fils d’ouvrier. Sans le savoir, nous nous mentions l’un à l’autre. Cela permit sans doute notre rapprochement. 

Nous nous vîmes de plus en plus souvent. Je terminais mon travail plus tôt pour le rejoindre avant la tombée de la nuit. Nous marchions ensemble, parlant sans cesse, partageant chaque pensée.

Le jour de mon repos, il venait me chercher dès le matin. Nous passions la journée à deux, flânant dans les rues, goûtant aux mille saveurs de Clytène. Je me souviens des brochettes de poisson grillé de la vieille marchande de l’impasse et des beignets aux pommes de la place. Nos conversations devinrent peu à peu plus légères. Nous nous moquions de certains membres du groupe, racontions des anecdotes amusantes, riant de tout et de rien. Quand j’étais avec lui, j’oubliai ma honte et mon passé. Je relevai le menton, osai le regarder dans les yeux, et pour la première fois depuis longtemps, je me sentis humain. 

Il avait des idées très arrêtées sur les choses. Il me parlait de progrès, d’expansion économique. Il avait de grandes ambitions pour Clytène, et m’assurait qu’elle serait un jour la plus grande cité de l’Archipel. Je soutenais chacune de ses idées sans vraiment les remettre en question, tant son pouvoir de conviction était grand. 

Je crois que je l’influençai aussi, à ma manière. Avec moi, il osait sourire davantage, rêver un peu plus librement. Nous nous inventions ensemble une vie superbe, et il riait de bon cœur quand je me perdais dans mon imagination, gesticulant, parlant à voix haute, les yeux brillants. Dans ces moments, le monde nous appartenait.

Un soir, sur la place, lorsque je lui dis que je devais rentrer, il me retint par la main. Son regard se fit implorant.

-Nérion, reste.

Etonné, je me rassis à ses côtés, protestant à voix basse. Si je rentrais trop tard, ma patronne pourrait bien me mettre à la porte.

-Reste, dit-il encore.

Il se leva, je l’imitai.

- J’aimerai que nous nous voyions plus.

Pris d’une audace soudaine, je répondis :

- J’aimerai rester toujours avec toi.

Un sourire illumina son visage. Il eut un temps d’hésitation puis il prit mon visage entre ses mains et m’embrassa. 

Nous passâmes toute la nuit à errer dans la ville, ne croisant que quelques mendiants et sentinelles. Nous étions heureux, ivres d’amour et de jeunesse. Il me chanta des refrains paillards en riant, et je lui montrai des danses de mon enfance. Dans une ruelle déserte, il dansa avec moi comme un fou, nos rires résonnant entre les murs sombres. Un homme se pencha à sa fenêtre, nous cria de nous taire. Cela ne fit que renforcer notre hilarité.

Au petit matin, je retournai à l’atelier. Je me fis gronder comme un petit enfant pourtant, rien ne pouvait ternir ma joie. Pysctas m’aimait. Quelqu’un m’aimait, pour la première fois.

J’inventai des stratagèmes pour passer la nuit dehors sans que ma patronne ne s’en aperçoive. Le soir, je faisais mine de remonter au dortoir, puis ressortais discrètement par la porte arrière. Le matin, je rentrais par le même passage et me recouchais quelques heures avant que les autres ne se réveillent. Mes compagnons étaient au courant de mes escapades, mais je payais leur silence avec de petites douceurs que j’achetais grâce à Pysctas. Notre idylle dura six mois. Ce furent les plus heureux de ma vie.

Je ne dormais presque plus, ce qui empêchait à Amar d’apparaître dans mes cauchemars. Mais mon travail en pâtissait : je m’assoupissais parfois, le marteau toujours en main, et mes forces s’épuisaient bien plus vite qu’avant. Malgré les avertissements répétés de ma patronne, je poursuivais mes virées nocturnes avec Pysctas, incapable de me raisonner.

Nous fuyions la réalité autant que nous le pouvions, mais elle finit par nous rattraper. Je ne parlai jamais à Pysctas de ce qui m’avait conduit jusqu’à Clytène, tandis que lui, peu à peu, s’ouvrait à moi. J’appris alors l’importance de sa famille, le poids de son avenir. Ce n’est qu’au moment où il me montra sa demeure que je compris l’immense distance entre nos deux mondes : une villa somptueuse, bâtie de marbre et de pierre polie, loin des masures du peuple, animée par des dizaines d’esclaves. La peur me saisit, mais lui ne vit rien. L’amour le rendait aveugle, et il ignora longtemps que ce sentiment qui nous unissait, deviendrait peu à peu impossible. Sa famille, elle, veilla à le ramener vers la voie toute tracée pour lui. A vingt-quatre ans, son père lui trouva une femme, convenable et de bonne famille. Lorsqu’il me l’annonça, il me jura qu’il ne l’épouserait jamais, qu’il resterait toujours avec moi. Pourtant, malgré tout l’amour que je lui portais, je sus au fond de moi qu’il ne le pourrait jamais. 

Si dans un premier temps tout sembla inchangé, la suite des évènements me donna raison. Peu à peu, Pysctas se fit de plus en plus distant. Nos contacts physiques s’évanouirent. Nous ne passions plus de nuits ensemble. Il redevint sérieux, rigide. Sans vraiment y croire, je tentais de le ramener à moi, le suppliant. Il était la personne qui comptait pour moi au monde. Il m’assurait qu’il avait des affaires à régler, que plus tard, il serait libre d’être avec moi. Il devait prendre part à la politique de Clytène, se marier, mais plus tard… “Plus tard”, “plus tard”, “plus tard”. Et je compris, avec une douleur glaciale, que ce “plus tard” n’existait pas. Et que si Pysctas n’était plus à moi, alors il n’y avait plus rien pour moi à Clytène.

Quand je lui annonçai ma décision de partir, pour le laisser suivre la vie qui l’attendait, ses yeux s’écarquillèrent. Ce fut alors lui qui me supplia, qui m’inonda de paroles d’amour et de promesses. Encore une fois, il me dit que si je pouvais l’attendre, alors, plus tard… plus tard, peut-être… Je l’interrompis :

-Pysctas, c’est impossible. Tu me demandes d’attendre, mais ce plus tard n’existera jamais pour nous. Quand il viendra, nous serons des vieillards, et notre amour se sera éteint.

Il resta silencieux. Une larme glissa le long de sa joue, mais il ne fit plus aucune promesse. J’avais rêvé qu’il partirait avec moi. Cette idée ne lui traversa même pas l’esprit. Son visage se ferma, prenant l’expression dure d’un masque d’Ilaman.

-Adieu, me dit-il.

Et dans ce mot, je sentis tomber le rideau sur tout ce que nous avions partagé. Puis il se détourna et s’éloigna.

Je quittais Clytène le jour même, le cœur encore plus lourd que lorsque j’avais fui les voyageurs du vent. Cette fois-ci, je partais contre mon gré. Je partais parce que c’était ce qui était juste, ce qu’il fallait faire. J’aurais été égoïste de ruiner le bel avenir promis à l’homme que j’aimais tant. C’est parce que je l’aimais que je partais. 

Je n’avais pas pleuré depuis des années. Ce jour-là, je ne pus me retenir. Les larmes roulèrent sur mes joues, brûlantes. Je pleurai alors ce que j’avais enfoui depuis toutes ces années. Je pleurais ma solitude, je pleurais Etsebel, je pleurais le meurtre d’Amar, je pleurais l’amour de Pysctas, je pleurais ma vie entière. Elle m’avait semblé un échec. Puis, à Clytène, j’avais cru en la rédemption. Désormais, j’errais à nouveau. 

J’embarquai pour Vélymène. Durant ma longue traversée, mon seul compagnon fut Ilaman, que je priais chaque soir avec ferveur. Sa présence à mes côtés fut plus que jamais réconfortante. J’occupai mes journées à tailler un morceau de bois que j’avais emporté de l’atelier. Peu à peu, je lui donnai la forme d’un visage. Puis, avec mon couteau, je traçai les yeux rieurs, le large sourire, le nez crochu. En arrivant à Vélymène, mon œuvre était achevée. 

Je travaillai alors à me remémorer les histoires des conteurs de mon peuple, les enrichissant à ma manière. Pour gagner de quoi manger et un toit, je proposais mes prestations aux auberges. Je contais, le visage masqué, mimant, chantant parfois. Je fabriquai de nouveaux masques : des faces convulsées par la colère, affaissées par la tristesse, déformées par la peur. J’élargissais peu à peu mon répertoire d’histoires, améliorais la portée de ma voix et la justesse de mes mimes. 

Après Vélymène, je partis à Brynène. Là, je contai mes histoires aux pélerins qui affluaient en grand nombre. Je m’y fis une petite renommée. Puis ce fut Andène, où je créais des fables aux morales tranchantes. Des années après, Asène, où je découvris que rien ne séduisait davantage que la comédie. J’y restai longtemps, séduit par sa gastronomie, ses thermes, ses plaisirs. Je voyageai ainsi pendant de nombreuses années, redécouvrant chaque lieu comme pour la première fois. Mais jamais je ne retournai à Clytène.

Au fil de mes traversées, je fis la rencontre d’autres artistes, dont certains me rejoignirent. Layla, une jeune veuve, m’apprit à lire et à écrire, et je pus coucher mes histoires sur le papier. Nos spectacles devinrent de plus en plus riches et merveilleux, et nous gagnions de mieux en mieux notre vie. Les mimes se transformèrent en paroles, et ma troupe de théâtre s’agrandit. J’étais, pour la première fois, entouré. Ma solitude disparut.

Je ne montrais jamais mon visage sur scène. Je jouais toujours avec un masque, et cela me libérait. Je n’étais plus Nérion, l’assassin. Nérion, le tailleur de pierres. Nérion, le fugitif. J’étais un inconnu masqué. Mais ce fut Lalya qui trouva le nom de scène sous lequel tout le monde me connaît à présent. En l’an 105, à l’âge de cinquante et un ans, je devins la Voix Errante. 

Je me forgeai une réputation. Partout où j’allais, les gens me reconnaissaient et m’attendaient. Les places de village devinrent trop petites pour contenir le public qui se rassemblait chaque soir. Je bénissais Ilaman pour ce cadeau. L’art m’avait sauvé.

L’âge me rendit plus casanier. Je voyageais de moins en moins jusqu’à m’établir définitivement à Vélymène, où la Podestà, Zelys, m’offrit une grande scène de théâtre ainsi qu’une maison pour ma troupe. Amoureuse des arts, la dirigeante se rendait le plus souvent possible à nos représentations. 

Vélymène était une cité splendide et puissante. Son port contenait plus de navires de combats qu’aucun autre. Les maisons s’élevaient toujours plus haut, rivalisant d’éclat. Les ruelles étaient propres et éclairées, et un système d’évacuation des eaux, très complexe, avait été mis en place quelques années auparavant. Ce qu’il y avait de plus éblouissant, c’était ses thermes : plusieurs établissements colossaux alimentés par une source chaude découverte par les Premiers Hommes. J’aimais m’y rendre tôt le matin, quand tout était encore endormi.

Mon corps, qui m’avait toujours fidèlement servi, commença à s’épuiser. Je marchais moins bien, m’essoufflais vite. Les douleurs devinrent partie intégrante de mon quotidien. Dès lors, ma voix fut ma seule arme. Je l’utilisais pour prêcher la paix. Autrefois, lorsque j’étais aux côtés de Pysctas, je défendais les idées de conquêtes ; désormais, j’avais pris la violence en horreur. N’était-ce pas elle qui avait fait de moi un tueur ? Pourtant, tous sentaient que la guerre se préparait.

C’est dans ce climat d’incertitude que je fis la connaissance d’Endazur.

Je tentais de m’adapter au déclin de mes forces. Je m’appuyais désormais sur une canne, ma chambre avait été déplacée au rez-de-chaussée, et je m’accordais plus de repos qu’auparavant. Pourtant, il me manquait souvent une présence, un bras solide sur lequel m’appuyer, quelqu’un qui remplacerait mon dos fatigué, mes bras faibles, mes jambes défaillantes. Un comédien de ma troupe me conseilla alors d’acquérir un esclave pour m’aider. Nous n’en avions jamais eu. Jusqu’ici, nous faisions toutes les corvées du quotidien nous-mêmes. Mais à mesure que notre popularité grandissait, le temps que nous pouvions y consacrer diminuait. Tous reconnurent qu’un tel achat me soulagerait, et eux aussi par la même occasion. L’esclavage était bien moins développé qu’aujourd’hui, mais le jour du marché, on en trouvait toujours quelques-uns mis en vente. Je décidai donc de m’y rendre, accompagné d’un ami comédien.

Je marchais lentement, appuyé son bras, respirant les effluves d’aromates, de fruits frais, de pâtisseries sucrées, lorsque je les vis. Ils n’étaient que six, alignés et attachés les uns aux autres : deux hommes d’âge mûr, un plus jeune, deux femmes, et une enfant. Je m’approchai. Un marchand à la barbe blonde s’avança aussitôt, me questionna sur mes besoins. Je lui expliquai. Alors, l’un après l’autre, il me présenta les captifs, vantant leurs qualités. Je les observais en silence. Tous affichaient ce masque éteint, désabusé. Sauf un.
Le jeune homme me fixait intensément. Ses yeux brûlaient d’une force muette. Il avait la peau ambrée, la silhouette mince, le crâne rasé. Je compris à ses yeux qu’il venait des Cent Lacs, terre dont j’avais entendu parler durant mes voyages. Il m’intrigua. 

Je demandai son prix, et le marchand s’empressa de conclure. Mais une voix claire m’arrêta :

-Attendez !

L’enfant s’était agrippée au bras du jeune homme, les yeux emplis de peur.

-Je ne veux pas rester sans Endazur.

Le marchand, gêné, lui intima de se taire. Elle éclata en sanglots. Le dénommé Endazur serra la fillette contre lui.

-Nous étions ensemble chez mon précédent maître.

Sa voix était incertaine, comme celle d’un adolescent en train de muer. Mon ami, ému par la scène, me souffla qu’il serait cruel de les séparer. J’acquiesçai. Et nous repartîmes, suivis du jeune homme aux yeux de feu, et de la petite fille cramponnée à lui.

Endazur m’apparut d’abord comme un animal sauvage que je devrais apprivoiser. Il exécutait les tâches que je lui confiais mais ne parlait jamais, se crispait quand on l’approchait. Quand il m’accompagna aux thermes, il refusa catégoriquement de se dévêtir, pris de frissons. La nuit, il ne se couchait pas, préférant rester recroquevillé dans un coin de la pièce. Seule Aleone, la fillette, savait l’approcher, le toucher. J’essayai parfois d’engager la conversation, mais mes paroles se heurtaient à un mur de silence. Dans ses yeux, il n’y avait rien d’autre que de la haine. Aleone s’acclimatait bien mieux. Vive et discrète, elle travaillait avec application et son visage s’illumina d’un large sourire lorsque je lui permis d’assister à nos représentations. 

Un jour, alors que j'écrivais, Endazur était assis contre le mur, immobile, attendant mes instructions. Absorbé par mon histoire, je perdis la notion du temps. Dans le calme de la pièce, il finit par s'assoupir. Lorsque je reposai ma plume, je me retournai et le vis endormi. Je m’approchai doucement et posai ma main sur son épaule. Il se réveilla en sursaut et me repoussa brutalement. Déséquilibré, je tombai lourdement au sol. Il ne bougea pas pour m’aider. Il resta là, haletant, les traits déformés par la peur. Je restai à terre, les membres endoloris par la chute.

-Endazur, tu n’es pas mon prisonnier, murmurai-je.

-Je suis esclave, rétorqua-t-il aussitôt. 

C’étaient les premiers mots qu’il m’adressait depuis son arrivée. Son regard brûlait d’une haine farouche. Je m’y perdis : il me renvoyait à mes propres yeux d’autrefois, à la rage qui m’avait poussé sur Amar, à la violence qui m’avait perdu. Je voulus calmer cette tempête, mais comment ? Je bredouillai quelques mots maladroits, assurant qu’il n’avait rien à craindre auprès de moi. 

Sa voix s’éleva, coupant court à mes paroles.

-J’ai été capturé à huit ans par des hommes comme toi. Ma mère est morte sous leurs coups de fouet, devant mes yeux.

Je demeurai muet. Que pouvais-je répondre ? Il se leva, s’avança vers moi, menaçant.

-Aucun des tiens ne m’a traité comme un homme. J’ai été battu, fouetté et laissé pour mort sur le pavé, abusé, violé. Ne me fais pas croire que tu es bon. Tu achètes des esclaves, et tu penses être meilleur qu’eux ?!

Ses mots me frappaient comme autant de lames. Je restai figé, stupéfait, tandis qu’il reculait d’un pas, haletant.

-Que voudrais-tu faire, alors ? demandai-je d’une voix basse.

Il me regarda d’un air moqueur.

-Je pourrai les tuer. Je pourrai te tuer. 

J’eu un faible sourire.

- Crois moi, tuer n’a rien de bon. J’ai tué un homme autrefois. Ce crime m’a détruit, souillé. La vengeance, Endazur…n’a jamais sauvé aucun homme. Elle détruit plus que le mal qu’elle croit réparer. 

Il ne répondit pas. Dans son regard, je vis qu’il ne me croyait pas. Il lui faudrait du temps. Moi, je réalisai avec stupeur que c’était la première fois que je parlais à quelqu’un du meurtre d’Amar. 

Lalya entra dans la pièce et fronça les sourcils en me voyant à terre. D’un ton sec et autoritaire, elle ordonna à Endazur de rejoindre Aleone et de ne plus s’approcher de moi. Je me relevai avec son aide, essuyai la poussière sur mes habits. Elle me lança alors un regard dur et exigea : “Revends-le, prends un autre esclave !” Je secouai la tête. 

Plusieurs fois, je fus tenté de m’en séparer. Il devait calmer ma douleur, et pourtant il ne faisait que l’alourdir. Il troublait ma quiété, m'intriguait, me déroutait. Cependant, aucun mot, aucun ordre, aucune colère ne parvenait à atteindre ce sentiment étrange mais puissant qui naissait en moi. 

Chaque jour, je tentais de converser avec lui. Lors de nos sorties, accroché à son bras, je le questionnais doucement, mais nos échanges restaient souvent à sens unique. Pourtant, peu à peu, ma détermination finit par avoir raison de son silence. Il me parla brièvement des Cent-Lacs, de sa sœur qu’il n’avait pas revue depuis leur capture. Mais plus il s’ouvrait, plus son mal-être me sautait aux yeux. Il tremblait comme si le froid le transperçait, fuyait les miroirs de ma loge, mangeait à peine et se rongeait les ongles jusqu’au sang. Je faisais de mon mieux pour l’apaiser. Je lui permis de garder les cheveux longs - dans son peuple, tous les hommes les portaient ainsi, m’avait-il confié, contrairement à la coutume des esclaves. Je ne le réprimandai plus lorsqu’il me repoussait d’un geste un peu trop brusque ou lorsqu’il s’enfermait dans un silence pesant. Chaque soir, je priais Ilaman pour lui, rêvant qu’il retrouve un jour la lumière. Peu à peu, il me sembla sentir la charge qu’Il m’avait confiée : je devais sauver l’âme d’Endazur. 

Deux années s’écoulèrent ainsi. En l’an 113, la Guerre des Chaînes éclata, sanglante. L’alliance des cités jumelles avec Clytène faisait peser une menace grandissante sur le Protectorat de Vélymène. Au cœur de la cité, nous n’étions pas directement touchés par les combats, mais une atmosphère lourde, presque funèbre, s’imposait partout. Nul ne savait vraiment ce qui se tramait ; chacun se forgeait son avis sur les rumeurs et sur ce qu’on voulait bien laisser filtrer. Je me plaignis un soir de cette ignorance à Endazur. 

-Tu n’as qu’à écrire la vérité. Les gens la sauront, ainsi.

Ses mots simples me frappèrent comme une révélation. Pourtant, je doutais.

- Me croiront-ils ? S’intéresseront-ils à ce que j’écrirai ?

- Ici, les gens t’estiment. Si la vérité vient de toi, ils l’écouteront. 

Je ne trouvais rien à redire à ses paroles. Ce qu’il me proposait était sage, tentant. 

Mais le temps me manquait : la Podestà réclamait sans cesse de nouveaux spectacles, s’accrochant à l’illusion du théâtre pour échapper à la réalité. Un jour du mois de Suspiro, elle me commanda une représentation grandiose, destinée à éblouir les dirigeants ennemis conviés pour des négociations. L’ordre était clair : la troupe devait émerveiller, ou périr dans l’oubli. Nous répétâmes sans relâche, jours et nuits confondus, épuisés mais tenus par l’angoisse.

La veille de la représentation, le malheur s’abattit sur nous : l’une de nos actrices fut terrassée par une fièvre soudaine, incapable de quitter son lit. Je fus anéanti. L’idée d’annuler ou même de fuir me traversa l’esprit. Je restai longtemps, les yeux clos, perdu dans mes réflexions. Quand je les rouvris, Endazur se tenait face à moi. Je le regardai, et un sourire naquit sur mes lèvres. Ses cheveux tombaient désormais jusqu’aux épaules, son visage avait cette beauté androgyne, et sa silhouette fine évoquait celle de l’actrice absente. Il pouvait la remplacer.

A ma proposition, il pâlit, horrifié. Terrifié à l’idée d’être livré au regard de la foule, il s’enfuit, comme pour échapper à une condamnation. Pourtant, le temps passé ensemble avait creusé en lui une fissure : il me comprenait davantage, et, je l’osais croire, commençait à m’apprécier. Ce fut sans joie, mais avec résignation, qu’il finit par accepter.

Ce soir-là, la salle était comble. Habituellement, nos représentations se jouaient sur les places publiques, à ciel ouvert. Mais cette fois, la Podestà avait ouvert pour nous la vaste salle d’apparat de son palais. Derrière la fente du rideau, je scrutai l’assemblée, le souffle court. Jamais je n’avais vu autant de figures puissantes réunies en un même lieu.

Au centre trônait Zelys, radieuse, entourée comme à l’accoutumée de ses nombreux amants. A sa droite, le Podestà de Clytène, un vieil homme austère, observait la scène avec méfiance. A sa gauche, Hyasis, Podestà d’Asène, s’était installée près d’Orèpe, accompagné d’un jeune prêtre, d’Andène. Le poids de ces regards, la menace de leurs jugements, me fit frissonner : voilà longtemps que je n’avais pas senti une telle peur avant d’entrer en scène. Je n’étais pas le seul : ma troupe entière tremblait de la même angoisse, chacun tentant maladroitement de la dissimuler. Je m’efforçai d’afficher un sourire rassurant.

Seul Endazur paraissait étranger à l’agitation. Il était assis face à un miroir -chose rare- et regardait interloqué sa nouvelle apparence. Nous l’avions paré d’une robe bleue de femme, de nombreux bijoux et il était lourdement maquillé. Quand je le voyais ainsi, je ne parvenais plus à me souvenir de l’esclave au crâne rasé et aux yeux durs que j’avais acheté. Je passai voir les comédiens un par un, leur glissant un mot d’encouragement. Endazur resta muet. Ses mains tremblaient.

Alors le rideau s’ouvrit, et nul retour n’était possible. J’enfilai mon masque et pénétrai le premier sur scène, lentement. Comme toujours, dès que mon visage se dissimulait sous ce visage de bois, la peur se dissipait. Nérion restait derrière les rideaux, et je devenais la Voix Errante, le comédien. Ma voix s’éleva, puissante. Aussitôt, le silence s’abattit sur la salle : le spectacle commençait.

Lorsque vint mon tour de céder la place, je regagnai les coulisses, les jambes déjà lourdes, et observai Endazur. Il avança d’un pas incertain jusqu’au centre de la scène. Nous avions répété sans pause depuis la veille. Il avait appris chaque phrase, chaque geste avec une assiduité surprenante. Il s’apprêta à parler. Un instant, je craignis que sa voix soit trop faible pour se faire entendre, que sa mémoire lui fasse défaut.

Mais dès qu’il ouvrit la bouche, Endazur s’effaça. Il n’était plus l’esclave taciturne, mais Lasthena, princesse souveraine et radieuse. Sa voix vibrait de justesse, ses gestes étaient d’une aisance naturelle. Jamais il n’avait joué ainsi lors des répétitions. Je vis sur le visage des autres acteurs la même surprise que la mienne.

La pièce se déroula sans heurt, portée par une grâce inattendue. Moi-même, par instants, j’oubliais le texte, j’oubliais la scène, me laissant happer par l’imaginaire. Je connaissais chacun de mes acteurs, ils n’avaient plus à me démontrer leur talent. Mais Endazur… Endazur, en ce moment, ne jouait pas Lasthena. Il était Lasthena.

Alors que tous sortaient sous les applaudissements d’un public convaincu, il s’avança vers moi, m’aida à me mettre debout. Je saisis sa main avec toute la force qu’il me restait. Sans réfléchir, je murmurai : « Tu étais brillante ». 

Pour la première fois, son visage s’éclaira d’un sourire.

Ce fut la dernière fois que les dirigeants de l’Archipel se réunirent. Dès l’année suivante, notre monde devait se déchirer. Les combats devinrent le quotidien des hommes. Vélymène, d’abord, prit l’avantage : Clytène fut écrasée sous les assauts, puis soumise à un siège interminable. 

Je songeais alors à Pysctas. Il ne faisait aucun doute qu’il était resté dans cette cité qu’il aimait tant.  L’inquiétude me rongeait, même si le destin nous avait depuis longtemps séparés. Je ne savais plus rien de lui. Peut-être était-il mort. Peut-être ne gardait-il même plus aucun souvenir de moi.

Je souffrais de ce déchaînement de violence. J’étais réduit à l’état de spectateur malgré moi, et toute l’énergie que je mettrai dans ma voix n’aurait pu apaiser la haine du cœur des hommes. Chaque jour m’alourdissait un peu plus. Je me sentais vieillir trop vite : certains soirs, en fermant les yeux, je croyais que le soleil ne se lèverait plus pour moi.

Si ma vie touchait à sa fin, celles d’Aleone et Endazur n’en était qu’à leur commencement. Il me parut comme un devoir de leur offrir ce que je pouvais encore donner : leur liberté. Lorsque j’énonçai ce mot, je vis le regard d’Endazur. Liberté. Avant de partir, il conversa longuement avec Aleone. Puis il me fit ses adieux. Je lui répétai inlassablement le seul message que je pouvais lui léguer : abandonner ses rêves de vengeance, et vivre. Vivre, maintenant qu’il le pouvait. Son silence fut sa seule réponse. Je n’ai jamais su lire dans ses yeux. Je le regardai s’éloigner avec regret, ses longs cheveux noirs flottant derrière lui.

Aleone, elle, refusa de partir. Elle n’avait ni famille, ni foyer où retourner. Elle choisit de rester à mes côtés, et peu à peu, prit place parmi nous sur les planches. Sa présence adoucit ma peine après le départ d’Endazur. Pourtant, même lorsqu’elle se tenait près de moi, j’éprouvais parfois le sentiment cruel de son absence. 

Ma première pensée lorsque je me réveillais était toujours la même : Où était Endazur ? Que faisait-il, en cet instant ? Alors que je sentais mes forces décliner, toutes mes inquiétudes étaient tournées vers lui. J’aurais pu me laisser dépérir à Vélymène, mais une décision s’imposa à moi : entreprendre un dernier voyage.

Je choisis Brynène, accompagné seulement d’Aleone, pour atteindre le grand sanctuaire de Zuasyn. L’ultime étape de mon chemin de rémission. Nous marchâmes longtemps, avançant lentement, marquant de fréquentes haltes. Je craignais que mes jambes refusent de me porter, et pourtant, contre toute attente, elles me menèrent jusqu’au sanctuaire. Lorsque nous y parvînmes, après des mois de marche, je me sentais plus vivant que je ne l’avais été depuis longtemps.

Mais notre séjour à Brynène dut se prolonger bien au-delà de ce que j’avais prévu. Vélymène s’était enfoncée dans une guerre civile sans précédent. Morts d’inquiétude, il nous fallut attendre sans nouvelles de notre troupe, sans savoir ce qu’il advenait de la cité. Puis les mois devinrent des années.

Durant ces années à Brynène, une seule venue vint troubler notre quiétude. En l’an 115, peu après l’annonce de la mort de notre Podestà, - dont on murmurait qu’elle s’était elle-même donné la mort -, je reçus une visite que je n’attendais plus. Un matin, il frappa à notre porte. Ce fut Aleone qui lui ouvrit. J’étais assis sur un divan, accablé par la chaleur. Je ne reconnus pas tout de suite sa voix. J’entendis ses pas se rapprocher. Puis il apparut devant moi. Je crus rêver.

- Pysctas.

Il n’avait pas changé, juste vieilli. Il se tenait toujours aussi droit, affichait la même mine sérieuse que quand je l’avais quitté. Son regard vacilla et il s’agenouilla devant moi, me saisit la main. 

- Comment as-tu… ? 

La question s’évanouit sur ma langue. Il m’expliqua comment il avait découvert ma nouvelle identité, son périple vers Vélymène, puis jusqu’à Brynène.

- Tu avais raison, dit-il enfin, nous nous retrouvons, et nous sommes des vieillards.

- Que veux-tu ? 

Il se releva doucement, comme surpris par ma question. Ses yeux plongèrent dans les miens, et je retrouvai ce regard que je n’avais pu oublier, celui de l’homme que j’avais tant aimé.

- Je suis venu pour toi. 

Il baissa le regard, retenu par la pudeur qui vient avec l’âge.

- Maintenant ?

Des années durant, j’avais rêvé de ce moment, espéré le revoir, le serrer de nouveau contre moi. Mais à présent que je l’avais devant moi, je ne ressentais que lassitude.

- Cela fait quarante ans. Je ne sais plus qui tu es.

Il essuya le reproche sans broncher. 

- J’ai perdu un être cher. Et j’ai compris que je ne pouvais me résoudre à laisser partir ceux que j’aimais. 

Son regard s’assombrit quelques instants, puis reprit son éclat. Il me dit qu’il m’avait promis qu’un jour viendrait où nous pourrions vivre ensemble comme nous l’avions fantasmé, et que ce jour était venu. Je ne répondis pas tout de suite. Une seule pensée tournait en boucle dans ma tête : trop tard. J’avais cru que le revoir me procurerait de l’émotion, mais j’étais vieux, la passion s’était éteinte, et j’avais depuis longtemps relégué l’amour au passé. Je crois qu’il comprit immédiatement. Il fronça les sourcils.

- L’âge n’a pas changé mes souvenirs. Je n’ai pas cessé de t’aimer, Nérion. 

Je détournai la tête. Cela faisait bien longtemps que j’avais abandonné ce nom et il m’était cruel de l’entendre dans sa bouche.

- La guerre fait rage, continua-t-il, ce monde me dépasse. Revoir ton visage, entendre ta voix sont la seule consolation que j’ai eue depuis bien longtemps. 

Voyant que mon regard restait froid, le sien se referma. Le silence s’étendit entre nous. Il soupira.

- Mais à présent c’est toi qui me rejettes. Soit. Ce sont de vrais adieux, cette fois. Je retourne à Clytène. 

Je sursautai.

 - Clytène est affaiblie, à feu et à sang. Elle… 

Son visage se crispa, s’éclaira d’un étrange sourire.

- Avec moi, Clytène vaincra. 

Ce furent ses derniers mots. Il tourna les talons et disparut.
Quand je me retrouvai seul, je restai en silence. Encore une fois, les souvenirs m’assaillirent. Je demandai qu’on me laisse tranquille, et la soirée entière se passa ainsi : perdu dans mes pensées, je revis sans fin l’image de mon dernier amour.

Je ne retournai pas à Vélymène avant l’an 118. Tout le monde aujourd’hui connaît sa triste destinée. Saccagée, brûlée, sa population réduite en esclavage, elle n’est plus qu’un vaste cimetière. Il me fallut faire le deuil de Lalya et de toute ma troupe. Je ne sus jamais quelle fut leur mort.

Aleone et moi nous retrouvâmes plus seuls que jamais. La maison où nous habitions était lourde de silence, de solitude et de tristesse. Les larmes devinrent mon quotidien, les cauchemars revinrent me hanter, et j’étais à présent trop faible pour les repousser. Mon corps déclinait chaque jour davantage, et il me fut bientôt impossible de tenir une plume.

Alors la colère monta en moi. Contre Zuasyn, contre Ilaman, contre les dieux qui semblaient s’acharner à prolonger mon agonie. Je brûlais de leur hurler qu’ils me tuent enfin, qu’ils mettent un terme à cette vie qui m’écrasait. Pourquoi me maintenaient-ils encore ? Pourquoi moi, un vieillard sénile, brisé, que la douleur avait déjà consumé ?

Poussé par Layla, je retournai à Vélymène quelques mois après sa destruction. Je n’avais plus la force d’y revenir à pied, et ce fut à cheval que nous approchâmes de la cité que j’avais tant aimée. Elle n’était plus qu’un champ de ruines. Le vent s’engouffrait entre les colonnes solitaires et arrachait aux pierres des soupirs funèbres. Par endroits, une fumée grise s’élevait encore, ultime vestige des incendies qui avaient tout consumé.

Nous menions nos chevaux à travers les décombres, évitant de croiser nos regards, de peur que les larmes ne nous submergent. J’avais le cœur brisé. Chaque pierre effondrée me rappelait un visage aimé. Je pensais à mes compagnons… Avaient-ils péri dans les flammes ? Ou bien erraient-ils à présent, enchainés en rang ? Ces images m’étaient insupportables.

Un instant, je crus m’évanouir, mais je tins bon. Je levai les yeux, Aleone avait mis pied à terre. Devant elle, une silhouette, de dos, aux longs cheveux blonds, errait parmi les ruines. Elle s’approcha, et l’inconnu se retourna. Impossible de lui donner un âge, ni même un genre. Tout ce que je compris de lui, ce fut sa peine. Les larmes sillonnaient son visage fin, rougissaient ses yeux bleus. D’une voix douce, Aleone lui demanda s’il allait bien. Il fit quelques pas vers nous.

- Vous aussi… vous avez perdu un être cher, soufflai-je.

Il leva ses yeux noyés de tristesse, esquissa un sourire amer.

- La mort a emporté celui que j’aimais.

Il ne me fut pas difficile de compatir à la douleur d’un tel arrachement.

- Avez-vous un cheval ? De quoi manger ? s’enquit Aleone d’une voix inquiète.

Il secoua la tête, hagard.

- Je n’ai rien. Mais je ne peux me résoudre à quitter cet endroit.

- Venez avec nous, proposa-t-elle. Ce lieu n’est que désolation. Nous habitons à Brynène.

Il se nommait Andophane. Nous apprîmes qu’il pleurait Zane, son amant, un comédien comme nous. Deux mois durant, il vécut à nos côtés. Peu à peu, il s’ouvrit : il échangeait avec moi de longues conversations, jouait aux dés avec Aleone. Sa présence emplissait ma maison d’une chaleur nouvelle. Attentif, prévenant, il veillait à mes moindres besoins et s’acquittait des corvées avec une ardeur qu’aucun de nous n’avait jamais eue.

Le soir, il me parlait de sa philosophie. Nous rêvions du même monde. Mais en lui ces rêves brûlaient encore, quand en moi ils n’étaient plus que cendres. Après le repas, il allait se coucher tôt, et quand je passais devant sa porte, je l’entendais parler à son amant perdu. Puis, un jour, son sourire reparut, ses yeux se rallumèrent. Il nous remercia de notre accueil, et s’en alla, sans dire où ses pas le porteraient. Son deuil était achevé.

Peu de temps après, un matin où mes douleurs me clouaient au lit, j’appelai Aleone. Lorsqu’elle entra, je lui désignai le bureau. 

- Assieds-toi, lui dis-je, j’ai une mission à te confier. 

Cette mission était celle qu’Endazur m’avait confié, il y a longtemps déjà. J’avais tardé à la remplir, et le temps était venu. Elle fronça les sourcils, intriguée.

- Prends la plume et du papier.

Elle s’exécuta. Je la fixai un instant puis déclarai :

- Et maintenant, mettons-nous au travail. Nous avons un ouvrage à écrire.

Elle releva les yeux vers moi. Je commençai, d’une voix lente.

- L’histoire de notre Archipel trouve son origine dans le courage d’une poignée d’hommes, venus trouver refuge sur des terres hospitalières. 

Alone traça mes mots, puis leva vers moi un regard lumineux. 

- Tu écris l’Histoire ? 

- C’est du moins mon ambition. Un livre qui dirait tout, les commencements et achèvements, les paix comme les guerres, et les noms de ceux qui gouvernèrent. Et…

Elle m’interrompit. 

- …Et comment s’appellera-t-il ?

Je sentis un sourire naître sur mes lèvres.

- Les Chroniques de l’Archipel.





 

 

 

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Shadowmoon
Posté le 08/09/2025
Chapitre à la première personne . Ironiquement , ce sont les chapitres que je préfère et que j’ai le plus de mal à écrire .
J’ai hâte de lire la suite . Elle est prévue pour quand ?
Edouard PArle
Posté le 08/09/2025
Coucou Shadow !
Bien joué, tu nous a rattrapés xD
La suite devrait arriver prochainement, content que tu aies apprécié le passage à la 1ère personne (=
A bientôt !
Maëlys
Posté le 14/09/2025
Coucou !
super que tu aimes bien la première personne, moi j'adore écrire comme ça ! La suite arrive !!
Bleiz
Posté le 25/08/2025
Salut Maëlys et Édouard,

J'avoue que quand j'ai vu 8k mots, j'ai été surprise, surtout que le titre était d'un format différent x) Chapitre spécial donc, qui ouvre à la première personne ! Je suis très, très curieuse pour le coup. C'est parti pour un (je ne me fais pas d'illusion) très long commentaire :

-Nérion, nouveau personnage (ou pas ? Un changement de nom ne me surprendrait pas).
J'ajoute aussi que cette entrée dans le texte m'a accrochée d'entrée de jeu, notamment parce que ça tombe au milieu du récit.

-Est-ce que c'est lui la Voix Errante ? Je pose mon hypothèse là

-Présentation d'un nouveau peuple, peut-être disparu en 123… Un peuple de conteurs, d'artistes en tous genres et de rêveurs, ça me plaît !

-Ça me rappelle un tout petit peu l'atmosphère du 1er tome de Chronique du tueur de roi, avec Kvothe ? Je ne sais pas si vous connaissez

-"Je découvris chaque recoin de l’Archipel sans m’y intéresser vraiment. Rien de ce qui se jouait hors de mon esprit ne comptait à mes yeux." --> c'est marrant qu'il juge que son monde intérieur n'est pas nourri par l'extérieur. C'est illogique, une marque d'arrogance, arrogance qui s'étend dans son mépris pour le reste de son peuple "

-Ce rêve d'une vie différente, qui n'existera pas, est bien posé. C'est tragique de connaître la fin avant les personnages concernés

-"Je n’ai jamais su d’où venait cette colère qui me dévorait." --> Caractère personnel ? Environnement ? Frustration qui s'est construite au fil des années ? J'écris ça plus parce que j'ai l'impression de lui répondre. C'est marrant, comme il parle à la première personne, j'ai l'impression qu'il s'adresse directement à moi à travers le texte !

-Un peu classique la dynamique de la jeune fille handicapée toute douce et pas bavarde qui est la seule à pouvoir calmer le personnage masculin, mais ça s'emboîte bien ici

-"Je m’approchais d’elle," --> il me semble que c'est du passé simple, il faudra jeter un œil là-dessus car je crois qu'il y a confusion à plusieurs endroits

-J'allais dire que la scène entre Etsebel et Nerion était vraiment douce et touchante, et puis Amar a débarqué…
Ah il est mort. Bon, je m'en doutais vu le moment qu'il a choisi pour ramener sa fraise, mais aouch. Encore un évènement qui va laisser sa marque sur Nérion…

-"Je ne la revis jamais. " --> ooof. OK, aouch. C'est à cause de ce genre de moments que je me méfie de vous constamment, vous le savez ça ?

-"Je maigris, mes cheveux blonds descendirent jusqu’au bas de mon dos" --> pas une grande importance, mais je l'imaginais brun, ça m'a déstabilisé de le savoir blond

-"Je n’avais aimé personne, et personne ne m’avait jamais aimé. Même Etsebel devait maintenant me haïr. " --> Problème de cohérence ici. Tout le texte est écrit avec certitude, avec le poids des années qui lui permettent d'avoir du recul et de raconter son histoire d'un PDV presque neutre. La deuxième phrase ne colle pas avec cette perspective. Dire "je m'imaginais Etsebel me haïssant" ou qqch du style serait plus cohérent

-"Peut-être qu’Ilaman intervenait en silence, me préservant pour que je devienne plus tard sa voix." --> Un prophète ! J'aime les prophètes, j'en ai un aussi, il a aussi eu sa phase dépressive, ça doit faire partie de la profession

-"Chaque personne que je touchais, même un instant, semblait s’embraser sous mes doigts" --> J'aime beaucoup cette phrase, l'image est puissante

-"Plus éloquent encore que les autres, il soutint sa cause avec force. " --> Tiens, ça me rappelle quelqu'un…

-"C’est ainsi que je fis la rencontre de Pysctas Orphane." --> ????? Je suis confusion. Quoiqu'en y réfléchissant, c'est pas ahurissant. Il y en a eu plein, des orateurs charismatiques qui ont tourné agents du pouvoir et tyrans…

-"Je ne lui dis pas non plus mes origines. La civilisation d’où je venais était si différente de la sienne qu’il n’aurait pu comprendre. " --> Vu comment il traite les gens, tu aurais pu finir avec des chaînes au cou

-"Il avait des idées très arrêtées sur les choses. Il me parlait de progrès, d’expansion économique. " --> Oui, lui et d'autres…
Blague à part, j'aime cette amitié impossible sans le mensonge, aux sentiments pourtant sincères. Vous ajoutez une dose d'humanité à Pycstas, c'est top !

-"Un sourire illumina son visage. Il eut un temps d’hésitation puis il prit mon visage entre ses mains et m’embrassa. " --> Ouuuuh, romance tragique, je te vois venir…

-"Quelqu’un m’aimait, pour la première fois." --> Elsebet aurait un mot à te dire…

-"Ce n’est qu’au moment où il me montra sa demeure que je compris l’immense distance entre nos deux mondes" --> c'est comme la scène d'Orgueil et Préjugés avec le résultat inverse.

"Tu me demandes d’attendre, mais ce plus tard n’existera jamais pour nous." --> Le plus tard est superflu, vu la répétition juste avant. On le sait, Pycstas n'a qu'à lire entre les lignes

-"Et dans ce mot, je sentis tomber le rideau sur tout ce que nous avions partagé." --> ça fait comme un rappel à son peuple de comédiens et d'artistes, une formulation qui trahit son éducation

-"Je travaillai alors à me remémorer les histoires des conteurs de mon peuple, les enrichissant à ma manière." --> Qu'est-ce que je disais. Il est parti et il revient, et avec un peu de chance il va finir par forger une vie où il est à la foi lui-même et en paix…

-"En l’an 105, à l’âge de cinquante et un ans, je devins la Voix Errante. " --> YES !!!!!!!!!

-Je suis en train de me dire qu'on est en 105 et il n'y a pas encore eu mention de la Guerre des Chaînes… Ça ne devrait pas tarder.

-"Un comédien de ma troupe me conseilla alors d’acquérir un esclave pour m’aider. " --> Marrant qu'il n'ait visiblement aucune forte opinion sur l'esclavage. On aurait pu croire qu'avec sa vie et ses expériences, il se soit intéressé au sujet, surtout compte tenu de la violence inhérente au système.

-"Je compris à ses yeux qu’il venait des Cent Lacs" --> Est-ce que vous comptez faire un chapitre un peu plus centré sur les Cent Lacs ? Le lieu réapparait constamment, en filigrane, à travers les personnages. Je serais curieuse d'en voir plus

-"Je suis esclave, rétorqua-t-il aussitôt. " --> Exactement. En plein dans le mille.

-"En l’an 113, la Guerre des Chaînes éclata, sanglante. " --> Le moment que j'attendais ! On est partis !

-Toute la scène de la pièce de théâtre était magnifique. Impeccable, et la question du genre que je crois discerner avec Endazur est bien menée. Chapeau !

-" Tu avais raison, dit-il enfin, nous nous retrouvons, et nous sommes des vieillards." --> DID YOU KISS THE BRICK BEFORE THROWING IT AT MY FACE ???

-"Son visage se crispa, s’éclaira d’un étrange sourire." --> Typiquement masculin. Le mec se fait largué et il va faire la guerre ! Non je plaisante, mais franchement la réaction de Pycstas montre bien qu'il n'a pas changé. Sa soif de conquête était là depuis le début et l'amour qu'il a pour Nérion ne peut pas le changer.

-"Il se nommait Andophane" --> Encore un nom familier !!

-"Alone traça mes mots" --> faute de frappe dans le prénom. J'aime bien l'idée que la Voix Errante ne soit pas que Nérion, mais aussi elle qui rédige.

Super chapitre ! J'avais peur du nombre de mots, finalement c'est passé tout seul. Le rythme, le fait d'avoir tout une vie dans un seul chapitre ont gardé mon attention jusqu'au bout. En revanche, je ne peux m'empêcher de me demander ce que ce chapitre signifie. Pourquoi l'avoir écrit maintenant, à ce moment de l'histoire ? Est-ce qu'il va servir de pivot ? Je n'ai pas eu le sentiment que ce soit la fin du T1, quoique ç'aurait pu faire un effet sympa. Si j'avais une seule critique à faire sur l'ensemble du chapitre, ce serait ça : j'ai beaucoup aimé, mais j'ai du mal à en discerner le but. Quel est l'effet recherché ? J'imagine que ça s'éclaircira avec les chapitres suivants.

À bientôt !
Edouard PArle
Posté le 01/09/2025
Coucou Bleiz !
Oui effectivement, un chapitre assez différent xD
"1er tome de Chronique du tueur de roi, avec Kvothe ? Je ne sais pas si vous connaissez" de nom, pas lu encore, tu conseilles ?
"OK, aouch. C'est à cause de ce genre de moments que je me méfie de vous constamment, vous le savez ça ?" ahah
"????? Je suis confusion." Content que ça t'ait surprise xD
"Vous ajoutez une dose d'humanité à Pycstas, c'est top !" Oui, c'est l'objectif xD !
"J'aime bien l'idée que la Voix Errante ne soit pas que Nérion, mais aussi elle qui rédige." Une idée qu'on a eu en dernière minute et qui est chouette oui !
Cool que tu aies apprécié !! Quant à l'effet de ce chapitre sur le reste de l'histoire, je pense que tu le comprendras en effet assez vite^^
Merci beaucoup de ton retour !!
A bientôt !
Maëlys
Posté le 02/09/2025
Coucou Bleiz,
C'est en effet un chapitre un peu particulier et très (très) long, contente que ça ait passé vite pour toi ! J'avais un peu peur de perdre le lecteur mais tant mieux si ça fonctionne bien.
Contente que l'introduction marche bien, je voulais vraiment faire un style autobiographique.
Bon bah du coup ton hypothèse était bonne ah ah, bien joué !
-Présentation d'un nouveau peuple, peut-être disparu en 123… Un peuple de conteurs, d'artistes en tous genres et de rêveurs, ça me plaît !
"Chronique du tueur de roi" : je connais pas mais je retiens le nom si tu le recommandes !
Oui carrément, j'aime bien utiliser la première personne, ça change le rapport au lecteur je trouve !
"Un peu classique la dynamique de la jeune fille handicapée toute douce et pas bavarde qui est la seule à pouvoir calmer le personnage masculin" : oui c'est vrai qu'après réflexion c'est pas l'idée la plus originale de ce roman ah ah, mais j'espère que c'est quand même pas trop trop cliché
désolée de te faire souffrir, promis on est pas aussi cruels dans la vraie vie !
" il a aussi eu sa phase dépressive, ça doit faire partie de la profession" : mdrrrr
toute la partie avec Pysctas est faite pour étonner, contente que ça marche !
Aussi trop contente que tu aimes bien la dynamique Nérion (puis Voix Errante)/Pysctas
"c'est comme la scène d'Orgueil et Préjugés avec le résultat inverse" : c'est vrai maintenant que tu le dis, j'y avais pas pensé !!
Ce chapitre sert pas mal à poser les détails chronologiques, notamment la guerre des chaînes, j'espère que c'est pas trop lourd à digérer.
Concernant les 100 lacs, on va développer tout ça (rien que pour toi)
Merci !!! super que tu aies bien aimé la scène de théâtre !!
"DID YOU KISS THE BRICK BEFORE THROWING IT AT MY FACE ??" ah ah désolée...
Yes j'aime bien aussi le rôle d'Aleone dans la rédaction des Chronqiues de l'Archipel, on a pensé à ça à la toute fin en vrai !
Merci beaucoup, trop bien que tu aies aimé !!!! Je te dis pareil qu'Edouard concernant le but de ce chapitre ;)

A très vite !
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