Eléonore était ravie. Antoine dans son équipe, elle n’aurait pu imaginer une chance pareille. Quand il souriait, on voyait qu’il avait des dents vraiment parfaites et ça, c’était le critère numéro un pour la faire craquer. Il ne parlait pas à torts et à travers, quand il disait quelque chose, c’était toujours pertinent. En plus, il était drôle. Et puis il se souciait des autres, comme elle avait pu le voir hier soir. Pour former le combo gagnant il ne manquait qu'à connaître sa situation financière. Impossible de la déterminer pour le moment.
Il s’exprimait bien, il avait reçu une bonne éducation. Tout à l’heure il avait employé le mot « obséquieux » : elle n’était même pas sûre de bien savoir elle-même ce que ça signifiait. Il lui plaisait tant, que sur l’instant, s’il lui apprenait qu’il était fauché, elle continuerait de le draguer. Ce n’est que le début de l’année, pensa-t-elle. Je peux largement prendre du bon temps avec un gars charmant avant d’en dégoter un autre qui serait un bon parti.
Antoine était à mille lieux de se douter des pensées d’Eléonore. Quand on est gay, on voit les filles comme des copines et les trois quarts du temps, on ne se rend compte qu’il y a un truc qui cloche bien trop tard. Ça lui était déjà arrivé au lycée, sa meilleure amie était tombée amoureuse de lui. Il était toujours poli avec les filles, à l’écoute, ne les jugeait pas, leur donnait des bons conseils : il n’en fallait pas beaucoup plus pour qu'elles y voient la marque d’un intérêt dépassant le stade amical. Et cette fille en prépa qui l’avait dragué pendant plus d’un an sans qu’il ne s’en rende compte… Quand il avait enfin compris et lui avait dit qu’elle n’était pas vraiment son genre, elle lui avait répondu qu’il n’en savait rien tant qu’il n’avait pas essayé ! Comme s’il fallait goûter un truc qui nous répugne pour savoir qu’on ne l’aimait pas… « Pas besoin de manger des tripes pour savoir que ça va me faire vomir », lui avait-il répondu. Evidemment, après ça, elle n’avait plus insisté.
D’autres avaient déjà remarqué la veille au soir, quand ils buvaient un verre au bar, qu’Antoine et Eléonore s’étaient rapprochés. Le prestige d’Antoine parmi les étudiants de première année avait fait un bond spectaculaire, comme si l’intérêt que lui portait la plus jolie fille de la promo le propulsait en tête de la côte de popularité. Qui plus est, leurs parrain et marraine d’équipe n’étaient ni plus ni moins que LE couple star de l’école, le président du BDE et la chef des pompons girls : Mathieu et Béatrice. Cette dernière avait déjà repéré Eléonore en possible successeur à la tête de sa brigade de charme. Elle avait déjà le premier critère essentiel selon elle : le physique. Elle décida, dans un élan de générosité, de la prendre sous son aile et lui proposa de faire l’épreuve de la piscine ensemble.
Il s’agissait de réaliser un parcours sur l’eau en franchissant tout un tas d’obstacles divers et variés, le plus rapidement possible, le tout affublées de déguisements de sirènes et attachées l’une à l’autre par un bras. Eléonore accepta et il faut avouer qu’elle s’en sortirent plutôt bien, faisant le meilleur score de la matinée. Alors qu’elles se séchaient dans le vestiaire après l’épreuve, Béatrice lui demanda : « Je ne t’ai pas vue passer sur le stand des pompons girls le jour du forum des associations ?
- Tu sais, j’ai fait beaucoup de sport plus jeune et j’ai plus vraiment envie de continuer, lui confia Éléonore.
- Ah mais c’est vraiment dommage ! En plus tu es sportive et musclée, c’est exactement le profil qu’on recherche ! »
Eléonore ne voulait pas être désagréable et prit le temps de réfléchir avant de formuler sa réponse. Elle savait qu’elle avait tendance à parler trop vite et pressentait que se mettre Béatrice à dos n’était pas une bonne idée. « C’est gentil mais je suis pas intéressée. Et puis vu le monde qu’il y avait sur ton stand ce jour là, tu ne dois pas manquer de recrues.
- Non c’est vrai, il y a quelques filles qui sont bien… » concéda-t-elle, flattée qu’elle ait remarqué le succès de son association lors du forum. Elle poursuivit : « Tu comprends, être sportive, avoir l’esprit d’équipe et être enthousiaste, c’est bien, mais il faut aussi avoir un physique. Dans les compétitions avec les autres écoles, si on a des filles mal foutues ou trop grosses, ça rend mal sur les vidéos et on a des commentaires du public... J'ai rien contre les grosses mais bon... Tu vois par exemple, cette année, on a une fille trop grande, on ne voit qu’elle, c’est moche ! »
Le sang d’Eléonore ne fit qu’un tour : « Alors pas trop grosse, pas trop grande, mais par contre trop conne c’est indispensable visiblement ? Je pense que j'ai vraiment pas le profil, tu vois. Et réfléchis avant de parler, vu le nombre de saletés que tu débites à la minute, je comprends pas que tu t'étouffes pas avec ta salive. »
Béatrice resta bouche bée, la basket qu'elle s'apprêtait à enfiler à la main, pendant qu’Eléonore quittait le vestiaire. Elle sortit vivement, furieuse. Elle se doutait qu’elle venait de faire quelque chose qui n’allait pas lui faciliter la vie, mais cette fille était vraiment trop bête et méritait d’être remise à sa place. Je suis sûre qu’avec toutes mes années de gymnaste, je serais une bien meilleur coach que cette pimbêche pour les pompons de l’école, pensa-t-elle.
Sa colère s’adoucit à la vision d’Antoine qui lui faisait un signe de la main. Il était en grande discussion avec Mathieu. Elle s’approcha et Mathieu lui demanda, rigolard : « Alors, t’as noyé Béa sous la douche ?
- C’est pas l’envie qui m’en manquait, mais non », répliqua-t-elle d’un ton incisif.
Mathieu crut à une blague, bien entendu. Il saura bien assez vite que ça n’en était pas une, se dit-elle. « De quoi vous parlez ? » demanda-t-elle, voulant changer de sujet.
- Antoine me demandait si je faisais de la muscu, s’il y avait une salle à côté de l’école.
Antoine se tourna vers Eléonore, la prenant à parti : « Tu ne trouves pas qu’il est vraiment musclé ? Regarde-moi ses bras franchement ! Ils font deux fois les miens ! »
Eléonore pensa : mais pourquoi les mecs se croient obligés de comparer leurs attributs ? Cette quête de virilité permanente était pénible. Est-ce que les nanas se comparent les nichons ? Il ne lui vint pas à l’idée qu’Antoine testait la porosité de la frontière hétérosexuelle de Mathieu pour éventuellement tenter une incursion. Elle haussa les épaules et lâcha une banalité qui l'affligea elle-même quand elle l'entendit sortir de sa bouche : « C’est pas la taille qui compte ».
Ils s’esclaffèrent en se donnant des tapes dans le dos.
« Ah voilà Béa ! » dit Mathieu en reprenant son sérieux.
Elle s’était remaquillée et adressa un sourire d’une fausseté effrayante à Eléonore. Les garçons ne remarquèrent rien. Mathieu leur dit : « Bon, on va rejoindre le reste de l'équipe au déjeuner ? Vous devez avoir faim après la piscine les filles ! Vous avez trop assuré quand même ! Vous formez une super équipe. »
- Grave ! » lâcha Béatrice. Iels se mirent en route. Eléonore se tourna vers Béatrice et lui dit, à voix basse : « Tu as du rouge à lèvres sur les dents. » C’était faux, mais ça lui fit du bien. Finalement, c’était peut-être Béatrice qui avait du souci à se faire.
-troisième paragraphe : "ça lui était déjà arrivé" et non pas "été"
-juste, au premier dialogue entre Béatrice et Eléonore, lorsque Eléonore parle, à la fin tu à fermé les guillemets alors que juste après, Béatrice enchaine
-de façon générale, il arrive que certaines guillemets soient placées un peu bizarrement par rapport au dialogue, peut-être qu'il faudrait que tu modifies ce petit problème
Mais sinon, l'histoire est toujours aussi intéressante !