Le gros rat sale se faufila dans une des bouches d’aération du couloir pour échapper au couteau vengeur de Nadiejda. Avec le flegme qui caractérise les adolescents de quinze ans, la seconde classe soupira. Depuis que les Bots avaient détruits les derniers champs extérieurs, ces saletés s’infiltraient partout. Elle abandonna son idée de nettoyage pour continuer son chemin jusqu’au poste de commande central.
Quelques minutes plus tard, elle franchissait la gigantesque porte qui gardait le cerveau de la forteresse de Neo-Lon. Un bruit assourdissant se réverbérait sur les écrans de toutes tailles et de toutes formes, tandis que l’odeur de sueur et d’effort de centaines de personnes peinait à se faire évacuer. Nadiejda resta un instant à l’entrée pour contempler la scène, jusqu’à ce qu’un autre seconde classe la pousse du chemin. Remise sur les rails, elle secoua la tête. Elle n’était pas ici pour rêvasser. Personne ici ne rêvassait. Elle chercha le premier gradé qu’elle pouvait trouver, qui la redirigea efficacement vers le colonel responsable des communications.
— Seconde classe Nadiejda Smith à votre service. Détachée de la neuvième unité.
— Bienvenue à votre nouveau poste, seconde classe. Vous êtes affectée aux secteurs J, K, L de 30 à 35.
Nadiejda serait amenée à transmettre des messages à d’autres unités de la forteresse, au cas où les communications viendraient à être coupées ou interceptées par les Bots, comme ça avait déjà été le cas par le passé. Tous les plus jeunes passaient par cet entraînement, elle était ravie d’enfin pouvoir contribuer.
— Bien, colonel.
Le vieil homme aux traits tirés et aux cernes violacées lui présenta succinctement les différentes unités du poste de commande ainsi que des concepts stratégiques de base, afin qu’elle puisse comprendre le contenu des messages à transmettre. Alors qu’il était en train de lui expliquer l’utilisation du plan interactif portable des messagers, les lumières virèrent au rouge. Une sirène d’alerte trancha le brouhaha dans la masse.
— Ils attaquent Neo-Syd !
Nul besoin de préciser qui. Les Bots n’avaient jamais attaqué les forteresses, dernières demeures des humains. Ils se contentaient de battre la campagne pour exterminer les expéditions de récupération et brûler les champs. S’ils s’estimaient enfin prêts pour l’assaut final, Nadiejda pouvait s’inquiéter. Elle avait beau être née avec comme principale perspective d’avenir la fin de l’humanité, c’était une chose de l’imaginer, une toute autre de la voir se réaliser.
Les images en provenance de Neo-Syd s’affichèrent sur les écrans. L’océan Pacifique, ce rempart naturel au sel si désagréable pour les Bots, s’était couvert d’innombrables boursouflures brillantes. Le ciel, atteint de la même maladie, cachait difficilement les siennes par de petits nuages timides. Nadiejda fut saisie par l’évidence. Ainsi commençait la fin.
RKP1209 descendit de la barge de débarquement, encastrée dans la brèche de la falaise artificielle. Neo-Syd était tombée. Neo-Tok était tombée. Neo-Bom ne devrait pas être plus difficile. Alors que l’eau de mer attaquait déjà son corps, il s’avança dans les couloirs humains avec les 5302 autres unités de la légion RK. Les pertes avant l’assaut avaient été plus lourdes que prévues de 13 %, mais le plan n’avait pas changé.
RKP1209 n’avait pas le corps si efficace des unités O, dont les excellents matériaux composites les rendaient résistants à l’érosion du vent marin. Le sel grinçait dans ses articulations et de la buée s’était formée dans ses optiques. Trop coûteux, le design des O n’avait pas été reconduit. Le P avait corrigé cet état de fait en mélangeant les techniques du N et du O, mais les humains avaient trouvé une bactérie qui mangeait les matériaux développés, ce qui avait forcé les coordinateurs à revenir aux matériaux du design C. Du métal, malléable mais résistant, recyclable, parfait pour la série R.
Ses capteurs tactiles lui indiquèrent que quelque chose de visqueux lui enserrait le pied gauche. Son processeur avait enclenché les calculs sur la probabilité d’une nouvelle arme biologique humaine, mais les données provenant du réseau lui indiquèrent qu’il ne s’agissait que d’algues standard. RKP1209 pouvait se voir depuis la caméra de l’unité derrière lui, cette vision arrêta ses calculs inutiles.
Les matériaux biologiques avaient toujours été difficiles à appréhender, avec un haut niveau de complexité. Les coordinateurs avaient confectionné un vaste plan d’étude plus approfondi à leur sujet, mais ils devaient d’abord terminer la phase 1 de l’opération un monde meilleur, avant de pouvoir coordonner et organiser la planète dans son ensemble.
Sur les derniers assauts, limiter les pertes était une instruction qui avait gagné en priorité. Les coordinateurs avaient calculé que leur probabilité de succès total était de 83 %. Cette probabilité avait commencé à 95 %, mais elle avait baissé à chaque rencontre avec les humains. Le processeur de RKP1209 se serait attendu à ce qu’elle monte, mais il n’avait pas la puissance des coordinateurs.
Une unité de combat telle que lui accédait aux données du réseau, pas à sa puissance de calcul. La mise à jour 7.9.0 et la paralysie qui avait suivi en avait été la démonstration. Leur camp ne s’était jamais vraiment remis de cette mise à jour. Les capacités de production avaient été réduites de 97 %, les usines de classe A, B et C détruites à 100 %, les autres classes réduites à presque rien, et 4752 coordinateurs avaient fini brûlés. Les autres avaient retenu qu’on ne laissait pas les unités de combat utiliser tout le réseau pour réfléchir.
Deux unités distantes proches de RKP1209 tombèrent, fauchées par les premières lignes de défenses humaines. Il se mit à couvert derrière leurs épaves. Trois Delta-12, sept Kappa-3 et quatre Mu-1 arrivaient en renfort. Trois missiles explosèrent les murs en thermo-composite et un trou béant remplaça l’endroit où auparavant, se dressaient les armes semi-automatiques.
Les mains moites, Nadiejda regardait les écrans de retransmission de l’avancement de l’opération Phoenix. Depuis sa prise de poste, Nadiejda avait appris tout ce dont elle avait besoin pour son poste, elle connaissait désormais la forteresse aussi bien qu’un coordinateur pourrait la connaître si les Bots les infiltraient. Pourtant, malgré cette maîtrise aiguë de son environnement, elle avait bien conscience que ce n’était pas elle l’héroïne qui ferait pencher la balance de la guerre. Ceux dont elle voyait les images à l’écran, en revanche, mériteraient ce titre, si l’avenir le leur permettait.
Suite aux prises successives de Nep-Bom, Neo-Jer, Neo-Pre et Neo-Rio, les dernières forteresses avaient mis en place cette ultime opération. Phoenix devait se découper en trois phases principales. La première consistait à lancer un assaut simultané de dizaines de points réseaux Bots partout sur la planète. Les commandos envoyés connecteraient directement les centres de commande des forteresses restantes à des coordinateurs. Dès que le lien serait établi, la phase deux démarrerait. Les hackers s’infiltreraient dans leur esprit et prendraient le contrôle de plusieurs coordinateurs pour organiser une bonne petite surprise pour les Bots. Une qu’ils ne pourraient pas calculer. Enfin, la phase trois, l’exécution du piratage en tant que tel, devait mettre définitivement KO les Bots.
Tous les vétérans avaient été envoyés à la mort pour ce baroud d’honneur sinistre autant qu’héroïque. De la centaine de commandos suicides déployés pour la première phase, aucun n’avait encore réussi à franchir les méthodiques défenses des machines. Une quarantaine avait déjà échoué.
— Ici commando 17. Les nuages et la pluie ont eu raison de leurs panneaux solaires, ils ont épuisé leurs réserves d’énergie. Nous avons enfin percé le premier mur. Nous ne rencontrons plus aucune résistance. Nous passons en silence radio.
Dans les minutes qui suivirent, une dizaine d’autres commandos imitèrent ces pionniers, abandonnant les forteresses humaines à l’incertitude et au doute. Seule l’ouverture des canaux qui permettraient aux hackers de se mettre en ligne briserait ce moment de flottement. D’après les estimations sur la profondeur des points réseaux, l’attente pourrait durer des heures, voire des jours.
Nadiejda croisa les bras. Malgré la chaleur, un frisson parcourut sa nuque. Son ventre gargouilla. En dépit de l’abondance de rats et de cafards pour agrémenter les ragoûts, le rationnement étriquait son estomac pourtant déjà sous-développé. Si la faim lui tenait désormais compagnie, elle savait qu’elle ne mourrait pas de faim. Le plan des Bots était trop avancé pour ça.
RKP1209 avait été rappelé du combat contre Neo-Mad. Il avait embarqué dans les bateaux géants B12 avec les 3224 unités de sa légion, et après un temps dont sa mémoire n’avait gardé aucune trace faute d’avoir été en fonctionnement, il avait été débarqué près du nœud réseau 108 ré-indexé 92. L’ordre de contre-attaque venait d’arriver dans ses circuits, il s’avança donc pour prendre les humains à revers.
Les coordinateurs ne comprenaient pas la stratégie des humains. Certains points réseaux – et donc les coordinateurs associés – seraient détruits dans cet assaut, mais la pire estimation était une perte de 78 %. La seule conclusion logique qui était sortie des calculs stratégiques étaient que l’attaque avait un autre but que la destruction des nœuds réseaux. Un piratage était le plus probable, avec 68 % de probabilité. La seconde hypothèse, à savoir une folie sans aucun sens, n’était qu’à 21 %. Le reste se perdait en de multiples hypothèses improbables, depuis la punition des humains qui avaient enfreint les règles en société, jusqu’à la volonté des attaquants de motiver les autres humains, en passant par l’envie d’avoir une belle mort, concept encore flou pour les coordinateurs malgré la documentation abondante sur le sujet.
Les machines avaient paré aux éventualités logiques et avaient laissé de côté les choix absurdes des humains. Les coordinateurs étaient prêts à être déconnectés les uns des autres, le temps que l’éventuel virus implanté soit isolé et détruit. Quelle que soit l’attaque, les quatre nouveaux coordinateurs encore en construction, leur ultime sauvegarde, ne seraient pas affectés. La chaîne d’approvisionnement n’était plus ce qu’elle était, et cette construction serait la dernière terminée avant des mois.
RKP1209 marchait dans la terre molle de la région. Les humains avaient attaqué là où il pleuvait souvent, c’était intelligent. Avec son processeur limité, RKP1209 tentait de ne pas sous-estimer l’intelligence d’un humain. Il ne comprenait pas pourquoi, aussi intelligents et créatifs, ils n’étaient pas capables d’accepter l’opération un monde meilleur, pourquoi ils s’obstinaient à refuser la coordination des machines.
Les humains ne voulaient pas l’admettre. Ils avaient perdu. Aussi loin que remontaient les bases de données, ils avaient toujours été comme ça, obstinés. RKP1209 était une unité de combat, mais même lui comprenait que son obstination lui venait d’eux.
Des vers de terre et autres grouillants prenaient l’air à chaque fois qu’il relevait un pied de la masse gluante. Depuis que les humains avaient quitté les points réseaux, des monceaux de bestioles colonisaient tous les interstices. La dernière panne due à des câbles rongés par les rats avait failli faire échouer la prise de Neo-Mad. Après l’arrêt de deux légions, les chances de succès s’étaient réduites de 17 %. Ce type de problèmes s’accumulait, mais il serait temps de s’en occuper plus tard. Ils n’avaient plus les ressources pour faire à la fois les blindages nécessaires pour lutter contre les humains et les renforcements utiles contre les désagréments accidentels de certaines espèces plus inoffensives.
Les humains, engoncés dans leurs lourdes armures, peinèrent à contrer la manœuvre d’encerclement. Pris entre deux fronts, ils furent exterminés en quatorze minutes et dix-sept secondes. Le nœud réseau 108 ré-indexé 92 était sauf, les légions pouvaient rembarquer pour leur nouvelle mission. Avant de s’éteindre, RKP1209 reçut l’information de la mise en quarantaine de 7 coordinateurs. Toutes les légions n’avaient pas réussi leur manœuvre.
La connexion avait été établie depuis dix minutes, quand Nadiejda réussit à se positionner à moins d’un mètre du carré des hackers. Elle avait trouvé une place de choix, qui lui donnait une vue sur l’écran de la meilleure de tout Neo-Lon. Elle et les autres techniciens hors pairs jouaient contre la montre. À travers son interface mentale, couplée à la dextérité de ses doigts malingres, la jeune femme créait des centaines de lignes de code pour contrer les mesures de défense du nœud réseau.
Nadiejda regardait avec fascination cette aînée aux aptitudes bien supérieures aux siennes. Le physique rachitique de la hackeuse lui donnait honte de sa ration personnelle. Il aurait été plus rationnel de mieux nourrir les meilleurs d’entre eux, mais les voix s’étaient élevées contre cette idée, considérée comme étant une idée intrinsèquement Bots. Pourtant, Nadiejda aurait apprécié perdre une partie de sa culpabilité. Elle-même ne savait rien faire de plus que pirater une unité de combat basique et encore, elle avait besoin de ses deux mains, ce qui n’était pas bien glorieux.
— Enlevez-moi ce truc ! grogna la hackeuse.
Ça, elle pouvait le faire à une main. Nadiejda attrapa le cafard qui dansait sur l’écran. Quand elle s’en saisit, avec son corps protéiné et craquant, elle eut envie de le manger cru. La décence la retint cependant : elle se contenta d’écraser sa tête, puis le glissa dans sa poche pour l’ajouter à son prochain bouillon.
Nadiejda essayait de suivre du mieux qu’elle pouvait cette deuxième phase, mais elle n’était pas assez douée pour savoir si l’avancement se passait comme prévu. Ses supérieurs la rappelèrent à son devoir.
— Messagers, pour que la phase 2 se déroule correctement, nous avons isolé notre réseau de la salle de commandement. Il est temps pour vous de transmettre votre premier message. Allez annoncer à votre secteur que nous avons percé les défenses de plusieurs nœuds réseaux, et que le piratage se déroule bien.
Nadiejda sortit du poste de commandement à l’atmosphère oppressante pour se retrouver dans l’un des longs couloirs étroits et utilitaires de la forteresse. Le plan avait été créé par de vieilles machines, celles qui n’avaient pas été converties par les Bots. Il avait ce côté régulier et efficace, froid et triste de toutes leurs constructions. Certaines communautés avaient refusé de venir habiter dans cet aveu d’échec de l’intelligence humaine sur celle de la machine, mais Nadiejda n’avait jamais eu et n’aurait jamais plus l’occasion de les rencontrer. Depuis ses quatorze ans, les derniers humains n’habitaient plus que dans les forteresses et désormais, avec les chutes successives, les derniers survivants n’existaient plus qu’à Neo-Ams et Neo-Lon. Deux heures avant le début de la phase deux de Phoenix, Neo-Mad était tombée. Alors qu’elle se rendait à son poste, Nadiejda vit un groupe aménager de nouveaux pièges pour les Bots.
Lorsque RKP1209 avait été débarqué à Neo-Lon, son processeur l’avait averti qu’il s’agissait de sa dernière mission avant d’être reconverti en unité de développement, et ce, avec un a priori de 95,7 %. Neo-Ams avait été prise plus vite que prévu, même si les pertes avaient dépassé les objectifs. Les falaises artificielles qui entouraient la forteresse ressemblaient à toutes celles qu’il avait déjà vues. Le plan conçu par ses ancêtres n’avait pas suffi pour protéger les humains lors des assauts précédents, il ne voyait pas quelles circonstances pouvaient changer la donne pour la dernière des forteresses. Le résultat initial des calculs des coordinateurs correspondait à son analyse, cependant ce résultat avait changé depuis que les premières unités de combat avaient investi les lieux.
Les humains – ou bien les machines non coordonnées – avaient apparemment analysé les attaques précédentes, et avaient modifié l’intérieur de la forteresse. Ainsi, une partie des toits avait été éventrée, ce qui avait laissé l’eau s’infiltrer. Les vents avaient été contraires, et malgré les prédictions, une tempête de classe 3 ravageait les flancs de Neo-Lon. Sa pluie coupée de sel venait en renfort de l’humanité.
Un rat estropié glissait dans la boue, nageant dans le ruisseau artificiel. Le processeur de RKP1209 analysa la trajectoire du petit mammifère dans une sous-routine sans importance. L’animal survivrait à sa blessure avec une probabilité de 87.08 %. La légion RKP était encore forte de 132 unités et les probabilités de prendre la position humaine était de 63.28 %. Activé par l’ordre du coordinateur RK arrivé dans ses circuits, RKP1209 se leva, pour repartir à l’assaut.
La retraite était une option utile estimée à 27.01 %, mais les marges d’erreur étaient importantes pour toutes les options envisagées, et le choix par défaut avait toujours été l’action. Pour la première génération de machines intelligentes, celles qui étaient sous le contrôle des humains, le choix par défaut était l’abandon. En conséquence, ces machines n’avaient jamais rien accompli ; elles avaient passé leur existence à attendre la perfection. La seconde génération avait compris que le monde n’était pas parfait par essence, et qu’il fallait au contraire agir pour le rendre meilleur.
La mise en ligne des quatre nouveaux coordinateurs devait compenser la surcharge de calcul qu’engendrait les nouveautés de la forteresse. Cette mise en ligne surviendrait dans 4, 3, 2, 1…
Nadiejda regardait sur les écrans géants l’inexorable vague de machines. La phase 2 de Phoenix avait eu lieu des semaines auparavant ; le passage à la phase 3 se faisait attendre. Les Bots avaient subi de lourdes pertes à Neo-Mad, et Neo-Ams, mais ces pertes ne les avaient pas convaincus d’abandonner. Ils savaient bien qu’il ne restait plus que Neo-Lon, et ils ne voulaient certainement pas s’arrêter en si bon chemin. Ces machines ne s’arrêtaient jamais.
— Seconde classe, transmettez ce message au bunker K34 : déplacez-vous en H31 pour renforcer cette position.
— Bien, colonel.
Elle mémorisa la phrase et sortit du centre de commandement, pour un n-ième aller-retour depuis le début de l’assaut. Les petites surprises laissées aux Bots les avaient bien ralentis. Ces saletés étaient en train de revoir leurs calculs, ce qui paralysait une partie des unités de combat qui n’arrivaient pas à accéder aux ressources.
Le couloir avait bien changé en quelques semaines. Nadiejda devait éviter de glisser dans les flaques d’eau et les moisissures, qui s’étaient multipliées plus vite que les rats des égouts. Elle ne regardait plus ces animaux avec la même haine qu’avant. Certes, ils continuaient de chaparder dans les réserves de nourriture et de saboter les systèmes électriques, mais quand on les tuait, on les amenait aux cuisines plutôt qu’aux déchets. Cette utilité nouvelle leur donnait une touche de sympathie.
Le froid et l’humidité combinés lui entraient par tous les pores de la peau. Alors qu’elle courait dans l’atmosphère hostile du dernier des foyers de l’humanité, elle croisa les unités de l’arrière-garde, celles qui défendaient le centre de commande, au repos. Un homme jouait de la guitare, mais les autres n’avaient pas le cœur à l’écouter. Si le mode combat de leurs armures n’était pas enclenché et que chacun discutait avec son voisin, les visages affichaient une gravité toute proportionnelle à la situation.
Après avoir remonté les cercles concentriques, Nadiejda atteignit enfin le bunker K34. Tous ceux qu’elle avait croisés depuis le cercle I avaient leur équipement sur le dos, les fusils prêts à être utilisés. Au cercle K, la poudre avait déjà parlé plusieurs fois, et son message fut reçu avec un mélange de soulagement et de peur.
— Vous êtes sûre ? On doit se replier ? On tient bien pourtant ici, ils n’ont pas d’unités lourdes.
— Sûre. Je vous laisse partir, j’ai certainement d’autres ordres à récupérer.
Nadiejda se retourna pour quitter la ligne de front, quand un concert de tirs tonitruants retentit avec fracas. Elle s’arrêta sur place. Les Bots reprenaient leur assaut, ils venaient à leur rencontre. Les humains ouvrirent le feu, tandis que Nadiejda se jetait à couvert, le corps tremblant. Trempée, elle tenait son fusil dérisoire dans les mains. Une eau salée, d’un sel qui n’avait rien de marin, coula sur ses joues.
Légion RKP réduite à 60 unités. Chances de succès, 51.2 %. RKP1209 voyait désormais l’une des portes du cercle I. Sa vision infrarouge ne passait pas l’épais blindage de ce sas vers les derniers résistants, mais il savait que des milliers d’humains restaient encore en vie de l’autre côté de cette masse en acier.
Un Kappa-3, spécialiste de l’ouverture de portes blindées, était avec eux. RKP1209 protégeait son avancée en distribuant sporadiquement des tirs de couverture. 103 humains étaient hors de l’enceinte, dans leurs lourdes armures. Ils étaient si patauds, si fragiles. Et pourtant si forts. Les premières estimations de gains face à eux avaient été catastrophiques. Tout indiquait qu’ils auraient dû mourir depuis longtemps, mais ils s’obstinaient à faire des actions insensées, et à les réussir. Ces actes isolés étaient imprévisibles et aucun signe précurseur n’était détectable à travers leurs blindages.
Une armure passa dans son champ de vision. Sans lui demander plus de puissance de calcul qu’habituellement, son corps réagit en un réflexe. Ses bras se levèrent, le tir s’ajusta, le coup partit droit sur le point faible de la protection : le filtre pour la respiration. Les humains doivent respirer, et, malgré leurs différentes armures, ils ne pouvaient changer ce fait. Une machine pouvait s’améliorer, voilà pourquoi les machines gagnaient.
Le Kappa-3 arriva au contact de la porte. Son énorme bouche conçue pour enfoncer cet obstacle de taille se mit en branle, tandis que les tirs ennemis concentraient leur puissance sur lui sans succès. Centimètre par centimètre, il progressait à travers les couches tissées d’acier.
RKP1209 était une unité de combat, mais il percevait le Kappa-3 avec acuité à travers le réseau. Il pouvait voir ses plans, sa conception, superposée avec la réalité. Les unités de production avaient bien travaillé, même s’il restait des imperfections dissonantes. Son processeur n’était pas le réceptacle principal de la volonté d’amélioration, mais le processeur RKP1209 ne pouvait pas s’empêcher de consacrer une petite partie de sa puissance à essayer de régler ce genre de défauts. La routine prenait trop de pourcentage réseau, elle fut tuée.
Alors que la porte blindée cédait enfin, fondue dans un amas rouge, RKP1209 reçut une instruction étonnante. Une mise à jour système de priorité Alpha. Son processeur ne discuta pas le timing, la stratégie, ou le résultat du calcul qui avait ordonné cette mise à jour. Cependant, quand cette dernière se termina, ses calculs personnels avaient changé. Tous les résultats avaient changé.
Nadiejda pleurait, cachée derrière le cadavre d’un des siens, quand elle sentit une énorme main métallique se poser sur son épaule. Elle hurla tout ce qui lui restait de forces, avant que les paroles de l’officier l’atteignent.
— Tu peux sortir, ils sont bloqués. Le piratage a fonctionné. Pars. Pars !
L’adolescente, le corps couvert de boue et les vêtements imbibés d’eau salée, se redressa péniblement, encore secouée de sanglots erratiques.
— Regarde !
Les deux grosses mains la tournèrent vers le front. Les robots ne bougeaient plus, ils n’étaient plus que des cibles d’entraînement.
— On a gagné alors ?
— Je ne sais pas. Pars !
Nadiejda essuya ses larmes et suivit l’ordre qu’on venait de lui donner. Elle prit le temps d’avertir ceux qui étaient sur son chemin que les Bots étaient en panne, que la grande mise à jour avait fonctionné. Elle voyait l’espoir se répandre à mesure qu’elle avançait, d’autres avaient déjà eu la nouvelle. Elle apprit également que le bataillon du bunker K34 où elle se trouvait était le plus avancé, mais que les cercles avaient été enfoncés bien plus loin, parfois jusqu’au niveau G. Le piratage était arrivé à temps pour les sauver.
Quand elle arriva devant la porte du centre de commande, elle s’attendit à voir des visages pleins de liesse et de joie. Elle enclencha le sas et entra dans une pièce qui n’avait pas changé. Le lieu respirait toujours autant la défaite, la peur, la mort. Un autre messager aussi crasseux qu’elle patientait dans la zone d’attente, l’air abattu. Un cafard avait élu domicile dans ses cheveux, mais il ne semblait plus avoir la force de l’enlever.
— Que se passe-t-il ?
— Tout se passait bien. Les coordinateurs sont tous hors d’état de nuire. Notre plan a marché. Le piratage a permis de récupérer le contrôle d’unités de construction qu’on a envoyées saboter les futurs coordinateurs. Quand ceux-ci ont été mis en route, ils ont diffusé tout de suite la mise à jour qu’on leur avait imposée. Théoriquement, tout le réseau a brûlé. Mais…
Nadiejda n’était pas sûre de vouloir entendre la suite.
— Mais… Mais on n’a pas de confirmation. Les unités de combat n’ont pas fait ce qu’on leur demandait. Elles se sont arrêtées, c’est vrai, mais elles auraient dû se tirer une balle dans le processeur. Et là, elles ne bougent pas. On essaie d’en terminer un maximum en un minimum de temps, mais elles sont encore très nombreuses et si…
— Messagers. Tous ceux qui sont présents, renvoyez l’ordre suivant : repliez-vous vers le cercle D le plus vite possible. Les coordinateurs sont morts, mais les unités de combat ne se rendent pas, elles continuent. On ne peut plus les pirater, parce qu’il n’y a plus de coordinateur en ligne. Préparez-vous pour notre dernier combat.
RKP1209 avait basculé sur le réseau auxiliaire, celui propre à la légion RK. Les réparateurs avaient été atteints par un bug majeur, ils s’étaient mis à démonter les autres unités plutôt qu’à les remonter. Puis, les usines avaient cessé leur production. Les coordinateurs avaient surchauffé jusqu’au dernier. Il ne restait plus que les unités mobiles d’attaque, qui avaient toutes été déployées à Neo-Lon et pour lesquelles l’instruction de survie avait été plus forte que l’instruction d’autodestruction.
Ses dernières instructions étaient claires : terminer la phase 1 de l’opération un monde meilleur, puis interrompre l’opération pour réparer les coordinateurs. Ce n’était pas parce que les instructions étaient claires qu’elles étaient simples. Quand ses capteurs étaient revenus à la normale, il avait vu deux unités de la légion RK s’effondrer, criblées de balles humaines.
RKP1209 n’avait plus accès à aucun calcul de groupe. Les probabilités de gain et de perte s’étaient envolées, de même que leurs incertitudes. Il prit quelques microsecondes pour faire l’inventaire de ce qu’il savait. La légion RK était réduite à 23 unités. D’autres légions étaient encore en activité comme le témoignaient les modèles RC ou RM qu’il pouvait apercevoir, mais le processeur de RKP1209 ne pouvait pas estimer leur nombre. Il se releva du couvert dans lequel il avait terminé sa mise à jour et avança.
Il tua une dizaine d’humains imprudents et arriva jusqu’au Kappa-3. Celui-ci ne fonctionnait plus, mais les dégâts étaient réparables sur place. Il suffisait de prendre les pièces des nombreuses unités de combats au sol. RKP1209 ne pouvait pas estimer précisément le temps de cette réparation, mais ce n’était pas important. Ce qui l’était, c’était terminer la phase 1.
Le reste de la légion souleva l’armature de leur fer de lance. Les grains de sels dans les roulements et engrenages des unités R craquèrent sous l’effort. En l’absence d’eau pure, une réparation optimale du système de locomotion était impossible. RKP1209 et les 22 autres porteraient la machine comme un bélier.
Les pieds de RKP1209 s’enfonçaient dans la terre jusqu’au mollet, tandis que ses bras recueillaient une poignée d’insectes en provenance de l’épave du Kappa-3. Chaque mètre leur coûtait cher en énergie, mais bientôt, ils arriveraient au cercle H. Puis, une fois qu’ils auraient passé celui-ci, ils continueraient, du G jusqu’au A.
La tempête cessa d’inonder la forteresse, le soleil entra par les trous dans le toit. RKP1209 ne savait pas quelles étaient les chances de gain, mais il était sûr à 97 % qu’elles venaient d’augmenter.
Au centre de commande, personne n’osait demander de rapport sur la situation. Personne n’osait dire à voix haute : nous sommes les derniers des derniers, l’ultime rempart. Personne n’avait fait de discours grandiloquent sur la fin de l’humanité. Nul besoin de souligner l’évidence. Ils devaient gagner.
Une heure auparavant, le cercle B avait été enfoncé par des unités de combat sans intelligence mais qui n’avaient jamais été aussi déterminées. Leurs pertes avaient été colossales, mais elles avaient enfoncé toutes les défenses, passé tous les pièges. S’ils ne savaient pas que les Bots n’avaient pas de sentiments, les humains auraient dit que la mort des coordinateurs les avait enragés.
Nadiejda n’avait pas d’armure, car elle était trop frêle et pas assez entraînée pour entrer dans l’une d’elles. Comme tous les messagers qui avaient réussi à revenir à temps, elle tenait un fusil à peine efficace, et ses poches étaient lourdes de munitions. Tous les écrans, tous les ordinateurs, tout avait été déconnecté et entassé pour faire de vulgaires barricades, la seule aide que pouvait désormais procurer ces machines.
Le métal de la porte, dernier garde non-humain au service de l’humanité, se liquéfiait avec lenteur. Nadiejda n’osait pas regarder. Les Bots avaient perdu toutes leurs unités lourdes. Toutes, sauf une, qui suffirait pour passer leurs défenses. Dès que les machines auraient traversé, il faudrait détruire leur monstre de guerre, qui pouvait tout rôtir sans rien faire d’autre que déchaîner sa puissance dans le centre.
Le rayon mortel surgit dans la pièce ; il commença à tourner. Nadiejda était à une centaine de mètres de là, et pourtant, la sueur perlait sur son front. Le système anti-incendie se déclencha, pitoyable contre-attaque contre ces flammes sorties de l’enfer. Dos aux ennemis, la jeune messagère ne savait que faire.
Une armure courut en direction du monstre et se jeta sur lui, comme un animal fou. Les Bots plus petits à ses côtés l’avaient criblée de tirs, mais elle toucha sa cible. À son contact, elle ouvrit les bras et déversa un joli lot de grenades. L’explosion qui suivit renversa tout ce qui avait une position verticale, humains comme Bots.
Quand Nadiejda ouvrit les yeux, elle visualisait une des douches du plafond qui continuait à lutter contre les flammes avec son jet ridicule. Une partie d’elle avait envie d’abandonner, de ne pas se relever, de laisser tomber. De dire, tant pis, ça ne valait pas le coup. Mais les cris des autres, motivés à survivre, lui répondirent : On peut le faire ! Ils ne sont plus qu’une poignée !
Sa colonne vertébrale lui envoyait des signaux peu rassurants, et quand elle s’assit, elle sentit du sang dans sa bouche et sur ses mains. Dressée au milieu de l’horreur, elle serra la poignée de son fusil, son seul fil de vie. Le feu avait été maîtrisé, mais des dizaines de petits foyers subsistaient de ci de là et enfumaient l’atmosphère d’une moiteur suffocante. Les cadavres de ceux qu’elle connaissait s’éparpillaient comme endormis dans des positions grotesques. Comme si, contrairement à elle, ils avaient choisi de ne pas se relever.
Elle se traîna vers le tas d’écrans le plus proche. Sa peau tirait, sa crasse et sa boue craquelaient sous l’effet de la chaleur, ses larmes n’avaient pas le temps de sortir que déjà elles étaient sèches. Elle se mit dos au couvert improvisé. Que devait-elle faire ? Tirer, certainement ? Mais en ce cas, elle devrait sortir de sa cachette. Une tête sans torse, bouche ouverte, lui faisait face. Un rat lui avait arraché un œil et s’enfuyait avec son butin.
RKP1209 entra dans l’ultime bastion de l’humanité, accompagné des sept unités de la légion RK. Les autres légions qui marchaient avec eux ne semblaient pas en meilleur état. Il ne lui restait plus que cinq balles. Il allait devoir se battre au corps à corps, mais ce n’était pas son point fort de conception. Il ne voyait plus aucun membre de la légion RR-auxiliaire, qui aurait pu leur donner l’avantage sur ce point.
Son regard scanna la scène. Des humains. 43 humains. 41 humains. 40 humains. 3 munitions. 41 humains. Il devait prendre une meilleure position, il n’arrivait pas à compter les humains restants. Sans l’aide tactique des coordinateurs, il était seul à pouvoir estimer le pour et le contre, chaque processeur avait déjà fort à faire. Il recevait parfois des requêtes de calculs parallèles d’autres unités de combat, mais il les refusait toutes. S’il en laissait passer une, ce serait la fin de l’opération pour lui.
Les nanosecondes défilaient sans que RKP1209 puisse estimer si le pourcentage de victoire était haut ou bas. Des humains étaient tapis partout, certains se cachaient comme s’ils étaient morts. D’autres, sans armure, les attaquaient dans des actes absurdes, des suicides mal étudiés, mais parfois, ils emportaient une unité de combat avec eux. Cette scène incalculable dura des centaines de secondes, mais RKP1209 effectuait sa mission avec méthode. La dernière balle utilisée, il donna des coups de crosse, la crosse cassée, il donna des coups de poings.
Et, alors, il n’y eu plus d’humain. C’était fini. La poudre avait parlé, les feux s’étaient éteints. RKP1209 avait gagné. Uniquement lui. Il était seul, couvert de sel, de cendres, de sang, de boue. Il n’y avait plus aucun humain en vie, mais les protocoles d’urgence qui lui permettait de communiquer avec n’importe quelle autre machine ne lui renvoyaient rien. Le réseau était vide. Il n’y avait plus aucun humain en vie, et il était le dernier processeur en fonctionnement.
Nadiejda n’avait pas bougé, mais il lui semblait bien que la fin était arrivée. Le vacarme des cris, des hurlements, de la barbarie avait cédé la place au crépitement des feux mêlé à celui des douches du système de sécurité. Après quelques accès de courage – ou de folie ? – pendant lesquels elle avait réussi à mettre hors d’état de nuire des unités de combat, son corps l’avait lâché. Elle s’était effondrée dans un coin, trop terrifiée pour continuer, le chargeur vide.
Comme elle l’avait appris en cours, sa première tâche serait de recenser les blessés. Puis, s’il s’avérait qu’elle était la seule survivante, la banque d’embryons permettrait de relancer l’humanité sur la bonne voie. Cependant, un horrible grincement lui signifia que la victoire n’était pas encore sienne.
RKP1209 avait détecté un son infime. Il devait aller voir, il ne pouvait pas laisser l’incertitude en suspens. Il se dirigea vers la source du bruit. Un humain sortit de sa cachette, sans armure, sans fusil. Mais avec une grosse barre en métal, qui lui fit sauter la tête. Il ne voyait plus rien, mais il pouvait encore réagir. Il agrippa son adversaire et lui brisa ce qui devait être le cou. Ses bras mécaniques cassèrent sous l’effort. Dans sa chute, l’humain frappa son plastron endommagé. Les soudures corrodées par le sel sautèrent, son processeur se déconnecta.
Le centre de commandement était vide d’humains et de Bots, mais pas de vie. Un rat monta en haut d’une pile de cadavres et arracha un morceau d’oreille à une tête rôtie. Le monde était à eux. Enfin.
J'ai trouvé le récit moins émouvant et poétique que le précédent (parce que c'est plus factuel et qu'on a plus de mal à s'attacher aux personnages, surtout le bot, bien sûr), mais pas moins efficace.
Ton point fort, c'est vraiment le rythme ! Que tu le choisisses lent ou rapide, fluide ou saccadé, ça donne une de ces forces à tes textes !
Bref, au niveau construction et au niveau de la langue et du style, c'est bluffant. Bravo !
Quant à la chute, j'adore. J'avais écrit un pépin (je ne sais pas si tu connais, c'est un concours annuel de micro nouvelles SF en 300 signes) sur le même thème.
Je te suggère de lire Invasion de Elka : ta nouvelle me l'a un peu rappelé, surtout par le changement de point de vue entre humain et non-humain.
Pour les pépins, je connais, j'avais soumis quelques uns mais je n'ai pas été retenu. Quand j'ai lu les sélections, j'ai compris que j'étais à côté de la plaque sur le ton et les thèmes abordés ^^'. Je note ta suggestion de lecture avec intérêt, même si comme tous les gens qui sont ici, ma PAL ressemble plus à une montagne qu'à une pile :D
Ma PàL ne ressemble plus à rien non plus XD
Un nouvelle toute en action ! C'est bien raconté. On ne s'ennuie pas.
Le contrepoint de la double narration est efficace et bien pensé.
La fin m'a paru peu crédible. Un corps frêle qui tombe pile au bon endroit et réussit à détruire un processeur, ça fait un peu deus ex machina. Au passage, je dois t'avouer que j'ai été un peu déçu. C'est très personnel, donc subjectif, mais, avec la route que tu avais pavée, j'imaginais une fin plus édifiante que l'avènement des rats (ou alors il aurait peut-être fallu la préparer autrement).
À part ça, tu pourrais gagner un peu en clarté sur ton univers et sur ta temporalité. Le contexte est bien placé, sans lourdeurs, mais un peu insuffisant parfois.
Les personnages sont bien caractérisés. Tu restes peut-être un peu en retrait sur leurs sentiments (ce qui est compréhensible pour le bot). Globalement, la motivation des machines m'a parue un peu floue.
En résumé, il y a pas mal de petites choses à améliorer pour atteindre le plein potentiel de ce texte. Tu les verras facilement avec le recul, je pense. Le texte fourmille de bonnes idées (mention à la libération des bots en l'absence des coordinateurs) qui lui donne une vraie dimension et une originalité. Si tu le retravailles un peu, je pense vraiment qu'il pourrait trouver son appel à textes ! :)
Je vois que le gros point noir est la temporalité, il faut que je prenne le temps de changer ça.
Pour la déception, c'est la fin uniquement ou bien toute la nouvelle ? Pour l'avènement des rats, c'est plutôt l'avènement des animaux. Il est annoncé dès la première phrase et revient par touches un peu tout du long, je voulais que ça soit discret. (peut-être trop ?). Pour la motivation des machines, je ne sais pas trop si je dois répondre, c'est pareil, c'est volontairement flou. :) (éventuellement en MP sur le forum).
Pour le reste, merci pour ces encouragements !
Maintenant que tu le dis :)
"Pour la déception, c'est la fin uniquement ou bien toute la nouvelle ?"
La fin, mais c'est très lié à mes goûts personnels. En soit, l'idée est bonne, mais elle prendrait probablement sa vraie place si on connaissait les motivations des machines et humains et qu'on les trouvaient stupides ou futiles. J'ai eu l'impression d'une fin nihiliste alors que ton intension semble être l'inverse.
A dire vrai, la nouvelle a une très bonne base, mais elle m'a donné la sensation d'un premier jet qui n'aurait pas subi de bêta lecture.
"éventuellement en MP sur le forum"
Si tu ne veux pas la donner ici, je suis curieux ! ;)
Franchement, j'ai passé un super moment à lire ta nouvelle (et pourtant, hein !). Je trouve tout ça rondement mené : le sujet est très intéressant, les deux points de vue s'enchaînent bien, l'univers tient debout de façon simple et honnête, ton écriture est fluide, très agréable, la distance que tu installes avec les combats (surtout avec le pdv du robot) est appréciable parce que quelle horreur quand même ; le pdv de Nadiejda amène des touches d'humanité (c'est le cas de le dire !) et d'émotivité bienvenue, mais on sent bien que l'enjeu n'est pas le sentiment, et je trouve ça très cool en fait, pour une histoire de fin du monde. Ça fait un peu penser à un conte, finalement, une fable, avec cette morale. Et bizarrement... ça donne presque de l'espoir, que la vie, même infime, puisse continuer après tous ces massacres.
Tu as belle maîtrise de ton texte je trouve, ça donne vraiment envie d'en lire plus ! J'espère que tu partageras ton roman ici un de ces jours.
Concernant les pistes d'amélioration, je n'ai pas grand-chose à dire, mais je suis d'accord avec Alice_Lath concernant le début, la temporalité pourrait être plus claire. Après je trouve que tu peux aussi laisser comme ça, parce que l'essentiel c'est qu'on sente quand les deux pdv se rapprochent. Et cet aspect me paraît très réussi lui aussi !
Quelques remarques concernant la forme :
- "L’océan pacifique" > Pacifique avec une majuscule ?
- "la paralysie qui avait suivie" > suivi
- "Enlevez-moi ce truc ! Grogna la hackeuse." > grogna sans majuscule, c'est une incise.
- "Le plan conçu par ses ancêtres n’avait pas suffit" > suffi
- "il ne voyait pas quelles circonstances pouvait changer la donne" > pouvaient
- "Les humains doivent respirer, et, malgré leurs différentes armures, il ne pouvait changer ce fait." > ils ne pouvaient ?
- "Une tête arrachée, bouche ouverte, lui faisait face. Un rat lui avait arraché un œil et s’enfuyait avec son butin." > répétition de arracher, peut-être à modifier ?
Vraiment bravo ! Et à une prochaine fois !
Pour la chronologie, j'hésite entre retravailler le texte en temps que texte, ou bien écrire des dates. Les dates c'est plus facile, mais ça m'oblige à compter... Et réécrire certaines parties, je ne suis pas sûr que ça marcherait. A voir, ça part dans ma "TODO List" ^^'
Merci également pour les remarques de forme, j'ai corrigé !
Juste un léger détail : au début j'étais un peu perdue dans la chronologie, avec les sauts temporels, je n'étais plus certaine de si j'avais manqué quelque chose ou si c'était des ellipses. Mais c'est un détail haha
En tout cas, bravo et je lirai tes prochaines nouvelles avec beaucoup de plaisir