Le lendemain matin, le ciel était légèrement voilé, une fine couche de nuages filtrait la lumière du soleil, créant une atmosphère calme mais lourde de pressentiments. Chris et Kate se retrouvèrent devant le bureau du shérif, prêts à enquêter sur le meurtre du couple Barnes. La petite ville semblait encore endormie alors qu'ils prenaient la route vers le quartier où vivaient les proches des défunts.
Le premier endroit qu'ils visitèrent était une maison modeste avec un jardin bien entretenu. Les rideaux étaient à moitié tirés, et une vieille dame les accueillit avec courtoisie. Elle semblait affectée par le décès dont elle avait été informée la veille. Les nouvelles circulent vite dans ces quartiers résidentiels.
« Je suis désolée de vous déranger, madame. Nous sommes là pour en savoir plus sur vos voisins, les Barnes, » dit Kate doucement, sa voix empreinte de compassion.
La dame soupira profondément, une main tremblante portant un mouchoir à ses lèvres. « Oh, les pauvres Barnes... » Elle secoua la tête. « Ils ont eu des moments difficiles, mais, c'était un couple gentil. M. Barnes avait découvert que sa femme le trompait. Ça avait été un choc pour lui. Il était fou amoureux d'elle. Je crois que c'est pour ça qu'il lui avait pardonné. Un brave homme. Elle avait rompu avec son amant pour lui et ils avaient finis par se réconcilier. »
Chris hocha la tête, prenant des notes méthodiquement. « Savez-vous qui était cet amant ? » demanda-t-il, son ton direct mais non dépourvu de tact.
La vieille dame plissa les yeux en réfléchissant. « Oui, c'était Bob Sanders. Un homme pas très aimable, si vous voulez mon avis. »
Ils remercièrent la dame et continuèrent leur enquête. De retour au bureau, ils obtinrent les résultats de l'autopsie : la date du décès correspondait effectivement aux deux semaines supposées par Kate, et la cause de la mort était une arme à feu, un 9mm.
Chris examina le rapport avec attention, son regard se durcissant. « Il est temps de rendre visite à ce Bob Sanders, »
La maison de Bob Sanders était un véritable capharnaüm, située à la périphérie de la ville. Des objets éparpillés sur le porche témoignaient d'un désordre chronique, et l'herbe haute et mal entretenue reflétait une négligence flagrante. Sanders les accueillit avec une expression bourrue et désagréable, ses yeux plissés d'hostilité.
« Que voulez-vous ? » grogna-t-il en croisant les bras, défiant.
« Nous avons quelques questions à vous poser sur les Barnes, » dit Kate calmement, sans se laisser intimider.
Sanders s'appuya contre le cadre de la porte, avec rudesse il lui répondit « Je n'ai rien à vous dire. »
Chris agacé par la façon dont Sanders s'adressait à Kate fit un pas en avant, « Si vous n'avez pas d'alibi pour le soir des meurtres, c'est moi qui aurait quelque chose à vous dire »
Un silence s'installa.
Kate s'adressa à nouveau à Sanders « Que pouvez-vous nous dire M. Sanders ? »
« Quoi que je puisse vous dire vous ne me croirez pas j'en suis sûr. »
« Dites toujours »
« Je n'ai rien fait aux Barnes malgré ce que doivent dire les vieilles folles avec leurs foutus ragots. Je passe mes soirées ici, seul. »
« Ça ne nous aide pas beaucoup » indiqua Chris. Il porta un regard à l'intérieur de la maison et vit fixé au mur un fusil. « Vous avez un permis de port d'arme ? »
« Oui. Je suis dans les règles »
« Quels genre d'arme avez vous ? » s'empressa de demander Kate.
« Juste celle que votre collègue vient d'apercevoir en jouant les fouines et un 9 mm. Mais celui-ci je l'ai perdu, il y a des mois. »
« Comme c'est pratique. » répliqua Chris agacé par l'insolence de Sanders. « Vous avez fait une déclaration de perte ou de vol ? »
« Nan. J'aime pas les flics et encore moins les commissariats ! Vous avez d'autres questions ? »
Kate regarda Chris avant de répondre « pas pour le moment mais... »
Sanders la coupa « Ouais, ouais je connais la musique je reste dans le coin tant que l'enquête n'est pas terminée. »
Sans plus attendre il leur claqua la porte au nez.
Kate ne put s'empêcher de s'exclamer : « Il ne doit pas avoir beaucoup d'amis avec un caractère pareil. »
« Charmant. » se contenta de répondre Chris
Kate se tourna vers lui, un peu offusquée. « Hey, je te signale que c'est ce que tu dis de moi à chaque fois que je fais une remarque qui ne te plaît pas. »
Chris sourit, visiblement amusé, « Je ne m'en étais pas rendu compte. »
Kate fronça les sourcils, « Je vais finir par me vexer si tu me compares réellement à un type comme lui. »
Chris la taquina « N'oublie pas, c'est toi qui, le premier jour, t'es présentée comme ayant un sale caractère. »
Elle leva les yeux au ciel en montant dans la voiture, « Oui, mais je ne suis pas comme lui. »
« Effectivement, »
Ils s'installèrent dans la voiture et prirent la direction du bureau du shérif. Le trajet se fit dans un silence confortable, chacun perdu dans ses pensées. Les nuages s'épaississaient dans le ciel, reflétant l'incertitude de leur enquête.
***
Assis à une table encombrée de dossiers et de tasses de café vides, Chris, Kate et Luis examinaient les différents éléments de leur enquête. La lumière des néons clignotait par moments, ajoutant une ambiance presque surréaliste à la pièce, comme si le temps lui-même hésitait à avancer.
« Toutes les preuves conduisent à Bob, l'amant de madame Barnes, » déclara Luis, visiblement excité. « Il n'a sans doute pas supporté d'être quitté. »
Chris acquiesça, mais avec prudence. « Dans la plupart des cas, le mobile est effectivement le meurtre passionnel, mais faut toujours examiner les preuves à charge et à décharge. »
Kate, assise en face de Chris, croisa les bras et fronça les sourcils. « Bob est peut-être un homme antipathique, mais ça ne fait pas de lui un meurtrier. Nous devons examiner chaque détail. »
Le silence qui suivit fut lourd de réflexions. Il se faisait tard, et la fatigue commençait à peser sur eux, marquant leurs visages de cernes et de lassitude.
« Luis, rentre chez toi. Kate et moi, on va rester un peu, » dit Chris en se frottant les yeux, ses doigts traînant sur ses paupières fatiguées.
Luis ne se fit pas prier et partit rapidement, laissant Chris et Kate seuls dans la pièce. Chris se rapprocha d'elle. Leurs mains se touchèrent tandis qu'il reprenait les photos du dossier. Kate essaya de se concentrer malgré tout sur l'affaire et rompit le silence, son regard fixé sur les dossiers éparpillés. « Quelque chose me dérange, je n'arrive pas à savoir quoi, mais il y a quelque chose qui cloche. »
Chris hocha la tête, pensif. « Peut-être parce que tous les indices conduisent à la même conclusion, comme si c'était trop évident. »
Kate s'éclaira soudain. « Oui, c'est ça ! Tout est trop évident. »
« Parfois, quand tous les indices conduisent dans la même direction, c'est parce que la vérité est devant nos yeux Kate. Je comprends toutefois ton scepticisme. Peut-être qu'on devrait prendre le problème sous un autre angle. Qui gagnerait à faire passer Bob pour le coupable ? »
Kate réfléchit un instant, ses sourcils se fronçant tandis qu'elle triturait un stylo entre ses doigts. « Vengeance ou écran de fumée. Vu son caractère, il n'a pas dû se faire que des amis. Ou alors, c'est un mobile financier. C'est courant aussi dans les homicides. »
Kate bâilla, la fatigue la gagnant visiblement. Chris se leva et posa une main sur son épaule, son pouce caressant doucement sa peau. « On reprendra l'enquête demain. »
« Mais... » tenta de protester Kate, ses yeux luttant pour rester ouverts.
Chris insista, sa voix plus ferme pour couper cours à toute protestation. Il connaissait bien Kate désormais et il savait qu'elle risquait de discuter encore un long moment s'il montrait la moindre faiblesse, « Tu es trop épuisée pour continuer. »
Kate se leva à contrecœur pour aller chercher son casque mais, Chris la retint par le bras, « Tu es trop fatiguée pour conduire. Je te ramène chez toi. »
« Mais j'habite à l'opposé de toi, et je peux conduire, » protesta Kate.
Chris la regarda avec insistance, ses yeux pénétrant les siens. « Si tu avais un accident, je m'en voudrais pour le reste de ma vie. Tu ne veux certainement pas me faire culpabiliser jusqu'à la fin de mes jours, n'est-ce pas ? »
Elle sourit, vaincue par l'épuisement et le sourire charmeur de Chris. « D'accord, mais à une seule condition : que tu restes dormir chez moi. Tu as encore les affaires que je t'ai empruntées et que je n'ai jamais pensé à te rendre. Je te rassure, je les ai lavé, tu pourras te changer demain. »
Il accepta un léger soupir de soulagement échappant à ses lèvres. Lui aussi était exténuer et prendre la route pour rentrer chez lui n'était pas prudent.
Une fois dans la voiture, Kate s'endormit presque immédiatement, sa tête tombant doucement sur l'épaule de Chris. Il conduisait prudemment, ses yeux se posant de temps en temps sur elle, veillant à ne pas la réveiller. La lumière de la lune éclairait son visage d'une douce lueur argentée. Il la trouvait magnifique. Ses pensées vagabondèrent un moment, s'attardant sur la complexité de leurs sentiments naissants. L'attirance qu'il ressentait pour Kate était palpable, brûlante, mais il savait que céder à cette tentation serait problématique. Il s'efforçait de rationaliser, de se convaincre que cette passion était éphémère, une simple réaction à leur complicité.
Lorsqu'ils arrivèrent chez Kate, Chris la réveilla doucement, une main légère sur son épaule. Elle sourit, encore à moitié endormie, et ils montèrent ensemble les marches jusqu'à son appartement. La nuit promettait d'être calme, une pause mérité dans une vie éreintante.
Chris aida Kate à s'installer dans son lit sans tombée, ses pensées toujours en proie à une tempête intérieure. Ils échangèrent un regard intense, la tension palpable entre eux. « Merci de m'avoir ramenée, » murmura Kate, ses yeux cherchant les siens.
Chris sentit son cœur s'accélérer mais s'écarta, mettant une distance prudente entre eux. « Repose-toi. On a une grosse journée demain. »
Il s'en retourna dans le salon et se coucha dans le canapé gagné par le sommeil.
***
Les premiers rayons du soleil traversèrent délicatement les rideaux et réveillèrent Chris avant que le réveil ne retentisse. Ses yeux papillonnèrent tandis qu'il émergeait de son sommeil pour découvrir Kate se mouvant avec grâce en débardeur et shorty, son corps élancé et athlétique illuminé par la douce lumière matinale. Il ne put s'empêcher de laisser son regard dériver sur ses courbes généreuses, capturé par sa beauté naturelle. Un élan de désir l'envahit, bousculant les résolutions prises la veille.
Kate, consciente du regard de Chris, se retourna et le surprit à la fixer intensément. Un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres alors qu'elle décida de briser ses rêveries.
« Charmant, » lança-t-elle, écho taquin à la remarque de la veille. « Il est temps de te lever la Belle au Bois Dormant, on a du boulot. »
Elle lui jeta ses vêtements avant de se diriger vers la douche, le laissant seul avec ses pensées. Chris soupira en attrapant ses habits. L'attirance qu'il ressentait pour Kate devenait de plus en plus difficile à ignorer, et il se demandait comment cela pourrait affecter leur relation professionnelle et personnelle avec le temps.
Après une douche rapide, Chris rejoignit Kate, qui l'attendait dans le salon, prête à partir.
« On devrait peut-être retourner voir Julia, » suggéra Kate en ajustant sa veste. « Elle pourrait avoir des éléments supplémentaires sur l'affaire Barnes. »
« Bonne idée, » répondit Chris, déjà plongé dans ses réflexions sur l'affaire.
À leur arrivée au bureau de Julia, Mary les accueillit avec un sourire chaleureux. Julia perçut immédiatement la tension subtile entre Kate et Chris. Une sorte de rapprochement mêlé de gêne. Profitant d'une pause, elle proposa à Kate de l'accompagner.
« Kate, tu viens m'aider avec le café ? » demanda Julia avec une insistance discrète.
Dans la cuisine, Julia n'attendit pas longtemps avant d'aborder le sujet qui l'intriguait.
« Alors, qu'est-ce qui se passe entre toi et Chris sérieusement ? Vous avez l'air... différents. »
Kate tenta d'éviter le sujet. « Oh, rien de spécial. On est juste un peu fatigués, c'est tout. »
Julia, implacable, ne lâcha rien. « Ne me fais pas ça, Kate. Je vois bien qu'il y a quelque chose. Tu sais que tu peux tout me dire. »
Face à l'insistance de son amie, Kate finit par céder. « D'accord, tu gagnes. Je... je me sens vraiment bien avec Chris. C'est un bon chef et un excellent partenaire, mais... il me perturbe de plus en plus. Je suis attirée par lui, plus que je ne devrais l'être. »
Julia sourit. « Ça devait bien arriver un jour. »
Kate soupira. « Au début, c'était un jeu sans conséquence, mais maintenant, c'est compliqué. Quand on est seuls, je dois faire des efforts surhumains pour ne pas lui sauter dessus. Tu n'imagines pas à quel point c'est dur. »
Julia éclata de rire. « Je te crois. Tu penses qu'il ressent la même chose ? »
« Je ne sais pas, » avoua Kate. « Par moments, j'ai l'impression que oui, mais il ne fait jamais le premier pas. Je dirais même qu'il s'éloigne systématiquement. Peut-être que c'est juste un jeu pour lui. »
Julia secoua la tête, réfléchissant. « Je ne parierais pas là-dessus. Et pourquoi ne ferais-tu pas le premier pas ? »
« Parce que je tiens beaucoup à lui. C'est la première fois que je m'attache à quelqu'un et que je partage autant de chose. Je ne veux pas risquer notre amitié pour une partie de jambe en l'air, aussi formidable puisse-t-elle être, » répondit Kate avec une sincérité touchante. Puis, avec un sourire rêveur, elle ajouta en se mordant la lèvre inférieure, « Même si je suis sûre que ce serait inoubliable. »
Julia, amusée, la ramena à la réalité. « N'oublie pas que je suis encore là alors évite de gémir en ma présence s'il te plaît. »
Elles éclatèrent de rire ensemble. « Peut-être que tu veux plus qu'une aventure d'un soir ? » suggéra Julia.
« Moi, en couple ?! » s'exclama Kate. « Très peu pour moi, je ne vais pas rester ici indéfiniment de toute façon. Ça peut paraître bizarre vu ce que je t'ai dis juste avant mais, je ne veux pas m'attacher aux gens, ni même à Chris sur la durée. Quoi qu'il arrive je repartirais, j'ai des choses à régler ailleurs. »
« Et tu crois pas qu'il est déjà un peu tard par rapport à Chris ? Tu l'as dit toi-même. » Julia laissa le temps à Kate de réfléchir à sa question rhétorique puis ajouta, « Et si ce qu'il se passait avec Chris t'avait changer ? Tu n'avais pas l'intention de rester parce que tu avais des choses à régler mais tu n'avais pas l'intention de t'attacher non plus et pourtant... Que veux-tu au désormais Kate ? Es-tu sûre de vouloir toujours partir et quitté tout ce que tu as trouvé ici ? »
Kate, sur le point de répondre, réalisa qu'elle n'en était plus si sûre à présent et cette prise de conscience la désarçonnait. À cet instant, Chris fit son apparition avec Mary.
« Mesdames, vous en mettez du temps pour un simple café. Je suis curieux de savoir de quoi vous parlez, » dit-il avec son sourire habituel.
Kate, qui n'avait pas sa langue dans sa poche, resta étrangement silencieuse, plongeant son regard vert dans celui de Chris. Ce dernier, intrigué ne décrocha pas son regard avant de plaisanter « C'est bien la première fois que j'arrive à te faire taire, »
Julia, observait la scène avec amusement et comprit que leur relation évoluait. Elle décida néanmoins de rester silencieuse, n'émettant aucun commentaires. Elle savait qu'ils devaient avancer à leur propre rythme. « Et si on se remettait au boulot ? Les cafés sont prêts. »
Ils retournèrent au travail rapidement. Julia leur fit signe de s'asseoir et sortit un dossier épais.
Kate prit la parole en première, « On a une piste sur Bob Sanders, un ancien amant, mais je n'y crois pas. Mon intuition me dit que ce n'est pas lui. »
« J'ai peut-être une autre suggestion, » dit Julia, ses yeux pétillant de malice. « Les Barnes ont récemment touché une grosse somme d'argent, mais n'ayant pas d'enfants, leur héritage devrait revenir à un parent éloigné. »
« Le neveu, » se rappela Chris, les détails du dossier en tête.
« Exactement, » confirma Julia, posant une photo sur la table. « Brian Barnes. Il vit en ville, mais il a un alibi pour la nuit du meurtre. Cependant, il y a quelque chose de louche. »
« Quoi donc ? » demanda Kate, curieuse.
« Il a des dettes de jeu énormes, » révéla Julia. « Et il a été vu avec des types peu recommandables récemment. »
Chris et Kate échangèrent un regard significatif. « Il est temps d'aller parler à Brian, » déclara ce dernier. « Il pourrait en savoir plus qu'il ne le laisse entendre. »
« Oui, mais soyez prudents, » les avertit Julia. « S'il est impliqué, il pourrait être sous tension et se montrer dangereux. »
« On fera attention, » répondit Kate avec un sourire confiant. « Merci pour les infos, Julia. »
Alors qu'ils quittaient le bureau, Chris ne pouvait s'empêcher de penser à la complexité croissante de l'affaire mais aussi à l'attirance qu'il ressentait pour Kate. Travailler ensemble devenait de plus en plus compliqué. Il se laissait de plus en plus distraire, ce qui ne faisait que confirmer ses craintes. Ils ne devaient pas franchir la limite, il ne serait plus à même de rester objectif en tant que supérieur.
En sortant du cabinet de Julia, Kate jeta un coup d'œil à Chris. « Tu penses qu'il est coupable ? »
« Je ne sais pas, » répondit-il honnêtement. « Mais on va aller le voir, ça nous permettra de mieux connaître le personnage et évaluer cette hypothèse. »
« Ça me va, » répondit Kate en montant dans la voiture.
Kate et Chris se rendirent chez Brian Barnes en matinée. Brian vivait en ville, dans un petit appartement, dont les murs ternis par le temps et l'odeur de renfermé témoignaient d'un manque de soins évident. En les voyant, Brian força un sourire. Il était fatigué, submergé par une tristesse profonde à laquelle Chris et Kate ne s'attendait pas vraiment.
« Entrez, entrez, » dit-il en les invitant à pénétrer dans l'étroite pièce de vie. « Café ? Ce n'est pas du grand cru, mais ça tient éveillé. »
Ils acceptèrent et s'installèrent dans la petite cuisine, où une table bancale et des chaises dépareillées occupaient l'espace. Brian, encore en pyjama, semblait mal réveillé. Il s'efforçait malgré tout de paraître présentable et jetait des regards furtifs vers la cafetière afin de savoir quand le servir. Kate, d'une voix douce, entama la conversation. « Nous sommes venus vous poser quelques questions sur la mort de votre oncle et de sa femme, » commença-t-elle, cherchant à capter son regard.
Brian poussa un soupir, un sourire triste se dessinant sur son visage fatigué. « Vous me soupçonnez, c'est ça ? Je comprends. À votre place, je ferais pareil. » Il s'assit lourdement à la table, leur faisant signe de faire de même. « Comme vous le savez, j'ai des dettes. J'ai raté ma vie, je suis un minable. Mais je leur aurais jamais fait de mal. » Il marqua une pause, ses yeux se perdant dans le vide. « À la mort de mes parents, mon oncle était là pour moi. C'était quelqu'un de formidable. Ils ont fait du mieux qu'ils ont pu, malgré mes bêtises. »
Kate inclina légèrement la tête, prenant des notes discrètement. « Qui pourrait en vouloir à votre oncle et sa femme ? » demanda-t-elle, ses yeux ne quittant pas Brian.
Brian réfléchit un instant, ses doigts tapotant nerveusement la table. « Dernièrement, ils étaient harcelés par un promoteur immobilier. Ils avaient un terrain avec une maison de campagne non loin d'ici, leur havre de paix. Ils ne voulaient pas vendre, peu importe le prix. »
« Pourtant, il semblerait qu'ils aient failli se séparer récemment, » indiqua Chris, les bras croisés, appuyé contre la table.
« Oui, c'est vrai, » admit Brian, hochant la tête. « Mais c'est justement là-bas qu'ils ont décidé de se donner une nouvelle chance. Cette maison c'était le symbole de leur amour. Ils n'avaient aucune envie de vendre. »
La tension palpable, Brian continua. « Après leur disparition, j'ai cherché des informations, mais avec mes dettes, je n'ai pas été bien loin. »
Chris se redressa, « Et ces promoteurs, ils vous ont contacté pour la vente de cette maison ? J'imagine que vous en avez hérité également. »
Brian secoua la tête, visiblement gêné. « Non, ils ne m'ont pas contacté. »
Kate intervint, cherchant à éclaircir un autre point. « Vous nous parliez du fait qu'ils ont parlé de se séparer un peu plus tôt. Est-ce que vous savez pourquoi ? »
Brian esquissa un sourire amer. « Tout le monde le savait. Emily avait trompé mon oncle avec un certain Bob Sanders. Mais mon oncle a préféré lui pardonner. Il voyait ça comme une chance de raviver la flamme, plutôt qu'une fin. Il était comme ça, généreux. C'était quelqu'un de bien. Je vous en prie, retrouvez le coupable. »
Kate acquiesça, puis demanda : « Et qu'est-ce que vous pensez de Bob Sanders ? »
Brian réfléchit, puis répondit : « Je ne crois pas que ce soit lui. Il est désagréable, mais je ne le vois pas comme un meurtrier. Quand je l'ai confronté en pensant que c'était lui le responsable, il était juste triste. Triste qu'elle ait choisi de rester avec mon oncle, mais pas en colère. Nous avons longuement parlé, et je crois qu'il n'est pas mauvais au fond. »
Chris conclut l'entretien, « Très bien, nous allons vous laisser pour le moment. Nous reviendrons peut-être en fonction de l'évolution de notre enquête. »
Brian, la voix pleine de colère retenue, lança : « J'espère que vous retrouverez ce fumier et qu'il paiera. »
« Merci pour votre temps, » dit Kate en se levant, « N'oubliez pas de nous appeler si quoi que ce soit vous revient. »
De retour dans la voiture, Kate tourna la clé de contact et se tourna vers Chris. « Qu'est-ce que tu en penses à présent ? »
Chris grimaçât, massant ses tempes. « On a trois suspects potentiels. Je sens que je vais avoir un mal de tête ce soir. »
Kate hocha la tête. « C'est vrai que ça se complique. Si on faisait un point avec Luis ? »
Chris répondit, « On peut faire ça, mais avant, il faut qu'on aille manger. J'arriverais pas à réfléchir le ventre vide. »
Kate repensait à sa discussion avec Julia ; elle avait besoin de faire le point par rapport à Chris. Après un temps d'hésitation qui lui parut une éternité, elle lui demanda, « Ça te dit une virée en moto avec randonnée ce week-end ? Je pourrais te montrer le sentier que Max m'a présenté. »
Chris secoua doucement la tête, « Désolé, Kate, mais je suis déjà pris. Sunshine et Sarah viennent à la maison, peut être même qu'elles arriveront à convaincre Maverick cette fois-ci » précisa-t-il, une joie sincère dans la voix.
« Je vois, » dit-elle, tentant de masquer sa déception. « Sunshine doit être ravie. Je suis contente pour vous, » ajouta-t-elle sincèrement. « Et Sarah, quel genre de femme est-elle ? Je suis curieuse de savoir qui a bien pu faire chavirer ton cœur. »
Le visage de Chris s'adoucit à l'évocation de Sarah.
« Sarah... c'est une femme incroyable. On s'est rencontré à la fac de droit. C'est une femme forte, indépendante, belle, mais avec beaucoup de caractère. Elle est avocate, tu vois, et elle a choisi de défendre ceux qu'on arrête. On avait beau être fous amoureux l'un de l'autre, c'était un sacré frein dans notre relation. Enfin ça et le fait que j'ai pas mal merdé aussi... »
Kate remarquait que Chris parlait encore de Sarah avec des étoiles dans les yeux. Il lui semblait évident qu'il avait encore des sentiments pour elle. Et en même temps, c'était l'amour de sa vie. Elle, qui n'avait jamais été amoureuse, ne risquait pas de comprendre.
« Tu penses parfois que vous pourriez vous remettre ensemble ? » demanda-t-elle avec une anxiété qui la surprit.
Chris soupira, son regard se perdant dans le lointain. « Je crois pas que ce différend par rapport à nos choix professionnels soit facilement surmontable, » répondit-il doucement.
« Et si elle changeait de clients ? » osa Kate, la voix tremblante.
Chris la regarda, surpris, « Tu me poses beaucoup de questions aujourd'hui, ma parole ? »
« Désolée, » répondit Kate, les joues légèrement rouges. « C'est juste l'occasion... »
« Je ne sais pas, » finit par avouer Chris, les yeux dans le vague « peut-être, mais il faudrait déjà qu'elle me pardonne pour mes erreurs passées. »
Sa réponse fut douloureuse pour Kate, mais elle n'en montra rien, résolue à étouffer ses émotions et préserver son amitié avec Chris qui désormais elle le savait n'était pas prêt pour une relation quoi qu'il en soit.
Arrivés au bureau, Kate se remit au travail avec Luis tandis que Chris, en tant que shérif, répondait aux demandes des autres équipes qu'il dirigeait. L'après-midi avançait et Chris demanda à Kate et Luis de venir faire le point dans son bureau. Luis, toujours méticuleux, présenta la liste des suspects d'une manière très scolaire. Kate, en revanche, restait silencieuse, presque distante, ce qui surprit Chris qui ne releva toutefois pas. Il écoutait attentivement leurs arguments, mais ses pensées étaient souvent attirées par l'attitude inhabituelle de Kate.
Luis expliqua que la maison de vacances des Barnes n'avait pas une grande valeur en soi, mais qu'elle était située dans une zone touristique en plein essor, ce qui pouvait constituer un mobile. « Une fois les Barnes assassinés, il ne resterait que Brian à convaincre, et au regard de son profil, il est facile de penser qu'il aurait accepté. »
Chris attendait que Kate exprime son avis, mais elle semblait ailleurs, ses yeux fixant un point indéterminé. « Kate, tu en penses quoi ? » demanda-t-il en essayant d'attirer son attention.
Elle sursauta légèrement, sortant de ses pensées. « Excuse-moi, » dit-elle doucement. « Je pense que Brian était sincère, tout comme je ne pense pas que ce soit Bob. Ce ne sont que des intuitions et il ne faut pas pour autant écarter ces pistes, mais pour ma part, j'aurais plutôt misé sur la piste du promoteur immobilier. Même s'il ne s'est pas encore présenté à Brian Barnes pour le moment, je crois qu'il faut fouiller en ce sens. »
Chris hocha la tête, considérant ses paroles. « Tu as raison. Il faut savoir pourquoi ces promoteurs voulaient absolument ce terrain et ce qu'ils étaient prêts à faire pour l'obtenir. On pourrait aller le voir à son bureau demain si tu veux. »
« Ok, » répondit-elle, avec un sourire distant, qui n'atteignit pas ses yeux.
Chris la regarda avec inquiétude. Alors qu'elle et Luis s'apprêtaient à quitter le bureau, il demanda à Kate de rester pour lui parler en privé. « Ça va, Kate ? Tu n'as pas l'air en forme. »
Elle s'étira lentement, ses mouvements trahissant une fatigue accumulée. « J'ai juste du sommeil à rattraper, » dit-elle d'un ton détaché.
Bien que peu convaincu, Chris préféra l'accepter pour le moment. « Tu devrais aller te reposer alors. »
Kate acquiesça. « Je vais donner un cours et ensuite je ne traînerai pas trop. Sunshine vient à la salle du coup la semaine prochaine ? Si Maverick vient, il est le bienvenu également. »
« C'est pas les vacances, elle ne reste que le week-end, » répondit Chris.
« Dommage, » dit Kate avec une pointe de tristesse dans la voix. « Dis-lui qu'à l'occasion elle n'hésite pas, je peux lui donner des cours particuliers les week-ends, enfin, quand vous n'avez rien de prévu en famille bien sûr. »
Chris perçut de la tristesse dans sa voix, mais ne sut comment y réagir. « Bonne soirée et à demain alors, » se contenta-t-il de dire.
« Bonne soirée et à demain, » répondit-elle en prenant la porte.
Chris se demanda ce qui avait pu mettre Kate d'aussi mauvaise humeur. Il avait remarqué qu'elle n'avait pas beaucoup d'appétit au repas, ce qui n'était déjà pas habituel. Il envoya un message à Julia, pensant que Kate pourrait peut-être parler lui plus facilement qu'à lui. Julia lui répondit rapidement en proposant de passer une soirée tous ensemble ce week-end. Chris déclina cette nouvelle invitation en expliquant qu'il recevait déjà Sunshine et Sarah. Julia, comprenant rapidement la situation, promit de veiller sur Kate tout en gardant pour elle ses conclusions. Elle envoya immédiatement un message à Kate, lui proposant une soirée au bar samedi soir. La réponse de Kate arriva aussi vite : « Ok, ça tombe à pic, j'avais envie de passer une soirée filles. »
Chris resta pensif après cet échange. Il était partagé entre la satisfaction de voir une distance raisonnable s'installer entre lui et Kate, le protégeant de ses sentiments naissants et envahissant mais, il était également triste de voir leur complicité se tarir. La progression de leur relation avait des aspects agréables qu'il aurait voulu explorer davantage, même s'il ne l'assumait pas pleinement. Ce mélange d'émotions le laissait confus.