Partie 1 - Les Clefs d'Akademia

Par Elka

Gwenaëlle ne s’était jamais pris de coup de canne dans les tibias jusqu’à cette après-midi-là. Elle en arracha un de ses écouteurs, et la vieille dame répéta d’un ton aigre derrière son masque :

— C’est les places handicapées ici, jeune fille. Je voudrais m’asseoir.

Brûlante de honte, Gwenaëlle sauta sur ses pieds, écrasa ceux de la dame en s’extirpant du carré de sièges occupés par un type, ses sacs de courses et son môme qui morvait sur la vitre du tram, et s’éloigna en s’excusant mille fois.

La vieille dame proposa un bonbon à l’enfant, deux collégiennes pouffèrent, et Gwenaëlle préféra quitter le wagon de tête avant de se consumer de malaise. Déjà qu’elle s’était forcée à sortir…

De l’ongle, Gwenaëlle imprima de petits croissants de lune dans le gras de sa main, tout en cherchant une place libre. Depuis le départ de Flo pour Akademia, le stress de Gwenaëlle était devenu difficile à contenir. Heureusement qu’Anselm se rendait toujours disponible parce que…

Florence pouvait demander à quitter Akademia, ils le savaient. Elles auraient pu continuer à se voir régulièrement, mais non. Elles auraient pu multiplier les visios, les messages, mais non. Flo cherchait peut-être à prendre ses distances, pendant que Gwenaëlle cherchait de l’air.

Une place se libéra près d’une fenêtre, et Gwenaëlle s’y réfugia en lâchant son sac à ses pieds. Elle ajusta ses écouteurs, monta le son et pressa une épaule sur la vitre chauffée par le soleil. C’était une belle après-midi d’octobre. Le genre que ses parents n’appréciaient pas, parce qu’ils avaient vécu le basculement du changement climatique. Gwenaëlle, elle, ne connaissait pas grand-chose d’autre. Le froid, ça venait plus tard dans l’année.

Son voisin de siège lisait une BD sur sa tablette. Calvin et Hobbes. Elle louchait pour voir discrètement la fin du gag quand le tramway entra en collision avec quelque chose.

Le monde devint un hurlement – le sien – alors qu’elle basculait tête la première au sol. Son épaule percuta violemment une barre de sécurité, puis son dos la paroi du tram, et elle se roula instinctivement en boule. Un crissement strident lui vrillait les tympans, une alarme lui enserra le cerveau. Elle avait l’impression que le tramway se déchirait autour d’elle. Il y eut une embardée, sa tempe cogna contre quelque chose et le noir se fit.

Quand elle émergea, après un temps incertain, il n’y avait plus de vibrations sous son corps et plus de grincement des patins magnétiques sur les rails.

Mais l’alarme encore, des pleurs, des appels. Haletante, presque fiévreuse, elle poussa sur ses bras tremblants pour se redresser.

Le wagon n’était plus qu’un amas de gens, de sanglots et de suppliques douloureuses. Ses yeux tombèrent sur la tablette fendue. Du sang cachait la dernière case.

Elle fit bouger ses poignets, ses chevilles, sa nuque. Elle avait mal de partout, mais sûrement rien de grave. Elle se mit debout mais faillit tomber et se retint à une barre de sécurité. Le tram avait dû percuter quelque chose d’énorme et sortir de ses rails ; le sol penché perturbait son centre de gravité.

— Quelqu’un peut venir ? appela un homme.

Elle se retourna. Il faisait signe quelques rangées plus loin, agenouillé auprès d’une personne dont Gwenaëlle ne vit que des pieds, immobiles. Une terreur sans nom lui glaça les membres. Un enfant pleurait quelque part, à s’en arracher les cordes vocales. Quelqu’un papillonnait des cils, hagard, une grosse plaie au visage. Une personne se tenait le bras en cherchant une issue, une autre essayait d’actionner l’ouverture d’urgence en vain.

Il y avait trop à voir, à entendre. Elle avait peur, et une sensation d’étouffement s’emparait doucement d’elle en réduisant son champs de vision.

Elle voulait sa maman. Elle voulait Flo et Anselm et sortir de ce tramway pour en partir loin. Soudain, une personne se tint derrière la porte vitrée. Un pompier. Un frisson la traversa et ce n’était pas que du soulagement. Elle se releva, le pompier la regarda et articula exagérément pour qu’elle saisisse : « ouvrez la porte. »

Elle tira sur la poignée, mais le mécanisme ne lui renvoya qu’un vieux chuintement.

Le type se mordit la lèvre, hésitant, et elle s’empressa de presser trois doigts sur son sternum, en guise de salutation. Il écarquilla les yeux, lui indiqua de reculer et pressa la paume contre le bouton d’ouverture. Ça ne dura qu’une fraction de seconde, le genre que Gwenaëlle identifiait sans mal, de la même façon qu’elle avait su en le voyant qu’il était Arkan.

Toutes les portes s’ouvrirent d’un coup. Mêlant aux râles de soulagement et aux sanglots, un vent fumeux et les sirènes tonitruantes des secours.

— Tu es blessée ? demanda le pompier.

— Je crois pas, non. Je… j’ai besoin d’air.

— Sors. Il y a des ambulances plus loin, va les voir. Tu étais avec quelqu’un ?

Elle bredouilla que non, récupéra son sac et quitta l’habitacle sur des jambes cotonneuses. Une foule de curieux s’était amassée, tenue à l’écart par les secours et le rubalise déployé par des policiers appelant au calme.

Elle s’écarta pour chercher l’avant du tram, pour comprendre ce qui avait pu se passer. Qu’est-ce que le véhicule avait-il pu percuter pour dérailler ? Son cœur battait la chamade. Elle cherchait à voir et ne comprenait pas.

Là où aurait dû se trouver la vitre conducteur et le premier wagon, on ne voyait que les gens de l’autre côté des rails, et les rues, la ville, les montagnes. L’avant avait tout bonnement disparu, et le reste du véhicule s’était échoué sur le bas-côté comme un dauphin sur la plage.

Mais ce n’était pas une coupure nette. Gwenaëlle voyait les plaies arrondies de la carlingue comme si quelqu’un en avait arraché un morceau avec les dents, et ces endroits-là saignaient. Un sang noir. Des coulures de pétrole sur la peinture blanche et verte. Des éclaboussures sur des sièges à demi-disparus.

Elle s’approcha, se tailla un chemin entre les curieux paniqués, hypnotisée par ce qu’elle voyait. Une policière l’arrêta quand elle toucha le cordon de sécurité.

— Il s’est passé quoi, demanda Gwenaëlle.

Sa vision se troubla, elle toucha son front et sentit une grosse bosse.

— Tu étais dedans ? s’inquiéta la policière. Rejoins vite une ambulance.

— Il s’est passé quoi ? insista-t-elle. C’est quoi ça ?

Sa voix s’était cassée sur la fin. Des larmes lui brûlaient la cornée et son cœur battait si fort qu’elle avait envie de vomir. On ne pouvait pas lui demander d’aller voir ailleurs alors qu’un morceau de carlingue avait disparu, que des gens avaient disparu.

— Ça aurait pu être moi, ajouta Gwenaëlle. J’étais assise devant, au début.

La femme accusa sa révélation avec un silence pesant. Ses yeux passèrent de Gwenaëlle au monde amassé autour d’elle – sûrement qu’un ou deux écoutaient, malgré l’agitation – avant de se poser sur le tramway et de lâcher un soupir sifflé entre ses dents.

— On attend des experts, accepta-t-elle de révéler. Là, comme ça, je peux rien te dire de plus que ce que tu vois. Le wagon de tête s’est détaché, mais on ne sait pas où il est.

— Et le liquide noir ?

Elle pointa du doigt les coulures paresseuses sur les vitres.

— Du carburant, rien de plus. Va voir l’ambulance, maintenant, sinon j’envoie un officier t’y conduire de force.

Des policiers se mirent à déplier une bâche pour protéger la scène aux yeux des gens. Ils avaient mis des gants pour ne pas toucher le liquide noir, et enjambaient précautionneusement les flaques au sol. Du carburant, vraiment ?

Gwenaëlle s’éloigna et chercha le pompier qui l’avait aidé, mais il devait être très occupé. La tête lui tournait. Elle voyait les ambulances, mais surtout la vieille dame qui lui avait donné des coups de canne, le gamin qui morvait sur la vitre, et son père avec les courses, et les filles qui avaient ri, et…

Elle chercha son téléphone et s’y reprit à trois fois pour passer son appel.

— Oui ?

— Florence, dit Gwenaëlle.

Et elle s’effondra en larmes.

 

**

 

Anselm ne pouvait rien refuser à sa petite sœur, et considérait Gwen comme un membre de la famille. Aussi, quand Florence lui téléphona en panique pour dire que cette dernière avait eu un accident et qu’il fallait la récupérer en centre-ville, il quitta son cours en visio sans explications et emprunta la voiture de leur père.

Florence l’attendait devant l’entrée de la poche et grimpa sur le siège passager avant même qu’il se soit arrêté.

— T’as eu le droit de sortir ? s’inquiéta-t-il en démarrant tout de même.

— J’ai envoyé un mail, ça ira.

Il lui jeta un regard de travers, mais Flo lui répondit d’un regard déterminé.

— Pour les urgences, on a le droit. Je me contrôle assez bien de toute façon. Et puis, c’est Gwen.

Ce dernier argument mouchait tout le reste, Anselm accéléra légèrement et lui demanda ce qui s’était passé.

— Elle a pas trop réussi à m’expliquer. Elle pleurait. Je crois qu’il y a eu des morts.

Le cœur d’Anselm se pinça. Sa sœur alluma sa montre et chercha des informations sur les réseaux.

— Ils parlent de déraillement, résuma-t-elle après un dernier coup agacé sur l’écran. Ah, y a des enquêteurs arkans sur place. Peut-être papa ? Tourne ici, ce sera plus rapide.

Anselm s’exécuta. Ce genre d’accident appelait forcément une vérification des autorités arkanes. Si c’était bien une personne à l’origine de ça, que ce soit un pouvoir mal-géré ou un acte criminel, elle n’aurait certainement plus le droit d’utiliser sa Clef avant un bon moment.

Comme si elle avait pensé à la même chose, Florence sortit la sienne de sous son col et la serra dans son poing.

Rouler en centre-ville était un enfer, il n’y avait que peu de routes qui permettaient de tourner autour des quartiers piétons. Anselm se gara sur un dépose-minute et Florence bondit de la voiture pour aller récupérer Gwen.

Il tapota nerveusement sur le volant en observant la silhouette de sa sœur courir droit vers une foule de curieux et un panache de fumée noire. Des gyrophares bleuissaient la scène en palpitant et le ciel commençait à s’oranger au-dessus de la Chartreuse.

Il mit les warnings et décida de la rattraper jusqu’aux ambulances. Il y avait des gens sur les lits dépliés, respirant dans des masques, allongés et gémissant, en train d’être auscultés, interrogés.

Il repéra leur père, dans son uniforme, près de Flo qui étreignait Gwen de toutes ses forces.

— Elle va bien ? s’enquit Anselm. T’es là depuis longtemps ? Il s’est passé quoi ?

Son père leva une main pour l’apaiser. Il souriait, mais c’était une façade ; Anselm connaissait bien ce plissement inquiet entre ses sourcils et cette posture crispée. Il lui répondit en balayant les alentours du regard :

— Elle va bien. Elle m’a dit que vous arriviez.

— On peut ramener Gwen, alors ?

— Tu m’as pas répondu, ajouta Anselm. Il s’est passé quoi ?

— Rien qui ne vous concerne. Vous pouvez la ramener.

Celle-ci se détacha de Florence, mais colla son épaule à Anselm pour observer leur père. Elle était si pâle sous ses cheveux crépus qui s’égaillaient en tous sens, les yeux exorbités et rougis.

— Tu ne vas pas le punir, hein ? souffla-t-elle. Il m’a sauvé.

— Ne t’occupes pas de ça, Gwen. Rentre, repose-toi. Les enfants…

Il observa Florence, la scène de chaos et de fumée qui se déployait derrière lui, puis lâcha un soupir mi-contrarié mi-résolu.

— Restez avec elle. Anselm, tu ramèneras Florence plus tard, d’accord ? Qu’elle ne retourne pas à Akademia toute seule.

Anselm prit les devants, passa une main autour des épaules de Gwen et la guida jusqu’à la voiture.

Ils quittèrent la ville en silence. Les filles s’étaient assises sur la banquette arrière, la tête de Gwen contre celle de Flo. Elle reprenait quelques couleurs, mais son regard restait hanté. Il les connaissait par cœur, toutes les deux ; leurs mimiques, leurs blagues, leurs silences et leurs disputes. L’admission de Florence à Akademia avait été difficile pour tout le monde, mais surtout pour Gwen, plus fragile qu’on ne le croyait au premier abord.

Flo s’était éloignée d’eux, ces dernières semaines, volontairement ou non. Mais en cet instant, Anselm sentit qu’ils se retrouvaient.

— L’avant du tram a disparu, lança soudain Gwen en le ramenant à la réalité.

La luminosité flanchait au-dehors, changeant les forêts en ombres chinoises et les habitations en phares. Anselm contracta les mains sur le volant, sourcils froncés, mais laissa sa sœur demander :

— Comment ça ?

— Ils ont mis une bâche pour le cacher, mais y a plus rien. Plus de wagon de tête, plus de gens.

Sa déclaration creusa un silence lourd. Anselm exprima ce qu’ils pensaient tous :

— C’est forcément un acte arkan. Tu… tu as senti quelqu’un ?

Et si elle avait été à un pas de l’agresseur ? L’idée l’effrayait, mais Gwen le rassura en répondant :

— Personne à part le pompier. C’est son don qui a débloqué les portes. L’ouverture d’urgence ne marchait pas. Votre père m’a demandé de l’identifier.

Sa voix se brisa, et Anselm comprit dans un frisson glacé. Les arkans qui utilisaient leurs pouvoirs en public étaient punis, leur Clef confisquée pour un temps adapté à la gravité de leur acte.

— Il a aidé, déclara Florence d’un ton ferme. Discrètement, en plus. Papa laissera couler avec un avertissement, t’inquiète pas.

Il se retint de la contredire. En tant que magistrat judiciaire, leur père ne pouvait pas se permettre de « laisser couler », surtout quand ça concernait la loi du secret. Il avait toujours été très clair là-dessus.

— C’est fini, Gwen, préféra dire Anselm en lui souriant à travers le rétroviseur.

Il remarqua sa sœur, penchée sur sa montre, et demanda :

— Qu’en dit la Conque ?

— Rien, maugréa-t-elle. Juste que des experts sont sur place mais ne se sont pas prononcés. Des théories, des témoignages, rien de concluant.

— Personne d’arrêté, en tout cas, ajouta Gwen qui lisait par-dessus son épaule.

— Ça ne tardera pas, dit Anselm avec assurance. Un truc de cette ampleur… ce n’était pas arrivé en France depuis longtemps. Mais papa va avoir du boulot.

Il allait falloir falsifier les expertises, corrompre les témoins, mentir aux journalistes, fabriquer des preuves… Et c’était à leur père de coordonner tout ça et d’en référer au magistrat civil, le directeur d’Akademia.

Anselm mit le clignotant pour s’engager dans leur quartier.

— Ça pourrait être un courant religieux, suggéra soudain Gwenaëlle. Ma mère m’a dit que certains revendiquaient un droit de visibilité. Le grand-prêtre Virgile leur dit souvent de se calmer.

— Possible, répondit Florence sans conviction. Mais je suis pas certaine que ça jouerait en leur faveur, ce genre de truc.

— C’était peut-être pas fait exprès.

— Ça les ferait donc passer pour des glands.

Sa réflexion arracha un sourire à Gwen, qui se refléta sur le visage d’Anselm : il préférait ça.

 

**

 

Quand Gwenaëlle se coula sous sa couette, elle ne put retenir un très long soupir de soulagement.

Cette journée était finie.

Il avait fallu que sa mère rentre, la hélant du hall d’une voix inquiète, lui tendant les bras en portant encore son manteau et une chaussure, pour qu’elle craque à nouveau. Florence et Anselm avait décidé de partir à ce moment-là, après des embrassades réconfortantes et la promesse de se revoir très vite.

Elle avait été heureuse de les avoir à nouveau chez elle. L’été dernier, encore, il ne se passait pas trois jours sans que l’une ne squatte le pouf de la chambre de l’autre, pas une semaine sans qu’Anselm leur achète un goûter à la boulangerie ou qu’ils ne prennent un chocolat ou une bière au bar du Tröll Radieux.

Akademia avait cassé leur routine, mais Gwenaëlle s’en voulait d’avoir pensé que Flo y avait pris plaisir. C’était idiot. Un simple appel, et elle s’était précipitée au risque de se faire sévèrement engueuler.

Gwenaëlle tendit le bras pour prendre son téléphone sur la table de chevet.

« Merci encore pour aujourd’hui » écrivit-elle sur leur conversation à trois.

« C’est normal ! » répondit aussitôt Flo, avant d’ajouter : « Tu me manques, tu sais. »

Gwenaëlle contempla les mots, et se rendit compte qu’elle n’éprouvait plus une once de colère, juste la culpabilité de l’avoir ressenti et la peur que son amie s’en soit rendue compte.

« Toi aussi. »

« Et moi, non ? » intervint Anselm.

Gwen laissa le frère et la sœur se chamailler, lisant leur conversation avec un sourire, puis ils se souhaitèrent une bonne soirée et elle éteignit sa lampe de chevet. Pelotonnée sous les draps, elle écouta le bruit étouffé de la télévision en attendant que le sommeil lui ferme les yeux.

Elle laissait ses volets entrebâillés pour que la lumière du lampadaire creuse des ombres coutumières dans sa chambre. Sur les dizaines d’étoiles phosphorescentes collées sur les murs et le plafond, seules celles dans les coins enténébrés luisaient faiblement.

Elle se tourna de l’autre côté, toucha l’attrape-rêves que Flo lui avait fabriqué en troisième et essaya de dormir.

 

Elle se réveilla fiévreuse, la gorge sèche et la respiration saccadée. Elle rejeta sa couverture avec des gestes pâteux, la peau bouillante. Son pyjama était trempé de sueur. Elle voulut enlever son t-shirt, mais ses bras trop lourds étaient perclus de courbatures.

Affolée, elle pensa appeler sa mère mais le feu dans sa gorge lui déchira la voix et seul un borborygme rauque s’échappa de ses lèvres craquelées. Son cœur battait encore plus vite que pendant l’accident. Son cerveau lui paraissait gelé. Un bloc de glace au milieu du brasier qui montait, montait, pour finalement glisser sur sa peau comme une averse.

Elle imagina le feu dans ses veines, comme un poison, se résorber doucement. Beaucoup trop doucement. Quitter ses tempes, ses joues, sa nuque. Couler le long de ses épaules, sur la courbe de ses seins, du creux de ses clavicules. Remonter la plante de ses pieds, la ligne de ses mollets, la cicatrice qui ornait son genou depuis ses quatre ans.

Pour se converger vers son ventre, se ramasser comme une pile de charbons ardents. Encore, et encore, et encore. Gwenaëlle gémit et, quand elle pensa vaseusement qu’elle ne le supportait plus, que c’était trop de souffrances, la douleur s’échappa. La quitta comme un poids.

Brusquement, il n’y eut plus rien.

Elle se redressa violemment, le palpitant au bord de l’implosion, ses larmes séchées sur son visage.

Sous son pyjama, sur son ventre encore collant de transpiration, reposait une clé grande comme la paume de la main.

Sa Clef.

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Nanouchka
Posté le 24/03/2024
Eh beh. Quel premier chapitre. J'aimerais le tenir en format papier pour le lire allongée et emmitouflée dans une couette. C'est succulent.

Je trouve l'écriture précise, ni trop explicative, ni trop floue. Le rythme se tient, les personnages sont attachants, les enjeux sont clairs, le monde semble riche. Je suis lectrice pour une petite ME SFFF ces jours-ci, et mon dieu ce premier chapitre est le meilleur que j'ai lu depuis un baaaaaail, ça fait du bien.

Un micro-détail : j'ai ressenti un ralentissement de rythme qui m'a tarabustée au moment où Flo et Anselm récupèrent Gwen. Je me demande si ça pourrait être ellipsé ? Ou taillé peut-être pour que ce soit plus court ? Parce que je trouve leur conversation préalable très jolie et chouette sur la peur pour la clef et tout, et je trouve la conv des trois sur les hypothèses ensuite très intéressante. C'est juste le petit morceau entre les deux où j'ai senti mon regard divaguer.

Je suis ravie de ce récit. C'est ta combientième version, du coup ?
Elka
Posté le 30/12/2024
Nanou, encore une fois je suis désolée de mon long silence !
Surtout que ton commentaire me fait très chaud au cœur ♥ J'avais écrit cette histoire y a moultes années, et c'était mauvais (appelons un chat un chat XD), mais j'avais aimé les personnages, et j'ai eu envie de reessayer.
Donc j'imagine que c'est une sorte de V1, puisque je reprends tout à 0.
Mais j'ai modifié plusieurs trucs sur le début à l'heure où j'écris ces lignes, et je vais le mettre à jour de ce pas.
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