Maude n’avait pas été la seule à succomber à l’épidémie. Régulièrement, des gens mouraient de maladies, préalablement affaiblis ou non par diverses intoxications et usures dues à l’agressivité de l’environnement. D’autres mouraient directement de ces intoxications et usures. Et aucune période n’avait fait exception, d’autant plus que depuis plus d’une décennie, le nombre annuel de morts augmentait, phénomène de plus en plus marqué à mesure que le temps passait — et que la pollution infiltrait le territoire phénéan.
Lorna n’allait plus aux entraînements ni aux cours avec le même enthousiasme. Les autres qu’elle n’y rencontrait plus ne lui manquaient pas, et leur absence ne la perturbait pas plus que cela ; ils n’avaient pas été les premiers à disparaître prématurément, et ils ne seraient pas les derniers. Mais il lui était désagréable de savoir qu’elle n’y reverrait jamais Maude. Elle pensait souvent à elle.
Elle ne se sentait plus animée par cette hargne qui l’avait motivée sans faille pendant si longtemps. Elle ne savait plus vraiment pour quoi elle faisait ce qu’elle faisait, ni pourquoi elle devrait le faire. Ne plus avoir cette certitude lui donnait l’impression de s’être affaiblie.
Elle finit par se rendre compte qu’elle ressassait trop cette conversation qu’elle avait eue avec Maude pour ne pas être obsédée par l’idée délirante de feue son amie. Sauf qu’elle ne tournait plus en rond comme avant son décès, ne cherchait plus une autre conclusion possible ; elle gardait l’idée intacte au fond de son esprit, sans avoir besoin de l’assumer, mais sans néanmoins la négliger.
La jeune femme tentait d’être rationnelle et se disait qu’elle était simplement bouleversée par la mort d’une personne qui comptait particulièrement pour elle. Que ses convictions n’étaient que temporairement voilées par le deuil. Qu’elle allait bientôt retrouver sa véhémence.
Un jour, elle regagna la casemate familiale plus tôt qu’à l’accoutumée, ayant décidé de ne pas aller aux entraînements du reste de la journée. Elle fut surprise de voir que son père était également déjà rentré.
Il arborait une mine sombre, assis à la table de la pièce principale. Lorna s’approcha de lui et s’enquit de ce qui avait l’air de le préoccuper.
Un de ses collègues du Centre était mort pendant la session expérimentale de ce jour. Selon les explications des scientifiques en charge, alors que l’homme se faisait irradier dans sa cellule sous les caméras, celui-ci s’était soudainement effondré. Ils avaient alors interrompu l’irradiation pour tous les participants et les avaient évacués. Leur camarade avait trépassé. Ils avaient été auscultés, et, aucun ne présentant d’anomalie, renvoyés chez eux. Ils seraient contactés pour être informés de ce qui allait être décidé pour la suite. Aucun n’avait pu voir le corps.
L’étincelle de hardiesse et d’espoir avait terni dans le regard du père optimiste.
Quelques temps plus tard, la rumeur d’une chercheuse ayant disparu dans un mystérieux accident au Centre se répandit. Personne ne parvint apparemment à en savoir plus, malgré les interrogations générales.
Lorna commençait à se poser de plus en plus de questions à propos de la Source. La mort de l’experte était-elle due, comme celle du confrère de son paternel, à la puissante entité ?
Les informations circulaient rapidement à Phénix, et certains travailleurs du Centre avaient forcément vu ou entendu quelque chose. Aussi était-il suspect qu’en cette situation particulière, personne ne communiquât sur l’événement.
Les savants cherchaient-ils à cacher les circonstances de la disparition de leur semblable ?
Les jours se succédaient ; les uns après les autres ; sept par sept… et l’état d’esprit de la jeune femme ne semblait guère changer. Alors que sa rage de vaincre commençait à se transformer en souvenir, et que la graine que Maude avait plantée au fin fond de son cerveau continuait à germer, Lorna ne savait quelle piste de pensée méritait le plus de ne pas être privilégiée, laquelle déméritait le moins de ne pas être exclue.
Une nuit, elle fut réveillée par une violente envie de rendre le contenu de son estomac ; ce fut le début d’une période où nausées et vomissements rythmèrent son quotidien. Les premiers jours ne l’inquiétèrent pas outre mesure ; cela pouvait être une infection passagère.
Cependant, les symptômes persistèrent sans s’atténuer, et du sang commença à apparaître de temps à autre dans ses vomissements. En général, chez personne, Maude la première, ce phénomène n’avait précédé un bilan de santé favorable.
Lorna avait remarqué que sa mère était trop préoccupée par sa condition et celle de l’embryon qui se développait dans son utérus, pour s’apercevoir des défauts de santé de sa fille aînée et, comme à son habitude, intervenir. Cette grossesse avait l’air de lui demander pas mal d’énergie. Et puis, il était normal qu’elle accordât plus d’attention à un être vulnérable plutôt qu’à un autre qui pouvait très bien s’occuper de lui-même ; Lorna n’était plus un enfant, à présent.
Celle-ci songea avec ironie que même sa mère enceinte ne vomissait pas autant qu’elle.
Elle s’immobilisa.
Oh non…
Elle retraça rapidement la chronologie de ces dernières semaines, dans la limite de ses souvenirs.
Et merde.
Elle paniqua : la responsabilité d’une autre vie que la sienne lui incombait soudain. Le dilemme qui la paralysait depuis des mois ne la tiraillait pas assez qu’il fallait rajouter à cela un petit humain qui dépendrait totalement d’elle. Elle ne savait déjà pas comment agir pour elle-même qu’elle était à présent supposée agir pour quelqu’un d’autre, et lui enseigner comment agir pour lui-même et vis-à-vis des autres.
Elle se força à se calmer.
Rien ne l’obligeait à s’occuper de cet enfant.
Cette pensée l’apaisa.
Elle l’apaisa, mais lui était simultanément insupportable.
… Non. Il lui était impossible d’abandonner lâchement ce qui luttait pour demeurer, à cause d’une simple incertitude sur l’avenir. De mépriser un être qui promettait, elle voulait le croire, de devenir à son tour une force de vie, et aurait besoin de son aide pour ce faire.
Elle se raisonna néanmoins afin de ne pas prendre de décision hâtive, et se résolut à attendre que quelques quinzaines confirmassent ou infirmassent ses soupçons. Cela lui laisserait également le temps pour réfléchir à ce qu’elle ferait en fonction du résultat.
Les semaines passèrent ; les vomissements s’étaient calmés, mais cela faisait à présent plus de trois mois qu’elle n’avait plus perdu de sang menstruel. Plus de doute possible ; elle était enceinte.
Elle devait maintenant mettre à exécution la conclusion de ses méditations, à savoir arrêter de dissimuler son manque de courage derrière des méditations, et concrétiser ce qu’elle n’avait pas voulu voir comme la seule issue possible depuis tout ce temps : partir.
La situation était plus simple qu’elle n’avait essayé de s’en persuader.
Elle avait toujours considéré la Source comme un danger imminent. Jusqu’à récemment, cependant, aucun phénomène alarmant n’avait été recensé. Bien que n’ayant jamais été tranquille de se savoir entourée de sa sombre énergie, elle avait accepté sans remise en question manifeste, et comme ses congénères, de s’en remettre à l’entité méconnue plutôt qu’au désert s’étendant a priori au-delà de la portée humaine. Cela paraissait sensé alors.
Mais les événements récents avaient sonné l’alerte : les Phénéans commençaient à tomber en masse, et on ne savait toujours rien qui pût faire miroiter l’espoir de contrôler la puissance du colossal foyer d’énergie. Les surfaces de terres cultivables réduisaient à vue d’œil de jour en jour : les émissions sourcières ne semblaient plus suffisantes pour les préserver du mal provenant du Néant.
Elle ne voyait plus de possibilité d’avenir à Phénix.
De plus, ceux qui étaient allés explorer les alentours lointains étaient des humains, aussi faillibles que ceux qui étudiaient la Source ; le Néant portait donc peut-être un potentiel caché de survie. S’il existait un endroit tel que Phénix, encore partiellement sain, il y en avait peut-être d’autres.
Elle devait partir le plus tôt possible ; dès qu’elle aurait rassemblé les provisions, équipements et renseignements dont elle aurait besoin.
Elle devrait également partir seule, et taire ses intentions ; non qu’elle le voulût, toutefois elle savait que ses parents ne la laisseraient pas faire, et ils l’imiteraient encore moins. De plus, elle ne connaissait personne d’autre à qui elle pourrait demander de l’accompagner. Enfin… si, il y avait bien une personne. Mais il serait plus sage d’aller la consulter au dernier moment.
Ainsi, au fil des semaines qui suivirent, la jeune femme récolta toutes les informations possibles sur le Néant auprès de ses actuels et anciens précepteurs, complétant ses propres acquis. Malgré le résultat fragmentaire d’un assemblage, entre autres, de données sur lesquelles tout le monde ne s’accordait pas toujours, et d’indications que certains avançaient avec une assurance peu propice à la confiance, le tout combiné à un indubitable manque général de connaissances, Lorna put déterminer grosso modo la première partie de son itinéraire, et l’attirail dont elle allait devoir se munir.
Plus ou moins tous les Phénéans avaient accumulé dans leurs casemates du matériel de survie et des provisions, pour le cas où une urgence les forcerait à fuir vers le Néant. C’était le cas pour la famille de Lorna. C’est précisément maintenant qu’il faut utiliser tout ce bordel qu’on a pris la peine d’amasser, pensa-t-elle en fouillant dans le coffre du sous-sol inférieur, sélectionnant avec soin les outils qu’elle allait emporter.
Cependant, concernant la nourriture, le stock avait tant diminué en raison du rationnement qui s’était progressivement imposé, que Lorna n’eut pas le cœur de rafler ce qu’il en restait. Elle trouverait un autre moyen. Cela reportait son départ d’un jour, car, pour tout ce qu’elle avait à faire, elle ne pouvait œuvrer qu’au cours des quelques heures où ses deux parents étaient hors du domicile, or ils seraient bientôt de retour. Mais tant pis ; elle ne pouvait pas faire cela.
Le lendemain, elle se rendit au marché. De loin, elle put rapidement constater qu’il y régnait une certaine agitation. Elle accéléra le pas et, lorsqu’elle atteignit la foule, se fraya un chemin à travers l’amas de personnes agitées jusqu’à un étal.
Les marchands étant soit sollicités de tous côtés par des clients enragés, soit occupés à préserver leur gagne-pain des mains des impitoyables, la jeune femme se contenta de quelqu’un n’ayant l’air ni trop échauffé ni trop inquiet pour s’enquérir de la cause de cet affolement général.
« Les prix ont flambé. Apparemment, les récoltes ont été mauvaises. Enfin… bizarres, du moins ; certains légumes avaient des formes pas normales. » Sur ces mots, Lorna fut brutalement bousculée. Des formes pas normales ? La pollution était-elle responsable de cette dégénérescence ? Ou bien la Source ? Quoi qu’il en fût, le temps pressait, et visiblement plus qu’elle ne l’avait pensé jusqu’à maintenant. Il fallait qu’elle réussît à se procurer de la nourriture aujourd’hui. Comment allait-elle s’y prendre ? La solution du marché était compromise.
Elle tourna la tête et vit que, ayant eu vent de ce qu’il se passait, d’autres Phénéans étaient en train de s’amasser devant l’entrée de plusieurs casemates alimentaires déjà bondées. Pas par là non plus, donc.
Les champs directement ? Ils étaient en permanence sous surveillance, et il était probable que le processus eût été renforcé, par anticipation ou en réponse à la mystérieuse déformation des produits agricoles. Non, elle se ferait arrêter et se retrouverait enfermée alors qu’elle voulait justement décamper.
Elle se détestait déjà pour ce qu’elle allait faire.
Elle regagna le logis familial.
Devant les maigres réserves de légumes déshydratés, de pain sec et de gruau, Lorna hésitait. C’était sa famille qui lui avait permis, et lui permettait, encore aujourd’hui, de vivre.
Mais, même si, par miracle, ils acceptaient de la suivre, il n’y aurait pas assez de nourriture pour toutes les bouches jusqu’à la lisière du Néant connu — elle doutait même qu’il y en eût assez pour elle seule —, or il fallait partir immédiatement. De plus, encore une fois, elle redoutait bien trop la possibilité qu’alors, ils ne la laissassent pas partir.
Et puis merde. C’était elle qui aurait les chances de survie les moins mauvaises, une fois dans le Néant. Il était logique que la nourriture lui revînt.
Elle s’empara des vivres.
Andrea n’eut que le temps de lancer un regard interrogateur vers le chargement que portait Lorna lorsque celle-ci arriva à sa rencontre. Elle lui avait donné rendez-vous la veille à la périphérie de la ville, sans en dévoiler la raison.
« Je suis enceinte, lui lança-t-elle de but en blanc. » Parmi tous les mots qui traversèrent à cet instant l’esprit du jeune homme pris au dépourvu, ce furent les suivants qui sortirent de sa bouche : « Euh… de moi ?
— À ton avis.
— Et tu m’as fait venir jusqu’ici pour me dire ça ? Je te connaissais moins cérémonieuse.
— Tu veux être un père ?
— Je suis père, visiblement.
— Andrea, est-ce que tu veux élever cet enfant avec moi ?
— Bah, oui, bien sûr. Pourquoi est-ce que tu es si sérieuse ?
— Un enfant, c’est pas assez sérieux pour toi ? Écoute… »
Lorna savait qu’Andrea attachait une importance prioritaire à sa famille. Elle était sa source d’énergie, ce qu’il avait de plus précieux. C’était à elle qu’il était loyal.
Il mourrait pour elle.
Restait à savoir quelle famille il allait choisir.
« … Je pense que Phénix est perdue. Que la Source et la pollution vont nous détruire. »
Silence.
« Il faut partir, Andrea. J’ai de la nourriture et de quoi faire un abri. Viens avec moi.
— Quoi ? Mais où est-ce que tu veux aller ?
— A ton av…
— Mais ça va pas ?!
— Regarde autour de toi ; tout est en train de pourrir, et la Source ne peut rien contre ça. C’est peut-être même elle qui va tous nous tuer un jour, comme ceux du Centre. Même les légumes sont en train de muter en des espèces de trucs qui vont finir par nous empoisonner !
— Même si ce que tu dis est vrai, ça ne rend pas le Néant plus accueillant ; là-bas, tu peux être sûre de crever au moins de faim ou de soif.
— Tu vois bien qu’il n’y a pas d’avenir, ici. Peut-être qu’ailleurs, on peut survivre si on n’est que deux. Ou trois. »
Il se fixaient.
« Non, Lorna. C’est juste insensé. » Cette dernière haussa les épaules. « Alors je pars sans toi. J’aurai essayé. » Elle s’apprêtait à tourner les talons, quand Andrea fonça sur elle et lui attrapa l’avant-bras. « Je ne te laisserai pas partir ; encore moins avec mon enfant. » On y arrivait.
Lorna planta un regard glacial dans les yeux de celui qui venait de devenir son ancien partenaire. « Je t’ai menti ; ce n’est pas toi, le père. » Il comprima alors son bras et s’approcha encore de la jeune femme, qui restait de marbre. « Quoi ? » La respiration du jeune homme s’était faite plus forte. « Je t’ai menti pour que tu viennes. »
Partagé sur ce qu’il devait penser et faire, les mâchoires serrées, il ne cessait néanmoins de renforcer sa prise sur le bras de Lorna.
Puis il finit par la lâcher.
La jeune femme n’apprécia pas ce qu’elle lut dans le regard d’Andrea, mais elle s’y était préparée ; c’était cela, ou il allait essayer de la retenir, et, s’il échouait, avertir ses parents.
Elle savait qu’à présent, il n’en ferait rien.
Elle avait joué sur sa plus grande faiblesse, et perdu ainsi son estime et sa confiance.
Jamais, au cours de toute leur relation, ils n’avaient utilisé cette carte, quelle qu’eût été la manière dont ils s’étaient affrontés. Ils s’étaient blessés de bien des façons, mais heurter si durement son adversaire, son partenaire, revenait à l’exclure de la partie, et à se retrouver sans plus personne à provoquer. Sans compter que, s’ils avaient même une fois fonctionné de la sorte, ils se fussent déjà entretués depuis bien longtemps.
Lui aussi savait comment atteindre Lorna. Mais elle l’avait exclu, et s’était par-là exclue elle-même ; pour cette raison, il ne prit pas la peine de riposter, et, le visage fermé, s’en retourna d’où il était venu.
Ainsi, elle était seule.
Alors qu’elle se tenait entre les quelques arbres encore debout, moribonds, à la limite de Phénix, elle regarda une dernière fois le dôme blanc, surplombant le reste du territoire, indemne, lumineux, au milieu de la ville rongée par la mort, et eut une pensée pour le fœtus grandissant de ses parents, presque désolée.
Elle tourna le dos à tout cela, et partit.
Lorna resta dans ce qu’il demeurait désespérément de l’ancienne forêt pour se diriger vers le lac. Ce dernier semblait s’étendre assez loin, aussi elle avait prévu de le longer ; selon les informations qu’elle avait glanées, aucune autre source aquifère n’était disponible aux alentours de Phénix. Elle en profiterait donc autant qu’elle le pourrait.
Lorsqu’elle fut assez près du point d’eau pour être capable de le discerner derrière le grillage de la zone toxique, elle s’arrêta, et observa. Personne en vue. Elle devait néanmoins rester sur ses gardes ; à ce moment de la journée, il était possible qu’un entraînement amenât un groupe de jeunes au lac.
Sans passer de l’autre côté, elle suivit la clôture qui se prolongeait parallèlement à la rive, ce qui maintint une certaine distance entre elle et la berge dégagée, où l’on eût autrement pu l’apercevoir. Peu de plantes étaient encore à la verticale, toutefois celles-ci présentaient une meilleure option de dissimulation que l’atmosphère translucide.
L’angoisse montait en elle à mesure qu’elle avançait. Son pouls accélérait.
Lorsqu’elle fut arrivée à l’orée du bosquet décrépi, elle sortit une pince de son sac, découpa une ouverture dans la grille, et, le cœur cognant dans la poitrine, bondit dans la zone toxique et se mit à courir le plus vite qu’elle le put vers le Néant.
Elle avait arrêté de regarder convulsivement derrière elle ; essoufflée, elle concentrait ses derniers efforts sur sa course.
Cela faisait presque deux heures qu’elle filait le long de l’étendue d’eau. Elle avait graduellement ralenti malgré elle, et, à présent, son corps la forçait à réduire drastiquement sa dépense d’énergie ; elle finit par capituler et passa au pas.
Elle remarqua que le lac était d’un brun bien plus sombre au niveau où elle se trouvait. Ces mystérieuses algues, qui avaient commencé à poindre près de Phénix il y avait moins d’un an, étaient probablement plus répandues ici, et à l’origine de cette teinte. La jeune femme n’était plus sûre que son filtre à eau lui fût d’une quelconque utilité désormais — et elle n’était pas sûre de vouloir lever ses doutes par l’expérience non plus.
Elle atteignit le bout du lac après plusieurs dizaines de mètres supplémentaires ; maintenant, elle savait où le grillage prenait fin. La berge, de ce côté, était entièrement pelée.
Lorna s’arrêta pour jeter un coup d’œil derrière elle ; une légère brume avait commencé à voiler l’espace. Au loin, elle ne voyait qu’une forme vague et foncée, qui devait correspondre à l’ancienne forêt. C’était pire devant : une mélasse grise l’attendait. La jeune femme l’avait attendue également, mais pas si tôt ; elle eût déjà dû tomber sur un jalon, le premier d’une série, qui avait soi-disant et logiquement été planté de telle sorte que l’on pût le repérer avant de risquer de se perdre dans le bloc nébuleux. Ce dernier avait dû resserrer son étreinte autour de Phénix depuis, car Lorna ne décela pas la moindre trace du pieu.
Elle se remit néanmoins en mouvement et pénétra plus avant dans le brouillard, espérant qu’en continuant tout droit à la hauteur des moyens du hasard, une balise se révélerait à sa vue.
Je poursuis ma lecture et l'ambiance est toujours aussi efficace. Un côté thriller, et une catastrophe en marche dont on essaie de savoir s'il y aura possibilité d'en réchapper même si ça semble fort compromis.
Trois petites remarques de forme -
>> "Régulièrement, des gens mouraient de maladies, préalablement affaiblis ou non par diverses intoxications et usures dues à l’agressivité de l’environnement." Je trouve la phrase un peu pesante avec trois "ment" dont deux adverbes, peut-être coulerait-elle mieux avec un "d'abord affaiblis ou non" ?
>> "Un jour, elle regagna la casemate familiale plus tôt qu’à l’accoutumée, ayant décidé de ne pas aller aux entraînements du reste de la journée. Elle fut surprise de voir que son père était également déjà rentré." Là aussi peut-être, pour éviter le participe + adverbe pourquoi pas "à l'accoutumée, décidée à ne pas aller" ?
>> "plus avant dans le brouillard, espérant qu’en continuant tout droit à la hauteur des moyens du hasard" Légères redondances de sonorités, pourquoi pas "avec l'espoir" à la place du participe ?
Autrement j'ai beaucoup apprécié la variété de tons de cette deuxième partie, qui accompagne bien les différentes phases par lesquelles passe Lorna. La tristesse due à l'absence de Maude, son moment déphasé, elle ne sait plus où elle en est... et puis la voici qui repasse à l'action, mène ses investigations tandis que le mal se répand de plus en plus. Lorna est déterminée et prête à tout, y compris à la duperie avec cette scène autour d'Andrea, et puis la tension monte d'un cran sur la fin alors que cette brume se répand.
A une prochaine pour la suite ! :D
Je ne compte pas revenir sur cette histoire, mais merci pour ces suggestions de correction, ça m’aidera à mieux prêter attention aux redondances et autres formules lourdes les prochaines fois.
Sinon je suis enchantée de ton enthousiasme et te suis reconnaissante de l’avoir manifesté, ça fait toujours chaud au cœur.
À bientôt !