Partie 2

H a les yeux exorbités.

– C'est pas parce que je vis là-bas que vous devez avoir pitié de moi, rugit-il. Hein, mesdames. Alors maintenant, Jeanne, tu vas me faire le plaisir de me raconter ta journée. En détail.

Elle sursaute et baisse les yeux sur ses mains couvertes de sueur. Sa voix se fait mécanique alors qu'elle débite sa routine habituelle.

– Je me suis levée ce matin à six heures pour me préparer. Ensuite, j'ai réveillé Antoine et Gladys. J'ai préparé le petit déjeuner. On est tous montés dans la voiture pendant que François se préparait pour aller au travail vers sept heures quarante. À sept heures cinquante, j'ai déposé les enfants à l'école et au collège. Je suis partie en ville pour ouvrir le cabinet. J'ai reçu une dizaine de patients le matin pour de petits rhumes. J'ai déjeuné avec ma collègue Olivia au restaurant italien du coin. J'ai mangé des lasagnes. C'était très bon. Ensuite, encore une dizaine de patients, dont une urgence pour laquelle j'ai appelé les secours. Il fallait une évacuation à l'hôpital. En rentrant, je suis allée au supermarché pour acheter du fromage et de la charcuterie pour ce soir parce que François et moi attendions Margot, Robert et leurs enfants. Quand je suis rentrée, François était déjà là, comme tous les soirs, avec les enfants. J'ai pris une douche vers dix-huit heures trente, je me suis changée, et puis tu es arrivé en même temps que nos invités. Voilà. Rien de passionnant, comme je l'ai dit.

H sourit, satisfait. Il tapote son couteau avant de le coincer entre ses doigts. Il remet encore du fromage à fondre mais pas avec le même poêlon. Il en a changé à chaque tranche.

– Tu vois que tu peux le faire quand tu y mets de la bonne volonté. Vos vies sont uniques et forcément intéressantes. Pas besoin d'écourter comme si vous aviez peur de moi. On est entre amis après tout.

Nous hochons tous la tête.

– Je ferai tout comme tu le voudras.

Il murmure un vague "bien" et enfourne une dernière bouchée. Nos yeux sont rivés sur le mélange qu'il mastique entre ses lèvres ouvertes.