Partie 2

Par Fannie

Après une audition de la classe de flûte de son amie, Blandine attend dans le hall du Conservatoire de musique pendant que Gladys parle dans une salle avec le professeur et Mitsuko, l’accompagnatrice. Un groupe de garçons discute en riant et Blandine comprend, à travers des bribes de phrases, qu’ils se moquent de son amie. Elle en est agacée : encore des imbéciles qui rient de son poids ! Elle ne comprend pas qu’on puisse se moquer d’une personne comme Gladys. Ses kilos superflus ne l’empêchent pas d’être une bonne flûtiste ; en dehors de son talent musical, elle est toujours aimable et souriante, chaleureuse, pétillante ; bref, elle est adorable. Elle a beaucoup de charme et…

Blandine se rend compte brusquement qu’elle la trouve jolie et elle se dit qu’elle a quand même une drôle de façon de penser à son amie.

Entre-temps, le hall s’est vidé. Il y a quelqu’un, assis sur la banquette devant la table allongée qui est disposée entre les deux portes de la salle de concert. C’est Camille. Il est en train de dessiner et il lui adresse un simple « Salut » en lui jetant un bref coup d’œil, tout en continuant son ouvrage.

— Salut, répond Blandine en s’asseyant à l’autre extrémité de la banquette.

Cette scène lui semble étrange, tout comme la façon qu’il a de la regarder par intermittence, comme si elle était son modèle.

— C’est moi que tu dessines ? hasarde-t-elle.

— Non.

— Tu me regardes comme si c’était le cas ; c’est bizarre.

— Je dessine pour toi.

— Ah, fait Blandine en se disant que ce Camille est décidément un curieux personnage.

Avant que le silence ne devienne trop gênant à son goût, elle reprend la parole :

— Pourquoi certaines personnes t’appellent Camille et d’autre Camillus ?

— Camille, c’est pour les francophones.

— Ton vrai prénom est Camillus ?

— Camillus est mon deuxième prénom.

— Tu n’aimes pas le premier ?

— Les gens l’écorchent et on ne peut pas l’adapter dans d’autres langues.

Blandine hésite, puis renonce à lui demander quel est ce prénom imprononçable. Le silence retombe entre eux, mais il n’est pas pesant. C’est un silence tranquille, pour ainsi dire amical. Alors Blandine ose poser la question qui la taraude :

— Qui est Masaaki ?

Le crayon de Camille reste suspendu tandis qu’il la sonde du regard pendant une interminable quinzaine de secondes.

— Il vaut mieux laisser Masaaki dans le passé, finit-il par dire.

Appuyée par un regard pénétrant, cette phrase ressemble à une injonction. Sans aucun changement d’intonation ni sans avoir besoin d’arguments, il laisse transparaître sa faculté de persuasion. Intimidée, Blandine baisse les yeux et la voix.

— Je vois, c’est un sujet tabou.

Camille confirme d’un « aha » affirmatif.

Cette fois, elle n’ose plus rien dire. Elle pense que Masaaki est peut-être mort, ce qui expliquerait qu’on ne veuille pas parler de lui. Quelques minutes plus tard, son voisin pose son œuvre sur la table devant elle en précisant :

— C’est pour toi.

— Merci, dit Blandine, étonnée qu’il ait représenté Gladys.

C’est une esquisse, mais il se dégage de son trait de crayon quelque chose de contemplatif et de jubilatoire.

— C’est tellement ressemblant ! Pourquoi tu as dessiné Gladys… en me regardant ?

— J’ai dessiné ce que tu as dans la tête.

Durant un court instant, Blandine est saisie d’une sorte de stupeur, celle qu’on peut ressentir en s’apercevant qu’on a été épié ou percé à jour. Mais elle chasse ce sentiment en se disant que ce n’est pas possible qu’il ait accès à ses pensées.

Gladys. Sublimée sans être idéalisée, épanouie dans ses rondeurs insolentes et néanmoins légère, aérienne, elle paraît prête à s’animer. Son visage rayonne et son sourire complice semble s’adresser à Blandine. Il ne manque plus que sa voix mélodieuse et joyeuse. On pourrait penser que ces traits ont été tracés par une main amoureuse, mais Blandine ne croit pas que Camille éprouve de tels sentiments pour Gladys.

— Tu la trouves jolie, Gladys ?

Lorsque les yeux de Camille se posent sur elle, elle croit devoir s’expliquer.

— À ta façon de la dessiner, on dirait.

— Je l’ai vue à travers tes yeux.

— Ah bon ? Alors tu es une sorte de voyant ? lance-t-elle avec une incrédulité un peu impatiente.

— D’une certaine façon, admet-il, toujours paisible.

— Et qu’est-ce que Gladys a à voir avec mon avenir ?

— Ça peut aussi être le présent. C’est à toi de le découvrir.

Il accompagne cette réponse d’un sourire à peine perceptible sur son visage énigmatique. Blandine est frustrée par cette réponse.

— C’est un peu facile de me balancer ça comme ça.

Quand elle ne s’attend plus à une réaction, elle arrive enfin.

— Où en est ta vie sentimentale ? demande Camille en regardant devant lui.

Son interlocutrice est décontenancée.

— Mais...

— C’est une piste. Tu n’es pas obligée de répondre.

— Ben en ce moment, je n’ai personne. Je me concentre sur mes études de musique.

Gratifiée d’un « aha » qui ressemble à un « je vois... », elle renchérit :

— D’ailleurs, les mecs que je côtoie ne m’attirent pas et ne m’intéressent pas ; je les trouve immatures. Il n’y a pas de bon candidat dans mon entourage.

— C’est la seule raison pour qu’ils ne t’attirent pas ?

Face à cette question, Blandine reste coite.

Après un instant de réflexion, la lumière se fait.

— Ah, Gladys ! Tu penses que… Mais ce n’est qu’une amie.

Lisant le doute dans les yeux de Camille, elle se corrige.

— D’accord, ce n’est pas qu’une amie. C’est ma meilleure amie.

— Aha…

Blandine a l’impression qu’il ne la croit pas ou qui se moque d’elle. Voire les deux. Avant qu’elle ait le temps de s’indigner, on entend des voix familières qui s’approchent dans le couloir. Blandine range le dessin dans une de ses partitions de musique, presque honteuse à l’idée que Gladys le voie.

 

*

 

Dans un quartier résidentiel de Reykjavik à l’aube des années septante, dans un séjour clair et lumineux, sobrement meublé, Masaaki joue du piano tandis que Thorkell dessine sur le guéridon, assis à même le sol sur l’épais tapis. Le premier est au seuil de l’âge adulte, le second est adolescent. Au bout d’un moment, Masaaki se rend compte qu’il le regarde, comme si c’était lui qu’il dessinait. Il s’interrompt.

C’est moi que tu dessines ?

Bonne question.

Comme il n’obtient pas d’autre réponse, il se lève et s’approche de la table.

Montre.

Ça ne va pas te plaire, répond Thorkell en relevant le dessin plaqué au sous-main pour le cacher.

Je veux le voir.

Alors que son interlocuteur semble hésiter, Masaaki allonge promptement son bras pour saisir la feuille de papier. Il se redresse, la regarde et reste figé un instant, comme pétrifié. Puis il la laisse glisser entre ses mains et quitte la pièce sans un mot. Le dessin atterrit par terre ; il représente une femme avec son visage.

 

Un moment plus tard, Masaaki revient dans le séjour pour reprendre les exercices de piano qu’il avait interrompus. Comme il trouve le dessin posé sur l’instrument, il le contemple un instant puis se rend compte que Thorkell est assis dans un fauteuil, totalement immobile, comme s’il attendait quelque chose.

Pourquoi tu as dessiné ça ?

J’ai dessiné ce que tu as dans la tête.

Tu lis dans les pensées des gens ? lance le pianiste avec incrédulité.

Non, je ne lis pas dans les pensées, mais je perçois des choses.

Il affirme cela avec beaucoup d’aplomb. Manifestement, il est tout à fait sérieux.

Tu es une sorte de médium ?

Non, je ne communique pas avec les morts. C’est plus… comme une seconde vue.

Masaaki pense que ce n’est pas la première fois que Thorkell manifeste un côté étrange. Examinant l’esquisse exécutée d’un coup de crayon sûr et expressif, il hasarde :

Tu préférerais que je sois une fille ?

Non, pour moi ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est ce que toi tu préférerais.

Puis, dans un léger haussement de sourcils, Thorkell lui adresse un regard énigmatique. Masaaki saisit le crayon qui lui sert à annoter sa partition et écrit soigneusement un nom au bas du dessin avant de se retourner vers son interlocuteur :

D’accord, je garde ce dessin parce qu’il est bien fait. On dira que c’est ma sœur jumelle.

Aha…

Alors que Masaaki s’interroge sur la signification de cette réponse quelque peu évasive, Thorkell se lève pour quitter la pièce.

Je te laisse faire ton piano.

 

*

 

Ce jour-là, près de trois mois après leur rencontre, Mitsuko et Blandine disposent de la salle du professeur de Gladys pour la leçon de piano. Cette dernière a demandé de pouvoir y assister. Arrivées en avance, les deux jeunes femmes s’y installent. C’est le printemps et il fait relativement chaud. Gladys porte une jupe ample blanche jusqu’au-dessous des genoux avec un chemisier rose dont elle a laissé deux boutons ouverts.

— Ça se passe toujours bien avec Mitsuko ? demande-t-elle.

— Oui-oui. C’est vraiment une super prof. Je crois que je vais regretter nos cours quand je serai au Conservatoire.

Pendant que Blandine se munit de ses partitions, Gladys s’assied sur le piano à queue qui occupe environ la moitié de la salle. Quand la première vient s’installer au clavier, elle n’ose pas faire remarquer à son amie à quel point sa posture la dérange. Elle se dit qu’elle aurait dû ouvrir la queue du piano, ce qui aurait évité le problème. Elle tente d’en faire abstraction et commence à jouer, mais elle ne parvient pas à se concentrer, ce qui la rend nerveuse, surtout juste avant sa leçon. Elle s’exprime enfin :

— Gladys, ça ne va pas. On ne s’assied pas sur un piano.

Mais la remarque n’a pas l’effet escompté. Au contraire, elle se couche, la tête appuyée sur sa main face à Blandine. Son chemisier s’entrouvre.

— Voilà. Comme ça je ne suis pas assise, répond-elle avec un sourire espiègle.

Blandine sent monter en elle un trouble qui s’apparente à une sorte de panique.

Elle se ressaisit et lui lance :

— Très malin ! Tu m’empêches de me concentrer.

Elle voudrait pouvoir se fâcher un peu, mais face à ce joli visage enjôleur au-dessus d’un décolleté qui bâille, sa détermination se met à fondre. Comprenant qu’elle ne va pas recommencer à jouer dans ces conditions, Gladys concède, sans se départir de son sourire :

— Bon, d’accord, je m’assieds.

Elle joint le geste à la parole.

— Si je joue comme un pied, ce sera de ta faute.

Cela dit, Blandine se lance dans des exercices d’échauffement. Après quelques minutes, la lourde porte s’ouvre et Mitsuko apparaît, vêtue d’une robe noire à manches longues qui couvre juste ses genoux, agrémentée d’une ceinture rouge assortie à ses escarpins à hauts talons.

— Voyons, Gladys ! s’exclame-t-elle sur un ton de reproche, plus affectueux que ferme.

— Je te l’avais dit, fait Blandine triomphante. On ne s’assied pas sur un piano.

— C’est vrai, on est sérieux ici, approuve Mitsuko sans parvenir à être sévère.

Elle referme la porte et désigne une chaise à Gladys, d’un geste un peu cérémonieux qui contraste avec son annonce laconique.

— On va commencer.

 

Après la leçon de piano, les deux jeunes femmes se retrouvent à leur « quartier général ». De son côté, Mitsuko a encore des accompagnements à faire.

En s’installant à la table, Gladys commente :

— Tu vois, Mitsuko a dit que tu étais prête. Il faut juste que tu aies plus confiance en toi. Tu vas le réussir, cet examen.

— Oui, je suis soulagée et contente. Mais je ne dois pas me relâcher. Il faut que j’aie suffisamment d’aisance pour ne pas perdre mes moyens.

— Tu y es presque. Courage pour cette dernière quinzaine !

Soudain prise d’un doute, Blandine fouille dans son sac pour vérifier qu’elle n’a pas oublié son porte-monnaie. Ce faisant, elle sort ses partitions dans un geste un peu maladroit, faisant tomber le dessin, qui glisse vers les pieds de Gladys. Elle reconnaît tout de suite le coup de crayon.

— Camille t’a fait un dessin ?

Blandine veut se précipiter pour le ramasser, mais elle n’en a pas le temps. Face au feuillet qu’elle ne peut décemment pas reprendre des mains de son amie, elle tente une diversion.

— Tu connais Camille ?

— Ben oui, repart Gladys sur un ton d’évidence. C’est le compagnon de Mitsuko.

Puis elle regarde le dessin et se récrie, étonnée :

— Il t’a fait un dessin de moi ?

— Ben ouais.

Blandine a envie de disparaître sous la table et attend la suite avec une certaine anxiété.

— Tu lui as demandé ? insiste Gladys.

— Non, je ne lui ai rien demandé.

Gladys contemple l’œuvre, qu’elle a posée sur la table.

— Il dessine vachement bien, quand même ! En voyant ça, je pourrais me croire belle.

Elle rit sur cette dernière phrase.

— Moi je le trouve fidèle, ce dessin, commente Blandine.

Gladys baisse les yeux sur la feuille de papier et reste pensive un instant avant de reprendre la parole.

— Camille est réputé pour faire des dessins prémonitoires, révélateurs, ou en tout cas qui ont une signification particulière. Qu’est-ce qu’il t’a dit en te le donnant ?

— Ben…

Blandine n’a pas véritablement envie de lui révéler cela. Le regard de Gladys se fait presque suppliant.

— Dis-le moi, s’il te plaît.

— Il a dit textuellement : « J’ai dessiné ce que tu as dans la tête. »

— C’est moi que tu as dans la tête ?

Incapable d’interpréter le sourire de Gladys, Blandine répond :

— C’est gênant.

— Mais non, c’est chou. Comme tout à l’heure dans la salle : on dirait que je te trouble.

Le sang monte aux joues de Blandine, qui ne peut pas la contredire. Décontenancée, elle essaie de se justifier.

— Je ne voudrais pas que tu t’imagines des choses… Je ne voudrais pas te perdre.

Le regard de Gladys se fait tendre.

— Blandine, tu ne me perdras jamais. On peut très bien rester amies, mais si tu ressentais quelque chose de plus, je ne t’en voudrais pas. Au contraire, ça me plairait.

Comme son interlocutrice reste muette, submergée par des émotions qu’elle ne comprend pas, Gladys conclut :

— On peut faire comme si cette conversation n’avait pas eu lieu, si tu veux.

— Je ne sais plus quoi penser. Je suis complètement perdue. Je ne sais même pas ce que je ressens.

— Les choses vont se clarifier ces prochains jours ou ces prochaines semaines, affirme Gladys sur un ton rassurant.

Puis elle pose ses mains sur celles de son amie, qui sent que ça l’émeut plus que de raison.

— Si on se prenait une coupe Danemark ? propose-t-elle sur un ton jovial.

 

*

 

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Louis.W
Posté le 17/05/2021
Rien à redire sur ce chapitre. Il semble que j'avais faux concernant Masaaki ahah. J'aime bien le personnage Camille qui me semble être thorkell du coup. J'ai trouvé que la scène de fin allait un tantinet vite pour une situation où l'on découvre ses sentiments. Mais ,encore une fois, c'est subjectif.
Fannie
Posté le 21/05/2021
Comme tu as pu le voir à la fin, j’emploie les deux prénoms du personnage, ce qui m’a été bien utile pour conserver un peu de mystère au début de récit.  ;-)
Thorkell (en islandais Þorkell), son premier prénom, est difficile à prononcer correctement. Quand j’ai inventé ce personnage, à une époque lointaine où Internet n’existait pas, j’avais 15 ou 16 ans. Je ne connaissais rien aux prénoms islandais et le prénom Camille s’est toujours imposé à moi ; impossible de le « décoller » du personnage.  :-D Pour justifier ça, j’avais imaginé qu’il avait une grand-mère francophone et que sa mère était prof. de français. En effet, le « C » ne fait pas partie de l’alphabet islandais. Mais un jour, j’ai trouvé par hasard un vrai Islandais dont le deuxième prénom est Camillus. Alors je ne me sens plus obligée de justifier ce prénom, que je place aussi en deuxième. Comme Thorkell n’aime pas que les gens écorchent son prénom islandais, il utilise son deuxième prénom à l’étranger, Camille pour les francophones et Camillus pour les autres. (Je dois avouer que je ne sais pas ce qui est le plus commode pour les Japonais...) Sa famille et ses compatriotes l’appellent Thorkell.
Je suis contente que tu aimes bien Camille, d’autant plus qu’il vit dans ma tête depuis plusieurs décennies et que c’est un personnage récurrent qui apparaît dans diverses histoires (dont j’ai des bouts plus ou moins longs dans mes fichiers).
Le fait que la fin de cette partie semble un peu rapide vient probablement de ma maladresse dans ce genre de scène, mais aussi des limitations qui m’ont été imposées. Je l’ai écrite pour un appel à textes où elle n’a pas été retenue. D’un côté, l’inspiration m’est venue très tardivement, et de l’autre, je ne devais pas dépasser les 60 000 sec. La version que j’ai envoyée faisait un peu plus de 56 500 sec selon mon traitement de texte, mais il peut y avoir des différences d’un logiciel à l’autre, alors j’ai préféré garder une marge.
Louis.W
Posté le 21/05/2021
Wow. Je suis étonnée que tu aies écrit ce récit si jeune, dans une époque que je considérerais "si loin" (vu que je n'étais même pas née probablement).

Je dis ça dans le sens ou ce récit porte sur certaines questions sensibles et je suis surpris qu'à cet âge, en plus dans des années où l'information était plus difficile à trouver, tu aies pensé à traiter ces sujets.

Je suis un peu admiratif ahah, bravo.
Fannie
Posté le 21/05/2021
C’est vrai qu’à cette époque, j’ai entendu parler pour la première fois de transidentité dans une émission de télé. En ce temps-là, on appelait les femmes transgenres des « transsexuels » (même pas au féminin (!) ; quant aux hommes transgenres, je ne soupçonnais pas que ça pouvait exister). D’autre part, le prof de piano avec qui j’étudiais depuis l’âge de 13 ans était homosexuel. Je n’ai jamais entendu de moqueries ni de propos désobligeants à son égard ; on faisait plutôt comme si de rien n’était. Intérieurement, je ressentais une sorte de fascination affectueuse pour ces gens différents, probablement accentuée par mon incapacité à m’intégrer. J’ai beau être blanche, cisgenre, hétéro, binaire, valide, avec une silhouette ordinaire et habiter dans mon pays d’origine, les gens ont toujours trouvé chez moi une différence que je ne vois pas et qui me rend non conforme, si je peux le dire ainsi.
Mon personnage Masaaki était au départ un homme homosexuel et féminin, d’allure androgyne, qui restait très mystérieux. Pendant longtemps, j’ai laissé de côté ce personnage parce que je n’arrivais pas à le développer, même si je l’aimais bien. Par la suite, je me suis dit qu’en fait, c’était une femme et je l’ai prénommée Mitsuko. Mais j’ai voulu en faire une femme cisgenre, ce qui ne fonctionnait pas vraiment parce que ça m’éloignait trop du personnage d’origine. Ce n’est que récemment que j’ai eu une illumination : Mitsuko ne pouvait être qu’une femme transgenre, ce qui me permettait de réconcilier son passé et sa nature de femme.
Tous les personnages que j’ai inventés à l’adolescence et auxquels je m’intéresse encore aujourd’hui ont évolué avec moi, donc ils ont plus de maturité et sont plus complexes qu’à l’époque. Camille, Lilja et Mitsuko font partie des personnages que j’ai inventés à l’adolescence, tandis que Blandine et Gladys ont été imaginées pour cette histoire en particulier.
Mitsuko entrait en scène dans des bribes d’histoires qui tournaient dans ma tête et dont je n’ai quasiment rien rédigé ; mais le récit que tu as lu ici a vraiment été écrit l’année passée pour un appel à textes. Alors il n’y a probablement pas de quoi être admiratif : j’ai été particulièrement lente à la détente.  ;-)
itchane
Posté le 16/10/2020
Hello Fannie,

j'ai mis tellement de temps à revenir, je ne sais même pas trop pourquoi, en ce moment les semaines filent -____-
J'avais beaucoup aimé la première partie de cette nouvelle et je rejoins tout à fait Rachael sur cette deuxième portion, c'est très fluide, facile et agréable à lire, les dialogues fonctionnent très bien, vraiment, c'est très bien écrit !

Tu dis sur le forum que tu écris des textes tranches de vie sans "imagination", déjà que je n'étais pas d'accord avec la première partie de ce texte que je trouvais tout à fait intéressante et pleine d'idées et de vie, mais en plus tu ajoutes ici des touches de fantastique avec le "talent" de Camille, je ne trouve pas cela plat du tout du tout, bien au contraire !
Tu es trop dure avec toi même, franchement, je comprends que le comité ait repéré ton texte, il est très bien. Je file lire la suite ! : )
Fannie
Posté le 19/10/2020
Coucou Itchane,
Comme je te comprends ! Pour moi aussi, les semaines filent et je reste surprise de n’avoir pas réussi à faire telle ou telle chose.
Probablement que le début a pris du temps à se mettre en place, le temps de présenter les personnages et leur situation. Ensuite, il faut dire que pour moi aussi, c’est devenu plus naturel. Je suis contente que les dialogues fonctionnent bien parce qu’au départ, je n’écrivais quasiment que ça.
Merci pour les compliments. La peur d’écrire des histoires qui n’intéressent que moi me poursuit ; alors que tu trouves celle-ci intéressante me rassure.
C’est vrai que le don de seconde vue de Camille pourrait donner lieu à des récits fantastiques parce qu’il est à la limite entre une très grande intuition et une forme de télépathie ou de voyance. D’ailleurs, c’est une histoire vraie dans un livre sur l’Islande (emprunté à mon père) qui m’a donné l’idée du don de seconde vue, censé être courant chez les insulaires. (J’ai inventé ce personnage quand j’étais ado, mais il a évolué.) Puis, à défaut de trouver des informations exploitables à ce sujet, j’ai réinventé ce don à partir de plusieurs sources d’inspiration.
Rachael
Posté le 03/10/2020
Eh bien curieusement, bien que la coupure du chapitre soit « arbitraire », je trouve qu’il y a un changement de rythme dans cette partie, qu’elle est beaucoup plus fluide, et que tu y es plus à l’aise. Les dialogues coulent, les situations sont intrigantes, avec Camille/thorkel et sa double vue, et Masaaki qui se « rêve » en femme (je m’en doutais un peu à la fin de la partie précédente),
La scène entre Blandine et Gladys est traitée avec finesse et délicatesse, je l’ai trouvée très réussie. Ni trop appuyée, ni trop idéalisée, avec la gêne de Blandine mais aussi un grand trouble. Je suis rentrée dedans à fond.

Détails
dans le séjour clair et lumineux, sobrement meublé de ses amis : placement étrange de la virgule qui m’a laisser croire une micro seconde que le séjour était meublé de ses amis (en trophées ? ). En fait, il faut peut-être déplacer « de ses amis » pour le mettre après « séjour » ?
Ce jour-là/ c’est le printemps : j’ai eu du mal à situer combien de temps a passé depuis la scène précédente avec Blandine. Ce n’est pas forcément gênant, mais ça m’a troublé, alors je le signale.
C’est vrai, on est sérieux ici, approuve Mitsuko sans parvenir à être sévère : la fin de cette mini-scène m’a parue un peu abrupte.
Fannie
Posté le 07/10/2020
Les coupures sont arbitraires dans le sens que j’ai cherché à faire trois parties les plus égales possible du point de vue de la longueur. Mais j’ai quand même essayé de les faire à des endroits où ce n’est pas trop gênant. L’histoire a été pensée comme un tout. Je ne sais pas à quel moment on devine qui est Masaaki, mais je ne me suis jamais figuré que ça allait être un vrai mystère pour les lecteurs. J’ai voulu faire en sorte que le passé et le présent se construisent en parallèle, en plaçant les flash-back à des endroits où un élément sert de passerelle entre les deux (le dessin, l’hésitation, le premier baiser).
Le changement de rythme me paraît naturel ; je n’ai pas cherché à le créer ni à l’éviter. Mais quand on présente la situation et les personnages, il faut prendre le temps de se familiariser avec eux, de mettre les choses en place, ensuite l’histoire est lancée et les évènements s’enchaînent.
Pour la phrase concernant le séjour, il faut que je réfléchisse ; si je mets « de ses amis » directement après « séjour », je ne trouve pas que ça sonne bien.
Pour la fin un peu abrupte, il n’y avait plus à épiloguer sur le fait qu’on ne s’assied pas sur un piano. La leçon est sur le point de commencer et les choses qui devaient être dites ou montrées l’ont été ; j’ai l’impression que je ne pourrais ajouter que des mots vides, du remplissage.
Combien de temps s’est passé ? Au début, les filles parlent des trois mois qui restent avant l’examen. Est-ce assez important pour que j’insiste dessus ? Je présumais que situer les examens à la fin de l’année scolaire, vers mai-juin, serait relativement évident pour tout le monde.
Merci pour les compliments. Je les apprécie d’autant plus qu’avec toutes les remarques, j’ai un peu l’impression qu’il y a beaucoup de choses qui ne vont pas dans ce texte. Pourtant, après l’avoir écrit j’en étais assez satisfaite.
Rachael
Posté le 07/10/2020
Mes remarques concernent de petits détails, ce n'est pas comme si je disais qu'il faut tout changer... ;-)
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