PARTIE 2 Chap 17 : Entre souvenirs doux amers et cruelle réalité

Kate arriva à l'adresse que José lui avait donnée. Il se tenait là, adossé à une vieille voiture, un sourire sadique aux lèvres, cachant son regard derrière de larges lunettes de soleil, « Princesse », lança-t-il avec une familiarité déconcertante.

« José », répondit-elle, sa voix glaciale et détachée. D'habitude, elle aurait riposté par une remarque cinglante, mais elle se tue. Elle, plus que quiconque savait combien José pouvait se montrer cruel lorsqu’il était contrarié. Elle ne voulait pas prendre le risque de tout faire foirer. La vie de ceux qu’elle aimait était en jeu. Elle s’écrasa, de toute façon elle avait déjà perdu la bataille.

José s'approcha, sortant un bandeau noir de sa poche. « Je vais vous conduire à votre père, mais il a insisté pour qu'on vous couvre les yeux. J'espère que vous comprendrez cette précaution. »

« Je ferai ce qu'on me dira de faire », dit Kate, d'un ton monocorde, presque absent.

« Parfait », acquiesça José, un sourire satisfait se dessinant sur ses lèvres. « Vous savez que votre père n'aime pas qu'on le fasse attendre, nous devrions nous dépêcher à présent. » Il la contourna alors qu’elle se tenait droite, dégageant une force que même José respectait. Il noua le bandeau autour de ses yeux. Kate resta immobile, son visage impassible, une expression d'indifférence totale, comme si plus rien ne pouvait l’atteindre désormais. De nouveau face à son passé, prête à affronter la mort elle s’y préparait mentalement en construisant des murs dans sa conscience afin d’y cacher la moindre parcelle d’humanité. Là où elle se rendait, son âme ne la ferait que souffrir.

***

Les jours suivants se déroulèrent dans un flou de mouvements et de bruits étouffés. Conduite d'un endroit à l'autre, Kate ne percevait que les murmures de conversations et le ronronnement constant des moteurs, toujours dans l'obscurité. Pour échapper à cette réalité oppressante, elle s'abandonnait à des souvenirs doux-amers de moments partagés avec Chris.

Chris avait voulu l'emmener pêcher et camper. Même Carl, avec toute sa persévérance, n'avait jamais réussi à la convaincre, mais elle avait cédé à Chris, charmée par son enthousiasme. Pendant des jours, il lui avait parlé des joies de la pêche, ses discours sans fin ponctués d’anecdotes croustillantes avaient eu raison de ses résistances. Il lui avait raconté des récits abracadabrants sur des poissons gigantesques qu'il n'avait bien sûr jamais attrapés, et des histoires hilarantes avec des amis maladroits. Kate se souvenait de la façon dont il mimait avec exagération les gestes de lancer et de prise, ses yeux pétillants de malice, tout en insistant sur l'importance de la patience et de la sérénité, taquinant Kate au passage sur ses médiocres compétences en la matière.

Ils avaient finalement convenu de passer un week-end ensemble pour camper et pêcher. À leur arrivée sur le site, Chris avait voulu planter la tente tout seul, sous prétexte de prendre soin d'elle comme d'une princesse. « Laisse-moi faire, Kate », avait-il dit en feignant d'être offusqué par sa proposition d'aider. « Je veux juste que tu te détendes. Si tu tiens vraiment à donner un coup de main, tu pourrais préparer le repas et faire la vaisselle ? »

Kate avait haussé un sourcil, « Quoi, c'est une blague ?! » s'était-elle indignée, sentant toutefois qu'il se moquait gentiment d'elle. Chris avait ri, un son chaleureux et rassurant. « Tu te moques de moi en fait ! Sérieux ?! » lui avait-elle dit en lui donnant des petits coups de poing amicaux.

Il l'avait alors prise tendrement dans ses bras, déposant un baiser léger sur son front. « Je t'impose un week-end pêche alors que tu n'avais clairement aucune envie d'y aller. Je voulais juste m'occuper de tout pour te choyer. Mais si tu y tiens tant, tu peux m'aider. »

Émue par cette tendresse à laquelle elle n’était pas habituée en amour, elle l'avait embrassé langoureusement, goûtant à la douceur de ses lèvres avant de l'aider à planter la tente. « J'aurais dû comprendre que c'était une blague, » murmura-t-elle en souriant. « Tu ne m'aurais jamais demandé de faire à manger. »

Chris éclata de rire à nouveau, il était particulièrement de bonne humeur, « Je trouve que tu t'améliores. »

« Non, ça reste toujours horrible, » répliqua Kate, consciente de ses limites culinaires. « Je reste lucide sur mes capacités. Je crains de ne jamais savoir cuisiner. »

« Faut pas être si dure avec toi-même, » lui avait-il dit avec une tendresse infinie, caressant sa joue avant de l’embrasser langoureusement, laissant tomber le montage de la tente le temps d’une étreinte passionnée.

Ces souvenirs, si vivants et précieux, étaient pour Kate comme des trésors cachés. Ils lui offraient un bref répit face à la réalité, mais le présent la rattrapa brutalement lorsque la voiture s'arrêta. José la guida à travers les couloirs de l'immense villa où ils étaient arrivés. On lui retira le bandeau. La lumière crue la fit cligner des yeux, et elle découvrit une grande salle, remplie de sbires armés. Pedro Sanchez se tenait là, une figure autoritaire et imposante malgré les années qui avaient marqué son visage. Tenant un verre à la main, il affichait un air glacial et son regard perçant semblait sonder pouvoir son âme. C’était là aussi sa force. Il savait lire les gens, ressentir leurs faiblesses et tapper là où ça faisait le plus mal, les contraignant à répondre à ses moindres désirs. Pedro Sanchez était un homme froid et cruel, mais, c’était un homme intelligent qui avait su maintenir sa place de façon indiscutable en tant que chef de Cartel. « Maria, ma fille ! » s'exclama Pedro avec une affection simulée. « Je t'avais crue morte, cela m'a tant peiné. »

Le prénom « Maria » résonna en elle comme un écho lointain, réveillant des souvenirs douloureux de sa mère et de son enfance marquée par la peur. Chris était le seul à connaître cette partie de son passé, ce prénom qui appartenait à une autre vie. Elle ne laissa rien transparaître, enfouissant sa douleur et ses souvenirs derrière un masque d'impassibilité.

« Que voulez-vous de moi ? » demanda-t-elle, sa voix réduite à une froideur presque robotique.

Pedro esquissa un sourire carnassier « Juste que tu sois une gentille fille qui fasse honneur à son père. »

Il était clair qu’il y avait un sous-entendu dans son affirmation. « Comment votre fille peut-elle vous faire honneur ? » répondit-elle, sans émotion.

Pedro laissa planer un moment de silence, créant une tension palpable dans la pièce. « Le plus grand honneur pour un père est de marier sa fille. » Les mots tombèrent comme une sentence. Kate sentit une onde de désespoir la traverser. Elle avait imaginé mourir, rapidement et sans douleur, ou peut être après une lente agonie si sa volonté avait été de la punir. Elle y aurait trouvé une forme de libération mais là... Pedro lui avait réservé un autre sort bien moins enviable, une vie d'emprisonnement sous un nouveau joug, comme sa mère. Elle pâlît, sa bouche s’ouvrit sans qu’aucun mot ne puisse franchir ses lèvres.

Observant sa réaction, Pedro ajouta d'un ton tranchant, « Et si tu oses penser au suicide, sache que ton shérif, sa famille, et tous tes amis en paieront le prix. »

L'avertissement était clair. Kate réalisa l'ampleur de sa situation. Toute tentative de rébellion, toute pensée de libération serait vaine. Elle se ressaisit, refoula ses émotions, les enfermant profondément en elle, résolue à ne rien laisser paraître plus longtemps.

Pedro, satisfait, fit signe à José. « Il est temps que tu rencontres ton frère et ta sœur. José restera à tes côtés pour veiller sur toi. »

Le regard de Kate se durcit à la vue de José. Cet homme, qu'elle avait connu comme l'un des bourreaux les plus cruels de son enfance, lui inspirait une répulsion profonde. Il s'approcha d'elle avec une fausse tendresse, sa voix doucereuse. « Je vais vous conduire à votre chambre, princesse. Il faudrait vous changer avant de passer à table. Et sans doute vous laver… Le trajet a été long. »

Kate le suivit, ses pas résonnant lourdement dans le couloir silencieux. José ouvrit une porte et lui fit signe d'entrer. « Voici votre chambre, princesse. Nous avons pris la liberté de la décorer et de remplir votre garde-robe selon les instructions de votre père. »

La chambre était somptueusement décorée, d'un luxe ostentatoire qui contrastait avec les goûts simples de Kate. Les murs étaient tapissés de motifs dorés, les meubles richement sculptés, tout respirait l’opulence mais surtout la mort car cet argent, Pedro l’avait obtenu grâce à une montagne de cadavre. Kate eu un haut le cœur.

« J’espère que cette chambre vous plaît ? » demanda José. Cette question n’était que pure rhétorique. José, tout somme Pedro ne connaissaient rien de ses préférences, et de toute façon s'en moquaient éperdument.

José lui jeta un dernier regard. « Prenez le temps qu'il vous faut pour vous changer, mais ne traînez pas trop. » Il referma la porte derrière lui, laissant Kate seule.

Elle s'approcha du lit , saisit la robe laissé à son intention et se rendit dans la salle de bain. L'eau chaude de la douche coula longtemps, enveloppant son corps d'une chaleur réconfortante. Elle ferma les yeux, et malgré elle, les souvenirs de Chris affluèrent à nouveau, la renvoyant à ce week-end qu'ils avaient passé à la pêche, un des rares moments où elle s'était laissée convaincre de quitter sa zone de confort pour faire plaisir à l’homme qu’elle aimait.

Il pêchait silencieusement, concentré sur son fil, tandis qu'elle s'ennuyait profondément à ses côtés. La chaleur était accablante, le soleil tapait fort, et elle commençait à se sentir de plus en plus mal à l'aise. Ayant prévu le coup, elle enfila un maillot de bain deux pièces qu'elle avait acheté spécialement pour l'occasion et s'éloigna vers le lac pour se rafraîchir.

Chris, absorbé par sa canne à pêche, la taquina sans lever les yeux, « T'es sûr que tu veux pas essayer encore un peu ? Le poisson, c'est tout un art, tu sais, ça demande de la patience… Si tu abandonnes maintenant, tu vas me laisser avoir raison... »

Kate sourit, amusée. « Je m’en moque de te laisser avoir raison. Je sais ce que tu essaie de faire de toute façon. Tu veux me provoquer pour me faire faire ce que tu veux mais moi, je préfère l'art de la baignade, c'est plus mon truc. » Elle se glissa dans l'eau fraîche avec un soupir de soulagement. « J'aurais dû faire ça plus tôt. »

Chris étouffa son rire, « si tu restes là, tu risques de faire fuir tous les poissons avec tes éclaboussures. »

« Très drôle, » rétorqua-t-elle en lui envoyant une giclée d'eau. Chris, surpris, recula précipitamment sur les rochers glissants et perdit l'équilibre. Le temps sembla se figer un instant avant qu'il ne tombe lourdement dans le lac, tout habillé. L'eau éclaboussa partout autour, et Kate éclata de rire, la scène trop drôle pour qu'elle puisse se retenir.

Il émergea en toussant, les cheveux plaqués sur son front, et une expression mi-déconcertée, mi-amusée sur le visage. « Et voilà, tu as réussi ! » dit-il en riant. « Tu as vraiment fait fuir les poissons. »

Kate nagea jusqu'à lui, encore hilare. « C'est de ta faute, tu m'as cherché après tout. »

Il sourit, une étincelle de tendresse dans les yeux. « Peut-être un peu. Mais maintenant, on est quittes. »

Leurs regards se croisèrent, un silence complice s'installant entre eux. Kate sentit le battement de son cœur s'accélérer. Les éclats de rires s'évanouirent, remplacés par une chaleur douce et enveloppante. Chris s'approcha, ses mains trouvant doucement les hanches de Kate sous l'eau. Elle le laissa faire, se rapprochant à son tour. Il murmura, « Je suis pas sûre de t’emmener avec moi la prochaine fois, c'est impossible de pêcher à tes côtés. »

Elle sourit, sa voix à peine audible. « Peut-être qu'on pourrait trouver d'autres occupations alors. » Elle mordilla son oreille afin d'attiser son désir jusqu'à ce qu'il réponde à ses incitations et l'embrasse avec ardeur.

De retour à la réalité, une larme solitaire coula sur sa joue, se mêlant à l'eau de la douche. La douleur de son absence était profonde, l'écho d'une vie qu'elle avait laissée derrière elle.

Elle se laissa submerger par les émotions un instant avant de refermer la porte de nouveau. Elle éteignit l'eau, s'habilla et se prépara à affronter son destin, le visage impassible, déterminée à survivre coûte que coûte.

***

Chris James se tenait seul dans son bureau, une pièce sombre depuis laquelle il avait travaillé sur de nombreuses enquêtes, toutes élucidées jusqu’à aujourd’hui, celle pourtant la plus importante de sa carrière, de sa vie. Assis derrière son bureau, il fixait l'écran de son téléphone, faisant défiler les photos de Kate. Chaque image était une évasion vers un passé récent, un temps d’insouciance où le danger nommé Pedro Sanchez n'était qu'une ombre lointaine. Il s’arrêta sur une photo où Kate, vêtue d'un maillot de bain, souriait joyeusement près d'un lac. C'était lors de leur week-end à la pêche, un souvenir doux-amer qui le frappait de plein fouet.

Chris se laissa aller à un soupir lourd de frustration. La fatigue creusait des sillons sur son visage, mais c'était l'inquiétude pour Kate qui pesait le plus lourdement sur ses épaules. Il ferma les yeux un instant, cherchant à calmer la tempête intérieure qui faisait rage. Les souvenirs se superposaient à la réalité, et le sourire éclatant de Kate semblait maintenant une cruauté de plus dans l'absence.

Il se remémora le moment où, après des jours de préparation, ils avaient finalement pris la route pour ce week-end de pêche. Il avait insisté pour tout organiser, désirant offrir à Kate une pause bien méritée. « C'est juste toi et moi, le calme de la nature, et des poissons qui n'attendent que d'être pêchés, » avait-il plaisanté, essayant de lui vendre l'idée. Kate avait levé les yeux au ciel, amusée par son enthousiasme, mais elle avait accepté, plus pour lui faire plaisir que par véritable entrain.

Les yeux de Chris s'embuèrent alors qu'il se souvenait des heures passées à côté de l'eau, la chaleur écrasante rendant l'attente encore plus pesante. Kate, impatiente, avait finalement abandonné sa canne à pêche pour se changer en maillot de bain. Elle avait décidé de se baigner, laissant Chris à ses poissons. Plongé dans ces souvenirs, un sourire triste étira ses lèvres. Il se souvenait encore de la façon dont elle avait plongé dans l'eau, éclaboussant tout autour d'elle. Il avait feint l'indignation lorsqu'elle l'avait éclaboussé intentionnellement, mais il ne pouvait nier le plaisir qu'il ressentait à la voir si heureuse. « Eh ! » avait-il crié, un sourire perçant la fausse sévérité de sa voix. Elle avait éclaté de rire, un son mélodieux qui résonnait encore dans son esprit.

Soudain, la réalité reprit ses droits, et le poids de la situation s'abattit sur lui. Kate était entre les mains de Pedro Sanchez, et chaque seconde comptait. Ses doigts tremblants lâchèrent le téléphone, le reposant sur le bureau. Il se leva, la frustration bouillonnant en lui. Il fit les cent pas dans le bureau, essayant de trouver une solution. Ses pensées tournaient en boucle, cherchant un moyen de la retrouver. Son esprit tourmenté ne cessait de le ramener à Sarah. Peut-être avait-elle des informations, des connexions qui pourraient les mener à Pedro Sanchez.

Il attrapa son téléphone et, après une brève hésitation, appela son ex-femme. La voix de l’avocate était calme lorsqu'elle répondit, mais Chris, en proie à une montée de stress, sauta directement dans le vif du sujet. « Sarah, écoute, j'ai besoin de ton aide. Kate est... elle est quelque part avec Pedro Sanchez, et je... j’ai pensé que tu avais peut-être des connexions, des informations, n'importe quoi qui pourrait m'aider. » Son ton était désespéré, implorant.

Sarah prit une inspiration avant de répondre avec une douceur empreinte de fermeté. « Chris, tu sais que je ne peux pas... je ne peux pas divulguer des informations confidentielles, même si je le voulais. C'est contre la loi, et tu le sais aussi bien que moi. »

Un silence tendu suivit ses paroles. Chris serra le téléphone plus fort, la frustration montant. « Tu te rends compte de ce que ça implique ? » Son ton s'était fait plus dur, trahissant la colère et le désespoir. « Kate est en danger ! Je ne demande pas pour moi, mais pour elle. Merde, Sarah, aide-moi ! »

Il y eut une pause avant que Sarah ne reprenne, sa voix plus basse, teintée de tristesse. « Je comprends ta situation, Chris, vraiment. Mais je ne peux pas aller à l'encontre de mes principes. » Elle hésita avant d’ajouter, « Sache que si je savais quelque chose qui pourrait t'aider, tu le saurais déjà. Je suis désolée. »

Chris laissa échapper un souffle de colère, mais il s'adoucit presque immédiatement. « Je... je suis désolé, Sarah. Je sais que tu fais de ton mieux. C'est juste... c'est juste que je suis à bout. »

Elle répondit avec une compréhension bienveillante. « Je sais, Chris. Je comprends. »

« Merci. » dit-il avant de raccrocher. Ses yeux encore rivés sur le téléphone commencèrent à s’embuer de larmes, ses pensées encore embrouillées par l'impuissance. Juste à ce moment, la porte de son bureau s'ouvrit doucement, et Luis passa la tête. Il n’était pas du genre à rester tard sauf cas d’urgence mais depuis quelques temps, il veillait tard au bureau, soucieux de voir Chris sombrer un peu plus chaque jour. Il avait visiblement entendu la fin de l'échange, son regard trahissait une inquiétude sincère.

« Tout va bien, Chris ? » demanda-t-il maladroitement, ses yeux scrutant sa réaction.

Il prit une profonde inspiration, se passant une main sur le visage pour chasser ses émotions. « Ouais, tout va bien. » Il essaya de sourire, mais c'était un sourire forcé, un masque pour cacher le tourment intérieur. « On va continuer à creuser. Je veux que tout le monde reste concentré. On trouvera Kate, je te le promets. »

Luis hocha la tête, mais l'inquiétude ne quitta pas ses yeux. Il le regarda un instant de plus, comme pour s'assurer qu'il tenait le coup, avant de sortir silencieusement du bureau, laissant Chris seul avec ses pensées. Il était le pilier de l'enquête, et plus que jamais, il devait rester solide, pour Kate, pour son équipe, et pour lui-même. Il éteignit la lumière de son bureau, laissant l'obscurité envelopper la pièce, et s'enfonça dans sa chaise, à la recherche d'une nouvelle idée.

***

Au même moment, loin d’ici, Kate ajustait soigneusement la robe noire qu'on lui avait donnée. Le tissu soyeux glissait sur sa peau, épousant parfaitement ses courbes et révélant un décolleté plongeant qui soulignait la ligne gracieuse de sa poitrine. La coupe échancrée sur le côté dévoilait ses longues jambes, accentuées par les talons hauts qu'elle avait choisis pour compléter sa tenue. Elle se regarda un instant dans le miroir, l'image reflétée d'une femme élégante et charismatique, bien différente de ce qu'elle ressentait intérieurement.

Prenant une profonde inspiration pour se donner du courage, Kate se rendit à la salle à manger où tout le monde l'attendait déjà. Pedro l'accueillit avec un sourire contrôlé, lui indiquant une place à côté de sa sœur cadette. La jeune fille, aux yeux brillants d'excitation, s'approcha de Kate dès qu'elle fut assise. Avec une sincérité touchante, elle s'exclama, « J'ai toujours rêvé d'avoir une grande sœur. C'est un cadeau de Dieu que tu sois revenue, je suis tellement heureuse. »

Pedro, arborant une expression bienveillante qui contrastait avec l'image impitoyable qu'il projetait habituellement, posa une main rassurante sur l'épaule de Carmen. « Tu sais, ma chérie, ta sœur a traversé des épreuves loin de la famille. Il faut lui laisser le temps de s'adapter. » Kate fut frappée par la démonstration sincère de tendresse. Jamais elle n’avait assisté à cette expression sur le visage de Pedro. Visiblement, la jeune fille semblait épargnée par la dureté du monde criminel de sa famille, préservée dans une bulle d'innocence avec la bénédiction de leur père. Kate ressentit un étrange mélange de soulagement et de tristesse. En observant sa demie-sœur, elle se demanda combien de temps cette innocence pourrait être protégée.

Son regard se déplaça vers son demi-frère, Diego, assis à l'autre bout de la table. Il la dévisageait avec une expression de mépris à peine dissimulée. À ses côtés, une femme d'une beauté glaciale, probablement sa belle-mère, observait la scène avec un détachement presque inquiétant. Kate ne put s'empêcher de se demander si elle-même finirait par arborer ce même regard vide en vieillissant, victime des machinations de leur père, mariée de force à un criminel dans l’intérêt du cartel.

Le dîner se déroula dans une atmosphère tendue, alourdie par les non-dits et les regards furtifs. À la fin du repas, Carmen, impatiente, demanda à Kate de la rejoindre près de la piscine pour discuter « entre sœurs ». Pedro interrompit ses plans, sa voix douce mais ferme : « Pas tout de suite, Carmen. J'ai besoin de parler à ta sœur, entre adultes. » Déçue, Carmen se retira avec sa mère, lançant un dernier regard à Kate.

Le silence s'installa, pesant. Kate attendait, les yeux fixés sur Pedro, prête à recevoir ses instructions. C'est finalement Diego qui prit la parole, brisant le silence avec une note de sarcasme. « Cette robe te va à merveille, ma sœur. Je suis sûr que ton shérif aurait aimé te voir ainsi, prêt à épouser l'une des familles les plus puissantes du Mexique. »

La réplique fut accueillie par un silence glacial, jusqu'à ce que Pedro, le visage fermé, lève la main et assène une claque à Diego. Ce dernier, touché dans son orgueil plus que dans sa chair, se renfrogna, révélant une expression de blessure sous son masque d'arrogance. Kate observa la scène, intriguée par la dynamique familiale. Diego semblait désespéré d'attirer l'attention et le respect de leur père, de se faire remarquer alors qu’elle désespérait qu’il l’oublie.

Pedro prit une longue inspiration avant de s'adresser à Kate. « Le mariage aura lieu dans quelques mois. D'ici là, tu resteras ici. Tu joueras le rôle de la grande sœur aimante pour Carmen. C'est dans tes cordes, non ? Saches que si tu t'avises de révéler quoi que ce soit sur nos affaires ou sur ton passé, ou si tu essaies de t'enfuir, ceux que tu aimes en paieront le prix. » Il marqua une pause, laissant ses mots imprégner l'esprit de Kate, puis ajouta avec indifférence « Pour Carmen, tu es Maria, enlevée par un psychopathe et retrouvée par miracle. C'est l'histoire que nous devons protéger, tu comprends ? » Kate acquiesça, le cœur serré. Pedro, satisfait, lui offrit un sourire plus doux « Quel gâchis, vraiment. Tu aurais pu être tellement prometteuse. »

Sur ces mots, il la congédia d'un geste de la main. Kate se leva, le poids de la situation pesant lourdement sur ses épaules. Elle s'éloigna, sentant le regard perçant de José, le garde, dans son dos. Ses pas résonnèrent dans le couloir désert, chaque pas la rapprochant d'une réalité qu'elle aurait préféré éviter.

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