Le jour tant redouté de la répétition était malheureusement arrivé. Kate se tenait devant un grand miroir à cadre doré, contemplant l’âme en peine son reflet. La robe de mariée qu'elle portait était une véritable œuvre d'art, confectionnée dans un satin immaculé qui glissait sur sa peau avec grâce, lui donnant une aura éthéré. Chaque courbe de son corps était magnifiée par la coupe ajustée, et les échancrures gracieusement audacieuses révélaient des formes aussi élégantes que sensuelles. Le décolleté plongeant attirait inévitablement le regard, tandis que la jupe fluide couvrait ses jambes, ne laissant apercevoir que la pointe de ses chaussures. Une longue traîne ajoutait une note majestueuse à son allure.
Son maquillage, appliqué avec une précision minutieuse, rehaussait la beauté naturelle de ses traits. Ses yeux, ourlés d'un trait de khôl noir tandis que ses lèvres, soulignées d'un rouge profond, attiraient l'œil de chacun. En se regardant, Kate ressentit un mélange complexe de fierté et de tristesse, comme une vague douce-amère.
La porte s'ouvrit doucement, et Pedro entra dans la pièce. Lorsqu'il aperçut Kate, son regard s'illumina d'un mélange de surprise et d'admiration. « Eh bien, regarde-moi ça. Aussi belle et farouche que ta mère l'était, » murmura-t-il, sa voix chargée d'une émotion qu'il s'efforçait de contenir. À l’évocation de sa défunte mère, Kate réprima les mots haineux qui lui brûlait les lèvres. Cet homme venait d’encensé celle-là même qu’il avait roué de coup avant d’abattre sans aucune émotion devant ses yeux de petite fille. Il était odieux et n’en avait même pas conscience. Comment un monstre comme lui pouvait être le père d’un ange tel que Carmen ? Cela la dépassait.
Il la contempla, un voile traversant son regard. Kate ne sut comment interpréter son expression. Il semblait perdu dans le passé, puis il se ressaisit, balayant de la mains ses pensées. « Si seulement tu étais restée, ma fille. Tu aurais dominé cette organisation, bien mieux que quiconque. »
Ces paroles résonnèrent en Kate comme une gifle. L'affection apparente dans le ton de Pedro ne faisait qu'accentuer son dégoût pour cet homme qui avait transformé sa vie en un cauchemar. Elle le fixait avec froideur, ses yeux devenant deux éclats de glace, érigeant une barrière infranchissable entre eux.
Derrière Pedro, Diego observait la scène avec une jalousie brûlante. Ses traits se tordaient sous l'effet de la haine et de l'amertume, le rongeant de l'intérieur. Il s'approcha de Kate, et d'une voix pleine de venin, chuchota, « Maria... on peut dire que tu sais manœuvrer pour duper ton monde. Carmen, notre père... Tu es aussi fourbe qu'un renard… Mais moi tu ne me tromperas pas. Tu n’es qu’une hypocrite : derrière tes beaux principes tu es prête à tout pour sauver ta peau. »
Kate, refusant de se laisser intimider, planta son regard dans celui de Diego. « Pauvre petit garçon sans cervelle, » répliqua-t-elle d'une voix cinglante. « Tu n'as toujours pas trouvé de cojones ? »
Piqué au vif, Diego s'emporta. « Salope ! » siffla-t-il, levant la main pour la frapper. Mais Kate, prête à cette réaction, bloqua son geste et riposta d'un coup de coude au visage. Diego recula, touchant son nez qui commençait à saigner abondement.
José, qui était resté à l'écart, ne put retenir un sourire satisfait, un éclair de fierté dans les yeux.
Pedro se tourna brusquement vers Diego, son visage se durcissant. « Combien de fois vas-tu encore me couvrir de honte, Diego ? » s'exclama-t-il, sa voix grondant comme un orage.
Kate repensa aux confidences de José sur la mauvaise relation entre Pedro et Diego. Ordinairement, elle n'aurait pas poussé son demi-frère à bout ainsi, mais quelque chose en lui l'inquiétait profondément. Elle sentait en Diego une cruauté latente, une part sadique qui ne demandait qu'à éclater.
Diego baissa les yeux, le visage rougi de honte et de colère, ses poings serrés tremblant sous l'effort de se contenir. Pedro continua, implacable, « Tu ne seras jamais à la hauteur de ta sœur. Elle aurait conduit cette famille à la grandeur, sans avoir besoin de se soumettre aux Salazar... »
À cet instant, trois coup frappèrent à la porte. Pedro Sanchez répondit sur un ton froid et agacé, « qui est-ce ? »
« C’est moi père. Je voulais voir ma sœur. »
Il se détendit de suite, « Viens mon enfant. Ta sœur est ravie de pouvoir partager ce moment avec toi. »
Carmen fit irruption dans la pièce, un sourire rayonnant illuminant son visage. Elle se précipita vers Kate et l'enlaça avec ferveur, des larmes de joie et de tristesse coulant sur ses joues. « Tu vas tellement me manquer, » murmura-t-elle, sa voix tremblante d'émotion. « Ces moments avec toi ont été les meilleurs pour moi. »
Kate la serra contre elle, ressentant une douleur aiguë lui transpercer la poitrine. Ces moments partagés avec Carmen étaient précieux, des instants qu'elle chérissait alors qu'elle s'apprêtait à affronter un avenir incertain. « Viens, laisse-moi te maquiller et te coiffer, » proposa-t-elle avec un sourire doux, masquant son propre désarroi.
Assises devant le miroir, Kate commença à brosser les cheveux soyeux de sa sœur. « J'ai toujours rêvé de moments comme celui-ci, » confia Carmen d'une voix douce. Kate lui sourit, mais Carmen pouvait distinguer la tristesse dissimulée derrière ce sourire. Se relevant, elle entoura Kate de ses bras et chuchota, sa voix empreinte de regret, « J'aurais tellement aimé que ce soit pour te voir te marier avec Chris. Je suis désolée, ma sœur. »
Une boule se forma dans la gorge de Kate. Elle posa délicatement ses mains sur les épaules de Carmen et murmura, « Moi aussi, Carmen. Moi aussi. »
Pedro, observant la scène de loin, se tourna vers Diego avec une expression pensive. « Regarde-les. Une est la force incarnée, l'autre est la douceur. Et toi, qu’apportes-tu à la famille ? »
Diego resta silencieux un instant, mais une colère sourde bouillonnait en lui. Avec amertume, il répliqua, « Ma loyauté, père. J’obéis à chacun de vos ordres, mais elle... elle a trahi notre famille. Elle n'est même pas digne de notre nom. »
Pedro le fusilla du regard, son visage impassible. « Elle porte l'honneur des Sanchez en elle, un honneur que tu ne comprendras jamais. Tu me déçois à chaque instant. »
Diego serra les poings, ses jointures blanchissant sous la pression. Pedro tourna les talons, suivi par Diego, qui jeta un dernier regard empli de ressentiment vers Kate.
Kate fit rasseoir Carmen pour ajuster les derniers détails de sa coiffure. « Voilà, tu es parfaite, » déclara-t-elle avec satisfaction. Carmen se regarda dans le miroir, émerveillée. « Merci, Maria, » dit-elle, la voix émue.
Kate l'attira dans ses bras, la serrant avec tendresse. « Promets-moi de rester celle que tu es aujourd'hui, douce et gentille, » murmura-t-elle, la voix pleine de gravité. « Ne laisse personne te briser. »
Les yeux de Carmen brillaient d'une détermination farouche. « Je te le promets, Maria. »
Kate refoula les larmes qui menaçaient de jaillir, résolue à affronter le destin qui l'attendait, quel qu'il soit.
***
La réunion était tendue, comme toutes celles précédant une opération délicate. Chris avait rejoint l'équipe américano-mexicaine grâce à Alejandro, un allié providentiel. Leurs visages étaient marqués par des années d'enquêtes menées dans un climat politique tumultueux. Les murs de la salle étaient tapissés de plans, de photos et de documents classifiés. Alejandro se tourna vers l'équipe, l'air grave. « La répétition du mariage est notre seule fenêtre d'intervention. Nous devons saisir cette opportunité. Le jour même de la cérémonie, la sécurité sera renforcée et il y aura trop de monde pour une opération sans bavure. Aujourd'hui, nous avons une chance unique de les surprendre. »
Chris fixait la photo de Kate affichée sur l'écran, un pincement au cœur. À côté de lui, Julia posa une main rassurante sur son épaule, un geste silencieux de soutien.
Un des membres du commando, cherchant à alléger l'ambiance, fit une remarque vulgaire, « Je passerais bien un tête-à-tête avec cette bombe, je parie que c'est un bon coup! »
Chris se tourna lentement vers lui, « Mec, je te conseille de rester loin d'elle. Elle te mettrait à terre avant que t'aies le temps de finir ta phrase. » Bien que le ton était calme, son regard fusillait son interlocuteur, trahissant ses sentiments véritables. Il savait que certains hommes géraient le stress de cette façon mais, il s’agissait de Kate et ce manque de respect lui était insupportable.
Alejandro intervint pour calmer la situation. « Maria n'est pas une cible, » rappela-t-il, sa voix ferme. « Notre priorité est de la récupérer vivante et de la mettre en sécurité. Elle est un témoin clé pour la suite. » Les membres de l'équipe acquiescèrent, ramenant leur attention sur les stratégies à adopter : l'heure précise de l'intervention, les points d'entrée et les rôles de chacun.
Chris se tourna alors vers Julia, son visage empreint de gravité. « Julia, je sais que t'es têtue, mais sérieusement, reste en dehors de ça. J'ai besoin de savoir que quelqu'un pourra raconter les histoires embarrassantes sur moi si ça tourne mal »
Alejandro, captant l'échange, ajouta, « Il a raison. On ne va pas tous revenir de cette mission. Je préférerais que tu restes en sécurité. »
Julia, bien qu'hésitante, comprit leur position. Cooper lui-même avait essayé de la convaincre de rester en retrait. Cela avait été source de nombreuses disputes entre eux ces derniers temps. Elle était aux prises avec un conflit intérieur : abandonner ceux qu’elle aime ou prendre le risque de mourir et imposer à Cooper une douleur impensable. Les larmes aux yeux, elle acquiesça. « D'accord, Chris. Mais tu ferais mieux de revenir. » Sa voix tremblait, trahissant son inquiétude.
Alors que l'équipe se préparait, ajustant leurs gilets pare-balles et vérifiant leur équipement, un homme fit irruption, le visage marqué par la panique. Il s'adressa à Alejandro en espagnol, sa voix haletante. L'expression d'Alejandro se durcit, et Chris s'approcha, alarmé. « Quy a-t-il ? »
Alejandro déglutit, ses yeux sombres. « Ce n'est pas une simple répétition, c'est un massacre. La famille Salazar prévoit d'éliminer tous les membres de la famille Sanchez pour consolider leur contrôle sur les trafics. »
Un frisson glacé parcourut Chris. L'idée que Kate soit en danger imminent le terrifiait « Merde... Kate est là-dedans. »
L'équipe, sentant l'urgence de la situation, se mit en mouvement avec frénésie. Les visages se fermèrent, la peur palpable mais maîtrisée par l’expérience et la concentration. Chaque seconde comptait. Alejandro pressa les troupes, leur plan soigneusement élaboré s'effondrait sous les nouvelles révélations. Ils devraient maintenant improviser au milieu d'une confrontation meurtrière entre deux clans.
Un membre de l'équipe lâcha, avec cynisme, « On devrait peut être les laisser s’entre-tuer. Le monde s'en porterait mieux. »
Chris, déjà sous tension, éclata de colère, ses yeux lançant des éclairs. « Répète ça, enfoiré ! »
L'homme se tourna vers lui, défiant. « Et toi, t'es qui pour me parler comme ça ? »
Alejandro intervint, sa voix coupante. « C'est le shérif Chris James. »
L'homme haussa les épaules, provocateur. « Et alors, qu'est-ce que ça peut me faire ? Depuis quand on bosse avec des flics ? »
Alejandro resta impassible. « Depuis qu'ils nous ont aidés à monter cette opération et que la chaîne hiérarchique a estimé leurs compétences suffisantes pour nous accompagner sur le terrain. Alors maintenant, tu fermes ta gueule et tu fais ce qu'on te dit. »
Chris fixa l'homme avec une intensité froide. « Crois-moi, toucher à Kate, c'est signer ton arrêt de mort. Je plaisante pas. » La menace était explicite, et le ton de Chris ne laissait aucun doute sur sa détermination.
Le commando se mit en route, les moteurs grondant comme un écho à la tension grandissante. Le camion roula en direction du site de la répétition, chaque membre de l'équipe conscient du danger qui les attendait. L'heure du choc approchait, et le sort de Kate était suspendu à un fil.
***
La répétition du mariage allait commencer. Kate se tenait seule face au miroir, perdue dans ses pensées tourmentées. Elle eu une dernière pensée pour Chris, honteuse de ce qu'il aurait pu penser d'elle en apprenant qu'elle allait en épouser un autre, un chef de cartel, espérant que peut-être cela lui permettrait de tourner la page. L'important était que lui et ses amis vivent même si cela devait lui coûter son âme.
Tandis qu'elle observait les invités s'installer au loin, ses yeux se posèrent sur José, l'homme de main le plus ancien et fidèle de son père. Quelque chose n'allait pas. Son comportement, d'habitude calme et contrôlé, était étrangement tendu. Une ombre de malaise assombrissait ses traits habituellement impassibles.
Kate, avec la vigilance affinée par des années de vie sous tension, sentait qu'un danger imminent se profilait. Son instinct, aiguisé par les expériences passées, lui criait que quelque chose de grave était sur le point de se produire. Elle s'approcha de José, son cœur battant plus fort, et l'interpella d'une voix basse, son regard perçant. « José, qu'est-ce qui se passe ? »
José tenta de dissimuler son trouble sous un masque d'incompréhension. « Rien, princesse. Tout est en ordre. »
Mais Kate n'était pas dupe. Elle connaissait trop bien les jeux de pouvoir et les mensonges pour se laisser berner. Son regard restait fixé sur José, froid et pénétrant. « Ne me mens pas. Je sais que quelque chose cloche. Dis-moi ce que tu sais. »
La musique de la marche nuptiale commençait à retentir dans la salle, marquant le début officiel de la répétition, mais Kate demeurait immobile, son regard défiant José de cacher la vérité. Après un moment de silence tendu, José esquissa un sourire, un mélange d'admiration et de résignation. « Vous êtes encore plus perspicace que votre père, » murmura-t-il, une lueur de respect dans les yeux.
Soudain, des détonations retentirent dans la salle principale, brisant l'air lourd de tension. Des coups de feu éclatèrent, plongeant l'assemblée dans la panique.
***
Le silence dans le camion était lourd de tensions non dites. Chacun se préparait mentalement pour la mission. Chris, le cœur serré, ne pouvait s'empêcher de penser à Kate. Il ferma les yeux un instant, revoyant son visage, son sourire, ses yeux verts pétillants de vie. Le souvenir de son parfum, un mélange délicat de fleurs et d'épices, lui insuffla une détermination nouvelle.
Ils ne tarderaient pas à arriver, Alejandro donna les dernières instructions à son équipe. Lorsque le camion s'arrêta enfin, les échos des tirs se faisaient entendre au loin, mêlés aux cris et à la confusion. Il n'y avait plus de temps à perdre.
Alejandro se tourna vers Chris, « Ne me lâche pas, on va retrouver ta copine et la ramener! ».
« Pour Kate, » murmura Chris pour lui-même, se préparant à plonger dans l'inconnu malgré le bruit fracassant des affrontements. Il était prêt à tout pour la sauver, « quoi qu'il en coûte ».