Partie 2 - Chapitre 1

Notes de l’auteur : Bonjour !

Si tu arrives depuis le QR code, coucou à toi o/ Voici la suite directe de Flammes en Sommeil en attendant sa sortie en version papier (prévue pour 2025).

Attention. La version que vous lisez sur les différentes plateformes de lecture est une version non corrigée (elle contient encore des fautes d’accord, de syntaxes, des maladresses diverses sur les tournures de phrases.)

Bonne lecture !

     Alors qu’ils gravissaient à nouveau les marches du Palais Impérial, Zhen YuJin avait du mal à contenir son impatience de retrouver son amoureux. Il n’avait pas très bien dormi durant la nuit. Certes, il restait toujours particulièrement sur le qui-vive, au cas où, un vieux réflexe qui datait de son enfance, mais malgré tout il n’avait pas pu s’empêcher de trouver son lit un peu trop grand pour lui tout seul.

     Les mains croisées dans le dos, alors qu’ils empruntaient le même chemin que la veille, il songea qu’à cette même heure il montait cet escalier en étant un peu anxieux de revenir sur son lieu d’enfance. Aujourd’hui, il se sentait plutôt soulagé de savoir qu’il n’avait pas grand-chose à craindre entre ces murs, à part quelques souvenirs qui remontraient à la surface. Et à dire vrai, la nostalgie ne semblait pas vouloir être au rendez-vous aujourd’hui. Il avait juste hâte de retrouver son bien-aimé et songeait à réellement lui suggérer de soit venir dormir à l’auberge avec eux, soit de demander s’il serait possible de rencontrer son fameux oncle, histoire de faire officiellement connaissance. Dans tous les cas, il mourrait d’envie de lui suggérer de passer la nuit ensemble, tout en se demandant si son amant allait accepter ou non.

     — Tu l’as vraiment dans la peau, marmonna Chan YinMai à côté de lui.

     Le Musivateur se sentit rougir et n’eut pas besoin de demander à qui il faisait référence.

     — Désolé… murmura-t-il.

     — Ne t’excuse jamais d’être amoureux, A-Jin, répliqua aussitôt son meilleur ami en lui posant une main sur l’épaule.

     Le Médium lui adressa un sourire teinté de tristesse, tout en le regardant :

     — Je suis heureux de te voir ainsi, tu as bien mérité un peu de bonheur après tout. Et il a très bien réagis devant ton secret. Je crois que tu ne pouvais pas rêver mieux.

     Il fit semblant de ne pas voir l’air gêné qui s’affichait sur les traits de son meilleur ami. Celui-ci pensa intérieurement que son amour avait tellement bien pris la nouvelle qu’il l’affublait même d’un nouveau surnom.

     Chan YinMai retira sa main puis regarda devant lui, apercevant le Capitaine des Gardes, plusieurs mètres plus loin, qui les attendait en haut des marches :

     — Qu’est-ce que tu vas faire, après tout ça ? Tu vas rester à ZhenShen pour lui tenir compagnie ?

     — C’est dans mes projets, oui, admit le Musivateur en glissant un coup d’œil dans sa direction.

     Il vit le Médium plisser légèrement les yeux, puis opiner du chef :

     — Voilà qui me semble être une très bonne idée.

     Le Maître du Feu se hâta d’ajouter :

     — Tu pourrais rester aussi, si tu le souhaites.

     Ils ne s’étaient jamais séparés bien longtemps tous les deux, quelques semaines tout au plus. Ils savaient l’un comme l’autre que si Zhen YuJin faisait le choix de rester à la Capitale, ils se côtoieraient beaucoup moins. Le Médium sembla considérer la question, puis fit non de la tête :

     — Non, je crois qu’il vaut mieux que vous restiez entre vous. Je rejoindrais sûrement Lu Lei, ou alors j’irais ailleurs.

     — Ailleurs ? s’étonna le Maître du Feu.

     En aucun cas Chan YinMai n’avait déjà pris la route seul pour faire sa vie dans son coin. Soit il suivait la Troupe, soit il accompagnait son meilleur ami, soit il suivait Ping Yu. Zhen YuJin guetta une réponse un peu plus précise, mais l’autre garda le silence et il préféra ne pas insister.

 

     Jian Lin accueilli les deux Musivateurs avec un grand sourire, puis les fit passer par le même chemin que la veille pour retourner au pavillon de ZiaHo ZhiXiang. Les HengXing et leur Maître d’Armes les attendaient dans le jardin. Tout en saluant tout le monde, Zhen YuJin ne put s’empêcher de remarquer l’absence de la personne la plus importante à ses yeux et demanda aussi naturellement que possible :

     — Zhang JingXi n’est pas encore arrivé ?

     Il eut la certitude de voir Chan YinMai s’empresser de dissimuler un sourire taquin par une envie subite de se gratter le nez.

     — Je ne l’ai pas encore vu, mais il est peut-être déjà à l’intérieur, indiqua le Chef de Clan en montrant la maison du doigt.

     Les portes étaient grandes ouvertes pour laisser l’air frais circuler dans la demeure. HengXing XiaoHong fut la première à entrer, suivie par les autres qui constatèrent que les hommes de Jian Lin avaient déjà commencé à sortir les corps des souterrains.

     La jeune femme s’était arrêtée devant un grand salon où quatre dépouilles l’attendaient déjà, posés avec soin sur des draps. Les quelques meubles qui restaient sur place avaient tous été poussés contre les murs pour faire le plus de place possible. Son teint était bien pâle et, dans son dos, le Capitaine posa les deux mains sur ses épaules :

     — J’ai choisi cette pièce, j’espère qu’elle sera assez grande, commenta-t-il d’une voix douce. J’ai supposé qu’elle n’était pas la plus chargée en mauvais souvenirs, me suis-je trompé ?

     HengXing XiaoHong ne chercha pas à s’éloigner et Zhen YuJin remarqua que le Chef de Clan avait fait les gros yeux en voyant la familiarité du Capitaine avec sa jeune sœur, mais qu’il s’abstenait toutefois de faire la moindre remarque.

     — C’est parfait, Jian Lin, répondit la jeune femme.

     Elle se tourna vers le Capitaine et lui adressa un sourire, avant d’adresser un signe de tête à son frère aîné :

     — Je vais me mettre à la tâche. Vous descendez ?

     HengXing ShanYao acquiesça et fit signe au Maître d’Armes de se poster près de sa sœur :

     — Si tu as besoin de nous informer de quoi que ce soit, A-Hong, envoie-nous Hei TaiYang dans les souterrains.

     La Jeune Dame du Clan approuva d’un signe de tête, puis les regarda continuer leur chemin en direction des tunnels. Elle pivota ensuite sur ses pieds et enroula soigneusement ses manches autour de ses avant-bras pour éviter de les laisser trainer n’importe où, avant de croiser le regard de son garde du corps attitré qui s’appuya contre un mur.

     — Mon frère a tendance à très vite s’inquiéter. Ne t’en fais pas pour moi, je vais très bien.

     L’homme afficha une légère moue, tout en la regardant s’accroupir près du premier corps :

     — Je connais votre histoire, Jeune Maîtresse HengXing, je sais ce que ce lieu représente pour vous et j’estime que votre frère a raison de s’inquiéter.

     HengXing XiaoHong resta un instant silencieuse, suivant des yeux deux gardes qui amenaient un nouveau corps. Elle les remercia d’une inclinaison du menton, avant de revenir au Maître d’Armes :

     — Il est vrai que cet endroit est cauchemardesque, néanmoins il y a eu quelques bons souvenirs malgré tout, ici. Il suffit que je focalise sur eux et il devient alors plus facile de rester, au moins pour quelques heures.

     Tout en parlant, elle sortit un carnet de sa poche et commença à prendre des notes. Ses yeux se posèrent sur les autres cadavres, avant de revenir sur le visage bien vivant et très pensif de Hei TaiYang. La jeune femme se releva pour aller regarder le défunt suivant, tout en lui demandant :

     — Ton passé non plus n’est pas facile et je sais que tu n’as pas envie de retourner là-bas. Mais ne m’as-tu pas dit toi-même que malgré tout, tu avais aussi quelques bons souvenirs ? Rares, oui, mais bien présents. Tu avais réussi à te faire un ami, il me semble.

     Le Maître d’Armes eut un léger sourire à cette mention et opina du chef :

     — C’est vrai. Chao Yi m’a aidé à m’en sortir et je sais que si je le croisais aujourd’hui nous serions très heureux de nous retrouver, alors que notre rencontre n’a pas été faite dans les meilleures circonstances.

     — Tu vois ? C’est pareil pour moi en un sens, j’ai rencontré ici mes meilleurs amis qui sont des personnes en qui j’ai toute confiance. Et ce sentiment d’amitié est très précieux. Les quelques moments où j’arrivais à passer du temps avec eux suffisaient à me redonner la force de tenir encore quelques jours.

     Machinalement, l’homme tourna la tête vers la porte alors qu’on leur apportait encore une dépouille, puis observa HengXing XiaoHong qui se penchait de temps à autre sur un corps, puis noircissait son carnet, trouvant apparemment beaucoup de choses à dire déjà sur ce qu’elle avait sous le nez. Il se risqua à demander :

     — Le Capitaine… ?

     Le sérieux et la concentration sur le visage de la Jeune Maîtresse HengXing disparurent quelques secondes à cette mention, au profit d’un sourire :

     — À l’époque, il n’était pas Capitaine des Gardes, tu dois t’en douter. Son père était le forgeron le plus réputé de la ville et chaque fois que je descendais pour le ravitaillement, il se débrouillait pour me croiser. Nous n’avions que quelques secondes volées ici et là, la plupart du temps, mais il en profitait toujours pour me glisser un gentil mot, ou un petit pain chaud, un bonbon… Même quand je servais d’intermédiaire entre lui et ses autres alliés, il pensait toujours à me glisser un petit cadeau au passage. Est-ce que tu peux m’aider ?

     Hei TaiYang fut un instant pris de court en entendant son intonation changer. De nostalgique, elle était passée à beaucoup plus de sérieux et son regard indiquait qu’elle ne souhaitait pas s’éterniser sur le passé. Elle lui présenta son pinceau et son carnet :

     — Veux-tu bien prendre en note ce que je dis à voix haute ? Ce sera bien plus pratique.

     Aussitôt, le Maître d’Armes se décolla du mur en décroisant les bras et attrapa les deux objets tandis que la jeune femme lui résumait :

     — Les corps de la première salle sont effectivement uniquement des femmes, elles ont toutes été tuées il y a au moins deux ans. Dans la mesure où elles sont toutes habillées et vu les blessures apparentes, je pense que les garçons ont raison en disant que personne n’a cherché à prendre leurs Noyaux Spirituels.

     — Vous pensez également qu’elles sont toutes des Cultivatrices ?

     — J’en ai bien peur… murmura HengXing XiaoHong. Il va falloir que je vérifie cette information et que je m’assure qu’elles sont bien décédées à cause des plaies que l’on peut voir. Mais à première vue, ça ressemble à une série de meurtres. Si ce sont les mêmes personnes qui ont commis ces crimes, on dirait qu’ils ont changé d’avis à un moment.

     Après avoir fait le tour de la pièce et demandé aux Gardes de bien faire une séparation entre les dépouilles de la première et de la deuxième salle, la jeune femme revint à l’un des tous premiers corps et soupira :

     — Je vais devoir détacher une partie des vêtements. Je vais te donner toutes les informations qu’on peut avoir sur cette personne, son âge, la couleur de ses habits, si je vois un emblème ou n’importe quel signe distinctif.

     — Un maximum d’informations pour pouvoir l’identifier ensuite, devina Hei TaiYang.

     — Exactement. Et on va faire pareil avec tout le monde.

     Il l’avait déjà vu faire à Jinhar. À ce moment-là son frère lui avait servi d’assistant, pendant que lui-même partait interroger quelques habitants des environs pour tenter d’avoir des informations supplémentaires. Le Maître d’Armes se rapprocha, attentif et prêt à noter tout ce que lui indiquerait la Jeune Maîtresse HengXing.

 

     Pendant ce temps, le reste du groupe était descendu jusqu’à la cave grande ouverte, avant de s’enfoncer dans le couloir. Le Maître du Feu n’avait pas besoin d’utiliser sa capacité cette fois-ci, des torches avaient été allumées tout le long des chemins. Pour le moment, Zhang JingXi ne les avait pas encore rejoints et Zhen YuJin ne pouvait s’empêcher de regarder toutes les personnes qu’ils croisaient alors qu’ils avançaient dans les tunnels et traversaient les grandes pièces. Les hommes de Jian Lin travaillaient activement à remonter les défunts et le Musivateur n’aurait pas vraiment été surpris de voir son bien-aimé en train de les aider. Mais alors qu’ils arrivaient dans le couloir qu’ils devaient déblayer pour continuer, il dû se rendre à l’évidence ; son homme n’était pas encore arrivé et il commençait à trouver son absence vraiment alarmante. L’affaire lui tenait trop à cœur pour qu’il s’amuse à être en retard, il en était certain. Faisant écho à ses pensées, Chan YinMai prit la parole, les sourcils un peu froncés :

     — Zhang JingXi n’est pas là…

     Le Chef de Clan regarda machinalement autour de lui, puis acquiesça, l’air soucieux également :

     — Effectivement. C’est étrange, j’aurais même cru qu’il serait le premier sur les lieux. Peut-être que je m’inquiète pour rien, mais par les temps qui courent…

     Il se tourna naturellement vers Jian Lin, tout en continuant :

     — Vous l’avez bien raccompagné, hier soir ?

     Le Capitaine acquiesça, avant de porter son regard sur le chemin qu’ils venaient d’emprunter pour venir jusqu’à l’éboulement. Il resta songeur un instant, avant de désigner les rochers à dégager pour libérer la voie :

     — Si vous voulez bien commencer, je vais tout de suite aller voir s’il est toujours chez lui. Peut-être a-t-il été retardé.

     Avant que Zhen YuJin n’ait eu le temps de proposer de l’accompagner, l’homme s’éloignait déjà à grandes enjambées, la démarche si rapide que le Musivateur le soupçonna d’utiliser son Énergie Spirituelle pour aller plus vite.

     Son impression de mal être, ressenti la veille au soir, commença à revenir dans son cœur. Machinalement, il entreprit de se mettre au travail pour libérer le passage, aidé par son meilleur ami et le Chef de Clan. Il fracassa un imposant rocher à mains nues et laissa son meilleur ami dégager les gravats sur le côté :

     — Tu n’as pas fait de rêves en particulier, cette nuit ?

     — Rien dont je ne me rappelle en tout cas, répondit le Médium. Mais mon Don n’est pas toujours au rendez-vous, tu sais…

     Le Chef de Clan se tourna à demi vers eux, les oreilles grandes ouvertes. S’il paraissait paisible et ne voulait pas faire paniquer inutilement les deux hommes, lui aussi commençait à sentir une vive angoisse lui étreindre la gorge. Il connaissait suffisamment Zhang JingXi pour être sûr de ce qu’il avançait en affirmant qu’il aurait même dû être le premier sur les lieux. Non seulement, il habitait non loin d’ici, mais il ne serait pas non plus absent sur une enquête aussi importante. Et même sur le plan personnel, HengXing ShanYao avait nettement vu comment il regardait le Musivateur, la veille, et la façon dont il lui avait sauté dans les bras lorsqu’ils l’avaient rejoint, plusieurs jours plus tôt. L’envie de revoir l’homme qui lui plaisait était déjà une raison suffisante pour qu’il ne soit pas en retard.

     Laissant le soin à Zhen YuJin de dégager les plus gros rochers qui leur bloquait la route, il entreprit d’aider Chan YinMai à repousser les décombres sur le côté. Après un moment de silence, le Maître du Feu reprit :

     — … Dans tes cauchemars d’il y a quelques jours, il était bien dans un des souterrains, n’est-ce pas ?

     À contrecœur, l’autre homme hocha la tête. L’information ne tombait pas dans l’oreille d’un sourd. HengXing ShanYao garda le regard fixé sur sa tâche, tout en réfléchissant à ce qu’il savait du blondinet. Zhang JingXi avait parlé de lui en disant qu’il était particulièrement sensible dans ses ressentis et qu’il pouvait voir des choses dans ses rêves. Les Médiums fiables ne courraient pas les rues, bien sûr et l’information n’avait pas vraiment percuté le Chef de Clan, jusqu’à ce qu’il voit la flûte Yue en possession du concerné. Une personne capable de percevoir l’avenir, propriétaire de cet instrument si particulier et doté de cette couleur de cheveux… Il y avait trop d’éléments qui l’interpellaient, il fallait vraiment qu’il trouve le temps de parler à cet homme pour en savoir plus sur lui et sur ses origines.

     Il vit Zhen YuJin se détourner de l’éboulement pour regarder derrière eux, par là où le Capitaine était parti plus tôt, comme s’il espérait le voir déjà revenir.

     — Je ne saurais dire si je l’ai vu ici ou à Jinhar, reprit Chan YinMai. Je sais seulement qu’il n’était pas prisonnier comme Ping Yu, mais blessé à l’épaule.

     Il évita de préciser « mortellement blessé », tout en sachant que son meilleur ami se rappelait parfaitement de ce détail macabre.

     — Je m’en souviens, répondit le Musivateur d’une voix blanche. Quand on lui en a parlé, il a promis qu’il n’irait pas seul dans les tunnels. Il n’a aucune raison de… Comme c’était prévu qu’on revienne aujourd’hui, pourquoi il serait… ?

     HengXing ShanYao prenait les informations au vol et sentit son sang se glacer dans ses veines en entendant la conversation. Il se tourna plus franchement vers eux, tâchant de rester aussi calme que possible :

     — Attendons déjà le retour du Capitaine Jian, Messieurs.

     Quoi qu’ait vu ce Médium, leurs attitudes n’avaient rien de rassurant et il n’osa pas demander si la blessure dont ils parlaient était superficielle ou non. Vu les expressions affichées sur leurs visages, il pensait pouvoir déduire la réponse.

     — Et comme vous venez de le dire, continua-t-il toujours aussi serein, il n’avait aucune raison de venir se perdre dans ce dédale. Il a simplement dû être retenu quelque part et nous allons le voir arriver dans quelques secondes.

     Les deux Musivateurs opinèrent du chef et se remirent au travail, même s’il savait que ses paroles n’avaient pas du tout su les rassurer. Lui-même ne croyait pas vraiment à ce qu’il venait de dire.

     Il n’a aucune raison de venir se perdre dans ce dédale, sauf s’il s’est passé quelque chose qui l’aurait poussé à sortir de chez lui. Il est suffisamment impulsif pour avoir agi sur un coup de tête, il suffit qu’il ait eu une information, ou même une intuition, qu’il a pu vouloir vérifier par lui-même…

     La veille, lorsqu’ils étaient arrivés à l’auberge, Chan YinMai et le Capitaine étaient déjà présents et conversaient à une table. Sa sœur, son Maître d’Armes et lui-même avaient été mis au courant, brièvement pour ne pas non plus se mêler de la vie privée du Cultivateur, du fait qu’il semblait avoir été marqué par les macabres découvertes récentes. Le Chef de Clan estima que Zhang JingXi aurait très bien pu avoir envie de revenir sur les lieux pour réfléchir à la situation.

     Ils avancèrent dans leur tâche durant quelques minutes, dans un silence pesant qui fut rompu au bout d’un moment par un bruit de pas rapides. Avant même de se retourner, Zhen YuJin comprit que le Capitaine revenait seul et que sa façon de courir n’augurait rien de bon.

     À peine essoufflé, Jian Lin s’arrêta près d’eux, le regard alerte :

     — Il n’est pas chez lui. Personne ne sait où il est.

     Affolé, Le Maître du Feu se tourna aussitôt vers Chan YinMai :

     — Dis-moi que tu peux faire quelque chose ! Est-ce que tu sens un truc ? Est-ce qu’il est dans un des autres couloirs ?

     Le Médium se mordit les lèvres, puis secoua la tête :

     — Écris-lui, A-Jin. Peut-être qu’il est coincé quelque part et qu’il pourra nous répondre. Je vais essayer de chercher pendant ce temps.

     Aussitôt, il s’agenouilla et ferma les yeux pour essayer de se concentrer sur leur ami. Zhen YuJin fouilla dans ses manches à la recherche de ses feuilles et de quoi écrire, avant de prendre appuie sur l’un des rochers et marquer quelques mots. Il tremblait tellement que ses doigts n’arrivaient pas à tracer la moindre ligne. La main de HengXing ShanYao se posa sur son épaule et il sentit une vague de Qi appaisant l’envahir de la tête aux pieds, suffisante pour qu’il puisse reprendre provisoirement le contrôle de sa main.

 

« A-Xi, nous ne savons pas où tu es et nous sommes tous inquiets.

Essaye de nous répondre si tu le peux. »

 

     Le Chef de Clan retira sa main et le Musivateur plia la missive. Une brève angoisse lui noua la gorge durant les quelques dixièmes de seconde où il envoyait son Qi dans la lettre pour qu’elle parte auprès de son destinataire.

     Et si elle ne partait pas ?

     Si, comme pour Chan YinMai avec Ping Yu…

     Il poussa un soupir de soulagement en la voyant disparaitre et ne put s’empêcher de murmurer :

     — Il est encore en vie.

     Avec gratitude, il accepta la main de HengXing ShanYao qui l’aida à se remettre debout. L’homme le dévisagea d’un air grave et promit d’une voix sourde :

     — On va tout faire pour le retrouver.

 

     Effondré sur le sol, à plat ventre, Zhang JingXi respirait avec difficulté. Plusieurs fois, il avait repris brièvement connaissance, le temps de ramper sur un ou deux mètres, avant de replonger dans le noir total. À chaque fois, il se demandait s’il allait se réveiller ou sombrer définitivement. Cette fois-ci encore, il avait repris ses esprits, mais tout son corps refusait de se mouvoir. Il n’avait plus la moindre force et se sentait ravagé par une profonde fièvre destructrice. Même le sol sous lui paraissait brûlant à cause de sa simple présence.

     Un faible tressaillement le parcourut lorsqu’il sentit quelque chose frôler le bout de ses doigts. Il les remua avec difficulté et toucha un papier plié. Une lettre. Il eut la certitude qu’elle venait de Zhen YuJin. Il était trop loin de la deuxième salle, trop faible pour appeler à l’aide ou même faire du bruit en donnant des coups de pied quelque part, mais par moment il entendait les échos de gens qui marchaient dans certains couloirs. Ils devaient être en train de sortir les dépouilles.

     … A- Jin…

     Le Cultivateur replia légèrement la main pour serrer la lettre. Il ne pouvait pas lui répondre, il n’arrivait même pas à bouger correctement. Les larmes lui montèrent aux yeux. Dans le brouillard qui envahissait son esprit, il les trouva très fraiches lorsqu’elles coulèrent sur sa peau, en contraste avec la chaleur qui émanait de son corps.

     La chaleur…

     Il ne pouvait peut-être pas répondre par écrit, mais il pouvait peut-être puiser dans les réserves de son Qi pour lui indiquer le chemin. Il n’avait pas beaucoup de choix de toute façon.

     … A- Jin…

     Zhang JingXi rassembla ses maigres forces et se concentra sur son Énergie Spirituelle, sur le feu qui existait en lui. Un spasme incontrôlable agita son bras blessé lorsque son Qi se mit à circuler, un gémissement douloureux franchit ses lèvres alors qu’il avait la sensation que les méridiens flambaient à vif dans son membre atteint, mais il ne renonça pas et serra les dents. La lettre dans sa main s’enflamma soudain et s’il en avait eu la force, il aurait poussé un cri de joie. À la place, il tenta de maintenir sa concentration, donnant une forme de dragon miniature à ses flammes.

     … Va… Va le retrouver…

            Il donna une légère impulsion de Qi en priant pour que ça marche, l’animal mythique ondula un instant sur place, avant de s’éloigner dans les tunnels à toute vitesse. Le Cultivateur frissonna de fièvre, le souffle haché, tout en espérant de toutes ses forces que son idée allait fonctionner.

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Illustration réalisée par Druide Lunaire, dispo sur mon compte instagram : https://www.instagram.com/p/C5-hKQsLfaq/?img_index=1

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