Partie 3 : Le trône de Cazalyne
Chapitre 25 : Bouchevreux de Kearn
Alix
Assise en tailleur sur le pont, Alix plissait les yeux pour distinguer au loin le ruban de la côte. Au couchant, une brume presque invisible montait des flots ; les falaises ocre des rives de Kearn se confondaient alors avec la surface lisse de la mer de Tornaille que les rayons du soleil déclinant habillaient d’or en fusion. En principe, le voyage touchait à son terme, mais c’était le cas depuis plus de dix jours. Ils n’en finissaient pas de longer le pays pour chercher un endroit où débarquer sans se faire trucider avant d’avoir posé le premier pied sur la terre ferme.
Grâce aux alliances qu’il entretenait, Conrad avait préparé le terrain aux voyageurs pendant les cinq lunes qu’il leur avait fallu pour regagner le continent est. Ils avaient trouvé en Ostreterre un bateau et son équipage prêts à les emmener vers Cazalyne. Selon les recommandations des résistants, ils avaient vogué directement vers le sud du royaume, délaissant les côtes d’Avrin et de Listène où le Haut-Savoir avait renforcé la présence de ses pélégris pour prévenir une invasion de leurs voisins nordiques. Le navire avait donc mis le cap sur Landeterre. Pourtant, il avait vite paru évident que toucher terre ici serait une folie. Des tours de surveillance avaient poussé sur les plages de sable pendant leur absence, particulièrement autour de Tiahyne. À tel point qu’Albérac pensait qu’elles n’avaient été dressées que pour le retour de Venzald. L’équipage n’avait eu d’autre solution que de se dérouter vers le sud en se maintenant au large des guetteurs.
La province de Kearn, la plus aride et la moins peuplée du royaume, où la vie restait rude même dans les périodes fastes, semblait plus prometteuse. Il faudrait attendre le crépuscule pour s’en assurer de plus près, mais pour le moment, Alix n’avait vu aucune tour. L’Ordre avait peut-être considéré que le Kearn était trop éloigné de l’Ostreterre — et trop près de Marmane — pour que quiconque y débarque.
Non loin de la jeune fille, Venzald fixait également la côte. On aurait pu croire qu’il était plongé dans ses pensées, mais Alix avait appris à reconnaître aux infimes contractions de ses traits les moments où il échangeait avec son frère. Il leur communiquerait probablement les nouvelles importantes dans quelques instants. En attendant, elle se mit à fredonner la chanson dont l’air presque funèbre lui trottait dans la tête depuis des jours, celle que Themerid avait écrite et qui se propageait apparemment dans le royaume comme une irrésistible vague.
Enfant, écoute ma chanson
Il n’y a rien qui vient de là-bas
Ne regarde pas l’horizon
Ta mère ne reviendra pas
Pour un pas dehors à la nuit
Ou pour plus petite raison
Ils ont mandé trois pélégris
Qui l’ont menée à la prison
Elle interrompit sa mélodie lorsque le prince se leva, le sourire aux lèvres.
– Alors, quelles sont les nouvelles, petit ? interrogea Pique-Cerle qui avait apparemment compris lui aussi qu’un dialogue se déroulait entre les jumeaux.
– Les livraisons de yérélithe sont terminées ! Même les quelques zones de Kearn qui cultivent le blé en ont reçu leur part, répondit Venzald avec un geste vers les terres jaunes. Juste à temps pour les semailles d’automne.
Alix sourit, puis leva un poing fermé avant d’entonner à pleine voix les paroles combatives du refrain qui lui paraissaient tout à fait indiquées.
Entends-tu la terre qui gronde
Sous les pas du peuple affamé
Saisis ta fourche ou bien ta fronde
Il est temps de se libérer
***
Venzald
La chance leur souriait. Ils avaient touché terre aux premières heures de la nuit dans une crique, loin de tout signe de vie humaine. Le bateau était reparti pour l’Ostreterre dès que la barque qui les avait menés jusqu’à la rive l’avait rejoint. Lorsqu’ils avaient gravi les escarpements rocheux pour sortir de l’anse, Venzald redoutait qu’ils soient immédiatement repérés. Pourtant, aucun soldat masqué n’avait surgi devant eux ; les environs semblaient aussi déserts qu’ils l’avaient espéré depuis le large. Les cinq compagnons s’étaient donc mis en route en trébuchant, à cause de l’obscurité d’une part, mais surtout parce que leur périple marin leur avait donné un pas chaloupé mal adapté à la terre ferme. Alix et Pique-Cerle s’autorisèrent même quelques plaisanteries à mi-voix à ce propos tandis qu’ils abordaient une plaine couverte d’herbe rase et jaunie, semée de gros rochers épars. Venzald les écouta d’une oreille distraite, submergé par une émotion à laquelle il ne s’attendait pas. Il foulait à nouveau le sol de Cazalyne après un an d’absence. La chaleur de la pauvre terre sèche de Kearn remontait dans ses jambes comme une énergie bienfaisante en démultipliant ses forces. Une connexion dont il ignorait l’existence était en train de se reconstituer. Il était un arbre arraché dont les racines s’enfonçaient à nouveau dans l’humus nourricier pour y puiser sa substance. Sa peau frémissait, son corps vibrait de cette proximité retrouvée. Car à travers ce flux qui parcourait ses veines, il percevait de nouveau le pouls de son frère. Cela rendait toutes ses facultés plus tangibles, plus accessibles, il le sentait. Il aurait voulu se mettre à courir jusqu’à atteindre Terce.
Ils marchèrent toute la nuit sous un croissant de lune qui éclairait leur pas sans masquer les étoiles qui leur servaient de repères. Ils ne rencontrèrent pas une âme, excepté deux vieilles cabres aux côtes saillantes qui broutaient en grattant la terre à l’aide des cornes recourbées qui leur poussaient sous la mâchoire. À l’aube, leur chemin les mena vers une ferme isolée.
– Ça m’étonnerait qu’ils aient des chevaux à nous vendre, dit Alix, mais peut-être que nous pourrons leur demander des provisions.
Cependant, lorsqu’ils contournèrent la maison et l’étable, les restes de deux bûchers funéraires vieux de plusieurs lunes leur firent comprendre qu’ils ne trouveraient rien ici. Le constat fut le même dans les habitations suivantes.
– La région a été durement touchée, dit Albérac. Je ne pensais pas que c’était à ce point.
Le commentaire du précepteur déclencha une alerte dans l’esprit de Venzald, comme à chaque fois qu’il prenait la parole depuis que Themerid lui avait révélé qu’il cachait son identité. Par réflexe, le prince guettait un signe de trahison ou de mensonge, sans se résoudre à le confronter directement. Pourtant, il n’avait rien détecté de tel. Peut-être envisageait-il cette hypothèse trop à contrecœur pour percevoir la moindre preuve ?
– Où c’est qu’on va trouver des chevaux ? demanda Pique-Cerle. Parce qu’à pied jusqu’à Terce, on a pas fini !
– Nous n’allons pas avoir le choix, il va falloir que nous nous rapprochions de Pallius, la capitale de province.
– De toute façon, ce n’est pas un grand détour, conclut Venzald avant de se remettre en marche avec un dernier coup d’œil mélancolique aux bûchers.
Ils atteignirent l’extrémité du plateau peu avant le mitan du jour. De là, le pays descendait dans une large vallée au cœur de laquelle se dressait la ville.
– C’est ça, Pallius ? s’exclama Alix. Ce n’est qu’un gros bourg ! Il n’y a même pas de remparts !
– En effet, confirma Albérac. Six ou sept mille âmes, tout au plus. Le Kearn n’est pas très peuplé. Et vous avez raison, Alix, il n’y a pas de murs, mais la ville est entourée de douves alimentées par la rivière qui passe de l’autre côté.
– Elles sont invisibles, pourtant, intervint Venzald.
– Parce qu’il y a des campements, déclara laconiquement Ensgarde.
Venzald observa la petite cité en contrebas pour comprendre. Érigée sur une colline basse, elle était dominée par un castel à deux larges tours carrées, probablement la demeure du gouverneur. Des maisons à étage se massaient autour d’elle. Une seule construction se distinguait au milieu des habitations : un long bâtiment en forme de L à mi-hauteur entre la plaine et le sommet. La ville était uniformément jaune ocre, comme la pierre du pays. C’est pourquoi l’anneau multicolore qui l’entourait avait sauté aux yeux de la guérisseuse. Des tentes. Toute la population de la région — celle qui survivait, du moins — semblait rassemblée ici, agrandissant la cité de faubourgs de fortune autour des fortifications. Il y avait fort à parier que ceux qui habitaient ces abris n’avaient pas emporté grand-chose.
– Pas gagné pour trouver des montures, grommela le vieux pêcheur.
– Nous attendrons la nuit pour tenter d’entrer dans la ville, dit Venzald. D’ici là, reposons-nous.
La lune baignait la vallée d’une lumière identique à celle de la veille lorsque la petite troupe descendit le bord escarpé du plateau. Au bout de deux heures de marche, ils perçurent la rumeur qui venait des faubourgs de toiles.
– Il n’y a pas de couvre-feu, ici ? demanda Alix. On entend même de la musique.
Venzald haussa les épaules en signe d’ignorance.
– Et ça, qu’est-ce que c’est ? interrogea encore la jeune fille.
Depuis l’endroit où ils se trouvaient jusqu’à la limite des campements, de larges taches sombres ponctuaient le sol à intervalles réguliers. Le phénomène semblait s’étendre tout autour de la cité.
– Ce sont des bûchers, répondit Ensgarde d’une voix lugubre.
– Des… Mais, il y en a des milliers !
– En effet, souffla le prince, écœuré. Sans les signes de vie que nous entendons, j’aurais juré que la province entière était décimée.
Lorsqu’ils furent assez près, Venzald comprit mieux pourquoi le couvre-feu n’était pas respecté. Les tentes et les abris s’étaient amoncelés les uns contre les autres — voire les uns sur les autres — en un inextricable fouillis à travers lequel il était difficile de se faufiler. Cela interdisait la circulation des patrouilles, surtout à cheval, et il y avait fort à parier que les pélégris ne s’aventuraient pas volontiers dans la forêt de toiles et de peaux, seuls et à pieds.
Les compagnons s’enfoncèrent donc à travers les campements sans résistance, enjambant les cordes tendues et les tapis et se baissant sous les ficelles chargées de linge. De loin, les sons qui leur étaient parvenus, voix, notes de musique et autres tintements de métal, avaient donné à Venzald une impression de vie et de foisonnement. Ici, il comprit vite que c’était le contraste avec le silence du reste du pays qui l’avait induit en erreur ; les visages qui les regardaient circuler portaient des signes de privations, d’abattement, de deuil. Les chansons vibraient de chagrin, les voix étaient éteintes, les mouvements pesants. Contraints de quitter leurs fermes et leurs terres stériles où gisaient les cendres de leurs morts, ces gens ne vivaient plus, ils survivaient.
– Il faut prendre une décision, murmura Albérac quand ils parvinrent en vue des larges fossés qui séparaient les campements des premières constructions de pierre. Il semble clair, à présent, que nous ne trouverons pas de montures ici dans ces faubourgs. Est-ce que nous tentons d’entrer dans la ville ou est-ce que nous continuons à pied pour en chercher plus loin ?
Venzald s’avança encore un peu vers les douves pour pouvoir observer l’accès de la cité. Un pont enjambait le fossé et menait à un immense portail. Les deux énormes battants de bois clouté étaient restés ouverts malgré la nuit, mais le prince distinguait six ou sept silhouettes armées de lances devant l’accès. Les pélégris compensaient leur absence dans les campements par leur surnombre à cet endroit, apparemment. Et dans la cité, qu’en serait-il ?
– Je ne vois même pas comment entrer, dit-il en revenant vers les autres. Et si nous y arrivions, il nous faudra encore trouver des chevaux, les voler et sortir de là. C’est trop risqué.
– Mais nous allons perdre beaucoup de temps ! protesta Alix.
– Tant pis, éloignons-nous.
Il s’enfonça de nouveau entre les tentes, suivi par ses compagnons. Il fallait quitter les campements le plus vite possible et bifurquer vers le nord. Il contournait un abri recouvert de peaux de cabres quand il se heurta de plein fouet à quelqu’un qui marchait en sens inverse. Il vit la broigne verte, le masque, tandis que le visage invisible du pélégri se penchait vers son épaule atrophiée. La poitrine du soldat se souleva pour prendre une grande inspiration au moment où le prince tirait son épée, gêné par l’espace exigu.
– Alerte ! hurla le garde.
Son appel s’interrompit quand la lame de Venzald plongea sous ses côtes. Un brouhaha s’éleva autour d’eux, se propagea comme une onde à travers la ville de toile, dominé par les cris relayés par les pélégris de la porte.
– Il faut fuir ! s’écria Alix.
– Mais s’il trouve ce corps, répondit Venzald, les habitants des camps vont se faire massacrer !
– Alors traînons-le loin d’ici, trancha Albérac en attrapant un des bras du soldat mort.
Mais Venzald venait d’avoir une autre idée. Il ferma les yeux et inspira profondément tandis qu’une énergie puissante emplissait son corps.
– Bouchevreux de Pallius et du Kearn ! C’est votre prince qui vous parle ! Je suis comme vous, je suis un devineur et j’ai besoin de votre assistance dans les campements près de la porte ouest de la capitale !
Quand il rouvrit les paupières, Albérac s’éloignait déjà en tirant le cadavre du pélégri avec l’aide de Pique-Cerle.
– Attendez ! souffla-t-il en espérant que quelqu’un ait entendu son appel.
Au bout d’un instant, un homme et une jeune fille surgirent entre les toiles. Ils jetèrent un coup d’œil au corps, puis se plantèrent devant Venzald en le dévisageant d’un air sidéré. Dans la direction de l’entrée de Pallius, les cris des gardes se rapprochaient. Le père tomba soudain à genoux en s’inclinant profondément.
– Nous… nous vous avons entendu, tous les deux !
– Merci d’être venus, mais relevez-vous, dit le garçon.
Deux jeunes hommes émergèrent à leur tour entre les tentes, immédiatement suivis d’une femme et de son fils. Tous les visages affichaient un respect craintif. Sans leur laisser le temps de poser des questions, Venzald montra le pélégri mort.
– Pouvez-vous nous cacher et dissimuler ce corps ?
En un instant, les cinq compagnons furent entraînés à travers la ville de fortune et disparurent.
***
Themerid
– Que savez-vous des troupes de Pallius, Seigneur Lancel ? interrogea le prince dès qu’il s’assit en face du commandant des pélégris de Terce, dans une des salles du quartier général de la résistance.
Ce dernier haussa les sourcils sous l’effet de la surprise.
– Le Kearn… souffla-t-il. C’est bien loin de mon territoire d’action ! Attendez…
Il plissa les paupières tandis qu’il cherchait dans ses souvenirs. Themerid scruta ses traits minutieusement comme à chaque fois que de Kelm était sollicité pour des renseignements, mais il ne détecta pourtant aucune trace de duplicité. Petit à petit, Lancel avait été accepté dans le réseau, principalement sous l’incitation de Conrad. L’Érudit avait pris plusieurs initiatives clandestines contre le Haut-Savoir pour prouver sa bonne foi, comme quand il avait évacué les devineurs hors de la ville, et depuis qu’il connaissait les membres de la résistance suite à l’imprudence de Flore, aucun d’eux n’avait été arrêté, ni même menacé. Les informations qu’il pouvait fournir étaient bien trop précieuses pour s’en passer inutilement, avait plaidé l’Hiverinien. Themerid avait fini par se ranger à son avis. Jusque là, il ne le regrettait pas, malgré la méfiance — mal étayée, il le reconnaissait — qu’il éprouvait encore.
– Mais ce n’est pas très loin du Haut-Collège d’Orityne, insista le prince. J’espérais que dans votre ancienne affection, vous auriez pu vous y déplacer.
– Ou peut-être correspondiez-vous avec les Érudits de Pallius ? intervint Elvire qui suivait la conversation.
– Je n’y suis jamais allé, malheureusement, répondit Lancel, mais en effet, j’ai reçu plusieurs fois le Maître-Érudit de Kearn. Comme vous le savez, Pallius est plus ou moins la seule ville de la province. En dehors, la population est dispersée en hameaux ou en fermes isolées, et elle est très peu nombreuse. Il y a un an, le Haut-Savoir n’y avait placé qu’une faible garnison, entièrement concentrée sur la capitale de province d’une part et sur le Haut-Collège — situé à quelques lieues tout juste de Pallius, d’ailleurs — d’autre part. La cité ne doit pas compter plus d’une centaine de pélégris, commandés par un seul Érudit. En revanche, le Haut-Collège doit être mieux protégé, car il abrite sûrement des réserves de blé. Et des Maîtres y étudient probablement.
– Sauriez-vous évaluer leur nombre ?
– Je dirais cinq cents soldats et peut-être une quinzaine d’Érudits.
Themerid hocha la tête, pensif. Les effectifs du Haut-Collège ne comptaient pas vraiment : si Venzald risquait une attaque dans la cité kearnéenne, il devrait miser sur l’effet de surprise. Les pélégris du Haut-Collège n’auraient en principe pas le temps de rejoindre Pallius.
– Ce que je vous communique doit être envisagé avec prudence, reprit Lancel. Ces informations datent de plus d’un an. La garnison a peut-être été renforcée, depuis. Puis-je vous demander pour quelle raison vous en avez besoin ?
– Non, trancha le prince. Pas dans l’immédiat, en tout c…
– Venzald et ses compagnons ont débarqué en Kearn il y a deux jours, coupa Elvire avec un regard de reproche à Themerid.
Lancel fit semblant de ne pas remarquer leur désaccord muet.
– C’est une excellente nouvelle, dit-il simplement, avant de froncer les sourcils. Mais… comment avez-vous eu l’information ?
– J’ai… un moyen de communication assez rapide avec lui, répondit Themerid en dardant un regard noir sur Elvire qui rougit, mais garda la tête haute.
Le commandant sembla surpris, mais ne posa pas davantage de questions.
– Je vous réitère ma volonté de l’aider. De vous aider, vous. Est-ce que le prince Venzald compte s’attaquer aux pélégris de Pallius ?
– Il étudie cette possibilité, répondit Themerid du bout des lèvres.
De Kelm hocha la tête avec un sourire.
– Alors permettez-moi de lui confier quelques conseils par votre intermédiaire. À l’exception de quelques troupes d’élite — principalement réparties à Terce —, les pélégris perdent leurs moyens en l’absence d’ordres clairs. S’ils sont privés de commandement, ils seront incapables de mettre en place la moindre stratégie de défense ou d’attaque. Le prince Venzald doit donc avant tout neutraliser l’Érudit qui les dirige.
Themerid le dévisagea, interloqué.
– À vous entendre, on pourrait penser qu’ils sont à peine dangereux, souffla Elvire tout aussi étonnée.
– Détrompez-vous, Dame Elvire, répondit Lancel en secouant la tête, ce n’est pas du tout ce que je veux dire. Le Haut-Savoir en a fait de parfaits engins de répression. Ils tuent sans aucun état d’âme, ils peuvent charger une foule désarmée si on leur en a donné l’ordre ou égorger un enfant. Mais ils n’ont jamais reçu la moindre leçon de stratégie, même aussi simple que se regrouper avant de porter une attaque.
– Mais ils peuvent trouver ça tout seuls, tout de même ! objecta Themerid.
– Ce n’est pas si évident. La plupart ont été recrutés très jeunes parmi les garçons de Cazalyne. On leur a appris à ne jamais réfléchir par eux-mêmes. Ils n’ont pas de volonté propre, pas d’ambition autre que celle d’obéir aux ordres.
– Comment est-ce possible ? interrogea Elvire. Ils ne se rebellent pas ?
– Pour comprendre, souffla Lancel en baissant les yeux, il faut avoir assisté ou participé à leur instruction. On leur enlève leur nom qu’ils n’ont plus le droit d’utiliser. On les abreuve de doctrines et de principes sur le bien et le mal, on les entraîne des heures durant jusqu’à l’épuisement. Ils n’ont même plus de visage. Les grilles qui les masquent n’ont pas pour unique but de les rendre effrayants, ils servent aussi à leur conditionnement. Personne ne peut les reconnaître, ce qui participe à leur faire oublier qui ils sont.
Le front toujours baissé, Lancel se leva et s’inclina. Il ne devait pas être facile d’admettre qu’on avait pris part à cela. Themerid ne comprenait pas comment un homme de l’intelligence du commandant avait pu se prêter à ces formations pendant des années sans en réaliser l’iniquité. Que fallait-il en déduire ? Que ses remords étaient tels qu’il voulait à tout prix se racheter ? Ou qu’il approuvait ces méthodes et qu’il jouait toujours le jeu de l’Ordre ? Il se tourna vers Elvire pour lui demander son avis, mais ce qu’il lut sur son visage l’en dissuada. Pendant qu’elle fixait Lancel qui s’éloignait, ses traits affichaient une admiration sans mélange.
Que pouvait-il espérer d’autre ? Rien n’avait changé entre eux depuis leur mariage. Égale à elle-même, Elvire l’assistait en toute chose : elle le soulageait de toutes les tâches possibles pour le réseau, l’incitait à lui faire part de ses inquiétudes, l’aidait à réfléchir et à prendre ses décisions. C’était une amie précieuse et dévouée. Pas plus. Elle avait regagné en confiance depuis quelque temps. Ses épaules et son menton s’étaient redressés, elle ne sursautait plus au moindre bruit et même le ton de sa voix était plus ferme. Elle le remerciait encore régulièrement de l’avoir sauvée d’une horrible union avec Bréol. Pourtant, elle n’avait jamais esquissé vers lui un geste empreint d’autre chose que d’une affection fraternelle.
Elle devait regretter, en regardant le beau Lancel de Kelm, que le tueur d’Érudits n’ait pas frappé plus tôt. Il l’aurait dispensée de se lier à lui, si terne, si frêle, si dénué de charme. Et pour couronner le tout — l’expression était tout indiquée —, il ne lui offrirait même pas le trône, puisqu’il ne pouvait y prétendre.
Cela, hormis Renaude, il était cependant le seul à le savoir. Une intuition confuse l’avait dissuadé de communiquer la nouvelle à son frère. Plus tard, il déciderait, mais pour l’heure, il tentait d’oublier en s’acquittant de son devoir, comme tout le monde l’attendait de lui.
***
Albérac
En plus d’eux cinq, une quinzaine de personnes étaient rassemblées sous la tente. Les quelques devineurs qui avaient répondu tout d’abord à l’appel de Venzald continuaient de regarder le prince avec une sorte d’étrange dévotion — Albérac ne savait pas si c’était l’ampleur de son pouvoir qui les impressionnait le plus ou si l’idée d’avoir un souverain bouchevreux leur paraissait trop belle pour être vraie —, mais ils s’étaient montrés efficaces. En très peu de temps, ils avaient emporté le corps du soldat roulé dans un tapis, les avaient guidés à travers le dédale des campements, puis ils avaient agrandi le logement de toile de l’un d’eux pour le transformer en base de manœuvre. Depuis, Venzald avait lancé de nouveaux messages pour que ceux qui voulaient les rejoindre puissent les trouver. D’autres devineurs étaient arrivés de plus loin, un par un. Ils avaient entendu la voix du prince dans leurs esprits comme un signe du ciel depuis les lieux reculés où ils se dissimulaient et s’étaient mis en marche en dépit des craintes qui les empêchaient jusque là de rallier Pallius, seul endroit de la province où l’Ordre distribuait encore des rations de blé. Ceux-là étaient si maigres que le maître d’étude se demandait comment ils tenaient toujours debout. Pourtant, aucun d’eux ne fit demi-tour lorsque le prince évoqua l’éventualité d’attaquer la garnison de la ville.
Albérac aurait cru cela impossible pour un groupe aussi réduit, mais grâce aux informations de Lancel, l’opération devenait envisageable. D’après Calur, l’homme qui était arrivé le premier en réponse à l’appel de Venzald, la caserne était le seul endroit de la province où l’on pouvait trouver des chevaux. Les autres, ceux des rares fermes qui en possédaient, avaient été mangés depuis longtemps. Cependant, le précepteur sentait que cette attaque représentait un enjeu bien plus considérable que de leur procurer des montures, même s’il ne voyait pas encore exactement lequel.
– Il faudrait créer une diversion pour éloigner les pélégris de la caserne, dit-il.
Venzald tourna vers lui un regard sévère, qui s’adoucit presque tout de suite. C’était comme ça depuis des lunes ; chacune de ses paroles semblait résonner comme une offense personnelle au garçon. Depuis qu’il connaissait ses préférences amoureuses, en fait. Il supporterait son jugement puisqu’il avait survécu à d’autres réactions identiques pendant toute sa jeunesse. Pourtant, il en éprouvait de la déception : il avait espéré que le prince pourrait dépasser ça.
– Est-ce que quelqu’un a une idée pour éloigner les soldats de la caserne ? demanda ce dernier à la ronde.
De nombreuses voix fusèrent en un brouhaha peu productif.
– Je crois que j’ai une proposition, bougonna soudain Ensgarde.
Elle s’interrompit en constatant que Venzald n’écoutait plus. Il fixait l’entrée de la tente par laquelle une jeune fille venait d’arriver. Elle paraissait se demander ce qu’elle faisait là et balayait l’assemblée de son regard bleu transparent. Venzald se dirigea vers elle.
– Vous êtes le prince ? interrogea-t-elle en portant la main à sa tempe. Je… vous ai entendu. Dans ma tête.
– Vous n’êtes pas bouchevreuse, n’est-ce pas ?
– Non, même si tout le monde croit le contraire.
Le garçon laissa échapper un rire surpris.
– Ça alors, souffla-t-il. Je peux communiquer avec les désespérites ! Vous êtes une descendante de devineurs, vos pouvoirs sont bloqués, mais vous pouvez m’entendre !
Alix sauta aussitôt sur ses pieds.
– Mais alors, tu vas pouvoir parler à Flore !
Le sourire lumineux que lui adressa Venzald prouva qu’il s’était fait la même réflexion.
À la nuit — la troisième depuis leur arrivée —, deux devineurs et deux désesperites avaient encore renforcé les rangs. Vingt-trois personnes sortirent de la tente et se dirigèrent vers les douves. Pique-Cerle et Ensgarde étaient restés à l’abri. Alix abattit d’une flèche une sentinelle postée sur la rive d’en face, puis un garçon du même âge qu’elle traversa à la nage, une longe nouée autour de la taille, avant de remonter de l’autre côté en escaladant la paroi. Il passa la longe dans un anneau d’attache sur le mur de la maison la plus proche et tira jusqu’à ce que le pont de cordage auquel elle était reliée se mette en place. La petite troupe le franchit, puis s’enfonça dans les ruelles de la cité en portant les fagots confectionnés pendant la journée. Venzald, Alix et Albérac marchaient en tête, prêts à décocher leurs flèches. Les trois pélégris qu’ils rencontrèrent sur le trajet s’écroulèrent silencieusement, ainsi que les sentinelles postées aux entrées de la caserne. Les devineurs s’introduisirent en divers points du bâtiment, obstruèrent les cheminées du rez-de-chaussée désert, y empilèrent leurs fagots et les allumèrent avant de ressortir dans la cour. Ils attendirent dans l’ombre que le feu fasse son effet, puis grimpèrent jusqu’aux dortoirs, à l’étage, le visage couvert d’étoffes protectrices.
La recette d’Ensgarde avait fait des merveilles : en mêlant du bois de merlier qui fumait beaucoup avec des feuilles de craquemin repéré en arrivant, ils avaient plongé dans un profond sommeil les soixante-dix pélégris qui dormaient là. Pendant que les devineurs sortaient les armes, les chevaux et les réserves de nourriture du bâtiment, Venzald et Albérac cherchèrent les appartements du ou des Érudits. Il n’y en avait qu’un, mais l’homme n’avait pas dû respirer autant de fumée que ses soldats, car il tenait encore suffisamment debout pour les menacer de son épée. Albérac, qui se trouvait derrière Venzald lorsqu’il ouvrit la porte, vit avec effroi que ce dernier hésitait à le tuer. L’autre en profita pour se précipiter sur lui en une course chancelante. Le prince leva son arme par réflexe, écarta la lame qui pointait mollement vers lui et le frappa en pleine poitrine.
– Ça m’apprendra à prendre pitié de n’importe qui, dit-il avec un soupir de soulagement.
Albérac lui tapota l’épaule, ce qui lui valut le premier sourire franc depuis longtemps, avec le même regard confiant que le garçon lui avait adressé pendant des années.
La nuit s’éclaircissait lorsque la troupe verrouilla la caserne, emprisonnant les pélégris à l’intérieur. Il devait rester entre vingt et trente soldats dans les rues de la ville, dont une partie devant les deux portes d’accès. Ceux-là seraient moins chanceux que leurs camarades. Trois groupes de devineurs se répartirent à travers la cité pour les neutraliser tandis que le quatrième restait surveiller les prisonniers.
Albérac venait de décocher avec succès sa dernière flèche lorsqu’il entendit la cloche de la caserne. Le temps qu’il y parvienne, les habitants sortaient déjà de leur maison, cherchant d’un air ensommeillé ce qui pouvait valoir cette alerte. Tandis qu’il entrait dans la cour, il distingua les silhouettes de cinq des devineurs du groupe sur le toit du bâtiment. Quand la cloche se tut, le précepteur reconnut la voix de Calur qui s’adressait à l’assistance à présent massée autour de la caserne.
– Nous avons libéré Pallius ! beugla-t-il. Il n’y a plus de pélégris !
La foule se réveilla comme un seul homme et des acclamations s’élevèrent de partout, assourdissantes. Les gens tapaient des mains, lançaient des hourras, envoyaient valser leurs chapeaux ou leurs châles et s’étreignaient. Albérac souriait tout en se demandant si les hurlements de joie s’arrêteraient un jour. Le silence revint progressivement après quelques nouveaux battements de cloches.
– Celui qui nous a guidés, reprit Calur en rugissant à s’en casser la voix, c’est le prince Venzald Kellwin !
Cette fois, ce furent des cris de surprise qui montèrent de l’assemblée. Chacun se tournait en tous sens, cherchant des yeux l’apparition royale. Une rumeur de doute commençait à planer. Sur le toit, Albérac vit deux bouchevreux se baisser. Lorsqu’ils se relevèrent, ils tenaient chacun par un bras un troisième homme à la silhouette dissymétrique facilement reconnaissable. Venzald salua de la main. Encore une fois, l’assistance éclata en manifestations de joie comme un coup de tonnerre qui ne finit qu’aux nouveaux tintements de cloche.
– Et tout comme lui, poursuivit Calur, un timbre vengeur dans la voix, nous sommes des bouchevreux !
Le dernier mot résonna dans la cour et sembla s’abattre comme un voile noir sur la foule dans un silence de mort.
Un chapitre assez différent, très focalisé sur l'action. Je trouve que c'est sympa de varier les plaisirs et ce chapitre de libération ouvre parfaitement la partie 3 avec le début de la libération de Cazalyne. La révélation de la nature du prince à la foule de bouchevreux va peut-être bien passé mais pour le reste du peuple j'ai assez peur. Même pour des personnages qu'on admire, je pense que c'est dur d'aller au-delà de décennies de haine et mensonges. Même des souverains "éclaires" comme Blanche et Einold les haïssaient alors le peuple risque de mal accepter cette révélation. Je me demande comment tu vas surmonter ou pas cette difficulté.
J'ai été un peu déçu que Themerid ne mette pas Venzald au courant de leur parenté. L'éloignement leur a-t-il fait perdre un peu de leur fusion ? En tout cas, il me tarde de voir la réaction de Venzald quand il l'apprendra.
Le 1 an d'absence m'a pas mal remué, on se rend pas compte qu'il s'est passé autant de temps entre leur départ et leur retour ^^
Sinon, j'ai pensé à quelque chose qui n'a rien à voir avec ce chapitre. En fait, pour le tome 1 tu m'avais dit penser à faire un arc à Lancel pour qu'on découvre le Haut-Savoir de l'intérieur. L'idée me paraît excellente mais j'ai un peu "peur" que ça lui fasse perdre une partie de son aura mystérieuse qui le rend à mon sens si intéressant. Je me demandais si ça serait pas intéressait de suivre un autre personnage qui intègre le Haut-Savoir et qui d'abord bon devient peu à peu un monstre d'obéissance incapable de penser par lui-même et qui oublie peu à peu son ancienne vie (gai n'est-ce pas ?). Il pourrait avoir un lien avec Lancel pour qu'on le voie sans qu'il perde son aura de mystère. Et ça ferait un pélégri de plus parce que je trouve qu'au final il y en a pas tant que ça dans ce tome 2 et on les voit souvent d'assez loin. Ca pourrait être un antagoniste supplémentaire particulièrement redoutable ? Il pourrait être le pélégri qui traite avec le manteau bleu, enfin il y a pleins de choses à faire. Enfin, je ne veux pas réécrire ton histoire, ce n'est qu'une suggestion^^
Je te mets mes petites remarques :
"Il est temps de se libérer" je titille mais je trouve qu'un truc du genre : partir à la conquête de sa liberté / conquérir sa liberté sonnerait mieux (sinon la chanson est géniale, t'as vraiment un talent pour les écrire !)
"un croissant de lune qui éclairait leur pas sans masquer les étoiles" la lune masque jamais les étoiles si ?
"Mais s’il trouve ce corps," -> si on trouve ?
"puis un garçon du même âge qu’elle traversa à la nage," je trouve la tournure bizarre, on dirait qu'elle traverse le garçon ^^
Un immense plaisir comme toujours,
A demain (=
De même, tu me diras si tu trouves que je me suis sortie correctement de la question "comment le peuple acceptera les bouchevreux ?"
Si je rajoute un arc sur Lancel, je suis d'accord avec toi, il ne sera pas de son point de vue. Ce serait trop difficile à gérer et comme tu dis, ça lui enlèverait trop de mystère. Ce que je prévoyais c'est plutôt de raconter son histoire par les yeux d'un simple pélégri qui lui servirait d'ordonnance, par exemple. Ca me permettrait aussi de montrer le "lavage de cerveau" que les pélégris subissent (ça risque d'être chaud à gérer, en pov interne, d'ailleurs...). Par ce biais, je pourrais aussi faire le focus sur d'autres érudits (comme les "professeurs" de Lancel). A voir si je les amène tout au long de la saga ou pas. J'ai déjà beaucoup de personnages !
Quant à la petite Sara, la bouchevreuse que rencontre Flore dans le tome 1, si je l'utilise, je pense que je la mettrai directement entre les mains du manteau bleu.
Mais tes suggestions sont excellentes, comme d'habitude !
Themerid ne dit pas à son frère qu'ils ne sont pas les héritiers du trône, c'est vrai... Je ne voulais pas expliciter ses motivations parce que c'est plutôt une intuition, mais pour moi elles sont cohérentes. Et ce n'est pas parce que leur lien est moindre, c'est peut-être même le contraire (ce sera plus clair à la fin !).
Je comprends ta remarque pour la chanson, mais comme elle est destinée à motiver le peuple, il faut garder des phrases simples. Il faudrait d'ailleurs que j'écrive d'autres couplets parce que je l'utilise plusieurs fois ensuite, ce serait bien de varier. Merci pour le compliment en tout cas : les chansons, c'est mon pêché mignon !
Et enfin, pour la lune qui masque les étoiles : je vais enlever cette phrase qui n'est pas claire, décidément ! La lune ne masque pas directement les étoiles, non, mais elles sont beaucoup moins visibles s'il y a une source lumineuse importante. Comme un clair de lune particulièrement intense. Mais comme je dis que la lune est en croissant et pas pleine, le clair de lune n'est pas assez lumineux pour empêcher de voir les étoiles. Bref, c'était évident dans ma tête, mais apparemment pas sur le papier XD !
Merci encore pour ta lecture et tes super commentaires !
Par rapport à la longueur du tome, je vois ce que tu veux dire. Après rien ne t'interdit de faire une trilogie, la fin de Partie 2 (découverte qu'Abzal est la père des jumeaux) ferait une fin de tome 2 très cool. Ca pourrait te donner plus de liberté pour développer les émotions et pour éventuellement ajouter un ou plusieurs autres personnages du côté des pélégris pour les rendre encore un peu plus menaçants^^ Ainsi que pour développer d'éventuels nouveaux arcs.
Après je dis ça mais je n'ai pas encore lu la partie 3, ce que je te dis ne vaut peut-être pas grand chose. Et le format en 2 tomes est sympa aussi^^
Je me suis demandé dès le début de ce chapitre si Théméride avait parlé à Venzald de ses découvertes. C’est quand même un gros morceau à cacher. Tu donnes l’explication plus tard, et c’est intéressant de voir que malgré leur lien très fort, Théméride parvient à dissimuler des informations.
La libération presque pacifique de la ville est bien menée. Quant à la révélation de la fin, on peut appréhender ses conséquences : comment cela va-t-il être pris par la population ?
Détails
Mais s’il trouve ce corps, répondit Venzald, les habitants des camps vont se faire massacrer ! Si les pélégris trouvent ?
Alix abattit d’une flèche une sentinelle postée sur la rive d’en face : tu dis ça anecdotiquement, mais c’est quand même une première non ? Pas si évident de tuer un ennemi pour la première fois.
Pour moi, c'est cohérent que Themerid garde le secret de sa découverte vis à vis de Venzald, parce qu'il a peur que Venzald ne se décourage s'il pense que ce n'est plus "son royaume". Mais je ne l'ai pas dit tel quel, je ne voulais pas qu'il le conscientise à ce point, mais je pourrais expliquer un peu plus que "une intuition confuse". Je ne sais pas si c'est nécessaire.
Bonne remarque pour Alix qui abat une sentinelle, je pourrais approfondir, en effet, mais ce n'est pas si simple parce qu'on n'est pas dans son pov.
Venzald est de retour sur le sol de sa patrie, et on voit que ça lui fait du bien ! On note une similitude dans la relation Venzald / Albérac et Themerid / Lancel : je te fais confiance mais je me méfie...
On sent que le mariage pèse un peu à Themerid ; le divorce est-il possible dans ton monde, tiens ? Qui sait, une fois la situation apaisée ?
L'appel de Venzald, aux bouchevreux, joli ! Le soutien et l'attaque grâce à eux et aux info de Lancel / Themerid, bien vu !
La révélation / coming-out par un tiers à son peuple, par contre... là, j'appréhende beaucoup la réaction qui risque d'être moins positive !
On est dans l'action et tout s'enchaine ;)
Non, pas d'option divorce dans mon monde, héhé...
Il y a en effet beaucoup, beaucoup d'action dans cette troisième partie. D'ailleurs, on me souffle dans l'oreillette que j'ai peut-être oublié un peu le reste : sur le sprint final, j'ai un peu oublié les introspections, descriptions et autres fioritures dont je raffole d'habitude. Mais j'avoue que je peine un peu sur la fin parce que j'ai développé tellement d'arcs, majeurs ou mineurs, que pour les résoudre tous, je galèèèèèère !
Je t’ai fait un com au fil de ma lecture, je te laisse savourer la chose mais avant je vais faire mon com global, qui est que le chapitre est très dense, ça avance vite – trop vite, à mon goût strictement (je ne peux le souligner assez) personnel. Et la vitesse, avec le nombre d’ellipses que ça implique, et le focus sur les actions qui vont uniquement faire avancer l’arc de la libération de Pallius, hormis un peu au début mais à la fin c’est vraiment que ça, eh bien ça m’a décollée de ton univers. Je n’avais plus que l’action mais aucune prise pour m’ancrer dans la réalité de cet univers. Il m’a manqué des descriptions, notamment. Je ne réclame pas du Proust ou du Flaubert, bien sûr, ce serait incohérent, mais je pense qu’il manque des petits éléments ici et là, qui permettraient de varier aussi le ton du chapitre, qui me paraît très uniforme.
J’ai le sentiment que tu t’es tant centralisée sur l’action et le besoin d’avancer, de tout caser dans un chapitre, qu’une part de ce qui faisait le charme jusqu’à présent est passé à la trappe. Dans les chapitres précédents, ça changeait de ton, il y avait des constructions de climax… Tu ne m’as pas habituée à une telle homogénéité et finalement, je trouve que c’est dommage. Non pas que je n’ai pas apprécié, c’était très agréable et tout se tient, mais ça manque de sel. Il n’y a pas le petit plus.
Bon ! Sur ces entrefaits qui ne manqueront pas de ne pas te faire déprimer, mon commentaire au fil de ma lecture :
« l’or en fusion » ah ce beau trop de description ! tellement utilisé que ça sonne à mes yeux comme un manque de créativité quand je le vois
LA CHANSOOOOOOOON ! « l’air presque funèbre » ? les paroles le sont, au moins au début ! même si le reste de la chanson ne l’est pas, comme la première strophe est la première qu’on voit (wow c’est profond ce que je viens d’écrire), dans mon esprit de lectrice j’associe aussitôt « presque funèbre » à cette strophe-là, et comme c’est de l’écrit et que je n’entends pas l’air, mon cerveau spontanément fait plutôt le lienavec le contenu des paroles. En fait je me demande si l’air est vraiment funèbre ou si tu as employé le mot « air » pour éviter la répétition de « paroles ». Au vu des paroles et dans la logique de mon cerveau telle que (maladroitement) décrite « presque funèbre » me fait un peu bizarre. Funèbre tout court ça ne me ferait pas bizarre, sauf si tu parles de la mélodie mais je pense qu’il faudrait que tu reformules (mais une mélodie funèbre avec des paroles combattives… ?). OUI c’est du pinaillage j’assume mais il faut bien que je te donne du grain à moudre vu ma vitesse de lecture dernièrement (comme ça tu ne regretteras plus mon absence, na) ( <3 ) Bon en me relisant je ne comprends rien à ce que j’ai écris mais je suis trop fatiguée pour parvenir à formuler correctement ma pensée je crois, tu n’auras qu’à me taper sur les doigts dans ta réponse de com ou quand on se verra.
« À tel point qu’Albérac pensait qu’elles n’avaient été dressées que pour le retour de Venzald. » les pélégris sont sûrs que Venzald a quitté Cazalyne ? ils ne supposent pas qu’il aurait aussi pu se terrer en rase campagne ou dans une montagne ?
« croissant de lune qui éclairait leur pas sans masquer les étoiles qui leur servaient de repères. » ce sont les nuages qui masquent les étoiles, pas la lune. Je veux bien croire qu’on est dans un monde de fantasy, mais quand même.
Je n’ai pas compris pourquoi le garde criait « alerte ». Il a déjà reconnu Venzald ?
Je suis également étonnée du peu de preuves que demandent le bouchevreux et sa fille quand Venzald s’annonce comme le prince. Certes, ça rend de l’espoir, mais surtout dans l’immédiat c’est une source d’ennuis incommensurables, un pélégris mort sur les bras. (bon ça va tu en parles plus tard, je t’autorise à ne pas prendre en compte cette partie de mon com :p )
J’aime beaucoup la mauvaise interprétation d’Albérac par rapport au regard sévère de Venzald ! (j’aime les trucs de mauvaises interprétations comme ça)
AH ! Venzald commence à sentir la chair fraîche (=Flore) lui aussi ! Ses hormones vont pouvoir s’exprimer ! (tu sais comme ça me fait rire…)
Sachant que les espérites ne s’étaient pas alliés ou soudés entre eux auparavant, je trouve que leur réunion dans une team se déroule vraiment sans aucun accroc. Je suis aussi étonnée qu’aucun autre habitant voisin n’apparaisse, à croire que les espérites et le groupe de Venzald sont seuls au milieu d’un imbroglio de tentes. (je suis con mais quand on élude trop les choses, mon cerveau les remplace par du vide, alors ce que je lis perd fatalement en crédibilité) Je sais que tu veux rusher un peu la fin, que c’est pas ultra important, et je ne te demande pas de t’étaler à la Zola sur le sujet, mais il me paraîtrait pertinent de décrire un chouilla la vie dans le camp. Ne serait ce que pour des questions pragmatiques : où dormir, comment manger, l’accueil des voisins, la peur de la dénonciation… simplement l’angoisse d’être dans un milieu inconnu en dépit du fait que ce soit Cazalyne, qu’ils ne connaissent pas les dynamiques et le mode de fonctionnement du camp. C’est tellement détaché de ce plan prosaïque que l’évolution de tout ça me paraît trop facile, en fait. J’insiste cependant sur le juste milieu et sur le fait que je ne te recommande pas non plus de nous faire une enquête de terrain sur les conditions de vie dans cette sorte de bidonville.
« Alix abattit d’une flèche une sentinelle postée sur la rive d’en face » je suis navrée mais je ne visualise pas du tout. Je suis peut-être la seule à rencontrer ce problème donc n’hésite pas non plus à mettre tout mon com entre parenthèses, mais y a pas des gardes à côté ? absolument personne qui remarque quoi que ce soit ? un système de tours de garde à prendre en compte, a minima ?
Oups, je crois que j’ai raté en beauté la marche qui nous a fait passer de « on va chercher des chevaux » à « on reprend Pallius ! » xD mais bon, pourquoi pas. ils comptent faire ça avec chaque ville ou… ? Parce que je doute qu’ils aient les moyens de lutter contre une armée de pélégris que je ne doute pas que le Haut-Savoir enverra lorqsu’il saura que Pallius est passé de l’autre côté de la Force !
Et re-oups, la fin… ça va faire mal dans les prochains chapitres, je crains ! Pour le coup, c’est pour moi la bonne surprise du chapitre, là je retrouve un peu des surprises comme tu aimes ponctuer tes chapitres. Je suis juste déçue qu’il n’y ait qu’une phrase à la fin qui me « réveille » de l’uniformité du reste. (je grossis un peu le trait, mais tu vois, étant très fatiguée en lisant ce chapitre, j’étais pas à 100% attentive lors de ma lecture et cette phrase m’a vraiment fait l’effet de me réveiller, de me réinsérer dans la tension du texte, que je ne ressentais pas jusqu’alors)
Je suis désolée, mon com sonne ultra négatif du coup ! Je m’arrête là, il est suffisamment long comme ça.
Plein de bisous ! déprime pas sinon je viens te botter les fesses !
"L'or en fusion" : j'avoue, c'est un peu éculé... J'essaierai de trouver mieux !
Pour la chanson, je ne suis pas sûre d'avoir compris ce qui te bloquait... Ce que j'essayais de dire c'est que les couplets ont une mélodie très mélancolique (d'où mon "presque funèbre") et le refrain a une mélodie plus guerrière (genre "aux armes citoyens" ou un truc du genre). Et je parle bien de l'air, pas des paroles (qui sont bien cafardeuses aussi, certes).
Alors je te confirme que la sentinelle qui s'abat n'a pas posé de problème, mais je pourrais en effet expliquer un peu plus. En fait, la ville est entourée de douves qui passent donc entre les campements et les maisons. Les perso sont sur la berge du côté des campements, et la sentinelle est de l'autre côté. Il y a d'autres sentinelles de loin en loin tout le tour de la ville, mais assez éloignées les unes des autres pour que si l'une tombe, les autres ne voient pas le problème tout de suite. Du coup, Alix tire, le mec meurt, et le groupe traverse grâce à un pont de corde.
Et tu as raison : on passe rapidement de "il nous faut des chevaux" à "on libère Pallius", parce qu'en fait, c'est l'occasion qui fait le larron, comme on dit. Mais ok, je note qu'il faudrait qu'ils le disent clairement à un moment, quand même.
Je suis rassurée que la dernière phrase t'ait quand même ramenée dans le game !
Comme je te le disais, tu es la seule à me challenger, alors continue ! Bisous ♥
Dans les premiers paragraphes tu mentionnes beaucoup d'endroits que je ne savais plusà situer les uns par rapport aux autres (ce qui n'est pas très grave vu que l'on comprend que l'on va s'intéresser pour le Kearn) mais du coup je me suis demandée si tu avais fais une carte de ton univers ? (je suis une fan des cartes :D)
Il foulait à nouveau le sol de Cazalyne après un an d’absence. → Quoi ? Déjà un an de passé ? Je ne m'en étais pas rendu compte !
En un instant, les cinq compagnons furent entraînés à travers la ville de fortune et disparurent. → à qui se réfère « les cinq compagnons » ? J'ai d'abord cru qu'il s'agissait des bouchevreux de Pallius, mais ils sont au moins six. Comme Venzald est accompagné d'Alix, de Pique-Cerle et d'Albérac, ça fait quatre, non ? (En continuant la lecture du chapitre, je me suis souvenue d'Ensgarde. Comme elle n'est pas mentionnée dans la première partie, ça donne un peu la fausse impression qu'elle a disparu;))
J'ai eu peur en comprenant qu'ils voulaient traverser la ville. Je ne sais pas quel avantage ils vont tirer de faire ça, parce que ces mystérieux bûchers ne m'inspirent pas confiance du tout ! Je ne suis d'ailleurs ce n'est pas spécifier ce qu'ils brûlent mais j'imagine qu'il s'agit de personnes... ?
J'aime beaucoup découvrir toutes les choses que Venzald peut faire avec son pouvoir et toutes les situations dans lequel être un devineur peut être super utile ! On « explore » ce don avec lui et on ne cesse de s'émerveiller ! Et maintenant, il va pouvoir communiquer à longue distance avec Flore, ce qui va être très très intéressant, vu qu'elle seule sait ce qu'elle fabrique à présent...
Si les désespérites sont des descendants de devineurs, ça veut dire que quelqu'un dans la famille de Flore était bouchevreux, mais qui ? Ça m'étonnerait que ce soit un de ses parents, quoique l'on ne sait jamais !
Ouais, ils ont libéré la ville super vite et en grand silence ! C'est fou ce qu'une foule peut faire à elle seule, à l'aide de fumée somnifère ^^ Je me demandais quel pourcentage de la ville était bouchevreux et la phrase « Le dernier mot résonna dans la cour et sembla s’abattre comme un voile noir sur la foule dans un silence de mort. » me fait penser qu'il y a des gens non-bouchevreux qui ne connaissaient pas le secret du prince et que cette déclaration a planté un malaise, mais peut-être que je me trompe ?
Dans tous les cas, j'ai très très hâte de voir comment le récit se poursuit ; je me réjouis de voir tous les personnages réunis !
Et oui, ça fait déjà un an qu'ils sont partis, plus ou moins : les princes ont été séparés le jour de leurs 16 ans. Ensuite, la fuite à travers Cazalyne dure trois ou quatre mois/lunes, dans la quatrième partie du tome 1. Et dans celui-ci, ils ont 17 ans au milieu de la partie 2, et là le trajet de retour vient de leur prendre cinq mois/lunes.
Non, Ensgarde n'a pas disparu :) D'ailleurs c'est elle qui remarque les campements autour de la ville quand ils observent de loin. Ce qu'il y a c'est qu'Ensgarde est assez taciturne, alors en effet, on peut l'oublier, mais elle est bien là XD
Ah, je vais préciser pour les bûchers : en fait, j'en parle plusieurs fois dans les deux tomes, mais dans ce monde, ils n'enterrent pas leurs morts, ils les brûlent. Du coup ce ne sont pas des exécutions mais des incinérations funéraires.
Le pouvoir de Venzald s'étend encore, en effet. Quant à savoir s'il peut parler à Flore... il va falloir attendre encore un peu. En effet, la couleur des yeux de Flore indique qu'elle est une desespérite et donc, qu'elle a des ancêtres bouchevreux mais ça peut remonter à longtemps, comme un gêne qui resurgirait, donc non, ce ne sont pas ses parents. Il faut d'ailleurs que je retravaille le chapitre où Venzald est chez les espérites, au début, pour mieux expliquer tout ça.
Pour la prise de la caserne, je craignais que mon invention avec la fumée ne soit pas trop crédible. Est-ce que tu as trouvé que ça marchait ?
Et dans la ville, c'est comme dans tout le reste de la population : les bouchevreux sont en grande minorité. Du coup, dans la foule, il n'y en a pas, ou très peu. Et le fait que les princes soient bouchevreux n'est pas du tout su par le peuple, en effet. Donc oui, il y a un malaise, puisque la plupart des gens ne portent pas les bouchevreux dans leur cœur (même si pas au même point que l'Ordre).
J'ai bien noté ta réponse pour le chapitre précédent : je repréciserai pour les masques avec les boucles d'attache et tout.
Quant à la suite, je travaille sur le prochain chapitre !
Merci pour ta lecture et ton commentaire !
A très vite chez Elé ;)
Oh, intéressants, ces bûchers funèbres ! Oui, du coup ça fait plus de sens comme ça ! Si aucun autre lecteur ne t'as fait la remarque, c'est que cet élément m'a échappé ^^
Et merci pour le rappel concernant les déspérites, ça me revient maintenant !
Pour moi, l'intervention avec la fumée était originale ^^ C'est vrai que tout se passait relativement vite, mais c'était satisfaisant et ça ne fait pas de mal de varier le rythme. En plus, c'est Ensgarde si je me souviens bien qui a préparé la fumée spéciale et je crois fort en ses capacités ;)
Ça avance ça avance l'intrigue.
Intéressant de savoir que le prince peut communiquer avec les "yeux clairs"
Bon pour le manteau bleu je sèche toujours. Tu nous donnes pas beaucoup d'indice ici !
En effet, les pouvoirs de Venzald grandissent encore.
Pour ce qui est du manteau bleu, au pire, dans une dizaine de chapitres, tu auras la solution ;) Et j'attends déjà ton "Aaaaaaaaaaah je le savais !" XD
Merci pour ta lecture si rapide et ton retour ♥