Partie 6

Par Audrey

On sursaute. Quelqu'un toque à la porte. D'instinct, ma mère porte une main contre sa poitrine. Nos visages se lèvent, nous sommes perdus. Sans se départir de sa nonchalance, H demande à Jeanne d'aller ouvrir et d'éconduire les importuns. Même moi, je comprends la menace qui se cache derrière ces mots. Paniquée, je sens mon cœur qui tambourine. Il veut sortir de là, lui aussi.

La porte d'entrée est un peu loin du salon alors il faut passer par la cuisine, puis dans un long couloir. C'est pas pratique, mais c'est comme ça.

Confiant, H ne bouge pas. Il nous regarde en caressant son arme du bout des doigts. On entend quelques sons, quelques paroles. La porte se referme. Jeanne revient avec nous et s'assoit sans un mot.

H la regarde, les yeux presque clos.

– Alors ? Tu vas rien nous expliquer ? Ma parole, on fait pas pire que vous.

– Excuse-moi H. C'était la voisine qui voulait qu'on se retrouve demain matin pour parler de la fête des voisins. C'est vendredi prochain.

– Très bien. Tu es sûre que c'était elle ? Tu as bien regardé ses yeux ?

– Oui H. C'était bien elle.

– Très bien. C'est parfait.

– Un peu de gâteau maintenant ?

Il hoche la tête. Sur ressort, Jeanne se lève d'un bond.

– J'en prépare pour tout le monde ?

– Évidemment. Margot s'est donnée du mal. On va tous y goûter.

Déjà arrivée dans l'encadrement de la cuisine, elle lance :

– Je reviens avec tout ça.

H grogne déjà.

– François. Va l'aider !

Il ne se fait pas prier et fonce le plus loin possible du salon alors que Sam miaule en haut de la mezzanine. J'esquisse un sourire en me rappelant qu'il est l'heure de son dernier repas. Jeanne est intransigeante avec tout, même ses animaux de compagnie. Pom, pom, pom, pom. Le vieux chat fait autant de bruit qu'un humain dans l'escalier en bois. Il s'étire en bas des marches et avance d'un pas chaloupé jusqu'à la cuisine.

La musique s'arrête à nouveau. On entend le bruit des croquettes versées dans la gamelle et la petite mâchoire qui les mastique.

H se dandine à nouveau sur la Cucaracha. Ma mère et Robert les fixent, lui et son arme. Antoine essaie de réconforter Gladys qui laisse les larmes couler sur la douce courbe de ses joues. L'horloge est juste devant moi. Je compte les secondes avant leur retour. J'en suis déjà à cent quatre-vingt.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Mathmana
Posté le 26/05/2022
C'est fou comme tu arrives à faire d'un détail une tension extrême, comme le chat qui descend juste les escaliers. L'angoisse de tous les personnages est palpable alors que pour le coup il n'y a pas un vocabulaire très appuyé sur ce champ lexical-ci maintenant, mais les dialogues et les mots bien choisis suffisent!
Bravo c'est très bien fait!
Audrey
Posté le 04/06/2022
Je trouve qu'on peut se servir des animaux dans nos textes pour amener un tas d'émotions.
Merci pour tous ces retours tellement encourageants !
Baladine
Posté le 19/02/2022
J'aime beaucoup l'expression "Nos visages se lèvent". Peut-être parce qu'on lève plutôt la tête, il y a un tout petit décalage qui rend cela très poétique. Et en même temps, on voit soudain tous ces visages décomposés, avec la tension qui s'est accumulée, le choc, les espoirs et les inquiétudes, les pâleurs. Alors que pas une fois tu n'as décrit les visages. C'est fou.
J'aime bien aussi l'arrivée du chat, avec les onomatopées, ça donne quelque chose de plus vivant, de cocasse et rappelle qu'en dehors de la raclette de la mort, il y a le chat obèse qui pense aux croquettes. En même temps ça me fait bêtement penser à la neuvième symphonie de Beethoven.
Audrey
Posté le 20/02/2022
Merci ^^
J'aime énormément insérer ces petits décalages entre la scène et ce qui se passe autour. Je trouve qu'on a beaucoup ça dans la vie. Ça rend les choses plus réelles.
J'espère juste à chaque fois que ça ne sort pas le lecteur de l'histoire.
Komakai
Posté le 29/01/2022
Qui parle ici « – François. Va l'aider ! » H ou un des autres personnages ?
Pour Antoine et Gladys, j’espérais bêtement qu’ils ne subissent pas un tel évènement traumatique.
Audrey
Posté le 29/01/2022
C'est H, il n'y a quasiment que lui qui parle. Je me suis fait la réflexion aussi hier soir. Est-ce que c'est assez clair ou est-ce qu'il y a besoin d'une incise. Je vais modifier ça !
Komakai
Posté le 29/01/2022
Il faudrait une incise, même s'il domine l'histoire par sa présence d'autres personnages peuvent parler ici.
Vous lisez