– Qui veut du gâteau au chocolat ? J'ai mis un peu de chaque fruit pour tout le monde, sauf toi Gladys, que des quartiers de pomme.
Sans attendre, Jeanne tend les assiettes à dessert. Encore le service avec les petites fleurs bleues.
– Nous te remercions tous, lui dit H.
Le gâteau ultra moelleux a séché depuis notre arrivée. Les bords sont aussi durs que la table et ça sent toujours le vieux fromage dans l'appartement. Avec ma cuillère, je tape dessus sans conviction avec de poser mon regard sur ma mère et de lui sourire. Robert lui tient la main sous la table tout en mastiquant une tranche de banane. Tout le monde mange pour éviter de contrarier H. L'estomac noué, je fais pareil.
Cette fois, c'est H qui finit le premier son assiette. Il claque des doigts.
– On va arrêter là. Tu nous fais du café, Jeanne ? Et un petit digestif pour la forme.
Je lâche ma cuillère tandis que Jeanne se lève à nouveau.
– Vous vous souvenez du trou normand à mon mariage ?
En nous voyant un par un secouer la tête, il maugrée et sort une feuille froissée de l'intérieur de sa veste. Il la déplie et la tend vers moi, qui suis juste à côté de lui.
– Tu vois, je les ai dessinés. C'est d'eux que je vous parlais.
Je me penche et je réajuste mes lunettes pour mieux voir malgré le manque de lumière. Sur le dessin, des hommes, uniquement des hommes, les uns à côté des autres. Je cligne des yeux pour distinguer plus de ces bonhommes en bâtons. Tout semble normal chez eux, sauf leurs yeux. Ils sont larges et tous noirs. Ils ont le visage tourné vers un personnage au milieu, le seul avec des yeux bleus, du même bleu que ceux de H.
– C'est toi au milieu ?
Il me donne une tape sur la main.
– Oui. T'es intelligente pour une gamine. Jeanne, tu peux être fière de toi, t'as une fille qui ira loin.
– C'est la fille de Margot, H, dit François.
– Ça change rien. Elle est pas bête la gosse.
Maman lui fait un signe de la tête en souriant tandis que H montre déjà le dessin à tout le monde, tout fier de lui.