Partie deux : Gabriel - rien qu'une histoire de famille

Notes de l’auteur : Dernier chapitre de la partie deux !

Gabriel m'observe. J'ai toujours trouvé mon cousin courageux. Non pas qu’il eut cette ferveur qui vaut à certains d'être médaillés pour je ne sais quel exploit, ni celle qu'on nous présente à longueur de temps au cinéma et à la télévision. Pas ce courage-là, mais plutôt celui qui prendrait place dans sa parole : il dit toujours ce qu'il pense, quoi qu'il en coûte. Seule compte toujours la vérité, autant pour lui que pour les autres.

« Allez, bois, cousin... et arrête de te tourmenter comme ça.

- Je savais qu'elle t'avait envoyé une lettre aussi... dis-je.

- Certes, mais moi, je me doutais que tu m'avais téléphoné pour savoir si je venais. Il est un peu triste que tu demandes à me voir uniquement quand je deviens indispensable, me reproche-t-il.

- Désolé...

- Après tout ce qu'ils ont fait, ne me dis pas que tu as préféré rester seul ? Me dis pas que tu as fais l'erreur de ne plus prendre de nouvelles ?

- J'en ai pris ! Mais elles ne répondaient pas. Alors il y a trois ans, j'ai tout stoppé. »

Il soupire et me fixe. Je sais qu'il a raison, que j'aurais dû insister.

« Comment tu as fais ? demandé-je.

- Pour faire quoi ? Si tu restes aussi nébuleux, je préfère les mensonges, avoue-t-il avec ironie.

- Pour surmonter la mort de ton père...

- Ah ! Si tu pouvais éviter de prendre des chemins de traverse. On dirait un héros de théâtre antique quand tu fais ça...  Je n'ai pas surmonté la mort de mon père, je vis avec. C'était un homme formidable, avec des qualités exceptionnelles. Mais il a fait un choix et je ne pouvais le convaincre d'y renoncer.

- On dit... hésité-je.

- Qu'est-ce que les gens disent ?

- J'ai lu que... que tu as assisté à ça. Alors comment tu peux vivre avec cette image ?

- Ce n'est pas la question. J'ai décidé de vivre, voilà tout. Ce que je vois, c'est que ta famille a décidé d'oublier. Mais on ne peut pas, alors Fanny essaie de reconstruire les choses... et toi tu as peur.

- Ils me haïssent, Gabi...

- Faux. »

Il a encore ce sourire si sûr de lui. Il est plus jeune que moi, a six diplômes de moins et il semble me donner une leçon de vie. Je sais pourquoi je l'ai appelé. Il faut qu'il vienne à cette soirée, pour m'aider à surmonter tout cela. Nonobstant, ce qui me surprend le plus c'est que ses certitudes soient si grandes. Tellement absolues que j'ai envie de croire en elles.

« Je sais tout ce qui s'est passé. J'ai depuis longtemps écouté ta version et celle de Fanny diffère un peu. Pas énormément cependant. Et elle veut sincèrement te revoir. Elle est fatiguée de vivre loin de son grand-frère et je crois que tu es tout aussi épuisé de ne pouvoir la voir.

- Fanny t'a menti.

- Fanny est la personne la plus gentille que je connaisse, cousin, s'énerve-t-il. Tu es aveuglé par ce que tu crois être la vérité. Tu es convaincu que tu mérites tout ce qu'on te dit, mais moi je ne le crois pas... écoute-moi. Fanny t'aime. Je l'ai vue te soigner avec amour quand tu es tombé dans les graviers...

- Je...

- Je l'ai vue te soutenir comme personne pour chaque examen. Elle t'aime et je me demande comment tu peux en douter. »

Je m'adosse au canapé et dévisage Gabriel. Il est en colère mais sourit.

« Pourquoi tu as l'air si heureux ? demandé-je.

- Parce que je suis ton cousin et ton pote depuis que je suis tout gamin. Et tu n'as pas changé. Tu es si sûr de tes capacités que tu n'arrives pas comprendre que les gens peuvent s'énerver par amour. Tu es un peu idiot parfois parce que tu comprends rien aux sentiments... j'en ai jamais douté. Malgré ça, tu continues à me surprendre.

- Oh, lâche-moi... tu souris parce que tu te fous de moi, en somme.

- On peut résumer ça de cette manière-là, oui. »

Je ris doucement et je bois.

« Fanny m'aime peut-être, tu as raison... j'ai peut-être peur qu'elle puisse m'aimer encore, d'ailleurs. Seulement il n'y aura pas qu'elle durant la soirée.

- Tiens, c'est vrai ça, qui a-t-elle invité ? demande-t-il.

- Ma mère, la tante Roseraie, Mélanie... ah oui, et Jean-Claude.

- Le cousin Jean-Claude ? s'étonne Gabriel.

- Lui-même, pour nous servir, dis-je en souriant.

- Il était dans un sale état la dernière fois que je l'ai vu.

- Je doute que cela ait changé, malheureusement. Sa dépendance était grande et malgré les avertissements d'Emily, il s'obstinait à continuer.

- L'addiction est difficile à refréner, cousin, j'en sais quelque chose. Parfois Cynthi me demande d'arrêter d'écrire mais je ne peux m'empêcher de continuer.

- Ce n'est pas exactement la même chose. Comment va-t-elle, d'ailleurs ?

- Très bien ! »

Il me montre une photo qu’il sort de son portefeuille. Ils ont un chat, maintenant, tout comme moi : je suis presque plus attiré par le félin que par Cynthia, que je connais un peu.

« Comment il s’appelle ?

- Donut.

- Donut ?

- Donut, ouais… quand on l’a trouvé, il en bouffait un paquet entier. Trop bizarre, ce chat… regarde voir ses yeux. Des fois, j’ai l’impression qu’il veut me dire des trucs…

- Oui. Enfin, c’est un chat, réponds-je. Parfois on calque nos expressions sur eux.

- Hum… Pour en revenir à Cynthia, elle était encore couchée quand je suis partie. Il lui arrive de passer des journées entières sous les couvertures, à regarder des séries ou des films, m'informe-t-il.

- Je vois... une véritable étudiante, si je puis me permettre.

- Tu peux. Si elle t'entendait, elle serait déjà en train de rire... ou de te frapper.

- Charmante, dis-je.

- Délicieuse, ajoute-t-il avec humour. »

Il boit une nouvelle fois, regarde la photo attentivement. Il grimace puis la range sans son portefeuille. Il revient vers moi, sans se presser. Il s'acharne à me détendre et – plus énervant encore – il y parvient.

« Jean-Claude... je crois me souvenir. La dernière fois, pour une réunion de famille... vous ne vous étiez pas battus ? me demande-t-il.

- Si, il m'a cassé le nez ce jour-là.

- Alors il risque d'être une bombe à retardement. Ils l'ont peut-être invité pour que tu te sentes encore moins à l'aise. Après tout, dans son état, s'il boit encore, il va être insupportable, analyse-t-il.

- Je pense que je parviendrai à gérer ça.

- Tu parles ! quand on fait référence à ton égocentrisme, à ta manière si surannée de t'exprimer, à ton intelligence que tu étales à la face du monde... quand on t'explique comment tu fonctionnes, tu pètes les plombs. C'est ce qu'il va faire, il va attaquer là où ça fait mal parce qu'il n'a rien à perdre dans cette histoire. Il a déjà tout perdu.

- Je ne suis pas égocentrique.

- Légèrement, ce qui provoque un peu de paranoïa par moment. Déjà quand nous étions tout gosse, tu croyais que je te cachais des choses parce que je souriais tout le temps. Tu étais persuadé que c'était moi et à chaque fois tu criais que je me moquais de toi. En réalité c'était Emily... tandis que moi j'étais juste heureux. Tu exprimes tes peurs par le regard des autres... tu es une perle de sociopathe, cousin, dit-il, mi moqueur, mi sérieux.

- C'est comme ça que tu me vois ? dis-je, énervé.

- Ce couple, derrière toi, il te regarde sans cesse et rit, m'informe-t-il.

- Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai fait ? m’inquiète-je.

- Tu vois, preuve par l'exemple. Tu n'as même pas essayé de savoir si je me payais ta tête. Tu as peur qu'on te juge. Mais c'est le propre de l'humain de juger. Il faut simplement fermer les yeux et ne pas écouter... si tu commences à faire attention à tous les regards qui se tournent vers toi, forcément que tu ne peux pas t'accepter dans le miroir.

- Je n'ai jamais dit que je ne me regardais pas dans le miroir, contré-je.

- C'était une façon de parler. Regarde le cousin Jean-Claude, justement, après la mort de Meredith, il s'est plongé dans l'alcool. Pourtant, ils savaient tous les deux qu'elle ne passerait pas la vingtaine, qu'elle mourrait de cette cochonnerie... Il ne pouvait plus se voir, il ne pouvait plus s'accepter. Surtout sans elle. Il se noie dans l'alcool, voilà tout. Et après il a dû supporter la mort de sa mère, à presque quatre-vingts ans, certes, mais il en a été retourné. Et celle de ses cousins n'a pas aidé. Il a préféré plonger dans l'alcool, comme on dit. Et toi tu le fais dans les recherches et dans la solitude. Et surtout parce que tu as fait attention à tout ce que l'on t'a dit, même quand tu savais que c’étaient des conneries...

- Eh bien, tu as du courage si tu fermes les yeux et si tu n'écoutes pas, lancé-je.

- Rien à voir avec le courage Il faut que tu sois serein quand tu vas les revoir. »

 Il pousse le verre dans ma direction. Je bois et essaie de maîtriser ma colère.

« Il faut que tu viennes.

- Je ne peux pas. Vraiment, m'assure-t-il.

- Je ne résisterai pas...

- Faux. Encore une fois. Je t'ai vu faire cours devant ces centaines d'élèves et garder un calme olympien. J'ai même assisté à une conférence et il y avait vraiment beaucoup de monde. C'était sur Jacques Verrier, l'auteur. Il a tendance à m'énerver un peu mais oui, tu as raison, il a de très bonnes idées et s'exprime bien. Mais ce n'est pas le sujet, s'arrête-t-il soudain. Non, vraiment, je sais que tu auras la force et le courage nécessaire pour leur faire face.

- Mais tu es capable de faire taire n'importe qui quand tu parles.

- Toi aussi. Et je te l'ai dit, quelqu'un d'autre devra t'aider.

- Mais qui ? l'interrogé-je avec une pointe d'impatience.

- Fais pas l'idiot : Suzanne, bien sûr ! Et puis la tante Rose saura te rassurer, elle le fait à chaque fois. »

Le barman semble avoir trouvé un autre interlocuteur et ils discutent tous deux à une table. La personne est aussi vieille que lui et ses lunettes paraissent avoir été scotchées entre les deux verres. On dirait Harry Potter en plus vieux et cela me fait sourire. Tout en m'abreuvant d'histoires abracadabrantes qui justifieraient la soudaine vieillesse de « l'enfant qui a survécu », je réponds :

« La tante Roseraie est toujours en train de s'amuser...

- Cela en fait-il une personne peu fréquentable ? m'interroge Gabriel.

- Bien sûr que non.

- Tu verras, elle ne va pas te laisser tomber. Personne ne va te laisser tomber.

- Si... toi. »

Il chasse la réflexion de la main comme on chasserait une mouche.

« Mélanie sera intrépide, elle va essayer de s'en sortir tant bien que mal. Elle sait que son mensonge pourrait lui exploser à la figure. Et étant donné vos dernières conversations, elle a conscience que tu peux révéler la supercherie. Et puis, pour tout te dire, Fanny a du mal à croire à toutes ces histoires, surtout lorsque ta mère a parlé d'inceste.

- Quoi ! Quel inceste ?

- Ta mère est en contact avec Mélanie depuis cinq ans, cousin. Qu'est-ce que tu crois ? Elle n'a entendu qu'une version et d'un autre côté, elle a l'image d'un fils qui n'a même pas essayé de revenir... elle a cru à ce que racontait Mélanie, c'est normal. Tu aurais, selon elle, fait l'amour avec Emily, avant qu'elle ne meure. Mais Fanny a lâché l'affaire à ce moment-là. D'accord pour les sentiments un peu forts, a-t-elle dit, mais l'acte sexuel, ça je peux pas y croire. Bon après, c'est vrai qu'elle avait tendance à parler de religion à toutes les sauces au téléphone, mais seulement c'est pour se rassurer. »

Je restais cloîtré dans le silence. J'allais débarquer dans ma famille et chaque membre aurait entendu l'histoire de mon ex-femme. Elle avait réellement envie de me détruire, cela ne faisait plus aucun doute. Je m'écrase sur le dossier et je tente de ne plus penser à cela.

« Cousin, ça va ? Oh ?

- Oui... oui... enfin non pas vraiment.

- Elle te hait pour tout ce qu'elle n'a pas eu et le peu de choses qu'elle a perdu... c'est compréhensible. Tu connaissais les désirs secrets de Mélanie : une vie parfaite, une vie sans tâche. Mais elle a fait l'erreur de croire qu'un mec surdoué était le candidat idéal. Elle a souffert de ne pouvoir être aimée à sa juste valeur. Il faut que tu comprennes.

- Ce n'est pas moi qui suis parti, ni moi qui ai demandé le divorce. Et ça fait quatre ans que je n'ai pas vu mon fils... alors non, je ne comprends pas. »

Gabriel ne dit rien. Il doit me laisser digérer.

« Ma mère sait...

- Qu'est-ce qu'elle sait ? me demande-t-il.

- Que mon père m'a parlé de leur dernière grande discussion, de leur dispute et de tout ce qu'elle lui a dit. Elle sait que je peux en parler... elle va essayer de se défendre.

- Elle ne veut pas perdre Fanny, c'est normal.

- Bien des choses sont normales, apparemment, surtout le fait que je sois seul, dis-je, en serrant les dents.

- C'est injuste, cousin, je te l'accorde. Mais tu ne vas pas dire à tout le monde que ta mère a menti sur la mort de ton père, tu ne peux pas... ça la détruirait.

- J'ai été détruit par leur haine.

- Et tu sais ce que cela fait. Me dis pas que tu as vraiment envie de faire subir ça à quelqu'un d'autre ? veut-il savoir.

- Non... non. De plus mon père m'a fait comprendre qu'il pensait avoir accompli ce qu'il fallait en me voyant entrer à la faculté... et bientôt marié. C'est parce qu'il ne se sentait plus utile qu'il a voulu mourir, alors d'une certaine manière, c'est de ma faute.

- Ce nombre de conneries que tu racontes à la minute, c'est pas possible... Non, ce n'est pas parce que quelqu'un te dit qu'il ne se sent plus utile envers toi que c'est ta faute. Il ne voulait plus vivre, voilà tout, et c'est déjà quelque chose d'effroyable, alors ternir sa mémoire en lui enlevant le choix qu'il a lui-même pris, c'est pire encore. »

J'observe mon cousin : il sourit toujours. Je baisse la tête.

« Tu veux dire que je le dénigre en disant que c'est ma faute ?

- Non. Je dis que vous le dénigrez tous. Il y a de la lâcheté et une sorte d'espoir dans le choix qu'il a fait, j'en sais quelque chose, alors réduire ça à un simple besoin d'être là... franchement. Je connaissais ton père et il était intelligent. Et dis pas ce genre d'ineptie devant la tante Rose, elle pourrait te foutre une baffe. Et si tu veux savoir, ce n'est pas le moment de te la mettre à dos.

- Viens !

- Cousin, ma mère est au plus mal. Elle n'arrive pas à se passer d'alcool. Quand j'étais gamin, je me souviens d'elle en train de pleurer dans la rue, sous la pluie. Mon père hurlait son nom, essayait de la retrouver. Il est plus là et je suis le seul qui puisse l'aider. Joy a bien voulu s'occuper d'elle pour que je vienne te voir, mais je peux pas lui laisser ça sur le dos. Ce sera pareil dans un mois... et puis nous avons beaucoup de choses à préparer.

- Gabi... s'il-te-plaît...

- Non. Vraiment. Ce sont vos histoires de famille. La tienne, pas la mienne. Je ne suis qu'une pièce lointaine sur un échiquier différent du vôtre. J'ai mes histoires à écrire, ma vie à créer, et m'opposer aux colères et messes basses de ta famille ne m'intéresse pas... je suis désolé.

- Je ne vais pas pouvoir leur parler.

- Oh si ! Tu sais, il y a un personnage que j'ai créé pour une de mes nouvelles. Détermination. Jason Isaac, c'est son nom. Il s'oppose à son père, parce qu'il ne voit en lui que la domination d'une société qu'il réfute. Ce personnage se croit libre de tout, cousin, tu vois ? Il croit pouvoir renverser des sociétés par la parole et fonde donc un groupe de musique qui prône l'insoumission et un pouvoir au peuple. Seulement, son père est puissant et à chaque instant montre à Jason qu'il n'est qu'un grain dans un immense désert, qu'il n'est rien face à lui et qu'il devrait se taire tout de suite, sans broncher. C'est son père, tu vois, la figure fondatrice de sa pensée, bien qu'il n'accepte pas son pouvoir, il ne peut s'opposer clairement à lui. Pourquoi ? Parce qu'il l'aime, et l'amour, pour le personnage que j'ai mis en avant, reste le plus grand pouvoir d'insoumission et de liberté. Il connaît ça parce qu'il aime son père, parce qu'il aime cet homme pour ses erreurs et ses réussites. Mais là, Jason, après avoir perdu tout espoir, se relève petit à petit, reprend confiance en lui. Il ne peut pas rester à rien faire, il ne peut pas se morfondre parce que le monde est triste et que les hommes sont des connards. Non, son père, il a beau être aimé, il est un des responsables de cette société contre laquelle il veut protester. Alors il fait la chose la plus folle de sa vie. Son groupe accepte, femme et homme, parce qu'il faut un message. Donc ils vont devant le bâtiment de l'entreprise de son père et se mettent à nue, et Jason a sur son torse un message : Je suis le fils du directeur Isaac. Et là ils chantent et jouent. Pour leurs idées à tous et pour faire plier un père qu'un de leur ami aime, pour qu'il comprenne son fils. C'est ça le courage aussi, savoir s'opposer à sa famille sans pour autant lui faire du mal. Parce que je ne crois pas que Jason ait fait mal à son père, il a juste hurlé qu'il voulait être écouté et entendu, pour que tous sachent qu'être insoumis et pacifiste, c'est pas qu’être un débile ou un cinglé.

- Il en a dans la caboche ce Jason. Et son père, il réagit comment ?

- Il appelle les flics, dit Gabriel en riant.

- C'est triste.

- Le monde est triste, mais les combats sont importants quand même. C'est pas parce que le monde est à pleurer que tu ne dois rien tenter. Et puis à la dernière page, on voit que Jason se laisse pas abattre, il va continuer son combat. C'est ça la vie, lutter pour des idées.

- C'est parfois fatigant.

- Faut que tu te relèves, cousin, tu as trop plongé dans le désespoir.

- Tu as certainement raison... »

Il finit son verre et pose un billet sur la table.

« Je paie.

- Tu n'es pas obligé, lui dis-je.

- Si. Je suis désolé, il va falloir que j'y aille.

- Je comprends. »

Il me donne quelques tapes dans le dos. Il sourit.

« Il est des hommes courageux qui ne font qu'élever deux ou trois gamins en même temps, et des femmes merveilleuses de bravoure et de ténacité qui dénoncent des hommes qui les frappent depuis des années. C'est rien qu'une histoire de famille, cousin. Les larmes, ce n'est rien, ce sont leurs significations qui importent.

- Tu es sur un projet au fait ? dis-je, refusant de l'entendre discourir plus longtemps.

- J'ai une idée qui me trotte dans la tête depuis quelques temps déjà. Ce serait un roman. J'écris beaucoup de choses dessus depuis une bonne dizaine d'années et là ça prend forme.

- Comment il va s'appeler ? Encore un de tes romantions ?

- Nope ! Je sais pas encore... Le Petit Joufflu, peut-être, ou alors Ces spectres qui nous hantent. C'est un drame comme on n'en a jamais vu. Tu l'aimeras, j'en suis certain... Et au fait, je suis super content de t'avoir revu. »

Il pose un baiser sur mon front et part.

Il dit au revoir à Antoine.

Il fait quelques enjambées rapides pour rejoindre sa Volkswagen Golg II. Il me regarde et me fait un grand signe de la main. Je lui réponds et sourit. S'il avait été là, cela aurait été mieux, je le sais, lui aussi. C'est cela qu'il veut éviter. Gabriel est un grand homme et un écrivain rêveur comme je n'en connais peu. Il s'extasie de tout et apprend tous les jours.

Il tourne trois fois la clef, parce que jamais deux sans trois, et rentre dans la voiture.

Je la vois partir et avec son départ, j'aperçois la soirée se profiler à nouveau.

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