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Le Jarl regarde son fils, les yeux écarquillés, le souffle suspendu. Maintenant il comprend le sang, maintenant il comprend ma folie. Oswald dévorait les villageois... Et pourtant, son expression ne laisse planer aucun doute: il en veut à son fils cadet de l'avoir tué. Après tout, l'aîné était son fils préféré et il en sera malheureusement toujours ainsi. À genoux, toujours ensanglanté, je marmonne continuellement : «Pardonnez-moi, pardonnez-moi... »
Le Jarl garde contenance comme il peut. Il le doit. Je vois bien qu'il ne veut pas y croire.
« Je vais demander aux autres de me rapporter le corps, finit-il par articuler. Un procès aura lieu, Isenwald, nous n'avons pas le choix. Au moins... Si tu ne t'es pas trompé, tout ce cauchemar va enfin cesser. »
Je ricane.
« Ah non, père, les choses ne vont pas aller ! Oswald n'est pas le seul à avoir tué, dans cette histoire.
— Que veux-tu dire ?
— Oswald a tué, c'est vrai. Il est responsable du meurtre de Jonna et de Leiv. Quand on a retrouvé la petite fille, mon frère était déjà présent bien avant nous, caché dans les bois. Il n'y avait pas de traces, pas d'indices autour du corps, maintenant j'en suis sûr ! Sans l'agitation, nous aurions noté cette absence et nous nous serions méfiés de nos prochains, car seul un homme peut dissimuler un crime. Quant à Leiv, c'est Oswald qui a dessiné les empreintes de loup près du cadavre, c'est certain. Vous avez vu ses vêtements, ce jour-là, quand il a ramené les louveteaux ? Même s'il les avait tués au couteau, jamais il n'aurait dû avoir autant de sang sur lui. Quoi de plus normal ? Ce sang, ce n'était pas de celui des bêtes, mais de Leiv ! Tiens, tiens... ça me rappelle la fois où vous vous pavaniez dans ce hall, devant les villageois, pour parler de votre projet de scierie. Ce soir-là, Oswald était recouvert de boue, mais pas comme un homme revenant de la chasse. Non... Mais comme une bête qui a passé la journée à traquer sa proie ! Mais Hallgrim... le meurtre d'Hallgrim était différent.
— Où veux-tu en venir, fils ?
— Je veux dire qu'Oswald avait la rage. Vous auriez dû le voir ! Un vrai monstre, une vraie bête ! Mais vous savez, père, je crois qu'il était possédé, possédé...
— Par quoi ?
— Par Fenrir !
— Baliverne !
— Non ! Je l'ai vu père, je le jure sur ma vie ! Le grand loup des anciennes croyances, celui qui vient nous annoncer le Ragnarök ! Après la mort d'Oswald, je me suis redressé, j'ai cherché à mettre de l'ordre dans mes esprits, et c'est à ce moment-là qu'il est apparu. Clic ! Clic ! Clic ! La louve l'accompagnait, bien sûr. C'était lui, je crois, le père de ses louveteaux... Peu importe. C'est à cause de vous qu'il est parmi nous, père. À cause de vous et de votre foutue scierie ! Vous voulez saccager la forêt, n'est-ce pas, et chasser tous les êtres vivants qui y séjournent ? Eh bien dans ce cas, Fenrir viendra et nous détruira avec elle, car là où va le grand loup, vient la fin du monde! »
Pour te répondre dans l'ordre:
- Oui, j'ai retiré les Contes des saisons Celtes... J'ai toujours les histoires sur mon ordinateur, bien sûr, mais j'ai beaucoup travaillé sur mon écriture et, quand j'ai relu ces contes, je les ai trouvé pas très bons... il faudrait que je les retravaille, mais ce n'est pas du tout ma priorité, puisque je travaille sur mon roman Saoirse Abyss Fowles. De plus, les Contes des saisons Celtes avaient vocation à m'imposer un rythme de travail d'écriture, sans prise de tête. Cela a plutôt bien marché, mais jamais je n'ai pensé à aller plus loin avec ces textes. Donc voilà ^^. Cela dit, je voudrais bien écrire de nouveaux contes, je te tiendrais au courant si je le fais à un moment donnée, même si je pense que ce ne sera pas tout de suite...
- "Isenwald" est une histoire courte que j'ai écrite cet hiver en un mois à peu près. Je voulais une histoire à mettre sur mon nouveau blog, pour illustrer un peu ce que je fais. Je voulais également m'essayer à la nouvelle fantastique, que je n'avais jamais tenté. Je me suis principalement inspiré d'Edgar Allan Poe, d'où la fin ouverte. En voyant le peu de retour sur le texte, et en relisant moi-même, je ne suis pas très convaincue de ce résultat final. Cela me réchauffe le coeur de savoir que tu as aimé. ^^
- L'idée de la fin ouverte était de laisser libre cours à l'interprétation. En fait, l'idée était de sous entendre qu'Isenwald était peut-être, à la fin, devenu fou, que ce soit avec les rêves qu'il fait qu'avec, justement, cette fin ouverte. En gros, on peut croire que Fenrir existe vraiment, ou on peut croire qu'Isenwald est de venu fou. Je crois, justement, que c'est ce qui manque: je n'ai pas assez ouvert la porte à la possibilité de la folie pour que le lecteur comprenne. En même temps, c'est un état psychologique difficile à s'approprier...
Je ne sais pas encore si je vais retravailler ce texte plus tard. Le temps me manque pour écrire des histoires courtes, hélas!
Merci, en tout cas, d'être revenu me lire, ça me touche beaucoup. J'ai hâte, également, de relire tes prochaines histoires si tu repasses par ici !
Il faut absolument que tu me préviennes quand un de tes textes sera publié, je les veux dans ma bibliotèque ! Et également si tu réécris des contes, parce que moi aussi il faut que je m'y remette x)
Je reviens un peu plus sur PA pour lire mais j'avoue qu'en ce moment l'écriture n'est pas encore bien dans mon temps, parce que je travaille surtout sur mes projets de conteur. Maiiis j'abandonne rien, et puis faut dire ce qui est, avec mes 23 histoires publiées sur PA j'ai un sacré boulot de relecture à faire aussi ! T.T
Comme j'étais dans le point de vue d'un conte dans Isenwald, en fait il y a une suspension d'incrédulité qui est très forte dans ce contexte, je trouve plus que dans beaucoup d'autres récit. On ne remet pas en question la parole d'un conteur, c'est pour ça qu'il peut aussi souvent dire que son histoire est vraie, qu'il l'a entendue, vue... c'est pour ça que de mon point de vue, pour que le lecteur remette en question l'histoire d'Isenwald, il aurait peut être fallu se détacher de sa parole en montrant une réaction ou un point de vue de son père. J'avoue que moi, un conteur quel qu'il soit, il me dit "oui oui j'ai vu Fenrir il était dans ces bois", moi je répond "ok oui évidemment !" xD
Je lirai d'autres de tes histoires, et je commenterais tout, je sais à quel point avoir 20 notifs de plume d'argent ça rend heureux. xD
À Brocéliande, il y a un conteur spécialisé dans la mythologie irlandaise qui s'appelle Bruno Sotty, qui sera plus à même de te renseigner sur ce que tu cherches. Honnêtement je ne suis qu'une amatrice. Si tu as l'occasion d'y aller pour écouter des conteurs, surtout fonce, je pense que ça peut être très instructif.
Si tu lis Saoirse Abyss Fowles, ne t'embête pas avec les coquilles, ce n'est pas la dernière version du texte qui est posté ici, puisque je fais les derniers remaniements pour envoyer le texte aux ME à la fin de l'été.
C'est vrai que ma narration dans cette nouvelle ne marche pas tout à fait. Mais sache, en tout cas, qu'en littérature, on s'est posé beaucoup de questions sur le rôle du narrateur et sur sa sincérité. C'est d'ailleurs sur ça que repose certains romans français du XVIIe, où en fait, si on lit entre les lignes, on comprends qu'il ne faut surtout pas faire confiance à celui qui raconte. ^^ Dans les récits fantastique dit "classiques", ceux de Maupassant ou d'Edgar Poe, on peut également se poser la question, puisque ces histoires sont racontés à la première personne, mais par des narrateurs internes qui sont atteints de folie. Bref, un vrai sujet de thèse. ^^
Je connais Bruno Sotty ! Mais j'aime beauuucoup ce que tu fais quand même <3 J'en entend pas mal des conteurs, et puis j'ai aussi trouvé un super bon podcast fait par un jeune belge (assez "écrit" mais très sympa) ; les contes des soirs perdus, si ça t'intéresse !
Pas de soucis pour les coquilles, honnêtement très souvent je ne les remarque pas... je préfère me concentrer sur le récit x)
Pour ce qui est de Mautpassant et Edgar Poe j'avoue que mes lectures datent d'il y a loooongtemps, mais là ou je pense que je trouve que ça marche bien dans le Horla, c'est que le narrateur décrit comment les autres le voient et les autres lui disent qu'il est complètement fou. Il me semble même qu'il voit un médecin pour une supposée paranoïa ? La question de la folie est supposée par le narrateur lui même et donc vient beaucoup plus facilement en tête du lecteur sans que ce soit une rupture dans la suspension d'incrédulité et dans le fil du récit. Pour Poe j'avoue que j'ai beaucoup de souvenirs de ses nouvelles traitant de mystère, de policier et de glauque (le singe qui tue des gens - j'ai pu le titre- , le scarabée d'or) mais pas trop de ses nouvelles ou les personnages sont fous (peut être que j'ai même pas lu son histoire sur le chat, j'ai complètement effacé ça de ma mémoire, alors que j'ai travaillé sur Poe et que j'ai normalement tout lu xD).
Mais je crois que si le questionnement de la folie marche beaucoup mieux, justement parce qu'on est dans du fantastique. Isenwald, on pourrait le percevoir comme du fantastique mais de premier abord je l'ai abordé comme un conte potentiellement merveilleux, la différence entre les deux est fine au final. Potentiellement ça se joue plus sur un ancrage dans le réel (que le manque de détail sur la ville, le mode de vie des habitants, dans quel pays ça se situe etc... fait très conte merveilleux) et un questionnement, du narrateur ou rapporté par le narrateur, de la folie d'avoir vu Fenrir. Parce que je trouve que le narrateur est quand même très à l'aise avec l'irruption de l'irréel dans sa vie pour du fantastique, je trouve ! xD
Enfin voilà, désolé pour le pavé !
Petites corrections :
À genou, → genoux
Oswald n'est pas le seul à avoir tuer, dans cette histoire. → tué
Ou alors c’est le petit qui a tué tout le monde, c’est lui le Fenrir mais ça, on ne le saura jamais, n’est-ce pas ?
Et non, Hélas, on ne le saura jamais. Mais j'admets n'avoir pas du tout envisagé cette possibilité! La solution rationnelle réside surtout dans le cannibalisme caché de son frère et dans la folie. Mais la fiction orale interroge toujours, effectivement, sur le caractère mensonger de ce qui est raconté, donc ton interprétation n'est pas mauvaise. Merci et à bientôt !