Partie sept

*

Dans la forêt, la neige tombait et illuminait la nuit. Le givre sur les troncs des conifères faisait craqueler leurs écorces, rompant le silence. C'était une nuit paisible, père, et Oswald venait d'y pénétrer pour y amener la mort.

Je me suis d'abord rendu à la tanière. La louve avait forcément découvert la disparition de ses petits ici. Où étaient ses empreintes ? Ce que j'ai soudain découvert a accéléré les battements de mon cœur. Des traces de luttes, partout : des branches cassés, des empreintes traînées en longueur, des gouttes de sang, des marques de botte... Maudit soient les talents de pisteur de mon frère !

La piste s'éloignait vers la clairière, alors je l'ai suivie. La neige craquait sous mes pieds tandis que l'effort et la panique m’essoufflaient. Soudain, un cri strident transperça l'obscurité telle une chouette que l'on égorgeait.

Le cri d'une femme.

Que faisait une femme ici, en pleine nuit ?

Je me suis arrêté. Cette alarme ne venait pas de la clairière. Que faire ? Continuer ma route ou rejoindre cette personne probablement en danger ? Sauver l'humain ou sauver l'animal ? Il y a quelque temps, j'aurais été certain de mon choix, mais aujourd'hui, je n'en suis plus sûr... Après tout, qui suis-je pour déterminer qui doit être sauvé ?

C'est seulement quand le cri s'est fait entendre une seconde fois que j'ai pris ma décision. J'ai quitté la piste et j'ai couru vers l'endroit d'où provenait cette détresse. Et si c'était le tueur ? Cela voudrait dire qu'Oswald poursuit bien le mauvais coupable.

Du moins, c'est que je croyais, car en m'enfonçant un peu plus dans la forêt, j'ai étonnement retrouvé les traces de la louve et de mon frère, qui prenaient la même direction que celle des cris. Alors j'ai continué, de plus en plus angoissé par la tournure des événements.

Oh, père... Si tu savais ce que j'ai vu quand je suis arrivé sur les lieux !

Il était là, père, et la femme aussi. Elle était étendue sur le sol, les bras écartés, les yeux ouverts et vides. Du sang se répandait sur la neige tout autour d'elle comme une tache d'encre sur un mouchoir immaculé.

Je connaissais ce visage... L'épouse d'Hallgrim.

La louve était-elle responsable ? Non, père. Je ne sais pas où se trouvait la louve à ce moment-là, mais ce qui est sûr, c'est que la masse sombre qui dévorait la femme n'était pas un loup.

S'agissait-il d'un homme, ou bien d'un bête ? Je ne discernais qu'un tas de fourrure frémissant. Oh, père, si tu savais, si tu savais ! Cette immense silhouette faisait un bruit épouvantable ! Je l'entendais croquer sa chair, sucer son sang avec véhémence. Je ne pouvais plus bouger, père, je tremblais ! J'aurais dû fuir, partir très loin de ce bain de sang, mais rien à faire, je ne suis pas parvenu à reprendre le contrôle de mes jambes.

Les horribles bruits de dévoration se sont tus, et lentement, la masse de fourrure qui semblait se repaître de la villageoise s'est redressée. Peu à peu, devant moi, elle a pris une forme mi-ours, mi-homme. Peu à peu, le visage du monstre s'est dévoilé. Peu à peu, je me suis reconnu dans ses traits couverts de sang.

Oswald... Oswald venait de dévorer la femme d'Hallgrim !

Nous nous sommes regardés sans rien dire. Lui n'avait pas les mots, moi pas le courage.

« Petit frère... Que fais-tu ici ? Pourquoi es-tu venu ? Maintenant que tu m'as vu, je vais être obligé de te tuer... »

Il ne m'a laissé aucun répit : brandissant sa hache, il a bondi telle une bête féroce. GRROUAAW ! J'ai juste eu le temps de sortir mon couteau. Sa rage bestiale était tellement puissante qu'il m'a plaqué à terre. Mais en le faisant, ma dague s'est plantée tout droit dans sa poitrine.

Il s'est écroulé sur moi, mais il respirait encore. De toute mes forces, je l'ai repoussé jusqu'à faire rouler son corps sur la neige. Je te jure, père, je voulais l'aider, sincèrement... j'ai retiré mon arme et j'ai appuyé sur la plaie pour stopper le saignement. Mais à ce moment, Oswald m'a saisi le cou avec ses deux mains. Je ne pouvais plus respirer, père ! J'ai paniqué ! Alors j'ai planté mon couteau dans son abdomen une fois, deux fois, vingt fois ! Son sang giclait sur mon visage. Petit à petit, son emprise s'est relâchée et ses mains sont tombées dans la neige, les paumes vers le ciel. Ses pupilles ont cessé de briller, laissant son âme s'en aller.

Pardonnez-moi, père... J'ai eu si peur !

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Pouiny
Posté le 22/06/2023
Ahah, mes soupçons du chapitre précédent sont révélé... J'imagine que c'est un Berserker, Oswald ? Cela ferait du sens avec tout le reste, et puis le fait qu'il est comparé avec un ours depuis le début... Mais si les berserkers existent, alors potentiellement Fenrir aussi, olala... j'ai envie de voir Fenrir x)
Nathalie
Posté le 24/01/2023
Bonjour M. de Mont-Tombe

Petites corrections :
La piste s'éloignait vers la clairière, alors je l'ai suivi. → suivie
qui prenait la même direction que celle des cris. → prenaient
Je ne sais pas où se trouvais la louve à ce moment-là, → trouvait
Peu à peu, le visage du monstre s'est dévoilée. → dévoilé
Peu à peu, je me suis reconnu dans ses traits, couvert de sang. → couverts
ma dague s'est planté droit → plantée
ses mains sont tombés dans la neige, → tombées

C’est marrant, mais je suis persuadé qu’il ment, ce petit-là, mais c’est sûrement mon imagination qui me joue des tours…
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