Paris - Février 2018
Un fracas retentissant arracha Flora de son profond sommeil. Sursautant, se redressant à moitié et les cheveux en bataille, elle ne vit pourtant que son chaton gris, qui trônait fièrement sur le haut de sa commode, les vestiges de sa tasse bleue au pied du meuble. Maugréant pour elle même, Flora finit par s'asseoir sur ses couvertures et regarda l'heure affichée sur le réveil, posé sur une chaise près d'elle. Il n'était que huit heure dix et elle foudroya son chat du regard. Celui-ci, d'un air totalement désintéressé, se léchait déjà les pattes, ravi de la place qu'il avait enfin soutiré au verre.
Elle fut tentée de se recoucher, car ses cours ne commençaient qu'à onze heures. Mais Flora se retourna, fit face au mur auquel son lit était collé, et tira les épais rideaux de sa fenêtre. Après avoir cligné des yeux quelques fois, irrités par la lumière d’un timide soleil d’hiver, elle ouvrit la fenêtre et regarda les passants s’agiter en contre-bas. Son appartement se trouvait au quatrième étage d’un immeuble situé dans une rue piétonne au coeur de Paris, et le bruit de la circulation matinale lui parvenait de loin. Fermant les yeux, elle sentit avec délice l’odeur chaude de café provenant du bistrot dans le bâtiment d'en face. Quelques courageux s’étaient d’ailleurs installés sur la terrasse afin de profiter du soleil, au mépris de la fraicheur hivernale. Malgré le plaisir qu’elle prenait tous les matins à s’imprégner du froid de février, Flora commençait à grelotter et elle referma donc la fenêtre, les discrets rayons de lumière s’étirant à présent dans la petite pièce qui lui servait de chambre.
Regrettant de s’être couchée à une heure presque matinale pour finir son travail, à genoux sur son lit, elle regarda autour d’elle, songeuse. Depuis que sa grand-mère était partie, Flora s’était efforcée de meubler l’espace, de combler son absence. C’était donc une véritable cacophonie de meubles en tout genre, certains ayant même appartenus à son arrière grand-père. L’ancien disputait le monopole au présent, et Flora se dit qu’elle avait décidément du mal à trouver sa place parmi ces éléments gorgés d’histoire. Elle se leva, passant près d’un bureau qui tenait courageusement sur ses quatre pieds, enseveli sous des piles invraisemblables de cahiers ou de livres, et fit craquer le parquet de bois brut en arrivant sur le pas de la porte, face à son salon. Elle ne put retenir un discret soupir. A l’instar de sa chambre, celui-ci aussi ne semblait pas vouloir garder d’espace vide, et chaque recoin disposait de son tas de documents et de cartons.
Cela faisait à présent cinq mois que Flora avait emménagé dans le petit appartement qui avait appartenu à sa grand-mère, dans lequel elle habitait seule à présent. Refaire la décoration vieillotte avait presque été une nécessité, et si elle avait pris plaisir à peindre ses murs, à s’efforcer d’y mettre sa griffe, cela n’avait pas été sans un certain pincement au coeur. Car en donnant ses coups de pinceaux, la jeune femme refoulait, en même temps que la couleur des murs jaunis par les cigarettes de son aïeul, ses émotions encore neuves de complète orpheline. Avec un petit sourire triste, elle s’imagina la tête de sa mamie, habituée aux effigies de porcelaines, aux assiettes creuses disposées sur une étagère, aux plantes omniprésentes. Mais aujourd’hui elle n’était plus là, et beaucoup de choses avaient changé.
Se passant la main dans les ondulations de ses cheveux bruns, Flora tiqua en se rappelant les débris de verre qu’elle n’avait pas encore ramassé. Le responsable vint miauler et se frotter contre ses jambes, réclamant une caresse qu’il n’était pas vraiment en droit de demander. Flora céda malgré tout, puis se dirigea vers sa cuisine, récupérant au passage une énième tasse qui trainait sur sa table ronde.
En traversant le petit salon, son regard s’arrêta sur les photos fixées aux murs ocres. De discrets rayons de lumière traversaient les volets mal fermés la veille, et s’étalaient sur les cadres noirs aux contours indécis. La poussière en suspension capta un temps l’attention de Flora, avant de revenir vers les clichés suspendus aux murs. Sur certains, figuraient ses rares connaissances voire de parfaits inconnus, mais il y avait aussi des photos de voyages montrant de grandioses ruines archéologiques et sur d’autres encore, des paysages hétéroclites. Mais il y avait aussi, et surtout, des portraits de sa mère et de sa grand-mère.
Sentant définitivement la mélancolie la gagner, Flora détourna vivement la tête, rangeant dans un compartiment scellé ses sentiments et la foule d’émotion qu’elle retenait précieusement. Elle se motiva à démarrer bel et bien sa journée. C’est en se rappelant qu’elle avait oublié de remplir son frigo qu’elle décida que c’était là un bon prétexte pour se faire plaisir, en buvant un café assise à une petite terrasse sympathique par exemple. Après tout, se faire exploiter comme elle l’était dans le restaurant où elle travaillait n’était pas de tout repos, et Flora sentait depuis un moment que l’épuisement la gagnait.
A vrai dire, il s’agissait plus d’une lassitude générale, qui prenait d’ailleurs son origine dans les événements que Flora avaient traversés seule ces derniers mois. Même en n’ayant jamais connu son père, elle avait eu la chance de trouver en sa grand-mère maternelle et en sa mère une ancre, un véritable havre sur lequel elle pouvait compter et se réfugier. Se retrouver définitivement seule à 22 ans aurait pu la déstabiliser et l’anéantir, mais le fait d’avoir perdu sa mère dix ans plutôt aura finalement eu l’utilité de rendre le traumatisme moins douloureux qu’escompté. Passant devant le miroir sur pied qui se tenait près de la salle de bain, elle croisa son regard vert et ses yeux en amande cernés, rougis par la fatigue. La pénombre dans laquelle était encore plongé son salon lui convenait, cachant ses traits sous une masse de mèches et de boucles indomptables. Décidant d’ignorer le reflet qu’elle n’aimait pas, Flora s’engouffra dans sa salle de bain.
Mais ce ne fut qu'après sa douche que la jeune femme se rappela que des éclats de faïence gisaient toujours sur le sol de sa chambre. En y entrant, elle constata que son chat avait à présent sauté sur le lit, roulé en boule comme à son habitude. Elle serra correctement la serviette autour de sa poitrine, et se baissa pour ramasser les débris qu’elle jetterai ensuite à la poubelle, se maudissant de laisser trainer ses verres de cappuccino partout dans l'appartement. Et puis, elle le savait que cette tasse là était assez ébréchée pour se casser facilement.
C’est en se relevant qu'elle se souvint de quelque chose. Comme une impression de déjà-vu. Son regard glissa sur les morceaux brisés qu’elle tenait dans sa main, puis sur son chat endormi sur le lit encore défait. Des gouttes d’eau s’échappèrent de ses cheveux mouillés, et vinrent s’écraser sur le sol mal ciré. Flora ne bougeait plus, ses yeux perdus dans le vide. Aussi fou que cela puisse paraître, quelqu’un lui avait dit que son verre se casserait, et que cela la réveillerait.
Un vertige la saisit brusquement, et Flora dut se retenir à son bureau, lâchant ainsi les morceaux brisés. Il s’était passé quelque chose cette nuit. Cette nuit, dans son sommeil.
Un rêve, oui. Il lui semblait que c’était un rêve.
Elle fronça les sourcils, se mordant la lèvre et cherchant à tout prix à rattraper les bribes qui s’agitaient sous ses yeux, mais qui s’échappaient instantanément. Seul un nom trottait dans sa tête, se répétant inlassablement.
Aléaura.
Encore une fois, ce chapitre est très bien écrit. Cette héroïne me parait attachante !
Puisses-tu décrocher la Lune de ton imaginaire !
Pluma.
Que ma plume satisfasse ton imaginaire !
Lucchiola
P-S : c'est toujours de le faute des chats s'il se passe un truc. Moi je dis : les chats sont responsables des titans ^^
Entièrement d'accord avec toi : les chats cachent quelque chose, le mien vient encore de gerber sur mes chaussures.
J'ai la sensation que tu commences à un peu te couler dans ton histoire, à prendre tes aises... Je le ressens avec le rythme de ton écriture, je trouve qu'il se dégage queqlue chose d'elle, tu parviens bien à retranscrire l'ambiance de l'appartement, c'est très chouette.
Cela étant la chieuse que je suis trouve que tu donnes encore trop de détails et parfois c'est m^me un peu redondant, notamment l'histoire familiale ou la fatigue liée au travail. Je pense que tu pourrais condenser un peu ou élaguer de façon à garder des éléments pour plus tard, de façon à ne pas nous donner directement la biographie de Flora. Voilà, selon moi c'est un bon chapitre dans lequel tu devrais cisailler un peu tes paragraphes pour qu'ils débordent un peu moins sur le chemin de ton histoire.
Plein de bisous !
En effet, j'ai pris un peu plus de plaisir car ce chapitre est entièrement remodelé, à l'inverse des deux précédents.
C'est dommage que l'on n'apprécie pas trop cette manière de décrire une partie du passé de Flora, car j'essaie de distiller ça et là des infos sur elle comme je l'ai fait après sur Gabrielle. Ce n'est pas une biographie complète, loin de là, mais j'avais trouvé ça utile pour comprendre les gouffres et les ponts qui séparent et unissent Gab et Flo. Ça me permettait aussi de donner des billes au lecteur pour accrocher faces aux réactions que chacune peut avoir face aux prochains événements !
J'essaie aussi de sortir un peu le lecteur de la trame dans laquelle il pense se lancer corps et âme : tout ne tournera pas seulement autour d'une quête pour détruire deux vilains, c'est plus profond que cela ! (écoutez moi un peu ce pauvre laïus ! XD)
Mais de toute manière, quand je reprendrai ce chapitre, je veillerai à ne pas être redondante ou lassante !
La première chose qui m’a sauté aux yeux, c’est l’abondance des participes présents. Je pense que tu pourrais facilement reformuler les phrases pour en exclure quelques-uns. Ils me semblent un peu trop nombreux :)
Je me suis demandée si une tasse peut se briser sur un parquet en bois massif ? Ouais, je suis le genre de fille qui se pose CE genres de questions... Je te laisse en parler avec toi-même XD
J’aime beaucoup le passage sur l’histoire de Flora, son histoire est touchante, elle semble encore très fragile. J'aime aussi la description de l'appartement et ce qu'il fait remonter en elle. «L’ancien disputait le monopole au présent», c’est joli ça parce que j'imagine que c'est aussi ce qu'il se passe dans sa tête !
«le fait d’avoir perdu sa mère dix ans plutôt aura finalement eu l’utilité de rendre le traumatisme moins douloureux qu’escompté.», je comprends bien ce que tu veux dire ! Mais le mot «utilité» m’embête un peu. Tu veux dire que comme elle a déjà traversé une telle épreuve, elle s’apprête juste à ré-emprunter le même chemin ? On est moins perdu quand on retourne une deuxième fois quelque-part ?
Tu parles d’une tasse en faïence puis d’un verre de capuccino (partout dans l’appartement).
«un véritable havre sur lequel elle pouvait compter» : je dirais que l’on prend refuge dans un havre ? Tu en penses quoi ?
Je suis curieuse de connaître la suite : je me demande si tout ne se passera que via des rêves ou si tu vas trouver un moyen d'embarquer ton héroïne dans le "passé" ?
A bientôt :)
J'ai pris note de toutes tes remarques, encore merci ! J'ai conscience de mon obnubilation des participes présents, c'est vraiment un sacré tic dont il faut me défaire... Je vais y arriver !
Concernant cette fameuse tasse. Pour la petite histoire, cette scène s'est en réalité déjà produite par le passé chez ma mère :) C'était un gros mug de faïence turquoise, j'étais très triste de l'avoir cassé. Irrécupérable le machin ! Brisé en mille morceaux dans un boucan du diable. Donc oui rassure toi, j'avais expérimenté le sujet haha ! et je suis comme toi, je me pose des questions sur absolument tout dans les bouquins, séries, films... Une vraie casse-pied.
Les verres de capuccino, je vais me relire, mais il me semblait avoir précisé qu'ils s'agissaient d'autres tasses qu'elle ne rangeait pas et laissait trainer après les avoir vidées..
Le mot utilité que tu cites m'embête aussi, il est en rouge dans mon doc word, à défaut d'en avoir trouvé un plus pertinent... JE voulais dire que comme elle avait connu la souffrance de perdre sa mère il y a longtemps, revivre la perte d'un être aussi cher que sa grand mère s'était avéré plus facile qu'escompté.
PAr la suite, tout ne se passera pas dans des rêves, non non ! C'était l'entrée en matière, la suite sera bien concrète, dans le présent mais .. dans un autre monde. ^^
Merci beaucoup !!
J'ai eu des doutes sur l'explosion retentissante. Tu pourrais peu être parler de fracas? A voir. Il y a moins de répétitions dans ce chapitre. Cependant, tu répètes beaucoup qu'elle habite chez sa grand mère. Je pense que c'est un détail important ou qui te tient à cœur, mais c'est répétitif. L'action vient tout doucement, c'est plaisant.
Je voulais insister sur le fait qu'elle vivait chez sa grand mère, morte depuis un petit moment, car ça aura son importance pour comprendre Flora. Mais si c'est vraiment trop, je ne m'en rend pas bien compte, je tacherai de modifier les paragraphes.
Merci again <3
Disons que tu le répète bcp. Tu pourrais insister dessus en racontant d'autres éléments sur sa vie avec sa grand mère qui nous font comprendre l'importance de ce détail. Après pour cela prend ton temps, continu a écrire et reprend dans quelques temps. Après c'est toujours toi qui doit avoir le dernier mot. Si cela te plaît ainsi.. laisse le
Par contre j'ai relevé plusieurs choses.
Tu dis que Flora se lève pour ouvrir les rideaux, puis elle se lève de nouveau pour contourner le bureau, alors que tu n'as pas précisé qu'elle s'était assise.
Ensuite les yeux de Flora sont vert ou amande ? Ta phrase n'est pas très clair.
Et il y a une dernière chose qui m'a gêné, le paragraphe qui dit que ça fait cinq mois qu'elle habite chez ça grand mère, est répétitif avec ce que tu relates plus haut dans le chapitre.
Voilà voilà.
À bientôt pour la suite.
Alisée
Le passage où je remets un peu de son histoire personnelle entrecoupée de scène de la vie quotidienne était volontaire, mais je vais voir comment l'agencer autrement s'il gêne la compréhension de la lecture !
Flora a les yeux en amande, de couleur vert. L'amande est la forme de l'oeil et de la paupière.
Merci encore ! J'espère que la suite te plaira !
(Bon à partir d'ici c'est soit que j'ai raison soit que j'ai moi aussi une mauvaise écriture xD )
J'ai pas grand choses à dire, juste un peu de chipotage, il y a une confusion dans le truc qui est tombé par terre, tu dis que c'est une tasse, puis un verre, puis de la faïence. Je trouve que le terme "explosion retentissante" est un peu fort pour le bruit de tasse qui se brise xD.
Voilà, y a pas grand chose d'autre qui me vient,tes descritions sont sympas, j'ai l'impression que Flora est quelqu'un de plutôt calme qui se laisse facilement emporter par ses souvenirs. Et j'aime bien, ton chapitre était assez court et comportait essentiellement du développement donc sur l'histoire j'ai pas grand chose à dire ^_^
J'ai bien envie de connaitre la suite, à plus tard !!
Cirano : out
Merci pour ton passage commenté et tes encouragements :D Comme je l'ai dit sur mon Jdb, le manque de confiance en moi et d'estime de tout ce que je fais est clairement maladif et je suis incapable de juger correctement ce que je fais. Au moins aujourd'hui j'en ai conscience, une partie du chemin est fait !
Alors pour cette fameuse tasse/mug/verre/faïence qui me tape sur les cacahuètes, je t'avoue que je ne sais pas comment entrer dans le chapitre en commençant par le fait qu'elle se brise. Car dans le chapitre précédent, il y a la prédiction que cette tasse se casserait et qu'elle réveillerait Flora. (" Quand tu te réveilleras dans ta chambre sur Terre parce que ton chat aura cassé un verre de faïence bleu, tu comprendras que quelque chose d'étrange s'est produit en toi durant la nuit.") Donc il fallait que je commence par là. En même temps, tu t'en doutes, un verre qui tombe sur un parquet brut, ça fait un sacré vacarme, sans pour autant le comparer à une explosion... Mais je me disais que quand tu dors bien tranquille peinard, et que tu entends soudainement un bruit retentissant, t'as tendance à exagérer la situation.
Mais je comprends très bien ce que tu dis, d'où ce que je t'expliquais sur le fait que la formulation, le début, me donne du fil à retordre !
Pour tous les synonymes, j'ai eu du mal à m'en extraire ^^' répéter "tasse" 5 fois est beaucoup trop, on est d'accord alors j'ai jonglé comme je pouvais en essayant de bien articuler le texte. J'ai repris volontaire "faïence" à la fin, pour rappeler les mots de Gaïa dans le chapitre précédent. C'était donc un choix réfléchit pour celui-ci .
Flora est en effet un personnage calme d'apparence mais qui aura beaucoup à dévoiler dans les chapitre à venir. Car sous ses airs calmes discrets se cache tout un monde !
Lucca : out