Partie I - Chapitre 7

Marthe la professeure de musique discutait à nouveau avec son amie Joséphine, qui officiait en tant que chapelière dans l’hyper-centre de la ville. Le matin était brumeux mais doux, et un concert de jazz moderne tout droit venu des Etats-Unis passait à la radio.

— Je suis allée chez le coiffeur hier, tu en penses quoi ? demanda Joséphine en secouant ses cheveux coiffés à la garçonne.

— Ca te va très bien, répondit l’intéressée. Je serais inconfortable de les porter aussi courts, mais sur toi ça rend très bien !

— Merci. Ca faisait un moment que j’en avais envie, et avec mon métier il vaut mieux que je suive les tendances. En parlant de ça, tu ne veux toujours pas de chapeau-cloche ? On en voit partout en ville maintenant ! Ca t’irait très bien.

— Je ne sais pas… Je n’aime pas trop porter de chapeau. Je préfère avoir une toilette simple.

— Tu es tellement sérieuse. Un peu de fantaisie te ferait du bien ! Et puis je ne veux pas dire, mais ta tenue est un peu démodée elle aussi… Allez je ne t’embête plus, ajouta Joséphine avec une moue. En parlant de démodé, tu ne devinera jamais qui j’ai eu en boutique au début de la semaine !

— Dis-moi donc ?

— Les époux Leroy, avec leur fils. Ils ne viennent pour ainsi dire jamais ! Là c’était exceptionnel. Le chapeau de monsieur, un vieux haut-de-forme d’un autre temps qu’il portait toujours, s’est fait mangé par un de leurs chiens. Il en voulait un autre pareil. Il y tenait ! Je lui disais que je n’en vendais plus, mais il ne voulait pas en démordre. J’ai fini par aller voir en réserve, il m’en restait un, pas tout à fait à la bonne taille mais il l’a pris quand même. Par contre, j’ai réussi à vendre une cloche à madame et une petite casquette pour le petit Emile. Ils ne sont pas durs en affaire eux ! s’exclama-t-elle en riant.

— Ils sont plutôt conciliants en effet, confirma Marthe en sirotant son thé.

— Par contre depuis il se passe une chose bizarre, j’ai l’impression de me faire des idées. Tu te souviens de ton histoire à dormir debout avec tes instruments de musique hantés ? J’ai mon phénomène étrange aussi.

— Vraiment ?

— Oui. Je me suis rendue compte que le grand miroir de pied de mon magasin ne tournait pas rond. Personne d’autre ne semble le remarquer, mais je suis sûre que… comment dire… l’image réfléchie est en retard par rapport à la réalité.

— Tu dois te faire des idées. Ce n’est pas possible.

— Je te jure ! Il faut que tu viennes le constater par toi-même.

— Si c’est pour que tu essaie de me vendre un chapeau, non merci.