— Il faut qu’on aille chercher la police, dit Robert au bout de quelques instants.
François était en train de sortir fébrilement son appareil photo de son sac voyageur lorsqu’ils entendirent de féroces aboiements se rapprocher.
— Oh non ils sont déjà de retour ! geignit André.
— Vite, à l’intérieur, ordonna Robert au groupe. Je ne les ai pas vu verrouiller la porte tout à l’heure.
Ils s’élancèrent vers la porte d’entrée, qu’ils franchirent sans difficulté. André ferma derrière lui, et remarqua confusément qu’il n’y avait aucun verrou à l’intérieur. Ils étaient tous quatre immobiles dans le hall d’entrée, leurs yeux s’habituant à la pénombre.
— Et maintenant on fait quoi ? souffla André en se triturant nerveusement les mains.
Tous se tournèrent vers Robert. Après tout, il en avait vu d’autres lui.
— Suivez-moi, dit-il en avançant dans la salle à manger. On ne peut pas partir sans être vu, on va les attendre ici. Ce sont peut-être des meurtriers, mais on est plus nombreux qu’eux. On va leur demander des comptes.
A présent, les chiens étaient dans le jardin, et aboyaient de plus belle. André regrettait amèrement la sécurité de son café. Il s’était mis en retrait, derrière Robert qui semblait avoir la situation bien en main. Marthe regardait autour d’elle, et remarqua qu’il y avait d’étranges inscriptions à chaque coin de la pièce. François, qui s’était approché de la fenêtre, vit la petite famille arriver dans le jardin. Les époux Leroy échangèrent un regard. Madame Leroy, qui tenait fermement Emile par la main, s’éloigna avec lui dans un coin du jardin, tandis que Monsieur Leroy s’avançait d’un pas décidé vers le moulin, vers eux.
— Il arrive ! chuchotta le photographe en jetant un regard inquiet à ses compagnons, qui se balançaient nerveusement d’un pied sur l’autre.
Ils entendirent des pas gravirent la volée de marche avant l’entrée, la porte grincer et les aboiements assourdissants, puis la porte claquer. Lorsque Monsieur Leroy apparu à la porte de la salle à manger, Robert avait la main sur la poche de sa veste, qui contenait son revolver.
— Vous n’avez rien à faire ici, dit Monsieur Leroy d’une voix forte.
— On sait tout, répondit Robert sans bouger. On a vu le corps dans le jardin.
— Il y a des corps partout. Vous n’avez rien à faire ici.
— Pourquoi l’avez-vous assassiné ? demanda Robert avec rage.
— Personne n’a été assassiné. Vous n’avez rien à faire ici.
— Vraiment ? Comment est-il mort alors ?
— Il est venu trop près. Vous n’avez rien à faire ici.
— Alors vous ne niez pas ? s’exclama Robert d’un air triomphant.
— Vous n’avez rien…
— Oui on a entendu ! le coupa Robert. Vous avez ordonné à vos chiens de le tuer, c’est ça ?
— Les protecteurs n’ont plus besoin d’ordre. Les protecteurs ont fait ce qui devait être fait. Vous n’avez rien à faire ici.
— Ce pauvre facteur n’avait rien fait de mal ! intervint Marthe. Vous vous rendez compte de la gravité de la situation ?
— L’homme avait été prévenu trois fois. Vous n’avez…
— Et les De Vermeil ? le coupa Robert. Vous y êtes pour quelque chose n’est-ce pas ? Avouez !
— L’être supérieur a voulu la justice. Vous…
— Répondez directement ! s’énerva Robert en attrapant Monsieur Leroy par les épaules, bien qu’il fasse presque une tête de plus que lui. Avouez !
Hors de lui, il commençait à secouer Monsieur Leroy brutalement en lui hurlant d’avouer. Lui était totalement inexpressif et allait leur répéter qu’ils devaient partir lorsque quelque chose d’étrange arriva à son visage. Marthe remarqua en premier que la peau autour de ses yeux s’était comme détachée de son visage, laissant apercevoir une plaie noire en-dessous. Une autre secousse et la peau de son visage se décolla totalement, comme un masque vénitien. Robert le lâcha prestement et recula d’un pas, sans pouvoir dire un mot. Devant leurs yeux horrifiés, la face de l’homme qu’ils étaient en train d’interroger était devenue un amas noir et mouvant indéfinissable. Ses yeux, comme deux puits de ténèbres, continuaient à fixer Robert.
— Vous n’avez rien à faire ici, répéta-t-il encore, d’une voix qui n’avait plus rien d’humain.
Je vais poster la suite