Partie une : Lettres - Quatrième lettre

Notes de l’auteur : Vous ne vous êtes pas trompés, l'organisation des lettres est voulue !
Et le drame commence lentement à se mettre en place : soyez indulgent avec Nicolas et moi-même, nous attendons vos retours avec intérêt.
Bonne lecture !

Nicolas,

 

Je sais ce que tu penses, je me doute que tu te demandes ce que je vais te raconter, mais j'aimerais que tu lises toute cette lettre. J'aimerais que tu y mettes du cœur pour essayer de comprendre ce qui anime mon geste. Alors ne ferme pas tout de suite cette enveloppe et ne brûle pas les papiers.

Je sais que tu n'attendais plus de mes nouvelles et je suis désolée d'être partie. Mais je le devais. Il ne semblait plus rien rester quand je suis partie... Si je ne l'avais pas fait, je crois que je serais morte aussi, avec le temps, terrassée par toutes les étapes de la vie, par tes regards et ta conscience, par ta capacité à montrer ce qu'il y a de mauvais. Je me le devais.

C'est pareil que lorsque j'étais petite : t'écrire m'inquiète. Tu veux toujours tout savoir et tu analyses chaque chose, alors j'ai peur de ne pas utiliser les bons mots, ceux qui te feraient accepter face à ceux qui t'encourageraient à me haïr. Quand j'étais toute gamine, déjà, tu avais ce regard si inquiétant. Tu ne sais pas ce que c'est, toi.

Nico, s'il te plaît, lis et vois ce que tu fais ensuite.

 

Après la mort d'Emily, j'ai cru qu'on se rapprocherait tous mais ce que je savais, ce que j'avais lu, ne me permettait pas de te pardonner. Et même maman ne voulait plus te voir. Cette explosion de la famille est trop triste et je veux simplement que les choses s'arrangent.

C'est dur de vivre loin de vous tous, parce que ça crée un vide et que je ne le supporte plus.

Je n'ai pas pu te pardonner. Emily avait fini par te haïr et il était plus simple pour moi de le faire. Tu sais… comprendre c'est plus difficile.

J'ai fini par rencontrer Fabien, un homme formidable qui a su me redonner la foi, et m'a permis de croire en toi et de te pardonner. Fabien est un an plus âgé que moi et c'est un chrétien qui a le sens des valeurs. Nous avons eu deux enfants : la deuxième est très petite, elle s'appelle Valentine. Samuel a déjà un an et demi, et c'est un beau garçon. Je crois qu'ils voudraient te connaître, parce que je parle de toi et qu'il dit toujours « tonton, tonton ». Et Fabien, lui, voudrait te parler pour comprendre tes maux et réussir à t'aider à son tour.

Il ne le comprend pas, mais je t'ai toujours admiré. Quand tu as commencé le lycée, tu étais si jeune : treize ans ! Et tu finissais tes études quand je suis partie. Je pense même qu'aujourd'hui, tu donnes des cours à des élèves, ce qui me rend heureuse pour toi ; c'est ce que tu as toujours voulu. Je t'ai admiré et j'ai voulu faire beaucoup de choses comme toi. Seulement, à quinze ans, je n'étais pas encore au lycée, contrairement... treize et en seconde... Je prenais conscience que mon avenir n'était pas aussi grandiose.

Je veux toujours te ressembler et comme nous avons des enfants, avec Fabien nous avons décidé de nous marier dans quelques mois, comme tu l'as fait avec Mélanie quand elle était enceinte. J'ai toujours une grande estime pour votre amour.

 

Je nous vois tous comme si c'était hier… nous étions en train de pleurer, toi plus que tout autre. Ta connaissance de l'âme des hommes, peut-être ? Peut-être que tu savais que ça, c'était en réalité plus une injustice que ta faute, comme nous préférions le penser. Tu ne pouvais pas expliquer. Quand je t'ai vu, ainsi, j'ai compris que je ne pourrais pas faire grand-chose et que cette horreur, que je ne comprenais pas, ne prendrait jamais réellement de sens. C'était impossible.

 

J'étais comme un bébé : je ne voyais en toi que la Vérité, je pensais : « écoute-le, car ce qu'il dit est juste, écoute-le, c'est lui le raisonnable. ». Fabien m'a fait comprendre que je ne devais pas réagir comme ça, que ce n'était pas bien. Il m'a dit que nous devions pardonner aux autres, que c'était notre devoir de le faire, parce que si l'homme fait une erreur, ce n'est pas parce qu'il le veut, mais parce que le sacrifice du Christ ne pouvait totalement laver la faute d'Adam.

Alors je t'écris. Je le dois.

 

En janvier, le dix-huit, nous organisons une réunion de famille. Seulement la nôtre. C'est pour que nous puissions nous parler, nous comprendre. Je ne veux pas que nous restions sur cet échec. D'un autre côté, je voudrais que les enfants te connaissent, qu'ils puissent voir leur tonton.

Tu as déjà pu voir mon adresse, elle est sur l'enveloppe. Viens avec Mélanie et Loïc, nous vous attendrons.

 

Pardonne-toi, c'est important.

 

Ta petite sœur.

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