Ethan était assis par terre, un moule à gâteau posé devant lui. Quand son prof avait demandé l’exécution d’une recette aussi simple le jeune homme s’était demandé si les cours de cette école serait à la hauteur de ses espérances. Mais au moment de mettre son gâteau au four il avait compris que la difficulté n’était pas là où il l’attendait.
En effet, M. Laurent leur avait alors annoncé qu’ils devaient cuire leur gâteau sans four ou autre source de chaleur. Ils devaient bien sûr utiliser la magie pour ça, mais interdiction également de lancer un sort de feu ou de chaleur. À cette annonce la distinction entre les étudiants qui avaient déjà utilisé la magie en cuisine et les autres avaient été plus claire que jamais.
Imitant les étudiants qui avaient l’air de savoir ce qu’ils faisaient, Ethan s’était mis en position de méditation, son gâteau devant lui. Il regarda son moule rempli de cette délicieuse pâte au chocolat, pas bien sûr de ce qu’il allait devoir en faire. Il observa ses camarades et remarqua que certains avaient fermés les yeux, et d’autres fixaient intensément leur gâteau. Le point commun était la bonne odeur de chocolat qui s’élevait dans l’air tandis que la pâtisserie se mettait bel et bien à cuire devant eux.
Après un certain temps à observer les autres, le jeune homme se lança enfin dans quelque chose, pas bien sûr de sa démarche. Il ferma les yeux et entreprit d’entrer en communication avec son gâteau, aussi bizarre que cela puisse lui paraître. Il fit le vide dans son esprit et se déconnecta lentement des sensations de son corps. Sa conscience se glissa le long des dalles de pierre qui composait le sol pour arriver au moule à gâteau. Contemplant un instant le liquide visqueux source de ses angoisses, il finit par s’insinuer entre les grains de farine, de sucre, de chocolat et beurre fondu.
Tandis qu’il explorait la composition de sa pâte à gâteau il comprit que s’il voulait la cuire il devait chercher à réagencer ses composants. Mais à quoi pouvait bien ressembler une pâte à gâteau cuite ? Se rappelant les gâteaux déjà cuits de ses camarades, Ethan sortit de sa transe afin de demander à ses camarades s’il pouvait s’en servir comme exemple. Ceux-ci acceptèrent sans soucis, étant probablement passé par là eux aussi à leurs débuts.
L’adolescent retourna dans son état de transe. Il contempla le gâteau parfaitement cuit qu’il avait emprunté, et examina les changements qui avaient eu lieu. Il observa les bulles d’air, l’œuf cuit, le sucre fondu, et encore des dizaines de petits changements. Après un certain temps passé à observer le résultat qu’il souhaitait obtenir, il se retira du gâteau et retourna dans sa pâte qui décidément n’aller pas se mettre à cuire toute seule.
Ethan envoya une fois de plus son esprit sonder sa pâte à gâteau. Il commença à faire bouger ses ingrédients de façon à les aménager tel qu’il les avait vu dans le gâteau de son voisin. Il s’aperçut rapidement que la tâche était bien plus ardu qu’espéré. Certaines étapes devaient être effectuées dans l’ordre, d’autres en même temps, et le tout sur l’intégralité du gâteau à la fois. À trop se concentrer sur certains éléments il les sépara du reste de la pâte, résultant en de minuscules grumeaux de farine ou de caramel brûlé. Il avait laissé l’eau s’évaporer trop vite, et quand la pâte se figea enfin, les bulles normalement créées par la vapeur qui reste piégée ne purent pas se créer.
Lors-qu’enfin il sortit de sa transe pour contempler le résultat, il se retrouva face à un gâteau dense, grumeleux, avec des petites flaques de beurre qui s’échappaient, et une légère odeur de brûlé qui s’en dégageait. Il n’avait jamais vu un gâteau aussi raté, et avait du mal à croire que c’était lui qui en était à l’origine. Un peu honteux d’avoir aussi lamentablement échoué, il essaya de cacher son gâteau, regardant autour de lui si les autres avaient eu le temps de le voir. En balayant la salle du regard il s’aperçut qu’un milieu des gâteaux bien gonflé des quelques élèves déjà expérimentés, la plupart des moules laissaient s’échapper la même odeur de chocolat brûlé que le sien, et que ses camarades avaient tous la même tête dépitée que lui.
Lorsque le dernier élève sortit de sa transe pour contempler son résultat déplorable, M. Laurent prit la parole :
« - Bien, bravo à tous d’avoir compris comment faire ! Ne vous en faites pas si vos gâteaux n’ont pas une très bonne tête, personne n’a jamais réussi à en cuire un parfaitement du premier coup. Si vous demandez à vos camarades qui ont un magnifique gâteau devant eux je suis sûr qu’il vous parlerons des nombreuses tentatives infructueuses par lesquels ils ont dû passer. La pâtisserie magique demande un apprentissage long et difficile, mais le résultat en vaut largement la peine. Ce premier cours est surtout destiné à vous faire prendre conscience de l’importance de bien connaître ses ingrédients afin de savoir les manier correctement. Vous aurez des cours théoriques sur la cuisson magique afin de vous aider, et en attendant que vous maîtrisiez le sujet nous utiliserons des méthodes de cuisson classique pour les cours pratiques à venir. »
« Mais si vous avez envie d’expérimenter par vous-même avant, je vous rappelle que les cuisines communes vous sont ouvertes en continu. Il y a des placards communs dans lesquels vous pouvez vous servir sans restriction, et bien sûr vous pouvez aussi utiliser vos propres ingrédients. Je vous demande quand même de réfléchir avant à ce que vous allez faire afin de limiter le gaspillage. L’école est toujours heureuse de voir que les étudiants s’amusent à expérimenter des choses, mais dans la mesure du raisonnable. Enfin de toute façon vous vous apercevrez vite que les cuisines ne sont jamais vides, vous y trouverez toujours d’autres élèves, ou des résidents, aussi n’hésitez pas à demander de l’aide si besoin. »
Le prof continua son monologue sur les bonnes pratiques en cuisine, mais Ethan n’écoutait plus grand-chose. Lui qui pensait bien se débrouiller en pâtisserie, il s’apercevait qu’il avait énormément de choses à apprendre, et il tardait de les découvrir. L’idée de se retrouver à cuisiner dans les cuisines d’un château avec un elfe ou un gnome comme assistant l’intimidait un peu, mais il attendait impatiemment d’avoir l’occasion de tester ses premières recettes, et de remplir à son tour la salle de bonnes odeurs de gâteaux.
Un plaisir